Intervention de Marie-Noëlle Lienemann

Réunion du 18 juillet 2017 à 21h45
Sécurité intérieure et lutte contre le terrorisme — Article 4

Photo de Marie-Noëlle LienemannMarie-Noëlle Lienemann :

Je reste convaincue qu’on prévoit une artillerie d’apparence lourde – puisqu’il faut remonter jusqu’au procureur de Paris – et qui bouge les principes de notre droit pour des cas minimes qui pourraient être traités différemment.

Des cas minimes, dis-je. En effet, j’ose espérer que ce n’est pas un simple signalement par note blanche ou une dénonciation de tel ou tel qui déclenchera une telle procédure !

Le seul cas qui peut à mon avis se produire est celui d’informations venant de l’étranger, dont on sait qu’elles sont aujourd’hui difficiles à convertir en preuves dans notre droit. Il faut, en pareil cas, poursuivre les investigations, et la perquisition n’est pas le seul moyen de le faire : si l’on a des suspicions à l’égard de certains individus, on peut chercher comment ils se procurent des armes, procéder à des filatures ou à d’autres formes de suivi, afin de vérifier si la dangerosité signalée par l’étranger est réelle sur le territoire national.

La procédure proposée sera, nous dit-on, plus efficace. Je ne le crois pas.

De surcroît, comme toujours dans ce genre de situations, on fait subir, pour des cas minimes, un glissement aux principes de notre droit ; et c’est ainsi que, de fil en aiguille, les principes glissent les uns après les autres…

À mon tour je me référerai à Mme Delmas-Marty, dont chacun connaît l’autorité en matière juridique au niveau européen – ayant été députée européenne, je peux l’attester – : elle explique très bien le glissement des principes de responsabilité et de culpabilité vers celui de dangerosité. Si l’on commence à considérer que des personnes présentent une dangerosité potentielle justifiant des procédures spécifiques, on ouvre la voie à une transformation des principes de notre droit, à commencer par la présomption d’innocence. En effet, considérer une personne comme potentiellement dangereuse, sur un plan qui n’est pas celui de la culpabilité ni de la responsabilité, c’est mettre en cause le principe selon lequel on refuse de la tenir a priori pour coupable, et donc le principe de la présomption d’innocence.

Ce glissement est grave, pour des cas qui, je le répète, peuvent être traités différemment, si le danger est avéré.

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