La séance, s uspendue à vingt heures quinze, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Claude Bérit-Débat.
La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme.
Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus aux amendements portant article additionnel après l’article 3.
L'amendement n° 21 rectifié, présenté par MM. Grand et Cambon, Mme Garriaud-Maylam, MM. Calvet, Huré et Vasselle, Mme Imbert, MM. Chasseing, P. Leroy, G. Bailly, B. Fournier et J.P. Fournier, Mmes Duchêne et de Rose, MM. Laménie et Dassault, Mme Micouleau, MM. Joyandet, Lefèvre, Cuypers et Bonhomme, Mme Giudicelli et MM. Revet, Charon et Chaize, est ainsi libellé :
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article 371–6 du code civil est complété par les mots : « et, pour les sorties individuelles, validée par la mairie de la commune de résidence ».
La parole est à M. Jean-Pierre Grand.
Si la problématique actuelle est plus à la gestion des retours de jeunes partis faire le djihad, il convient de modifier les conditions de l’autorisation de sortie du territoire des mineurs, que nous avons rétablie dans la loi de 2016.
Ce rétablissement avait pour objet de lutter contre le départ de nombreux mineurs français dans les zones de combat en Syrie et en Irak, aux côtés des forces de l’organisation dite de « l’État islamique ».
En effet, selon le rapport de la commission d’enquête du Sénat sur l’organisation et les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes en France et en Europe, au 9 mars 2015, 1 432 ressortissants étaient recensés comme partis combattre dans les rangs djihadistes. Parmi ces Français, essentiellement des jeunes, la proportion de mineurs est estimée à 25 %, soit plus de 350.
Ce même rapport note d’ailleurs que « les départs de jeunes Français vers la Syrie n’ayant pas été anticipés fin 2012, le nouveau dispositif s’est finalement retourné contre les pouvoirs publics en facilitant les conditions dans lesquelles les personnes mineures peuvent rejoindre les théâtres d’opérations via la Turquie, sans que les services de police chargés des contrôles puissent s’y opposer ».
La volonté du législateur – c’est le fond du sujet – était donc bien de contrôler plus efficacement les circulations de mineurs en rétablissant l’autorisation de sortie du territoire.
L’AST est également justifiée dans la circulaire du 29 décembre 2016 par « un contexte international marqué par le départ de Français – dont certains mineurs – sur des théâtres d’opérations de groupements terroristes ».
Or l’application de ce nouveau dispositif prévoit que l’AST soit matérialisée par la présentation d’un formulaire CERFA, renseigné et signé par un titulaire de l’autorité parentale. Ce formulaire doit être présenté à chaque sortie du territoire national, accompagné de la copie de la pièce d’identité du titulaire de l’autorité parentale. Autant dire qu’il est facile de le contrefaire.
Un jeune mineur déterminé à quitter le territoire national n’aura aucune difficulté à remplir lui-même le CERFA et à subtiliser la pièce d’identité de l’un de ses parents afin de remplir l’ensemble des conditions fixées par le pouvoir réglementaire. Ce ne sont pas les peines d’emprisonnement et des amendes pour fausse déclaration qui le dissuaderont. Il n’y a donc aucun contrôle dans les mairies, comme cela se faisait jusqu’en 2013.
Dans cette affaire, il convient de protéger l’enfant mineur en encadrant mieux ces autorisations.
Aussi, afin de rendre réellement efficace l’AST, il est proposé de la soumettre à la validation par la mairie de la commune de résidence pour les sorties individuelles, selon des modalités à préciser par voie réglementaire. Je demande simplement au Gouvernement que l’on respecte la loi qui a été adoptée par le Parlement.
La loi de 2017 a effectivement rétabli l’autorisation de sortie du territoire pour les mineurs.
Un dispositif a été mis en place pour permettre à la famille du mineur d’obtenir directement le formulaire CERFA sur internet, que celui-ci devra présenter lors de la sortie du territoire accompagné de la copie de la pièce d’identité du titulaire de l’autorité parentale.
L’amendement n° 21 rectifié vise à faire certifier le CERFA par les mairies. Ce serait une charge nouvelle forte pour les communes, qui vont devoir acheter des tampons, divers papiers, alors que le système fonctionne aujourd'hui.
Je comprends bien qu’il s’agit là d’associer les maires à la police des mineurs qui souhaitent sortir du territoire. C’est une précaution supplémentaire. De ce point de vue, cet amendement présente un intérêt, mais il sort, je le crains, du dispositif mis en place par la loi de 2017.
C'est la raison pour laquelle je souhaiterais connaître l’avis du Gouvernement avant de donner un avis définitif.
Je constate que M. Grand a un certain nombre d’idées à soumettre, mais j’attendrai d’en avoir pris plus amplement connaissance, afin de considérer l’ensemble des points, avant de me prononcer.
Dans l’attente de cette discussion, j’émettrai pour l’instant un avis défavorable.
Monsieur le ministre d’État, il faut tout de même reconnaître que la question posée par notre collègue Jean-Pierre Grand n’est pas dépourvue de fondement.
Nous avons voté ici – l’Assemblée nationale en a fait de même – une disposition inspirée par des préoccupations de sécurité, forts de l’observation du départ de nombreux mineurs vers les théâtres d’opérations en Syrie et en Irak.
Par conséquent, nous avons jugé indispensable, malgré les souplesses que le régime antérieur présentait pour la libre circulation en Europe, de rétablir l’autorisation de sortie du territoire des mineurs par les parents.
Notre collègue relève – il n’invente rien, car nous l’avons observé nous aussi – que les conditions d’application de cette mesure législative, qui répondait à une volonté politique très forte du Parlement, n’ont pas apporté toutes les garanties d’une surveillance réelle des sorties du territoire par ces mineurs. Il faut donc prendre en considération ses observations.
Peut-être, monsieur le ministre d’État, la question posée relevant du pouvoir réglementaire du Gouvernement, pourriez-vous accepter de vous engager à réexaminer ces dispositions réglementaires et à en rendre compte devant la représentation nationale pour éviter que la disposition législative ne soit privée de son effet utile par des dispositions réglementaires insuffisantes.
Je remercie notre collègue Jean-Pierre Grand d’avoir soulevé, au travers de cet amendement, ce problème qui n’est pas artificiel : c’est une véritable question de sécurité publique.
Si M. le ministre d’État prend ces engagements, je suppose que notre collègue acceptera de retirer son amendement. Telle est la conclusion que je souhaitais apporter à mon intervention.
Le président de la commission des lois vient exactement d’exprimer ce que je voulais dire.
À mon sens, cet amendement est essentiel. Je ne vois pas pourquoi on s’y opposerait. J’ai bien compris que M. le ministre d’État souhaitait attendre, mais, pour ma part, j’accorde vraiment beaucoup d’importance à la mise en œuvre d’un véritable contrôle par les mairies des autorisations de sortie du territoire, lesquelles, comme cela a été souligné, sont actuellement laissées à la libre appréciation des uns et des autres, selon les modalités que tout le monde connaît.
Je voterai cet amendement sauf si Jean-Pierre Grand succombe à la sollicitation de M. le président de la commission des lois et le retire.
De toute façon, pour obtenir un passeport, un mineur doit avoir l’autorisation de ses parents.
Dès lors que les parents prennent la responsabilité de lui faire faire un passeport, ne les déresponsabilisons pas en inventant une démarche bureaucratique de plus !
Au sein de l’espace Schengen, et alors qu’une commission d’enquête sur les conditions de fonctionnement de cet espace a été créée, nous savons bien que ce dispositif franco-français est léonin : il ne sert à rien.
Est-il intégré dans les fichiers d’autorisation de sortie du territoire ? Non ! Peut-on le vérifier aux frontières de l’espace Schengen hors de France ? Non !
Plutôt que de créer des papiers qui fabriquent de la sécurité dans les têtes, mais ne serviront en réalité à rien, responsabilisons les parents lorsqu’ils demandent un passeport pour leurs enfants ! Ils doivent savoir que leurs enfants, s’ils détiennent un passeport, peuvent quitter le territoire, et doivent donc être attentifs à ce point. Créer des papiers en plus ne sert à rien. Nous sommes dans un espace ouvert où, sans autorisation de sortie du territoire, un mineur peut sortir du territoire national et quitter l’espace Schengen sans autorisation.
Responsabiliser les parents, c’est leur dire qu’ils prennent une responsabilité lorsqu’ils font la demande d’un passeport pour leur enfant, car celui-ci pourra dès qu’il l’aura en sa possession sortir du territoire au sein de l’espace Schengen.
Monsieur Leconte, dans ma mairie – je ne sais comment cela se passe dans la vôtre ! –, il est peu probable qu’un mineur obtienne un passeport s’il n’est pas accompagné de ses parents.
Cela vaut pour les mairies correctement tenues, mais je suppose que la vôtre l’est également…
Concernant l’achat des tampons, monsieur le rapporteur, je vous rassure, il est clair que les mairies peuvent engager cette dépense.
Pour l’instant, on en a encore les moyens, mais cela ne va peut-être pas durer, en effet !
Plus sérieusement, de quoi s’agit-il ?
Un mineur peut imprimer un CERFA sur internet, le remplir, faire subrepticement une photocopie de la carte d’identité de ses parents et signer les papiers. Tout cela n’est pas sérieux. Ne croyons pas qu’il n’est pas possible de le faire ! Il vaut mieux supprimer ce dispositif.
Monsieur le ministre d’État, de nombreux maires attendent cette mesure. Heureusement, il n’y a pas des dizaines d’enfants qui partent faire des bêtises à l’étranger en risquant leur vie et en rompant définitivement les liens qui les attachent à la France et à leur famille. Mais si l’on peut en sauver quelques-uns, faisons-le ! Certes, ils ne vont pas tous aller en Syrie, car ils ont compris que le combat était en voie de s’achever, mais ils iront sur d’autres théâtres d’opérations, en Afrique ou ailleurs.
Le Gouvernement pourrait admettre le principe de cet amendement, qui n’est pas violent, mais qui est attendu, je le répète, par de nombreux maires. En ce qui me concerne, pour le principe, je n’envisage pas de le retirer.
Je soutiendrai cet amendement, pour deux raisons.
D’abord, il a d’excellentes références, le rapport de la commission d’enquête que j’ai coprésidée avec André Reichardt.
Sourires.
Ensuite, la fraude documentaire, et la fraude tout court, constitue un véritable problème. On demande beaucoup aux maires, mais quand ils veulent connaître les fichés S dans leur commune ou être associés au renseignement, ils ne le peuvent pas. Ils rencontrent un certain nombre de difficultés. C’est pourquoi j’estime qu’il s’agit d’un très bon amendement.
Il convient de rendre opérationnelles certaines mesures qui ont été adoptées et qui ne peuvent pas être appliquées. Il est grand temps de s’occuper du suivi des textes que la Haute Assemblée adopte, comme nous l’avons fait au début de l’après-midi. C’est une bonne raison de soutenir cet excellent amendement.
Si M. Grand veut bien patienter malgré tout encore un peu, je lui promets de regarder cette question, qui est sérieuse, d’ici à l’examen de ce texte par l'Assemblée nationale.
j’accepte d’attendre l’examen du texte par l'Assemblée nationale, et donc le veto de l'Assemblée nationale, ce qui est tout de même, pour un sénateur, quelque peu exceptionnel, vous en conviendrez…
En effet. Je suis donc prêt à accepter votre demande si cela doit faire progresser les choses. Si tel n’était pas le cas, compte tenu de vos propos, qui figureront au Journal officiel, je me permettrais à l’issue du débat qui aura lieu à l'Assemblée nationale de vous poser une question écrite, …
Sourires.
L'amendement n° 21 rectifié est retiré.
L'amendement n° 31, présenté par MM. Rachline et Ravier, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 422–4 du code pénal est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, la première occurrence du mot : « soit » et les mots : «, soit pour une durée de dix ans au plus, » sont supprimés ;
2° L’alinéa 2 est supprimé.
La parole est à M. David Rachline.
Cet amendement vise à rendre automatique l’expulsion d’un étranger coupable d’actes de terrorisme tels que définis à l’article 421–1 du code pénal.
Actuellement, l’expulsion est une peine complémentaire et facultative soumise à une durée maximale de dix ans d’interdiction du territoire. Lorsqu’un étranger trouble gravement l’ordre public par le vecteur le plus lâche qui soit, le terrorisme, il rompt à jamais le lien de confiance que la France lui avait a priori donné. Il n’y a plus aucune raison qu’il bénéficie à nouveau de l’accueil de notre pays et de ses services publics. Il convient par conséquent de l’expulser définitivement de notre territoire, ce qui empêchera la récidive sur notre sol et participera donc, comme l’indique l’intitulé du chapitre Ier, à la prévention des actes de terrorisme.
Cet amendement, qui vise à rendre obligatoire le prononcé d’une peine complémentaire, est inconstitutionnel. D’ailleurs, son auteur le sait parfaitement. Il faut toujours prévoir la possibilité pour le juge de déroger à cette possibilité par une délibération spécialement motivée.
À défaut d’un retrait, la commission émet un avis défavorable.
Le Gouvernement partage l’avis de la commission.
