Intervention de Gérard Collomb

Réunion du 18 juillet 2017 à 14h20
Sécurité intérieure et lutte contre le terrorisme — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, j’étais vendredi dernier à Nice pour assister à la cérémonie de commémoration de l’attentat du 14 juillet 2016. Toutes celles et ceux qui étaient présents avaient le cœur serré, car c’est toute une ville qui a été touchée, chacun comptant parmi ses proches, ses amis, dans l’école de ses enfants ou sur son lieu de travail une personne tuée ou gravement blessée lors de l’attentat.

Il y a un peu plus d’un an, ils étaient des dizaines de milliers de personnes à regarder le feu d’artifice depuis la promenade des Anglais. Il faut imaginer le sourire des enfants et la joie des parents ou des grands-parents, qui pensaient leur apporter un moment de bonheur en les y amenant. Puis, soudain, l’horreur absolue. Des centaines de blessés. Quatre-vingt-six personnes arrachées à la vie, simplement parce qu’un individu fanatisé par la propagande terroriste avait décidé de passer à l’acte.

Le bilan aurait pu être beaucoup plus lourd si des civils et des policiers n’avaient, au péril de leur vie, intercepté le camion alors qu’il allait entrer dans la zone où la foule était la plus dense.

Dans les rues de Nice aujourd'hui, on ne croise pas une personne qui n’ait été profondément touchée par ce drame. On ne croise pas une personne qui ne se souvienne de ce qu’elle faisait et de l’endroit où elle se trouvait en cet instant tragique. Non, plus jamais les 14 juillet niçois n’auront la même saveur.

C’est avec ce souvenir-là gravé dans l’esprit que je viens vous présenter le projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, pour sortir de l’état d’urgence, mais aussi afin que tout soit mis en œuvre pour que de tels drames abominables ne se reproduisent pas. C’est là ma responsabilité de ministre de l’intérieur, et jamais je n’oublierai ce que nous avons vécu tous ensemble au cours de ces années.

Oui, nous voulons sortir de l’état d’urgence, mais nous ne pouvons le faire sans adapter notre dispositif de lutte contre le terrorisme. Celui-ci a certes déjà été grandement renforcé ces dernières années, sous l’impulsion du Sénat – vous l’avez largement indiqué en commission et dans votre rapport –, par l’adoption de huit textes qui sont venus renforcer les moyens de l’État pour lutter contre ce fléau.

Il nous reste encore à prendre des mesures que nous jugeons essentielles. Ces mesures font l’objet du projet de loi dont nous allons débattre cet après-midi.

En effet, nous le savons, la menace terroriste est toujours là, prégnante. Ceux qui peuvent croire que, depuis la prise de Mossoul et la progression des forces anti-djihadistes à Raqqa, le risque d’attentat serait moins fort se trompent, car Daech demeure présent partout où les États faillissent. Les attentats de Manchester ou de Londres ont montré que ceux qui commettent des attentats terroristes en son nom sont capables de frapper partout et à tout moment.

Par ailleurs, des organisations comme Al-Qaïda ressurgissent, se développent de nouveau au Yémen, au Sahel, sans que l’on puisse exclure qu’elles frappent demain en France.

Nous devons faire face à cette menace, télécommandée, et à celle, plus diffuse, donc plus difficile à prévenir, de ceux que la propagande a fait basculer ou peut faire basculer. Ceux-là peuvent passer à l’action en des temps de plus en plus courts, avec des instruments de plus en plus rudimentaires. La menace est donc plus complexe à détecter. Il faut pouvoir agir plus rapidement, protéger davantage. C’est ce que vise à faire ce projet de loi.

Il ne s’agit donc pas, vous l’aurez compris, d’un texte comme les autres, de ceux que l’on peut décaler au gré d’un calendrier parlementaire. Il s’agit d’une loi urgente, cruciale, d’une loi essentielle, parce qu’elle touche à la sécurité immédiate de nos compatriotes.

Mesdames, messieurs les sénateurs, avant d’en venir au détail des mesures présentes dans ce projet de loi, permettez-moi de souligner que, malgré le danger que je viens de décrire, nous avons eu la volonté constante de concilier dans ce texte efficacité de la lutte antiterroriste et préservation des libertés individuelles, et que c’est à l’aune de cet équilibre qu’il convient d’analyser les mesures que nous vous proposons.

L’article 1er traite des périmètres de protection qui pourront être instaurés par les préfets pour sécuriser les grands événements culturels et sportifs.

Depuis le 14 novembre 2015, cette disposition a été utilisée soixante et onze fois. Sans elle, l’Euro 2016 et des événements comme le tour de France n’auraient sans doute pas pu se tenir.

Si l’on s’en tient à la seule période correspondant à la cinquième prorogation de l’état d’urgence, c’est-à-dire depuis décembre 2016, dix-neuf zones de protection ont été établies par les préfets. Les fouilles et les mesures de sécurité qu’elles autorisent ont rendu possible récemment la sécurisation du festival de Cannes, des Francofolies de La Rochelle et, bien sûr, du défilé des Champs-Élysées le 14 juillet dernier.

Cette mesure ne restreint pas les libertés, non ! Elle les garantit, elle les rend possibles, parce que ce sont ces zones de protection qui permettront aux Français de continuer à se divertir, à se cultiver partout où les terroristes voudraient nous voir renoncer à notre mode de vie.

Elle protège nos libertés collectives, mais dans la rédaction que nous proposons, elle est aussi respectueuse des libertés individuelles, parce que tout individu pourra, s’il le souhaite, se soustraire aux fouilles et sera alors accompagné hors du périmètre par des policiers ou des gendarmes ; parce que, sous le contrôle du juge, la définition du périmètre sera adaptée et proportionnée aux nécessités qu’imposent les circonstances ; enfin, parce que nous avons prévu que les règles d’accès au périmètre devront être adaptées aux impératifs de la vie privée, familiale et professionnelle.

La commission des lois a souhaité que l’établissement de telles zones soit conditionné à l’existence d’un risque actuel et sérieux. Je le dis d’emblée, nous ne partageons pas cette option, parce que nous pensons que, en ce moment, le risque est toujours sérieux.

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