Intervention de Gérard Roche

Commission des affaires sociales — Réunion du 20 juillet 2017 à 9h00
Projet de loi d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social — Suite de l'examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Gérard RocheGérard Roche, rapporteur :

Le Général de Gaulle considérait « [qu']une Constitution, c'est un esprit, des institutions, une pratique ». Ce triptyque pourrait très utilement être repris pour analyser le bilan de l'interrégimes en matière de retraite.

L'interrégimes c'est, en effet, tout d'abord des institutions. Le GIP Union retraite a mis en place un système sophistiqué de conseils et de comités permettant une large représentation de l'ensemble des régimes mais très hautement consommateur de ressources. L'Assemblée générale du GIP rassemble 36 organismes couvrant presque l'intégralité des régimes de retraite légalement obligatoires, de base et complémentaire. Il nous semblerait logique que les derniers régimes de retraite à ne pas avoir intégré le GIP Union retraite, en particulier ceux des assemblées parlementaires ou le régime temporaire des enseignants du privé, puissent le faire prochainement. Le conseil d'administration à la composition plus resserrée est l'instance délibérative ordinaire. Les projets informatiques sont discutés au sein de groupes de travail composant une « comitologie » assez complexe et qui s'avère chronophage de l'aveu même des services du GIP et des régimes. Les plus petits régimes spéciaux n'ont d'ailleurs pas les moyens de faire face à toutes les sollicitations. Ils sont représentés au sein du conseil d'administration par le collège des régimes spéciaux qu'anime la caisse centrale de retraite de la SNCF. La démocratie sociale n'est pas en reste puisqu'un comité des usagers, réunissant des représentants des partenaires sociaux, joue un rôle de veille sur les projets développés dans l'intérêt des usagers.

L'ensemble des personnes auditionnées juge que les rapports entre les régimes au sein du GIP, fondés sur le consensus, le respect de l'identité de chaque régime et la transparence, sont de bonne qualité et se développent au sein d'une atmosphère courtoise et constructive. Il semblerait toutefois utile que l'assemblée générale, seule instance à associer directement chacun des régimes et qui se réunit une fois tous les trois ans, puisse le faire chaque année. Les plus petits régimes ont en effet indiqué qu'une instance plus régulière d'information directe sur l'état d'avancement des projets manquait réellement. Nous formulerons une proposition en ce sens qui est partagée par le président du GIP, également président du conseil d'administration de la Cnav et bien connu de notre commission, M. Gérard Rivière.

L'interrégimes c'est aussi une pratique, celle du droit à l'information retraite, qui constitue aujourd'hui encore le coeur de métier du GIP.

Le DAI s'est tout d'abord développé au cours des campagnes d'information annuelles lancées depuis 2007. À partir de 35 ans et jusqu'à ses 50 ans, chaque assuré reçoit tous les cinq ans un courrier, son « relevé individuel de situation » (Ris), commun à tous ses régimes de retraite récapitulant l'ensemble de ses droits acquis. À partir de ses 55 ans et jusqu'à 65 ans, l'assuré reçoit tous les cinq ans également une « estimation indicative globale » (EIG) de sa future retraite. Depuis la loi de 2010, une information aux nouveaux assurés est également transmise à toute personne qui valide pour la première fois une durée d'assurance d'au moins deux trimestres afin de lui présenter le système de retraite par répartition et l'impact potentiel d'une activité à temps partiel. Le coût annuel des campagnes d'information « papier », à la charge des régimes, s'élève à environ 7 millions d'euros.

La loi de 2010 a également institué la possibilité, pour chaque personne à partir de 45 ans, de demander un « entretien d'information retraite » auprès de sa caisse de retraite de base ou complémentaire pour faire le point sur sa situation et réaliser des simulations sur les montants futurs de pension.

En parallèle, le GIP a développé de nouveaux outils numériques d'information des assurés, leur permettant à tout moment de disposer de ces mêmes informations sans attendre l'envoi du courrier quinquennal. Après avoir créé le portail commun d'information interrégimes, le GIP a lancé en octobre 2016 le compte personnel retraite afin de rendre disponible en ligne les outils de simulation et d'évaluation des droits retraite, appelés EVA et M@rel. Ces deux programmes interrogent en temps réel les bases de données de chacun des régimes pour un assuré et lui fournit en quelques secondes le récapitulatif de ses droits acquis et, en fonction de son âge et de l'avancée de sa carrière, une évaluation ou une estimation indicative du montant de sa future retraite. Depuis février dernier, les assurés de plus de 55 ans peuvent également demander en ligne des rectifications de carrière. Ce compte, qui a déjà été ouvert par 1,3 million de personnes, va continuer à s'enrichir dans les prochains mois.