Comme vous le savez, le principe constitutionnel d’individualisation des peines, garanti par l’article VIII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, prohibe tout caractère automatique des peines, et le juge doit les prononcer expressément.
L'amendement n'est pas adopté.
I. – Le titre II du livre II du code de la sécurité intérieure est complété par un chapitre IX ainsi rédigé :
« Chapitre IX
« Visites et saisies
« Art. L. 229-1. – Sur saisine motivée du représentant de l’État dans le département ou, à Paris, du préfet de police, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris peut, par une ordonnance écrite et motivée et après avis du procureur de la République de Paris, autoriser la visite d’un lieu ainsi que la saisie des documents, objets ou données qui s’y trouvent, aux seules fins de prévenir des actes de terrorisme et lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser qu’un lieu est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics et qui, soit entre en relation de manière habituelle avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme, soit soutient ou adhère à des thèses incitant à la commission d’actes de terrorisme ou faisant l’apologie de tels actes.
« Ces opérations ne peuvent concerner les lieux affectés à l’exercice d’un mandat parlementaire ou à l’activité professionnelle des avocats, des magistrats ou des journalistes.
« La saisine du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris est précédée d’une information du procureur de la République de Paris et du procureur de la République territorialement compétent, qui reçoivent tous les éléments relatifs à ces opérations. L’ordonnance est communiquée au procureur de la République de Paris et au procureur de la République territorialement compétent.
« L’ordonnance mentionne l’adresse des lieux dans lesquels les opérations de visite et de saisies peuvent être effectuées, le service et la qualité des agents habilités à y procéder et le nom de l’officier de police judiciaire territorialement compétent présent sur les lieux, chargé d’assister à ces opérations et de tenir informé le juge des libertés et de la détention de leur déroulement, ainsi que la faculté pour l’occupant des lieux ou son représentant de faire appel à un conseil de son choix, sans que l’exercice de cette faculté n’entraîne la suspension des opérations autorisées au premier alinéa.
« L’ordonnance est exécutoire au seul vu de la minute.
« Art. L. 229–2. – L’ordonnance est notifiée sur place au moment de la visite à l’occupant des lieux ou à son représentant, qui en reçoit copie intégrale contre récépissé ou émargement au procès-verbal de visite. En l’absence de l’occupant des lieux ou de son représentant, l’ordonnance est notifiée, après les opérations, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. La notification est réputée faite à la date de réception figurant sur l’avis. À défaut de réception, il est procédé à la signification de l’ordonnance par acte d’huissier de justice.
« L’acte de notification comporte mention des voies et délais de recours contre l’ordonnance ayant autorisé la visite et contre le déroulement des opérations de visite et de saisie.
« La visite est effectuée en présence de l’occupant des lieux ou de son représentant, qui peut se faire assister d’un conseil de son choix. En l’absence de l’occupant des lieux, les agents chargés de la visite ne peuvent procéder à celle-ci qu’en présence de deux témoins qui ne sont pas placés sous leur autorité.
« La visite ne peut être commencée avant six heures ni après vingt et une heures, sauf autorisation expresse, écrite et motivée, accordée par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris, fondée sur l’urgence ou les nécessités de l’opération.
« Elle s’effectue sous l’autorité et le contrôle du juge des libertés et de la détention qui l’a autorisée. À cette fin, il donne toutes instructions aux agents qui participent à l’opération. Il peut, s’il l’estime utile, se rendre dans les locaux pendant l’opération et à tout moment, sur saisine de l’occupant des lieux ou de son représentant ou de son propre chef, en décider la suspension ou l’arrêt. Afin d’exercer ce contrôle, lorsque la visite a lieu en dehors du ressort du tribunal de grande instance de Paris, il délivre une commission rogatoire au juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dans le ressort duquel s’effectue la visite.
« Lorsqu’une infraction est constatée, l’officier de police judiciaire en dresse procès-verbal, procède à toute saisie utile et en informe sans délai le procureur de la République territorialement compétent.
« Un procès-verbal relatant les modalités et le déroulement de l’opération et consignant les constatations effectuées est dressé sur-le-champ par les agents qui ont procédé à la visite. Le procès-verbal est signé par ces agents, par l’officier de police judiciaire territorialement compétent présent sur les lieux et par l’occupant des lieux ou, le cas échéant, son représentant ou les témoins. En cas de refus de signer, mention en est faite au procès-verbal.
« L’original du procès-verbal est, dès qu’il a été établi, adressé au juge qui a autorisé la visite. Une copie de ce même document est remise ou adressée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception à l’occupant des lieux ou à son représentant.
« Le procès-verbal mentionne le délai et les voies de recours.
« Si, à l’occasion de la visite, les agents qui y procèdent découvrent des éléments révélant l’existence d’autres lieux répondant aux conditions fixées au premier alinéa de l’article L. 229-1, ils peuvent, sur autorisation du juge qui a pris l’ordonnance, délivrée en cas d’urgence par tout moyen, procéder sans délai à la visite de ces lieux. Mention de cette autorisation est portée au procès-verbal mentionné à l’avant-dernier alinéa du présent article.
« Art. L. 229-3. – L’ordonnance autorisant la visite et les saisies peut faire l’objet d’un appel devant le premier président de la cour d’appel de Paris. Les parties ne sont pas tenues de constituer avocat.
« Cet appel est formé par déclaration remise ou adressée par pli recommandé au greffe de la cour dans un délai de quinze jours. Ce délai court à compter de la notification de l’ordonnance. Cet appel n’est pas suspensif.
« Le greffe du tribunal de grande instance transmet sans délai le dossier de l’affaire au greffe de la cour d’appel où les parties peuvent le consulter.
« L’ordonnance du premier président de la cour d’appel de Paris est susceptible d’un pourvoi en cassation, selon les règles prévues par le code de procédure pénale. Le délai du pourvoi en cassation est de quinze jours.
« Le premier président de la cour d’appel de Paris connaît des recours contre le déroulement des opérations de visite et saisies autorisées par le juge des libertés et de la détention. Les parties ne sont pas tenues de constituer avocat.
« Le recours est formé par déclaration remise ou adressée par pli recommandé au greffe de la cour dans un délai de quinze jours. Ce délai court à compter de la remise ou de la réception du procès-verbal de visite. Ce recours n’est pas suspensif.
« L’ordonnance du premier président de la cour d’appel de Paris est susceptible d’un pourvoi en cassation selon les règles prévues par le code de procédure pénale. Le délai du pourvoi en cassation est de quinze jours.
« Art. L. 229-4. – Lorsqu’elle est susceptible de fournir des renseignements sur les objets, documents et données présents sur le lieu de la visite ayant un lien avec la finalité de prévention des actes de terrorisme ayant justifié la visite, la personne pour laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics peut, après accord exprès du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris, être retenue sur place par l’officier de police judiciaire pendant le temps strictement nécessaire au déroulement des opérations.
« La retenue ne peut excéder quatre heures à compter du début de la visite et le juge des libertés et de la détention peut y mettre fin à tout moment.
« Le mineur doit être assisté de son représentant légal, sauf impossibilité dûment justifiée.
« L’officier de police judiciaire mentionne, dans un procès-verbal, les motifs qui justifient la retenue. Il précise le jour et l’heure à partir desquels la retenue a débuté, le jour et l’heure de la fin de la retenue et la durée de celle-ci.
« Ce procès-verbal est présenté à la signature de l’intéressé. Si ce dernier refuse de le signer, mention est faite du refus et des motifs de celui-ci.
« Le procès-verbal est transmis au juge des libertés et de la détention, copie en ayant été remise à l’intéressé.
« La durée de la retenue s’impute, s’il y a lieu, sur celle de la garde à vue.
« Art. L. 229-5. – I. – Aux seules fins de prévenir des actes de terrorisme, si la visite révèle l’existence de documents, objets ou données relatifs à la menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics que constitue le comportement de la personne concernée, il peut être procédé à leur saisie ainsi qu’à celle des données contenues dans tout système informatique ou équipement terminal présent sur les lieux de la visite soit par leur copie, soit par la saisie de leur support lorsque la copie ne peut être réalisée ou achevée pendant le temps de la visite.
« La copie des données ou la saisie des systèmes informatiques ou des équipements terminaux est réalisée en présence de l’officier de police judiciaire. Le procès-verbal mentionné à l’article L. 229-2 indique les motifs de la saisie et dresse l’inventaire des objets, documents ou données saisis. Copie en est remise aux personnes mentionnées au troisième alinéa du même article L. 229-2 ainsi qu’au juge ayant délivré l’autorisation. Les éléments saisis sont conservés sous la responsabilité du chef du service ayant procédé à la visite. À compter de la saisie, nul n’y a accès avant l’autorisation du juge.
« II. – L’autorité administrative peut demander, dès la fin de la visite, au juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris d’autoriser l’exploitation des données saisies. Au vu des éléments révélés par la visite, le juge statue dans un délai de quarante-huit heures à compter de sa saisine sur la régularité de la saisie et sur la demande de l’autorité administrative. Sont exclus de l’autorisation les éléments dépourvus de tout lien avec la finalité de prévention des actes de terrorisme ayant justifié la visite.
« L’ordonnance est notifiée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. La notification est réputée faite à la date de réception figurant sur l’avis. À défaut de réception, il est procédé à la signification de l’ordonnance par acte d’huissier de justice.
L’acte de notification comporte mention des voies et délais de recours contre l’ordonnance ayant autorisé l’exploitation des données saisies.
« L’ordonnance autorisant l’exploitation des données saisies peut faire l’objet, dans un délai de quarante-huit heures, d’un appel devant le premier président de la cour d’appel de Paris selon les modalités mentionnées aux quatre premiers alinéas de l’article L. 229-3. Le premier président statue dans un délai de quarante-huit heures.
« L’ordonnance du premier président de la cour d’appel de Paris est susceptible d’un pourvoi en cassation selon les règles prévues par le code de procédure pénale. Le délai du pourvoi en cassation est de quinze jours.
« En cas de décision de refus devenue irrévocable, les données copiées sont détruites et les supports saisis sont restitués, dans l’état dans lequel ils ont été saisis, à leur propriétaire.
« Pendant le temps strictement nécessaire à leur exploitation autorisée selon la procédure mentionnée au présent article, les données et les supports saisis sont conservés sous la responsabilité du chef du service ayant procédé à la visite et à la saisie. Les systèmes informatiques ou équipements terminaux sont restitués à leur propriétaire, le cas échéant après qu’il a été procédé à la copie des données qu’ils contiennent, à l’issue d’un délai maximal de quinze jours à compter de la date de leur saisie ou de la date à laquelle le juge, saisi dans ce délai, a autorisé l’exploitation des données qu’ils contiennent. Les données copiées sont détruites à l’expiration d’un délai maximal de trois mois à compter de la date de la visite ou de la date à laquelle le juge, saisi dans ce délai, en a autorisé l’exploitation.
« En cas de difficulté dans l’accès aux données contenues dans les supports saisis ou dans l’exploitation des données copiées, lorsque cela est nécessaire, les délais prévus à l’avant-dernier alinéa du présent II peuvent être prorogés, pour la même durée, par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris, saisi par l’autorité administrative au moins quarante-huit heures avant l’expiration de ces délais. Le juge statue dans un délai de quarante-huit heures sur la demande de prorogation présentée par l’autorité administrative. Si l’exploitation ou l’examen des données et des supports saisis conduit à la constatation d’une infraction, ces données et supports sont conservés selon les règles applicables en matière de procédure pénale.
« Art. L. 229-6 (nouveau). – La régularité des décisions prises en application du présent chapitre ne peut être contestée que devant le juge judiciaire.
« Lorsque le tribunal de grande instance statue sur les demandes en réparation des conséquences dommageables résultant pour l’intéressé des décisions mentionnées au présent chapitre, il peut, à cette fin, connaître des irrégularités dont ces dernières seraient entachées. »
II
Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 7 est présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 24 rectifié est présenté par MM. Bigot, Sueur, Boutant, Leconte et Vandierendonck, Mmes Blondin et S. Robert, MM. Devinaz, Assouline et Marie, Mmes Lienemann, Monier et les membres du groupe socialiste et républicain.
L'amendement n° 29 est présenté par Mmes Benbassa et Bouchoux.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 7.
Cet article vise à transposer dans notre droit commun le régime des perquisitions administratives de l’état d’urgence, à cela près qu’il s’agit non plus de « perquisitions » mais de « visites », qui pourront toujours se faire sur la base de simples suspicions et sur des critères extensifs et imprécis.
La différence réside également pour le Gouvernement dans l’introduction d’une autorisation par ordonnance motivée du juge des libertés et de la détention de Paris, communiquée au parquet de Paris. Hélas, cela ne constitue en rien une garantie. Soumis à la pression et contraints de travailler dans l’urgence et en petit nombre, ces magistrats se verront difficilement refuser ce genre d’intervention.
En outre, comme le soulève le Syndicat de la magistrature, le texte ne prévoit pas quelles pièces seront versées au dossier qui lui sera soumis, et l’appréciation de l’autorité administrative résultera des éléments fournis par les services de renseignement.
Encore une fois, si la commission des lois propose avec prudence de convoquer de nouveau le Parlement en 2021 pour s’assurer de l’efficacité de telles mesures, nous refusons, pour notre part, leur inscription dans notre droit commun, et ce pour quelque durée que ce soit.
Mes chers collègues, ne déshonorons pas notre rôle de défenseurs des libertés individuelles en faisant montre de tolérance avec ce genre de mesures largement attentatoires à nos droits et libertés fondamentaux !
M. Jean-Yves Leconte applaudit.
La parole est à M. Jacques Bigot, pour présenter l'amendement n° 24 rectifié.
Nous demandons également la suppression de l’article 4.
Nous considérons que nous sommes allés assez loin dans toutes les mesures possibles, notamment en matière judiciaire : les perquisitions judiciaires ont été depuis quelques années largement étendues, y compris la nuit et en dehors des heures habituelles, lorsque cela est nécessaire.
Monsieur le rapporteur, dans le texte de la commission, on sent bien la recherche d’un nouvel équilibre. Vous avez été sensible au fait que, à Paris, où il y a le procureur chargé sur l’ensemble du territoire national de la lutte contre le terrorisme, aucune perquisition administrative n’ait eu lieu : chaque fois, ces perquisitions ont été ordonnées à la demande du procureur de la République et sans difficulté, eu égard aux bonnes relations entretenues entre le préfet de police de Paris et le procureur. Pourquoi ne peut-il pas en être de même sur l’ensemble du territoire national ?
Vous proposez un système quelque peu hybride : sur saisine du représentant de l’État dans le département, le juge des libertés et de la détention du tribunal non pas de son ressort, mais de grande instance de Paris – le spécialiste du terrorisme en quelque sorte –, et après avis du procureur de la République de Paris, autorisera la saisie. Le texte que vous proposez nous plonge dans un flou artistique évident, alors que nous devrions en rester dans le domaine judiciaire.
D’ailleurs, le texte du Gouvernement lui-même, qui prévoyait aussi l’intervention du juge des libertés et de la détention, vous a conduit à proposer cette rédaction, prouvant bien que nous passons de perquisitions administratives contrôlées par le juge administratif à un système mi-judiciaire, mi-administratif. On ne comprend pas très bien dans quel sens tant la séparation des pouvoirs est nécessaire. Elle peut parfaitement bien fonctionner et nous aider à lutter contre le terrorisme.
Il n’y a aucune raison, monsieur le ministre d’État, que nous votions l’article 4, pas plus dans la rédaction initiale que dans celle qui est proposée par la commission des lois, qui d’ailleurs, je dois le dire, prouve que M. rapporteur doutait des dispositions.
La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l'amendement n° 29.
L’article 4 du projet de loi étend aux autorités administratives la possibilité d’ordonner des visites de tout lieu au sein duquel il existe des raisons sérieuses de penser qu’il est fréquenté par une personne répondant aux mêmes critères – trop peu restrictifs – que ceux de l’article 3, toujours aux seules fins de prévenir des actes de terrorisme.
Nombreux sont, ici encore, les droits fondamentaux susceptibles d’être mis à mal par cette mesure : droit de propriété, inviolabilité du domicile, droit au respect de la vie privée et familiale… Ici encore, les garanties apportées sont insuffisantes et le contrôle juridictionnel limité.
Ce texte est vertigineux, mes chers collègues, et l’unanimisme qu’il recueille contre lui parmi les professionnels du droit et les institutions de défense des droits de l’homme semble impuissant à faire vaciller les certitudes qui animent le Gouvernement.
Permettez-moi de citer les mots très forts de Mireille Delmas-Marty, professeure émérite au Collège de France, dans sa lettre ouverte au Président de la République : « Il n’y a pas à choisir, monsieur le Président, la sécurité ou les libertés. Vous-même et votre gouvernement, sous le contrôle du nouveau Parlement, vous devez assurer l’une et l’autre, en acceptant qu’elles ne soient absolues ni l’une ni l’autre. Quand Paul Ricœur – de qui M. Macron se dit proche et dont il ne semble pas avoir lu l’œuvre ! – rappelait la finitude humaine, il ne disait rien d’autre. Ce n’est pas en introduisant dans le droit de notre pays, après les réformes sécuritaires accumulées depuis la loi de novembre 2001, les principales dispositions qui accompagnent l’état d’urgence que vous vaincrez les fureurs sacrées du terrorisme radical. »
Si ces mots ne peuvent vous convaincre, mes chers collègues, peut-être peuvent-ils a minima vous faire réfléchir, vous pousser à prendre le temps du débat et à ne pas adopter en quelques heures, à quelques jours des congés d’été, des dispositions d’une telle gravité.
Ces trois amendements de suppression de l’article 4 soulèvent une question. L’administration est-elle suffisamment armée pour faire face au risque de terrorisme, sans le droit d’assigner à résidence des personnes ou sans la possibilité de prendre une mesure administrative de perquisition sous le contrôle du juge ?
Deux raisons me font dire qu’il faut accorder ce pouvoir à l’autorité administrative, une raison de fait et des raisons de droit.
Une raison de fait : en dehors des grandes théories que l’on peut faire et que j’aime beaucoup – il n’y a pas de raison de s’en priver ! –, la lutte contre le terrorisme est aussi quelque chose de pratique et d’opérationnel.
Il arrive que l’administration ait des renseignements qui proviennent soit d’une source étrangère soit d’une source nationale, mais qu’une seule personne ait à en connaître. Si on révèle l’information, le terroriste en puissance saura parfaitement qui a parlé ; on mettra alors la vie de ce dernier en danger. S’il s’agit d’une source étrangère, on n’a pas le droit d’en faire état. Il faut donc donner à l’administration le moyen de lever le doute : la perquisition peut être, dans ce cas, le moyen. Pour que cette perquisition puisse être admise, il faut qu’elle soit fortement encadrée.
Dans le texte que nous a soumis le Gouvernement, c’est sûrement la visite domiciliaire qui est la plus encadrée dans la mesure où la réalisation de cette mesure est soumise à l’autorisation du juge. Sans avis favorable du juge des libertés et de la détention de Paris, il n’y aura pas de perquisition. Le préfet informera le juge des libertés et de la détention et, en même temps, le procureur de la République de Paris. Ce dernier, si cela est nécessaire et s’il dispose par ailleurs d’éléments, pourra judiciariser immédiatement la procédure ; dans le cas contraire, il sera informé de la procédure en cours. La visite domiciliaire n’aura pas lieu tant que le juge n’aura pas délivré l’ordonnance.
La personne concernée peut contester cette ordonnance devant le Premier président de la Cour d’appel de Paris, puis devant la chambre criminelle de la Cour de cassation. Le dispositif bénéficie donc d’un encadrement juridique tout à fait adéquat et parfaitement équilibré entre les deux exigences constitutionnelles dont on a parlé toute la soirée.
Pour ces motifs, j’émets un avis défavorable sur ces trois amendements de suppression.
Le rapporteur a excellemment décrit le processus. Si l’initiative part du préfet, le procureur de la République de Paris, chargé du terrorisme, est ensuite informé de la procédure. Si ce dernier détient des éléments suffisants, il peut judiciariser immédiatement la procédure. Le juge des libertés et de la détention de Paris doit donner l’autorisation de procéder à la visite, et le procureur territorial est lui aussi informé. Tous les niveaux jouent dans ce dispositif : le procureur de Paris, le procureur territorial et le juge des libertés et de la détention.
Cette mesure est vraiment très encadrée et peut donc donner satisfaction à tous.
La mesure, dit M. le ministre d’État, est très encadrée. Elle l’est en effet, et même énormément. Tellement qu’on ne comprend plus pourquoi l’on ne prévoit pas, tout simplement, des perquisitions judiciaires…
On se place dans l’hypothèse où il n’y aurait pas d’éléments suffisants, mais, en même temps, on dit que le juge des libertés et de la détention devra motiver sa décision : c’est le flou artistique absolu !
Je pense que, de ce fait, la plupart du temps, le procureur de Paris se saisira, il ouvrira une enquête préliminaire et on garantira l’efficacité de la procédure, parce qu’on sera dans le champ de l’investigation pénale.
Cet article 4 est donc, plus encore que l’article 3, un leurre. Il s’agit de dire à nos concitoyens : nous nous libérons de l’état d’urgence, mais, soyez rassurés, nous inscrivons les mesures de l’état d’urgence dans le droit commun. Eh bien moi, politiquement, cela me dérange !
M. Jean-Yves Leconte applaudit.
Je reste convaincue qu’on prévoit une artillerie d’apparence lourde – puisqu’il faut remonter jusqu’au procureur de Paris – et qui bouge les principes de notre droit pour des cas minimes qui pourraient être traités différemment.
Des cas minimes, dis-je. En effet, j’ose espérer que ce n’est pas un simple signalement par note blanche ou une dénonciation de tel ou tel qui déclenchera une telle procédure !
Le seul cas qui peut à mon avis se produire est celui d’informations venant de l’étranger, dont on sait qu’elles sont aujourd’hui difficiles à convertir en preuves dans notre droit. Il faut, en pareil cas, poursuivre les investigations, et la perquisition n’est pas le seul moyen de le faire : si l’on a des suspicions à l’égard de certains individus, on peut chercher comment ils se procurent des armes, procéder à des filatures ou à d’autres formes de suivi, afin de vérifier si la dangerosité signalée par l’étranger est réelle sur le territoire national.
La procédure proposée sera, nous dit-on, plus efficace. Je ne le crois pas.
De surcroît, comme toujours dans ce genre de situations, on fait subir, pour des cas minimes, un glissement aux principes de notre droit ; et c’est ainsi que, de fil en aiguille, les principes glissent les uns après les autres…
À mon tour je me référerai à Mme Delmas-Marty, dont chacun connaît l’autorité en matière juridique au niveau européen – ayant été députée européenne, je peux l’attester – : elle explique très bien le glissement des principes de responsabilité et de culpabilité vers celui de dangerosité. Si l’on commence à considérer que des personnes présentent une dangerosité potentielle justifiant des procédures spécifiques, on ouvre la voie à une transformation des principes de notre droit, à commencer par la présomption d’innocence. En effet, considérer une personne comme potentiellement dangereuse, sur un plan qui n’est pas celui de la culpabilité ni de la responsabilité, c’est mettre en cause le principe selon lequel on refuse de la tenir a priori pour coupable, et donc le principe de la présomption d’innocence.
Ce glissement est grave, pour des cas qui, je le répète, peuvent être traités différemment, si le danger est avéré.
Parce qu’il faut, à un moment donné, sortir des mesures liées à l’état d’urgence et ne pas les verser dans le droit ordinaire, parce que, pour moi, les libertés fondamentales de notre République sont les valeurs essentielles nécessaires à l’exercice de la démocratie telle que nous la concevons, parce que, à mon sens, la lutte contre le terrorisme est avant tout une question de sécurité, mais, plus encore, une question politique et de valeurs, il ne m’est pas possible d’approuver en l’état l’article 4.
Je voterai donc les amendements de suppression.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L'amendement n° 70, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 7
Remplacer les mots :
le nom de
par les mots :
le chef de service qui nomme
II. - Alinéa 15, deuxième phrase
Remplacer les mots :
, par l’officier de police judiciaire territorialement compétent présent sur les lieux et
par les mots :
et par l’officier de police judiciaire territorialement compétent présent sur les lieux, qui peuvent s’identifier par le numéro d’immatriculation administrative mentionné à l’article 15-4 du code de procédure pénale, leur qualité et leur service ou unité d’affectation, ainsi que
La parole est à M. le ministre d'État.
Il s’agit de garantir l’anonymat des policiers et gendarmes procédant aux visites et saisies, qui est nécessaire à deux moments.
D’abord, dans d’ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant la visite. Or si l’anonymat est garanti pour les agents effectuant la visite, dont seuls le service et la qualité figurent sur l’ordonnance, il ne l’est pas pour l’officier de police judiciaire présent sur les lieux.
Ensuite, l’anonymat doit être garanti dans le procès-verbal de visite dressé immédiatement après les opérations, qui doit impérativement être signé par les agents y ayant procédé et par l’officier de police judiciaire présent.
Or la commission des lois n’a pas prévu la possibilité de préserver l’anonymat de ces personnels à cette étape de la procédure, alors que cette possibilité existe déjà pour certains actes de procédure pénale. En effet, la loi du 28 février 2017 relative à la sécurité publique a instauré une procédure permettant à tout agent de police ou de gendarmerie nationale, dans certains cas et pour certains actes de procédure, d’être identifié par un numéro d’immatriculation administrative, sa qualité et son service ou unité d’affectation.
L’amendement ne vise pas à faire application de l’ensemble de cette disposition, qui comporte de nombreuses conditions et garanties s’agissant de procédures pénales, mais à s’inspirer du dispositif d’identification qui y est mentionné, étant entendu que les procès-verbaux de visite, n’ayant pas le caractère d’actes de procédure pénale, n’ont pas à être entourés d’un formalisme identique.