Vos deux rapporteurs ont été véritablement séduits par la facilité d'utilisation de ce compte et par son ergonomie. L'assuré peut désormais estimer le montant de sa future retraite en fonction de différents scenarii de carrières et évaluer, par exemple, assez précisément la conséquence financière du recul d'un an de son départ à la retraite. Le compte personnel retraite est donc un véritable outil d'aide à la décision qui devrait à terme modifier les comportements des assurés en leur faisant mieux appréhender les mécanismes de surcote et de décote qui sont encore, d'après les dernières enquêtes disponibles, mal connus.

Du droit à l'information retraite « version papier » au DAI « 2.0 », il faut vraiment saluer le succès de ce projet de l'interrégimes qui, sans simplifier en soi le système des retraites, en offre une vision simplifiée pour chaque assuré. Les enquêtes de satisfaction menées auprès des assurés sont d'ailleurs très encourageantes puisque 9 assurés sur 10 considèrent que la qualité et la complétude des documents transmis est satisfaisante.

L'interrégimes c'est enfin un esprit, inscrit dans la loi depuis 2014, de mutualisation et de simplification de l'assurance vieillesse. Cet esprit sous-tend l'ensemble des projets contenus dans le contrat d'objectif pluriannuel 2015-2018 (COP) du GIP. Au-delà de l'approfondissement du DAI, deux projets concrétisent ce nouvel enjeu : la demande unique de retraite en ligne, qui est une avancée formidable pour l'assuré, et le répertoire de gestion des carrières unique (RGCU). Il aurait d'ailleurs été plus clair de l'appeler répertoire unique de gestion des carrières - RUGC, sa fonction aurait été plus compréhensible à l'oreille.

La demande unique de retraite en ligne devrait être effective à partir du 1er janvier 2019. C'est une étape très importante dans la simplification des démarches de l'assuré qui s'inscrit dans le mouvement « Dites-le nous une fois ». Notre rapport reprendra la demande formulée par le Comité des usagers d'engager sans tarder la mise au point de la demande unique de pension de réversion en ligne, notamment lorsque l'assuré décédé était déjà pensionné.

Le RGCU est actuellement le principal chantier de l'interrégimes de retraite et est considéré comme la future colonne vertébrale de son système d'information. Il constituera à terme, soit 2022, le référentiel unique et commun des carrières des assurés de l'ensemble des régimes de retraite obligatoire. Cet outil contiendra les informations relatives aux droits mais ne calculera pas les montants de retraite. Contrairement aux craintes exprimées par les régimes de retraite lors de nos auditions, ces derniers ne seront pas dépossédés de leurs données car ils demeureront responsables de l'alimentation du répertoire et continueront de valider la partie de carrière qui leur est associée.

Décidé dans le cadre de la réforme des retraites de 2010, ce projet a pris un retard considérable qui a nécessité, à la suite d'un audit de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas), la mise en place d'une nouvelle gouvernance à la fin de l'année 2016 afin de stabiliser son périmètre fonctionnel. La trajectoire financière du RGCU, dont le coût final s'élèverait à ce stade à 188 millions d'euros, soulève des inquiétudes de la part des régimes de retraite qui se sentent tenus à l'écart du processus de décision. Ils ont, par exemple, regretté de ne pas avoir été destinataires du rapport d'audit de l'Igas. Or, comme le prévoit la loi de 2014, le GIP est censé jouer le rôle de pilote du projet. Il semble toutefois que les décisions se prennent directement entre l'État et la Cnav qui est l'opérateur du RGCU sous l'égide de la personne désignée « sponsor » du projet, M. Jean-Jacques Marette, ancien directeur général de l'Agirc-Arrco. Un effort de transparence apparaît donc nécessaire pour mieux associer l'ensemble des régimes et doit avoir pour cadre le GIP Union retraite.

A l'image du RGCU, l'esprit de mutualisation et de simplification, activement porté par les services du GIP, suscite donc une certaine réticence de la part des régimes. Au cours de nos travaux, les régimes auditionnés ont exprimé leurs inquiétudes face à la progression exponentielle du budget du GIP passé de 7,7 millions d'euros en 2016 à 13,1 millions d'euros en 2017. Cette progression s'explique par l'intégration dans le compte personnel retraite du nouveau simulateur ainsi que d'une offre de service étoffée comme par exemple la consultation d'un bulletin de paiement des pensions unique. Mais cette évolution pèse sur les comptes des régimes. Ces derniers ont de plus pointé l'absence d'articulation entre les projets portés par le GIP et leurs impératifs de service et de gestion expliquant leur difficulté à s'approprier les nouveaux projets alors même que leur coût est élevé.

Vos rapporteurs considèrent que cette différence de vue est davantage due à une absence de vision stratégique de l'État quant à l'organisation du système de retraite qu'à une volonté des régimes de freiner l'activité interrégimes.

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