Le sous-amendement n° 80, présenté par M. M. Mercier, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Amendement n° 70
Compléter cet amendement par deux paragraphes ainsi rédigés :
… – Alinéa 18, seconde phrase
Remplacer les mots :
à l'avant-dernier
par les mots :
au septième
… – Après l'alinéa 18
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le juge qui a autorisé la visite et les juridictions de jugement saisies à cet effet ont accès aux nom et prénom de toute personne identifiée par un numéro d'immatriculation administrative dans le procès-verbal mentionné au septième alinéa du présent article.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter le sous-amendement n° 80 et donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 70.
L’amendement du Gouvernement vise à garantir l’anonymat aux agents de police ou de gendarmerie procédant aux opérations de visite domiciliaire sous l’autorité des chefs de service et avec l’autorisation du juge.
La commission est tout à fait d’accord pour reconnaître la nécessité de cet anonymat, mais il lui semble nécessaire, dès lors que, comme vient de l’expliquer M. le ministre d’État, les garanties prévues à l’article 15-4 du code de procédure pénale ne sont pas applicables, de prévoir que le juge ayant autorisé la visite et les juridictions de jugement saisies à cet effet auront accès aux nom et prénom de toute personne identifiée par un numéro d’immatriculation administrative dans le procès-verbal de visite. Tel est l’objet du sous-amendement n° 80. À condition qu’il soit adopté, la commission est favorable à l’amendement.
Le sous-amendement est adopté.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 71, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 13, dernière phrase
Remplacer le mot :
délivre
par les mots :
peut délivrer
La parole est à M. le ministre d'État.
Pour vous informer de manière précise sur ce qui s’est passé dans la cinquième phase de l’état d’urgence et vous montrer le volume des perquisitions, dont on pourrait penser qu’elles ont été en nombre considérable, je vous indique, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’il y en a eu une par jour. Les choses peuvent donc évidemment remonter jusqu’au juge des libertés et de la détention de Paris. C’est pourquoi nous voulons supprimer le caractère automatique de la saisine du juge des libertés et de la détention territorialement compétent.
L'amendement est adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 72, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 26
Remplacer les mots :
accord exprès
par le mot :
information
II. - Alinéa 28
Au début, insérer une phrase ainsi rédigée :
Lorsqu’il s’agit d’un mineur, la retenue fait l’objet d’un accord exprès du juge des libertés et de la détention.
La parole est à M. le ministre d'État.
Le Gouvernement souhaite supprimer l’accord exprès du juge des libertés et de la détention de Paris pour permettre la retenue de la personne sur les lieux faisant l’objet de la visite.
L’article 4 du projet de loi permet de retenir la personne visée par la visite lorsqu’elle est susceptible de fournir des renseignements sur les objets, documents et données présents sur le lieu de la visite. Cette retenue ne peut excéder quatre heures.
Dans son texte initial, le Gouvernement avait prévu une simple information du juge des libertés et de la détention de Paris dans le cas où une personne ferait l’objet d’une telle retenue, à l’exception du cas des mineurs, devant donner lieu à un accord exprès de ce juge. La commission des lois a étendu l’accord exprès du juge aux personnes majeures.
Le Gouvernement estime qu’une telle procédure n’est pas nécessaire et souhaite en revenir au texte initial.
En effet, la modification proposée par la commission serait lourde de contraintes, notamment lorsque les perquisitions se déroulent tôt le matin, ce qui est souvent le cas, et pourrait conduire, en cas de difficulté matérielle à obtenir l’accord du juge de manière immédiate, au départ de l’individu, qui serait particulièrement préjudiciable si la visite devait se révéler positive.
Au surplus, le Conseil constitutionnel considère avec constance qu’une telle mesure n’a pas, compte tenu de sa brièveté, à être autorisée par l’autorité judiciaire, alors même qu’elle constitue une mesure privative de liberté. C’est d’ailleurs le cas des retenues administratives faisant suite à un contrôle d’identité, introduites par la loi du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale à l’article 78-3-1 du code de procédure pénale.
C’est pourquoi un avis immédiat au juge des libertés et de la détention permet de préserver le caractère effectif de la retenue tout en rendant obligatoire une information immédiate du juge judiciaire.
L'amendement n° 22 rectifié, présenté par MM. Pillet, A. Marc et Poyart, Mme Deromedi, M. Portelli, Mme Di Folco et MM. Bas, Darnaud, Buffet et Bonhomme, est ainsi libellé :
Alinéa 26
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Mention de cette autorisation est portée au procès-verbal mentionné au quatrième alinéa du présent article.
La parole est à M. François Pillet.
La commission a fort opportunément prévu l’intervention du juge des libertés et de la détention pour autoriser la retenue des personnes. Ce point est fondamental.
Comme, de manière pragmatique, cette intervention peut se faire sur quelques minutes, de sorte qu’on n’a pas toujours le temps de trouver un greffier pour écrire une décision, l’autorisation peut être orale, ainsi que le prévoit le texte. Néanmoins, afin d’éviter des querelles sans fin sur la régularité de la procédure, il faut, à l’évidence, conserver la preuve que cette autorisation a bien été donnée. Je propose donc que mention en soit faite au procès-verbal.
Ces deux amendements se rapportent au même sujet, mais aboutissent à des conclusions diamétralement opposées.
L’argumentation de M. Pillet me paraît assez convaincante. Prétendre qu’on ne pourrait pas téléphoner au juge des libertés et de la détention, qu’il ne pourrait pas répondre, c’est une marque de défiance à l’égard des magistrats de l’ordre judiciaire que nous ne pouvons pas admettre. §Nous savons que, comme tous les magistrats, ils sont vingt-quatre heures sur vingt-quatre à la disposition du droit et de la justice.
Nous sommes donc favorables à l’amendement de M. Pillet et défavorables à celui du Gouvernement.
Avis défavorable. Cela restera l’un des sujets de discussion entre nous…
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 81, présenté par M. M. Mercier, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéas 43 et 44
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 229-6. – Les juridictions de l’ordre judiciaire sont compétentes pour connaître du contentieux indemnitaire résultant des mesures prises en application du présent chapitre, dans les conditions prévues à l’article L. 141-1 du code de l’organisation judiciaire. »
La parole est à M. le rapporteur.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 73, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 45
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le ministre d'État.
Le Gouvernement propose de supprimer l’alinéa 45 de l’article 4, introduit par la commission des lois : se rapportant aux règles relatives aux nullités en matière d’actes du juge d’instruction, il est sans aucun lien avec les visites ordonnées sur le fondement des dispositions de cet article, qui n’ont pas de caractère pénal.
La limitation prévue à l’alinéa 4 de l’article 173 du code de procédure pénale exclut, lors de l’information judiciaire, le recours en nullité contre un acte qui peut être contesté par la voie de l’appel. Elle constitue la traduction de la règle : una via electa, en vertu de laquelle le plaideur ne peut pas agir selon plusieurs voies de droit pour porter un même litige devant des juridictions différentes.
La Cour de cassation considère que cette limitation est applicable également pour les visites domiciliaires ordonnées par les juridictions judiciaires en matière non répressive, et pas seulement pour les actes pris en application du code de procédure pénale.
Le nouvel article L. 229-5 du code de la sécurité intérieure, issu du présent projet de loi, prévoit que l’ordonnance autorisant la visite peut faire l’objet d’un appel devant le premier président de la cour d’appel de Paris, puis d’un pourvoi en cassation devant la chambre criminelle de la Cour de cassation. Ce dispositif assure un droit au recours effectif pour contester la décision de visite, ce qui rend inutile le renvoi à des règles de procédure pénale.
Le Gouvernement souhaite maintenir ce dispositif, qui s’applique habituellement aux visites domiciliaires de nature administrative autorisées par le juge des libertés et de la détention.
Le Gouvernement souhaite supprimer une précision ajoutée par la commission.
Il considère que les visites ordonnées en application de l’article 4 n’ont pas de caractère pénal et n’appellent pas de mesures spécifiques. Nous ne disons pas le contraire.
Toutefois, à l’occasion de la visite domiciliaire, des infractions peuvent être constatées, sur le moment ou ultérieurement. Ce sont ces infractions qui justifient notre précision, et non la visite elle-même, à propos de laquelle nous sommes parfaitement d’accord avec le Gouvernement.
Si, au cours de la visite domiciliaire, on découvre une infraction qui n’a rien à voir avec le terrorisme, mais qu’il faudra bien poursuivre, il résultera de l’article 173 du code de procédure pénale qu’aucune nullité ne pourra être soulevée contre l’ordonnance du juge. Telle est la règle prévue à l’alinéa 4 de cet article : on ne peut arguer d’une nullité contre une ordonnance d’un juge susceptible de faire l’objet d’un appel.
Le président de la chambre criminelle de la Cour de cassation a expressément attiré notre attention sur cette situation, qui justifie la précision que nous avons introduite.
Si donc nous sommes d’accord avec le Gouvernement sur tout ce qui se rapporte à la visite domiciliaire, de nature administrative, nous maintenons que, en cas de découverte d’une infraction pour ainsi dire connexe, il faut que la personne incriminée puisse arguer des nullités prévues par le code pénal. Sans quoi les droits de la défense seraient atteints, et le droit constitutionnel pénal méconnu.
L'amendement n'est pas adopté.
La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote sur l’article.
Nous ne voterons bien évidemment pas l’article 4. D’autant moins que, comme le dernier débat l’a prouvé, il sera vraisemblablement fort peu utilisé.
Quelle est, en effet, la réalité ? Il n’y a eu à Paris – vous le savez bien, monsieur le rapporteur – quasiment aucune perquisition administrative, parce qu’il valait mieux agir dans le cadre judiciaire. C’est ce qui devrait se faire de manière générale pour être efficace, d’autant plus que si, à l’occasion d’une visite domiciliaire, c’est-à-dire d’une perquisition administrative, on découvre des infractions, il est indispensable de pouvoir tout de suite rentrer dans le domaine judiciaire, avec les précautions et règles qui s’y attachent, ainsi que les possibilités de recours.
De ce point de vue, dans la lutte contre le terrorisme, il faut souhaiter que le travail mené en commun par les services de police et de gendarmerie et les services de la justice, sous l’égide du procureur de la République, conduise à ne pas recourir à cet article, dont on vient, d’une certaine manière, de démontrer une nouvelle fois l’inutilité.
Le seul intérêt de cet article tient à l’affirmation à l’égard de la population que, si l’on quitte l’état d’urgence, elle sera couverte par le droit commun. Or les textes existent déjà, comme le Président de la République actuel le disait à l’époque. Pour notre part, nous ne pouvons que voter contre cet article, qui nous conduira sans doute à adopter une position très négative sur l’ensemble du projet de loi.
L'article 4 est adopté.
Monsieur Bigot, les perquisitions menées ces derniers mois sous l’état d’urgence ont permis d’éviter deux attentats : l’un contre un bureau de vote, l’autre contre un meeting politique. Cela sert donc à quelque chose, même si le nombre des opérations est limité. Si ces attentats avaient eu lieu, leurs conséquences auraient été catastrophiques pour notre démocratie. Nous défendons donc les libertés publiques !
L'amendement n° 16 rectifié, présenté par Mmes N. Goulet et Troendlé, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les personnes publiques peuvent charger une association ou une fondation ayant pour objet la prévention et la lutte contre la radicalisation d'une action, d'un projet ou d'une activité en lien avec son objet si cette association ou fondation a été reconnue d'utilité publique et bénéficie d'un agrément délivré dans des conditions fixées par décret.
Toute association ou fondation mentionnée au premier alinéa est soumise de plein droit aux obligations de conclusion d'une convention, de production d'un compte rendu financier et de dépôt et publication de ces documents prévues à l'article 10 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.
Ces obligations financières et de transparence sont exigées également au moment de la dissolution de l'organe ou de l'association concernés.
Les dirigeants de l'association publient également une déclaration d'intérêt.
Les associations et fondations mentionnées au premier alinéa et exerçant leur action, projet ou activité avant la date d'entrée en vigueur de la présente loi s'acquittent des obligations prévues à l'avant-dernier alinéa dans le délai de trois mois à compter de cette date.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Cet amendement résulte d’un certain nombre d’études qui ont été menées, ainsi que d’une proposition de loi déposée par plusieurs de nos collègues et relative à l’encadrement des associations s’occupant de lutte contre la radicalisation.
En réalité, on ne peut pas se satisfaire de mesures uniquement répressives. Au reste, je remercie la commission de ne pas avoir frappé cet amendement d’irrecevabilité au titre de l’article 41 de la Constitution, ce qui prouve que l’encadrement des associations et fondations choisies pour lutter contre la radicalisation des jeunes n’est pas sans lien avec le sujet.
Aujourd’hui, les associations – une centaine - qui s’occupent de lutte contre la radicalisation ne sont absolument pas homologuées, et leur capacité n’est pas vérifiée, non plus que leur comptabilité : nous sommes en présence d’une armée mexicaine d’associations totalement éparses.
Certes, Mme Domenach et le Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation ne ménagent pas leurs efforts, mais il reste que la politique d’ensemble de lutte contre la radicalisation a toujours été conçue ex post, jamais ex ante. Résultat : en agissant dans l’urgence, on a très peu coordonné les actions menées.
Plus précisément, le présent amendement vise à instaurer des mesures de transparence, financières, mais aussi techniques, pour s’assurer que les associations qui prennent en main des jeunes pour les désembrigader, rétablir le lien citoyen et lutter contre la radicalisation ont un minimum de compétences et sont à tout le moins contrôlées.
La commission a constaté que cet amendement allait plutôt dans le bon sens, tout en se demandant s’il n’était pas un peu tôt pour aller jusqu’au bout. Nous étions plutôt défavorables, mais, après discussion avec Mmes Goulet et Troendlé, coauteurs de l’amendement, ainsi qu’avec M. le président de la commission, nous émettons un avis de sagesse.
Sur le fond, madame la sénatrice, je partage assez votre point de vue. J’ai pu observer que, dans la hâte, on avait accordé des subventions à un certain nombre d’associations qui, en fin de compte, mènent peu d’actions contre la radicalisation, voire, quelquefois, mènent une action à la limite du soutien à la radicalisation. J’ai donc entrepris, avec les services de mon ministère, de recenser précisément les actions menées.
Peut-être faudra-t-il aussi que les travailleurs sociaux et les éducateurs, qui connaissent davantage un certain nombre de publics susceptibles de basculer dans la radicalisation, soient plus actifs que des associations autoproclamées de lutte contre la radicalisation.
En ce qui concerne l’amendement, je m’en remets également à la sagesse du Sénat.
En tant qu’ancien coprésident, au côté de Mme Goulet, de la commission d’enquête sur l’organisation et les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes en France et en Europe, je soutiens fortement cet amendement. J’ai d’ailleurs cosigné la proposition de loi visant à mettre en œuvre le dispositif qui nous est proposé ce soir.
Je tiens aussi à signaler, même si je suis persuadé qu’Esther Benbassa nous fournira un complément d’information à ce sujet, que, tout récemment, la commission des lois a examiné un rapport d’information de Mmes Benbassa et Troendlé sur les actions menées en matière de déradicalisation. L’amendement présenté par nos deux collègues reprend l’une des conclusions de leurs travaux.
Aussi, même si son lien avec le projet de loi n’est pas direct et même si, comme il vient d’être dit, il arrive peut-être un peu tôt, je vous invite vraiment, mes chers collègues, à voter cet amendement.
Je suis, bien sûr, d’accord avec le contenu de cet amendement, puisqu’il correspond à l’une des propositions du rapport d’information que Catherine Troendlé et moi-même avons présenté mercredi dernier, et qui résulte de seize mois de travaux sur la déradicalisation. Nous avons recommandé d’encadrer les associations, de leur fixer un cahier des charges et de les évaluer.
J’ajouterai à ce qu’a dit Mme Goulet qu’un certain nombre d’associations ne reçoivent pas le dernier tiers de leur subvention parce qu’elles se convertissent en cabinets privés de consulting en radicalisation pour former les agents publics… Ces structures n’ayant de comptes à rendre à personne, c’est évidemment beaucoup plus facile.
Nous préconisons également de confier une partie de ce travail – non pas la formation, mais le travail associatif de « déradicalisation », comme on dit – à la protection judiciaire de la jeunesse ; M. le ministre d’État vient lui-même d’en parler. Mais encore faut-il augmenter les crédits et les effectifs de cette administration.
Toutefois, Mme Domenach a répondu dans plusieurs articles de journaux que ce travail d’évaluation des associations était déjà en cours. La liste qu’elle nous a fournie montre une certaine baisse du nombre des associations subventionnées entre 2015 et 2016.
Assainir le terrain est devenu une obligation aujourd'hui si l’on veut obtenir des résultats, surtout que les expériences à l’étranger n’ont rien à voir avec les nôtres. En effet, le travail réalisé y est tout à fait différent : il est individualisé, sur mesure, et ne passe pas par des associations, mais par des acteurs tels que des psychologues, des sociologues, des médecins ou la famille.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 4.
Les chapitres VIII et IX du titre II du livre II du code de la sécurité intérieure sont applicables jusqu’au 31 décembre 2021.
Le Gouvernement adresse chaque année au Parlement un rapport détaillé sur l’application de ces dispositions.
Je tiens simplement à remercier le Gouvernement d’avoir accepté cet article 4 bis.
Pour la commission, il s’agit d’une disposition essentielle du projet de loi, car elle prévoit une clause de révision pour toutes les mesures prises au titre des articles 3 et 4 en 2021. C’est dire l’importance que revêt cet article.
Nous savons bien que le droit que nous créons nécessite d’être expérimenté. Chaque année donc, le Gouvernement remettra au Parlement un rapport sur l’application de ces mesures. En outre, en 2021, le Parlement dans son ensemble aura à délibérer sur leur pertinence et à décider si celles-ci doivent continuer à figurer dans notre droit ou non.
Je tenais simplement à souligner l’importance de cet article et à faire savoir au Gouvernement combien nous sommes sensibles au fait qu’il l’ait approuvé.
M. le ministre d'État opine.
L'article 4 bis est adopté.
Au premier alinéa de l’article 706-24-2 du code de procédure pénale, après le mot : « articles », sont insérées les références : « 230-32 à 230-35, ». –
Adopté.
Le II de l’article 17 de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale est abrogé.
L'amendement n° 8, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Évelyne Rivollier.
Monsieur le président, si vous le permettez, je défendrai simultanément l’amendement n° 8, qui porte sur l’article 5, et l’amendement n° 9, qui porte sur l’article 6.
Les articles 5 et 6 visent à élargir et à faire entrer dans le droit commun le PNR, ou Passenger Name Record, disposition européenne de fichage de l’ensemble des déplacements aériens réalisés sur le territoire de l’Union européenne.
Sont collectés au sein de ce fichier les coordonnées du voyageur, ses informations bancaires, ses itinéraires de voyage et son régime alimentaire.
L’existence même de ce fichier pose plusieurs questions, notamment au sujet du respect de la vie privée de nos concitoyens. La Commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL, n’a pas été consultée avant l’élaboration de cet énième projet de loi sécuritaire. Celle-ci appelle pourtant à une grande vigilance à propos du fichier PNR, qui est, selon elle, « susceptible d’avoir une incidence majeure sur le droit au respect de la vie privée ».
Plus de cent millions de voyageurs issus de plus de 235 compagnies aériennes sont concernés. Même si certains garde-fous existent, la question du contrôle de ce fichier n’est pas abordée, celui-ci n’étant tenu et supervisé que par les services de renseignement. À quand la mise en place d’une réflexion sur le contrôle des fichiers de renseignement ?
La sécurité des données de nos concitoyens face aux pirates informatiques n’est pas toujours garantie, même dans nos administrations. Il y a deux semaines, des centrales nucléaires américaines ont vu leurs réseaux informatiques infiltrés. Les données des voyageurs conservées pendant cinq années, un laps de temps bien trop considérable, sont plus que vulnérables face à des hackers toujours plus efficaces et organisés. Le risque d’une recrudescence de vols d’identités ou de données bancaires n’est pas non plus à négliger.
Ficher l’ensemble de la population pour trouver de potentiels éléments terroristes revient à retirer un peu de liberté à chacun de nos concitoyens pour des résultats qui n’en valent définitivement pas la peine. Ces dispositions n’empêcheront pas les terroristes de passer entre les mailles d’un filet bien trop large.
Madame la sénatrice, nous avons besoin de cet article. Vous n’ignorez pas que nous sommes tenus à une obligation de transposer les directives de l’Union européenne…
… et, en l’espèce, de transposer avant le 25 mai 2018 la directive du 21 avril 2016 sur le PNR.
Par ailleurs, le système « API-PNR France » est un instrument essentiel de nos services dans la lutte contre le terrorisme et contre les formes graves de criminalité.
Je veux enfin rappeler que la directive PNR prévoit des conditions d’encadrement très strictes, qui visent à assurer un équilibre entre la recherche d’effectivité et la garantie des droits et libertés des citoyens. Parmi ces mesures figurent notamment la mise en place d’un délégué à la protection des données, l’interdiction de collecter des données dites « sensibles », l’anonymisation des données à caractère personnel collectées au bout de six mois, ainsi que la stricte limitation des personnes habilitées à en connaître.
Le Gouvernement est défavorable à l’amendement.
Je veux dire à nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen que nous attendons depuis tellement longtemps que le Parlement européen décide enfin de voter cette décision du Conseil européen…
S’il a tant attendu, c’est sûrement parce qu’il doit y avoir un problème !
Franchement, toutes les garanties ont été données. Le Parlement européen s’est véritablement fait violence pour finalement adopter ce PNR dans des conditions que je crois acceptables pour tout le monde, notamment au regard des libertés publiques. De plus, le ministre d’État vient de rappeler à l’instant quelles étaient les garanties fournies.
Même si on peut effectivement considérer que l’on va peut-être ficher beaucoup d’individus pour peu de résultats
Mme Éliane Assassi opine.
Je suis du même avis que l’orateur qui vient de s’exprimer.
Le combat contre le terrorisme ne se livre pas simplement sur le territoire français : il est international par nature et requiert la coordination des services, ainsi que des systèmes juridiques. En ce sens, le PNR représente une avancée favorable, même si elle comprend aussi ses faiblesses.
Notre collègue a rappelé les difficultés rencontrées avec la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures, dite « commission LIBE », puisque cette disposition devait être adoptée conjointement avec le Parlement européen.
Sur ce point, je voudrais plus spécifiquement attirer l’attention de M. le président de la commission des lois et de M. le rapporteur sur la décision prise par le Parlement européen le 6 juillet 2017 de créer une commission spéciale sur le terrorisme pour une durée d’un an : elle permettra d’aborder des enjeux qui vont dans le sens de ce que nous souhaitons et manifeste une certaine mobilisation. En outre, la mission qui lui a été confiée est une sorte d’interpellation sur la pertinence et l’efficacité des systèmes mis en place dans les différents pays.
En d’autres termes, ce sujet me paraît justifier une forme de dialogue interparlementaire ou, en tout cas, une attention particulière de la commission des lois par rapport aux initiatives du Parlement européen.
Plutôt que de m’exprimer tout à l’heure sur l’article 6, je le ferai dès maintenant sur le PNR.
Chacun sait combien nous attendions ce PNR, combien nous le considérons comme nécessaire et utile.
Nous savons également combien il a été difficile d’obtenir un accord du Parlement européen sur le sujet. Ce dernier avait en effet un certain nombre d’inquiétudes sur les incidences de la directive et l’usage que nous pourrions en faire.
À ce stade, j’aurai deux remarques à formuler.
Première remarque, le PNR, pour qu’il soit opérationnel et utile, ne doit pas « laisser de trous dans la raquette ». En effet, l’enjeu n’est pas d’évaluer les grandes masses des voyageurs, mais d’identifier l’individu dangereux en leur sein.
Or je constate que, à part en France, il y a peu de pays dans l’espace Schengen où s’applique un contrôle d’identité quasi systématique quand un individu souhaite prendre l’avion. Cela signifie que dans la plupart des États, un voyageur peut détenir un billet sur lequel figure un nom différent du sien et tout de même voyager !
Finalement, tant que toutes les dispositions permettant au PNR d’être réellement efficace ne sont pas mises en œuvre dans l’ensemble de l’Union européenne, celui-ci constitue peut-être une avancée, mais une avancée qui est globalement fictive.
Monsieur le ministre d’État, il reste énormément de choses à faire pour que nos partenaires européens mettent en place des procédures permettant effectivement au PNR d’être efficace dans l’ensemble de leurs aéroports.
Deuxième réflexion : nous avons eu beaucoup de mal à convaincre nos partenaires européens. Si la transposition de cette directive PNR va jusqu’au bout de ce qu’il est possible de faire, et conforte ainsi les inquiétudes initiales de nos partenaires, je ne sais pas si nous pourrons aller plus loin sur des sujets sur lesquels nous aurions pourtant besoin de coopérer avec eux. Je pense en particulier à la question des passeports et des empreintes biométriques, qui, aujourd'hui, ne font l’objet d’aucun échange entre les pays.
Beaucoup reste à faire pour que les États parviennent à une meilleure coopération face à ce défi commun. Cela passe par la confiance : nous ne pourrons plus aller de l’avant sans convaincre les autres pays qu’il faut aller au même rythme que nous. Sinon, on reviendra au point initial, c’est-à-dire un PNR qui n’est pas effectif tant que les pays n’appliquent pas les procédures qui le rendent efficace.
Je voterai les articles 5 et 6, même si d’immenses défis restent à relever pour l’application de ces dispositions.
Les articles 5 et 6 pérennisent le système de suivi des données des passagers aériens, le PNR, et adaptent le droit français au droit de l’Union européenne en la matière, permettant ainsi aux services de sécurité et de renseignement d’utiliser ces données pour diverses finalités, notamment la prévention et la détection des infractions terroristes.
La transposition de la directive PNR dans le droit commun français, qui se substitue à l’actuel système « API-PNR France », ne représente en aucun cas une solution efficace pour lutter contre les actes terroristes.
Ces mesures sont largement contournables, dans la mesure où de potentiels terroristes seraient tout aussi bien capables d’entrer dans l’Union européenne et en France par d’autres moyens de transport que l’avion.
Je tiens à rappeler que les mesures de collecte de données masquées ciblant l’ensemble des citoyens ne représentent jamais une réponse adéquate à la menace terroriste. Elles mobilisent des sommes non négligeables au détriment de moyens de lutte antiterroriste plus efficaces.
Surtout, ces mesures sont en opposition avec le principe de l’État de droit. En 2014 déjà, la Cour de justice de l’Union européenne a invalidé dans l’un de ses arrêts la directive de 2006 sur la rétention des données, jugeant disproportionnées la collecte et la conservation massives de données de citoyens qui ne sont suspectés d’aucun délit.
Ces dispositions contribuent à mettre en place un outil de surveillance de nos concitoyens peu efficient, qui tend à traiter chaque citoyen comme un potentiel terroriste.
Je voterai donc pour les amendements de suppression de nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen, et au besoin contre ces articles.
Je veux plaider auprès de chacun d’entre vous pour la ratification de cette directive PNR.
Je suis défavorable aux articles 3 et 4, parce que j’ai l’intime conviction que le droit français, à condition que l’on se dote de moyens complémentaires en matière de police et de justice, est de nature à régler les problèmes que cette nouvelle législation vise à résoudre.
Tel n’est pas le cas du trafic passager au sein de l’Union européenne. Si nous n’acceptons pas de transposer la directive, nous n’aurons à notre disposition que des outils qui sont aujourd'hui totalement inefficaces.
Un débat extrêmement important a permis de définir un juste équilibre entre la collecte des données nécessaires et le respect des arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne. On parle ici de compromis toujours délicats à établir, mais, sur ce sujet, il n’y a aujourd'hui pas d’alternative ni en droit ni sur le plan opérationnel.
Les dispositions de cette directive me semblent avoir été sérieusement expertisées par nos collègues parlementaires européens. Son contenu reflète évidemment un équilibre qui, à mon avis, en vaut la chandelle.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 5 est adopté.
Le code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° Au 3° de l’article L. 232-1, les mots : « de réservation et » sont supprimés ;
2° L’article L. 232-7 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa du I est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Pour les besoins de la prévention et de la constatation de certaines infractions, du rassemblement de leurs preuves ainsi que de la recherche de leurs auteurs, le ministre de l’intérieur, le ministre de la défense, le ministre chargé des transports et le ministre chargé des douanes sont autorisés à mettre en œuvre un traitement automatisé de données.
« Les infractions mentionnées au premier alinéa du présent I sont les actes de terrorisme, les atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation ainsi que les infractions mentionnées à l’annexe II de la directive (UE) 2016/681 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relative à l’utilisation des données des dossiers passagers (PNR) pour la prévention et la détection des infractions terroristes et des formes graves de criminalité, ainsi que pour les enquêtes et les poursuites en la matière, lorsqu’elles sont punies d’une peine privative de liberté d’une durée égale ou supérieure à trois ans d’emprisonnement ou d’une mesure de sûreté privative de liberté d’une durée similaire. » ;
b) Au dernier alinéa du II, au III et à la seconde phrase du VI, les mots : « opérateurs de voyage » sont remplacés par les mots : « agences de voyage et opérateurs de voyage » ;
c) Au V, les mots : « un opérateur de voyage » sont remplacés par les mots : « une agence de voyage ou un opérateur de voyage ».
Je remercie notre collègue Michel Boutant pour l’excellent rapport qu’il a remis au nom de la commission des affaires étrangères. Ayant beaucoup travaillé sur les questions de terrorisme, notamment au sein de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, je tenais à saluer la qualité de son travail.
Il était évidemment fondamental d’inscrire le PNR dans la présente loi. En effet, le cadre législatif français était jusqu’ici défini par la loi de programmation militaire de 2013, qui avait autorisé la création d’un fichier de passagers du transport aérien à titre expérimental jusqu’à la fin de l’année 2017.
L’Union européenne a mis beaucoup trop de temps à légiférer en la matière, puisque ce n’est qu’en 2016 qu’une directive a, enfin, obligé l’ensemble des États membres à se doter d’un tel fichier et à partager leurs informations avec leurs partenaires européens.
Je veux surtout souligner l’extrême importance de la coopération internationale en la matière. Rien ne sert de créer un fichier sur les informations des voyageurs s’il n’est pas partagé à l’international. La coopération européenne est fondamentale, comme je l’ai encore souligné tout récemment dans une communication devant la commission des affaires européennes au sujet de la coopération européenne en matière de renseignement.
Néanmoins, cette coopération européenne est loin d’être suffisante. J’ai été rapporteur d’un texte organisant la coopération en matière de renseignement avec les États-Unis contre la criminalité grave et le terrorisme. Il nous faut absolument mettre en place des cadres d’échange hors de l’Union européenne et hors de l’OTAN, notamment avec les pays se situant de l’autre côté de la Méditerranée. Ces pays sont eux aussi très concernés par le terrorisme et n’ont pas toujours les moyens de mettre en place des dispositifs aussi performants que les nôtres. L’échange d’informations doit aller de pair avec la formation. Nous avons là une vraie responsabilité.
Le projet de loi autorise également la création d’un PNR maritime, ce qui est pertinent, mais insuffisant. Il faut là encore encourager et organiser la coopération européenne et internationale en la matière. Aujourd’hui, en Europe, seuls le Royaume-Uni, l’Espagne, la Finlande, le Danemark et la Belgique disposent de dispositifs minimums dans ce domaine. Il faut pousser les États à aller plus loin et surtout impliquer tous nos autres partenaires européens.
Il faudra aussi travailler sur notre cadre légal interne, la législation européenne, ainsi que les accords internationaux, afin d’étudier l’opportunité d’étendre le système du PNR au transport ferroviaire…
… ou au transport par autocar, comme le préconisait il y a quelques mois, dans son rapport, la commission d’enquête du Sénat.
L'amendement n° 9, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
Cet amendement a été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 6 est adopté.
Le code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 232-7, il est inséré un article L. 232-7-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 232-7-1. – I. – Pour les besoins de la prévention et de la constatation des actes de terrorisme et des atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation ainsi que des infractions mentionnées à l’article 694-32 du code de procédure pénale, punies d’une peine privative de liberté d’une durée égale ou supérieure à trois ans d’emprisonnement ou d’une mesure de sûreté privative de liberté d’une durée similaire, à l’exclusion de celles mentionnées aux 17°, 20°, 21°, 24° et 29° du même article 694-32, du rassemblement des preuves de ces infractions et de ces atteintes ainsi que de la recherche de leurs auteurs, le ministre de l’intérieur, le ministre de la défense, le ministre chargé des transports et le ministre chargé des douanes sont autorisés à mettre en œuvre un traitement automatisé de données à caractère personnel.
« Sont exclues de ce traitement automatisé de données les données à caractère personnel susceptibles de révéler l’origine raciale ou ethnique d’une personne, ses convictions religieuses ou philosophiques, ses opinions politiques, son appartenance à un syndicat, ou les données qui concernent la santé ou la vie sexuelle de l’intéressé.
« II. – Pour la mise en œuvre du traitement mentionné au I, les exploitants de navire recueillent et transmettent les données d’enregistrement relatives aux passagers à destination et en provenance du territoire national voyageant à bord d’un navire à passagers faisant l’objet d’une certification :
« 1° Soit au sens du code international pour la sûreté des navires et des installations portuaires adopté à Londres le 12 décembre 2002 en application de la convention internationale de 1974 pour la sauvegarde de la vie humaine en mer, faite à Londres le 1er novembre 1974, modifiée ;
« 2° Soit en application du 2° de l’article 3 du règlement (CE) n° 725/2004 du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 relatif à l’amélioration de la sûreté des navires et des installations portuaires ;
« 3° Soit en application du 3° de l’article 3 du règlement (CE) n° 725/2004 précité après décision du ministre chargé de la mer.
« Les données concernées sont celles mentionnées au quatrième alinéa de l’article L. 232-4 du présent code.
« Les exploitants de navire sont également tenus de communiquer les données relatives aux passagers enregistrés dans leurs systèmes de réservation.
« En outre, les ministres mentionnés au I du présent article peuvent demander aux agences de voyage et opérateurs de voyage ou de séjour affrétant tout ou partie d’un navire de transmettre les données relatives aux passagers enregistrées dans leurs systèmes de réservation.
« III. – Les exploitants de navire, les agences de voyage et les opérateurs de voyage ou de séjour affrétant tout ou partie d’un navire mentionnés au II informent les personnes concernées par le traitement mentionné au I.
« IV. – Les données mentionnées au II ne peuvent être conservées que pour une durée maximale de cinq ans.
« V. – En cas de méconnaissance des obligations fixées au présent article par une entreprise de transport maritime ou par une agence de voyage ou un opérateur de voyage ou de séjour affrétant tout ou partie d’un navire, l’amende et la procédure prévues à l’article L. 232-5 sont applicables.
« VI. – Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Ce décret détermine les services autorisés à interroger l’unité de gestion chargée de la collecte des données auprès des transporteurs maritimes, des agences de voyage et des opérateurs de voyage ou de séjour affrétant tout ou partie d’un navire, de leur conservation et de leur analyse, en précisant si cette autorisation est délivrée à des fins de prévention ou à des fins de répression. » ;
2° L’article L. 232-7 est ainsi modifié :
a) À la fin de la seconde phrase du premier alinéa du II, les mots : « pour les transporteurs aériens et celles mentionnées au quatrième alinéa du même article L. 232-4 pour les transporteurs maritimes » sont supprimés ;
b) À la première phrase du premier alinéa et au deuxième alinéa du même II, les mots : « et maritimes » sont supprimés ;
c) Au III, les mots : « et maritimes et, le cas échéant » sont supprimés ;
d) Au V, les mots : « ou maritime » sont supprimés ;
e) Au VI, les mots : « ou maritimes » sont supprimés ;
f) Au dernier alinéa du II, au III, au V et au VI, les mots : « ou d’un navire » sont supprimés ;
3° À la fin du quatrième alinéa de l’article L. 232-4, les mots : « règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) » sont remplacés par les mots : « règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil concernant un code de l’Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) ».
Le projet de loi prévoit la mise en place d’un PNR maritime national. Mais à quoi cela peut-il servir sans la perspective d’un PNR maritime européen ?
Notre collègue Joëlle Garriaud-Maylam a cité un certain nombre de pays dans lesquels ce type de dispositif est en vigueur. §Seulement, il suffit de se rendre dans un pays où de telles dispositions n’existent pas, en utilisant BlaBlaCar par exemple, pour que le PNR maritime européen soit, là encore, léonin.
Soit on décide qu’une mesure de cette nature est importante et, dans ce cas, il faut absolument que le PNR se déploie à l’échelle européenne, soit on se contente de tester différents dispositifs, un peu comme on l’a fait pour le PNR aérien, mais il faut alors offrir des perspectives pour aboutir à un PNR européen.
Je ne suis pas tout à fait sûr d’être d’accord avec Mme Garriaud-Maylam sur l’opportunité d’étendre le PNR au transport maritime puis au ferroviaire, aux autocars… Et puis, quoi encore ? Faudra-t-il aussi créer un PNR pour les tramways ou BlaBlaCar ? Il faut arrêter !
L’espace Schengen est un espace de liberté !
Doit-on toujours tout programmer ? S’il faut systématiquement obtenir des autorisations préalables ou se déclarer à l’avance pour voyager, si rien ne peut se décider à l’improviste, c’est le terrorisme qui a gagné en définitive. On ne peut pas continuer dans cette voie : à un moment donné, il faut savoir s’arrêter, mes chers collègues !
Certes, je peux concevoir que l’on ait besoin du PNR maritime, mais, au-delà, je dis « Holà ! »
M. le président de la commission des affaires étrangères et M. le rapporteur pour avis sourient.
Ce serait dangereux pour les libertés et pour notre conception de l’espace Schengen comme espace de liberté. Mes chers collègues, il faut rester fidèle à nos valeurs, sinon ce sont ceux que l’on veut combattre qui auront gagné !
L'amendement n° 74, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 15, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à M. le ministre d'État.
L’amendement tend à supprimer la création d’une « unité information passagers » pour le PNR maritime.
En effet, la mise en œuvre de ce PNR fait encore l’objet de réflexions de la part du Gouvernement, s’agissant notamment des modalités de consultation des données qui seront collectées à ce titre.
Une réflexion est en cours au sein du secrétariat général de la mer, placé auprès du Premier ministre. Si vous pouviez nous laisser un peu de temps avant de figer dans le marbre les modalités de consultation de ces données, ce serait une bonne chose.
Je crains que le ministre d’État n’ait lu un peu rapidement l’article tel que la commission l’a modifié.
Évidemment, le PNR maritime n’obéit pas aux mêmes règles générales que le PNR aérien : il n’est notamment pas soumis à des règles de dimension internationale. Il n’empêche que plusieurs dizaines de millions de passagers sont enregistrés chaque année dans le cadre de ce PNR.
Notre commission ne cherche pas à imposer un mode d’organisation du PNR maritime au Gouvernement. Elle sait que ce n’est pas du tout de sa compétence et reconnaît parfaitement au Gouvernement le droit d’organiser ces services comme il l’entend. Nous ne disons d’ailleurs pas autre chose dans cet article. Nous souhaitons simplement que les passagers du transport maritime aient les mêmes garanties que les passagers du transport aérien, et que les demandes émanant des différents services puissent être filtrées avant l’accès aux données du PNR maritime.
Ce texte n’impose aucun mode d’organisation pour le futur PNR. Il prévoit simplement l’égalité des conditions de consultation des données entre passagers du transport aérien et passagers du transport maritime… Il ne va plus loin.
Mais il ne s’agit pas des mêmes quantités !
Dans les deux cas, cela concerne plusieurs millions de passagers !
En tout cas, nous comprenons très bien que le Gouvernement ait besoin d’un certain temps pour mettre en œuvre ce PNR. C’est pourquoi nous ne voulons pas imposer quelque organisation que ce soit. L’article prévoit simplement un filtrage de l’accès aux données.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 7 est adopté.
L'amendement n° 3 rectifié quater, présenté par Mme Deseyne, MM. de Legge, P. Dominati et Reichardt, Mme Morhet-Richaud, M. Huré, Mmes Gruny et Di Folco, M. Fouché, Mmes Imbert et Lamure, M. G. Bailly, Mme Micouleau, MM. Lefèvre et Laménie, Mme Deromedi, M. Cuypers, Mme Debré, M. J.P. Fournier, Mme Deroche et MM. Gremillet et B. Fournier, est ainsi libellé :
Après l'article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 1° de l’article L. 612-1 du code de la sécurité intérieure est complété par les mots : « ou les personnes morales de droit privé non lucratif gérant des établissements de santé, sociaux et médico-sociaux, lesquels sont identifiés au titre du présent code par le numéro du fichier national des établissements sanitaires et sociaux, pour ceux dans desquels les personnes morales de droit privé non lucratif organisent un service de sécurité intérieure ».
La parole est à Mme Chantal Deseyne.
Cet amendement vise à permettre aux établissements médico-sociaux privés à but non lucratif d’organiser leur propre service de sécurité.
Actuellement, cela leur est interdit au motif qu’ils ne sont pas inscrits au registre du commerce et des sociétés.
Les établissements publics et les établissements privés de statut commercial ne sont pas confrontés à cette interdiction. Aussi l’amendement tend-il à corriger cet état de fait.
L’amendement a pour objet d’étendre aux organismes privés à but non lucratif gérant des établissements de santé sociaux et médico-sociaux la faculté de se doter de leur propre service de sécurité intérieure.
Il tend donc à corriger une inégalité entre les établissements de santé gérés par le public et ceux qui le sont par le privé.
Il semble bien qu’il existe un vide juridique que cet amendement cherche à combler. Cependant, avant de prendre position, la commission s’en remettra à l’avis du Gouvernement, notamment pour savoir s’il ne serait pas préférable d’adopter une disposition un peu plus générale.
Actuellement, seules les personnes physiques et morales enregistrées au registre du commerce et des sociétés peuvent créer un service interne de sécurité pour exercer des fonctions de surveillance et de gardiennage en régie sans recourir au service de sociétés de sécurité privée.
L’amendement vise à élargir cette possibilité aux personnes morales de droit privé à but non lucratif gérant des établissements de santé sociaux et médico-sociaux.
Restreindre à ces seuls établissements la possibilité de créer un service interne de sécurité, comme vous le proposez, madame la sénatrice, reviendrait à exclure de facto d’autres secteurs, comme le secteur de la culture, dont l’activité pourrait tout autant justifier l’existence de ce type de service interne de sécurité, en particulier s’agissant des musées.
Avant d’être envisagée, une telle évolution doit donc faire l’objet d’une réflexion plus large, à laquelle le Gouvernement n’est pas opposé, qui serait menée en concertation à la fois avec les donneurs d’ordre potentiels non inscrits au registre du commerce et des sociétés et avec le secteur de la sécurité privée, dont les équilibres économiques s’en trouveraient modifiés.
Il convient néanmoins de souligner que les établissements de santé et les établissements sociaux et médico-sociaux, qu’ils soient publics ou privés, à but lucratif ou non, ont actuellement toujours la faculté de recourir à des sociétés de sécurité pour assurer la sécurisation de leurs accès et de leurs bâtiments, comme n’importe quel autre donneur d’ordre.
En conséquence, je vous demanderai, madame la sénatrice, de bien vouloir retirer votre amendement et d’accepter l’élargissement de la réflexion sur le sujet ; à défaut le Gouvernement y sera défavorable.
Je comprends très bien l’intérêt pour les établissements privés médico-sociaux de créer leurs propres services. C’est cela l’objectif. Cependant, si l’on ne traite que les établissements sociaux ou médico-sociaux, on va laisser de côté d'autres établissements à but non lucratif, culturels ou autres, où la même question se posera.
Le Gouvernement, monsieur le ministre d’État, peut-il prendre des engagements de calendrier ?
On me dit que la réflexion est en cours. Nous aurons des éléments à la fin de l’année.
Je viens au secours de cet amendement, compte tenu des motifs invoqués par M. le ministre d’État à l’instant pour le retirer ou le reporter.
Le fait de comparer des établissements de santé à des établissements culturels me paraît tout de même osé. Le problème s’est posé essentiellement lors des événements de Nice, des établissements de santé à but non lucratif n’ayant pas pu assurer leur protection par leurs propres moyens.
Ensuite, qui peut le plus peut le moins ! Nous pouvons commencer par voter cet amendement, quitte à étendre la disposition ultérieurement, après l’étude conduite par le Gouvernement, à d’autres établissements tels que les établissements à but culturel.
Pour ma part, je voterai cet amendement dès aujourd'hui.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 7. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
L'amendement n° 33, présenté par MM. Rachline et Ravier, n'est pas soutenu.
Chapitre II
Techniques de renseignement
L'amendement n° 62 rectifié, présenté par MM. Guérini, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et M. Vall, est ainsi libellé :
Avant l'article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 833-2 du code de la sécurité intérieure est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° – Peut ordonner la suspension d’opérations de recueil de renseignement en cours lorsqu’elle constate une atteinte grave et répétée aux champs d’application prévus par la loi. »
La parole est à M. Guillaume Arnell.
Depuis 2012, de nombreuses lois sont intervenues pour étendre et étoffer les techniques légales du renseignement.
C’est une évolution ambivalente puisque, d’un côté, elle permet de faire entrer dans la légalité des pratiques de renseignement et, de l’autre, elle révèle l’ampleur des méthodes techniques à disposition de nos services, au point de se demander parfois ce qu’il reste de notre vie privée et du secret de nos correspondances.
Dans le contexte sécuritaire actuel, dont on nous a répété la gravité à maintes reprises, il n’est pas question de s’opposer à ce que nos services disposent de tous les moyens existants pour déjouer des attaques terroristes.
Cependant, dès lors que la loi dispose pour l’avenir, un contrôle minimal de ces pratiques doit être assuré afin que ces moyens ne soient pas utilisés à mauvais escient, demain et après-demain, une fois que la menace terroriste aura peut-être disparu.
L’ancienne commission de contrôle, créée en 1991, a été remplacée en 2015 par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, qui dispose de pouvoirs un peu plus importants.
Compte tenu du nombre d’outils techniques de renseignement, il semblerait utile d’étendre encore les pouvoirs de cette commission en lui donnant la possibilité de suspendre certaines opérations de renseignement pratiquées par certains services après avoir constaté des enfreintes aux champs d’application prévus par la loi.
L’amendement que vient de présenter notre collègue vise à doter la CNCTR d’une autorité qu’elle n’a pas. Cette autorité administrative indépendante dispose d’un pouvoir d’avis et de recommandation. Elle peut recommander au Premier ministre de prendre telle ou telle mesure. Si sa demande n’est pas suivie d’effet, elle peut saisir le juge, mais elle ne peut elle-même ordonner la suspension d’une opération. Seule l’autorité administrative dont dépend ce service peut le faire ou le juge.
Je propose donc à notre collègue de retirer son amendement ; celui-ci sera inopérant, la CNCTR n’étant pas qualifiée pour imposer une décision administrative. À défaut, l’avis de la commission serait défavorable.
Comme vient de le dire Michel Mercier, la CNCTR constate que la loi n’est pas appliquée correctement. Elle peut ensuite adresser une recommandation tendant à ce que la mise en œuvre d’une technique soit interrompue et les renseignements collectés détruits. Si le Premier ministre ne donne pas suite à cette recommandation ou que les suites données lui semblent insuffisantes, la CNCTR peut saisir le Conseil d’État. Ce dernier, qui statue en formation spécialisée, peut alors annuler l’autorisation et ordonner la destruction des renseignements irrégulièrement collectés.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Non, je vais le retirer, monsieur le président, compte tenu des informations qui ont été fournies.
Il s’agissait pour nous d’étendre le champ de l’investigation et de faire comprendre qu’il peut se produire des dérives. Dans le temps, une fois la menace levée, il importe de pouvoir revenir à des pratiques plus conformes.
Je retire l’amendement.
Le livre VIII du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° Au 1° du I de l’article L. 822-2, la référence : « de l’article L. 852-1 » est remplacée par les références : « des articles L. 852-1 et L. 852-2 » ;
2° Le chapitre II du titre V est complété par un article L. 852-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 852-2. – Dans les conditions prévues au chapitre Ier du titre II, peuvent être autorisées les interceptions de correspondances échangées au sein d’un réseau de communications électroniques empruntant exclusivement la voie hertzienne et n’impliquant pas l’intervention d’un opérateur de communications électroniques, lorsque ce réseau est conçu pour une utilisation privative par une personne ou un groupe fermé d’utilisateurs. Pour l’application du 6° de l’article L. 821-2, lorsque l’identité de la personne concernée n’est pas connue, la demande précise les éléments nécessaires à l’identification du réseau concerné.
« L’autorisation mentionnée au premier alinéa du présent article vaut autorisation de recueil des informations ou documents mentionnés à l’article L. 851-1 associés à l’exécution de l’interception et à son exploitation. » ;
3° À la fin du 2° du I de l’article L. 853-2, le mot : « audiovisuels » est supprimé ;
4° Le titre V est complété par un chapitre V ainsi rédigé :
« Chapitre V
« Des mesures de surveillance de certaines communications hertziennes
« Art. L. 854-9-1. – Les services de renseignement mentionnés aux articles L. 811-2 et L. 811-4 sont autorisés, aux seules fins de la défense et de la promotion des intérêts fondamentaux de la Nation mentionnés à l’article L. 811-3, à procéder à l’interception et à l’exploitation des communications électroniques empruntant exclusivement la voie hertzienne et n’impliquant pas l’intervention d’un opérateur de communications électroniques lorsque cette interception et cette exploitation n’entrent dans le champ d’application d’aucune des techniques de renseignement prévues aux chapitres Ier à IV. Ces mesures de surveillance sont exclusivement régies par le présent chapitre.
« Art. L. 854-9-2. – Les renseignements collectés en application de l’article L. 854-9-1 sont détruits à l’issue d’une durée maximale de six années, ou de huit années s’ils sont chiffrés.
« Ils ne peuvent être transcrits ou extraits pour d’autres finalités que celles mentionnées à l’article L. 811-3. Les transcriptions ou extractions doivent être détruites dès que leur conservation n’est plus indispensable à la poursuite des finalités mentionnées au même article L. 811-3.
« Art. L. 854-9-3. – La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement veille au respect des champs d’application respectifs des articles des chapitres Ier à IV régissant les techniques de renseignement et de l’article L. 854-9-1.
« À ce titre, elle est informée du champ et de la nature des mesures prises en application du même article L. 854-9-1. Elle peut, à sa demande et à seule fin de s’assurer du respect des champs d’application mentionnés au premier alinéa du présent article, se faire présenter sur place les capacités d’interception mises en œuvre sur le fondement dudit article L. 854-9-1 et se faire communiquer les renseignements collectés et les transcriptions et extractions réalisées.
« La commission peut, à tout moment, adresser au Premier ministre, ainsi qu’à la délégation parlementaire au renseignement, les recommandations et observations qu’elle juge nécessaires au titre du contrôle qu’elle exerce sur l’application du présent chapitre. » ;
5° À l’article L. 871-2, les mots : « ainsi que le Premier ministre ou, en ce qui concerne l’exécution des mesures prévues à l’article L. 811-5, le ministre de la défense ou le ministre de l’intérieur » sont supprimés.
L'amendement n° 10, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Les articles 8 et 9 instaurent un nouveau régime légal de surveillance des communications hertziennes afin de tirer les conséquences de la question prioritaire de constitutionnalité du 21 octobre 2016, qui a censuré les dispositions de l’article L.811-5 du code de la sécurité intérieure introduisant des mesures de surveillance et de contrôle des transmissions empruntant la voie hertzienne.
Nous sommes inquiets de voir que l’article 8 élargit le champ des techniques de renseignement prévues par la loi du 24 juillet 2015. En effet, le recours à des techniques intrusives ne se limite pas à la prévention des actes terroristes. En raison de sa définition vague des « intérêts nationaux » et de « l’ingérence étrangère », cet article permet également de viser des personnes en raison de leur militantisme réel ou supposé.
En outre, l’absence d’un véritable contrôle juridictionnel préalable par une autorité indépendante laisse à l’exécutif toute latitude d’opération. La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement n’émettant qu’un simple avis, le contrôle a posteriori par le Conseil d’État n’est pas suffisant au regard de la nature de la mesure.
Ensuite, un nouveau chapitre relatif à la surveillance de certaines communications hertziennes paraît destiné à la direction du renseignement militaire, sans aucune autorisation du Premier ministre ni avis de la Commission, qui se voit simplement « présenter » le champ et la nature des mesures prises.
S’inspirant de la loi sur la surveillance des communications internationales de 2015, avec des durées de conservation des données disproportionnées – six ans et jusqu’à huit ans pour les données chiffrées –, ce chapitre n’offre aucune garantie à nos concitoyens sur le respect de leurs libertés fondamentales, pas plus que cette captation massive de données une avancée dans la lutte contre le terrorisme.
Demandons-nous, chers collègues, ce qu’il adviendrait si nous gravions ces articles dans la loi, ce qu’ils permettraient aux mains d’un exécutif moins soucieux de notre démocratie. C'est pourquoi nous vous invitons à adopter cet amendement de suppression de l’article 8.
Dans une décision du 21 octobre 2016, le Conseil constitutionnel a censuré le principe de l’« exception hertzienne », en vertu duquel la surveillance des communications empruntant la voie hertzienne était exclue de tout encadrement juridique et de tout système d’autorisation préalable.
La censure de cette mesure sera effective le 31 décembre 2017. Il est donc essentiel de prendre position pour éviter tout vide juridique. C’est l’objet de cet article 8, qui vise à créer un nouveau cadre législatif pour la surveillance des communications hertziennes. Ce nouveau régime reprend toutes les prescriptions du Conseil constitutionnel et permet de renforcer le contrôle sur la surveillance des communications hertziennes, ce qui paraît aller dans le bon sens.
En conséquence, la commission a émis un avis défavorable.
Même analyse et même avis que le rapporteur, monsieur le président.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 61 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Barbier, Bertrand et Collombat et Mme Jouve, est ainsi libellé :
Alinéa 10, première phrase
Après la référence :
L. 811-3,
insérer les mots :
à l’exception de la prévention de la délinquance organisée
La parole est à Mme Mireille Jouve.
Cet amendement vise à réduire le champ de la collecte de renseignements, en supprimant de la liste le définissant « la prévention de la délinquance organisée ».
La version actuelle de l’article 8 offre la possibilité de recourir à des interceptions de correspondances échangées par voie hertzienne pour lutter contre l’ensemble des infractions mentionnées à l’article L. 811-3 du code de la sécurité intérieure.
Cet article renvoie à toutes les infractions suivantes : l'indépendance nationale, l'intégrité du territoire et la défense nationale ; les intérêts majeurs de la politique étrangère, l'exécution des engagements européens et internationaux de la France et la prévention de toute forme d'ingérence étrangère ; les intérêts économiques, industriels et scientifiques majeurs de la France ; la prévention du terrorisme ; la prévention des atteintes à la forme républicaine des institutions, des actions tendant au maintien ou à la reconstitution de groupements dissous en application de l'article L. 212-1, des violences collectives de nature à porter gravement atteinte à la paix publique ; la prévention de la criminalité et de la délinquance organisées ; la prévention de la prolifération des armes de destruction massive.
Les auteurs de cet amendement considèrent que l’autorisation d’interceptions de ce type recouvre un champ trop vaste et proposent de le réduire.
Les auteurs de cet amendement entendent limiter le champ d’utilisation des interceptions de communications empruntant la voie hertzienne en excluant le 3° et la prévention de la délinquance organisée. La prévention du terrorisme ne ferait plus partie du champ des observations qui pourraient être faites par un système hertzien.
La restriction proposée par cet amendement est beaucoup trop sévère. L’avis de la commission est donc défavorable.
Je voudrais rappeler que le régime hertzien allégé résiduel résultant des articles 8 et 9 du projet de loi concerne les communications diffusées sur les ondes, comme le sont les émissions de radio ou de télévision, que n’importe qui peut capter pourvu qu’il possède l’antenne idoine.
En raisonnant par analogie avec la technique de captation des paroles, le régime hertzien ouvert correspondrait à ce titre au cas où une personne communiquerait publiquement. Il est donc clair que le fait de l’écouter n’attente en rien à ses droits et libertés.
Or l’amendement n° 61 rectifié porte sur le régime du hertzien ouvert. Il vise à limiter le champ des finalités pour lesquelles ce régime peut être utilisé par les services de renseignement, alors que cette restriction ne serait pas applicable au hertzien privatif, qui constitue, lui, un régime intrusif.
Par ailleurs, les communications hertziennes ouvertes, du fait de leur facilité d’utilisation et de la préservation de l’anonymat qu’elles permettent, sont assez prisées dans des activités de lutte contre les réseaux de délinquance organisée, mais aussi, comme le souligne le rapporteur, de lutte contre le terrorisme.
Je tiens à souligner que cet amendement ne concerne pas du tout la prévention du terrorisme. Il s’agit seulement de supprimer de la liste la prévention de la délinquance organisée.
Je crois utile d’appeler l’attention des collègues qui ont déposé cet amendement sur le fait que, dans certaines régions du monde, la criminalité organisée représente un risque pour notre sécurité nationale de même nature que les risques souverains.
Ainsi, la piraterie et l’industrie de l’enlèvement sont deux facteurs de vulnérabilité de notre pays particulièrement aigus dans des zones en crise.
Il y a donc des raisons majeures de sécurité nationale de mentionner la criminalité organisée.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 75, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 14 et 15
Rédiger ainsi ces alinéas :
« À ce titre, elle est informée du champ et de la nature des mesures prises en application de l’article L. 854-9-1 et peut, à sa demande, se faire présenter sur place les capacités d’interception mises en œuvre sur le fondement de cet article.
« La commission peut également solliciter du Premier ministre tous les éléments nécessaires à l’accomplissement de sa mission, y compris, à seule fin de s’assurer du respect des champs d’application mentionnés au premier alinéa, la communication des renseignements collectés et les transcriptions et extractions réalisées, et adresser à tout moment au Premier ministre, ainsi qu’à la délégation parlementaire au renseignement, les recommandations et les observations qu’elle juge nécessaires au titre du contrôle qu’elle exerce sur l’application du présent chapitre. » ;
La parole est à M. le ministre d'État.
Cet amendement tend à rétablir, à l’article 8, les dispositions du projet de loi initial qui définissent les modalités du contrôle assuré par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement sur les mesures de surveillance des communications hertziennes ouvertes mises en œuvre par les services de renseignement.
Pour tirer les conséquences de la censure, le 21 octobre 2016, par le Conseil constitutionnel des dispositions instituant une « exception hertzienne », le Gouvernement a conçu un dispositif à deux composantes : d’une part, un régime de surveillance des communications hertziennes « privatives », c'est-à-dire assimilables à des communications échangées à titre confidentiel ou privé, qui constituera une nouvelle technique de recueil de renseignements et qui sera assorti de toutes les garanties prévues par la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement en termes d’encadrement légal, notamment de prérogatives de contrôle reconnues à la CNCTR ; d’autre part, un régime hertzien allégé, résiduel, pour la surveillance des communications hertziennes ouvertes, c’est-à-dire des communications échangées sur un espace public et pouvant être interceptées par toute antenne placée sur leur « chemin », la CB, ou citizen band, par exemple.
Il est essentiel que la différence entre ces deux régimes hertziens soit bien marquée, y compris en termes de contrôle par la CNCTR, dès lors que seule la surveillance des communications hertziennes privatives est susceptible de porter atteinte à la vie privée et au secret des correspondances. À ce titre, pour le hertzien privatif, la CNCTR doit disposer de toutes les prérogatives de droit commun applicables aux techniques de renseignement.
En revanche, pour le hertzien ouvert accessible aux services de renseignement, il faut qu’elle puisse s’assurer que ce nouveau régime ne sert pas à empiéter sur le champ des techniques de renseignement.
Pour l’exercice de cette mission, il lui suffit d’avoir accès aux capacités d’interception, car elles sont spécifiques aux communications hertziennes ouvertes et permettent donc de vérifier qu’elles ne peuvent servir à d’autres utilisations. Le Gouvernement a cependant admis que la commission puisse aussi ponctuellement demander au Premier ministre un accès aux renseignements collectés et aux transcriptions et extractions pour s’assurer de cette absence de dévoiement.
Il est donc proposé sur ce point d’en revenir à la rédaction du Gouvernement.
Les explications du ministre d’État sont extrêmement intéressantes, mais la commission des lois s’est placée d’un autre point de vue et a, la semaine dernière, simplifié la procédure permettant à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement de recueillir les informations nécessaires à la conduite de sa mission de contrôle en supprimant la sollicitation préalable du Premier ministre.
Bien que les surveillances mises en place au titre de l’« exception hertzienne » échappent à ce contrôle préalable, il lui est en effet apparu souhaitable de conférer à la CNCTR des pouvoirs de contrôle a posteriori de même nature que dans le droit commun.
C'est la raison pour laquelle l’avis de la commission est défavorable.
Monsieur le ministre d’État, les propos que vous venez de tenir à l’appui de votre amendement tendant à rétablir le texte initial du projet de loi font totalement abstraction de la formulation élaborée par la commission des lois.
De quoi s’agit-il techniquement ? Lorsque l’on évoque l’exception hertzienne, le spectre hertzien, il s’agit de l’ensemble des fréquences, des plus longues aux plus courtes. La décision rendue par le Conseil constitutionnel le 21 octobre 2016 ne fait nullement état d’un saucissonnage du spectre hertzien. Celui-ci est pris dans son intégralité.
Ainsi, la rédaction de la commission des lois va tout à fait dans le sens de la décision du Conseil constitutionnel, en conformité avec les trois attributions de la CNCTR.
Tout d’abord, la CNCTR rend a priori un avis sur les demandes de placement sous surveillance d’une personne et transmet celui-ci à Matignon pour autorisation. Ensuite, elle contrôle a posteriori l’utilisation des moyens de surveillance - nous sommes dans ce cas précis. Enfin, elle est également chargée du contentieux de la légalité des autorisations de recours aux techniques de renseignement.
Qu’il s’agisse de la décision du Conseil constitutionnel du 21 octobre 2016 faisant suite à une question prioritaire de constitutionnalité soulevée par des avocats et un certain nombre d’associations ou de ses attributions, rien n’interdit à la CNCTR de se livrer à ces contrôles sans être obligé de passer par Matignon.
Pour cette raison, je ne soutiendrai pas l’amendement présenté par le Gouvernement.
Je voudrais, d’un mot, appeler l’attention de mes collègues sur le sujet dont nous discutons, puisqu’il s’agit de l’outil principal du contre-espionnage français.
Nous avons une longue expérience, en tout cas sur ce que nous avons le droit de savoir, du rôle de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, qui est évidemment honorable et bien gérée. Très sincèrement, revient-il à cette commission, qui a pour mission de s’assurer de l’absence d’abus dans l’utilisation des techniques de renseignement à l’encontre des citoyens ou des intérêts français, de jouer un rôle de moniteur du contre-espionnage français ? Le souhaite-t-elle seulement ?
Il me semble, et mes propos diffèrent sur ce point de ceux de M. Boutant, que nos services ont une mission de défense de nos intérêts nationaux, de prévention des risques pour notre souveraineté nationale et que l’exécutif de ce pays, Matignon, avec une longue tradition de responsabilité d’État, est en mesure de s’assurer que les services agissent de façon respectable, honorable.
Je constate que le Conseil constitutionnel n’a pas émis d’autre exigence que celle d’un cadre légal minimal de ces interceptions. Le texte du Gouvernement y répond. Aller au-delà ne me semble pas servir les intérêts de notre pays.
Si nous en sommes là, c’est parce qu’il y a eu une question prioritaire de constitutionnalité et que nous avons besoin d’encadrer mieux !
Si l’acceptabilité des techniques de renseignement passe par la crédibilité et le développement des moyens de la CNCTR, si nous souhaitons que les écoutes soient acceptées et comprises, elles doivent être contrôlées. C’est bien le rôle de cette commission, qui a été dotée, en 2015, de pouvoirs de conseil auprès du Premier ministre, mais aussi de saisie du Conseil d’État lorsqu’elle l’estimait nécessaire.
La CNCTR est composée de gens responsables, connaissant la situation de l’État, qui ne feront pas n’importe quoi. Il est logique de leur donner les moyens de s’assurer, par eux-mêmes, de ce qu’ils doivent garantir. Le texte de la commission assure cette possibilité et mérite, me semble-t-il, de rester en l’état.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 63 rectifié, présenté par MM. Guérini, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et M. Vall, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 15
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la commission constate une atteinte grave et répétée aux champs d’application lors des interceptions opérées, elle peut ordonner la suspension de la collecte de renseignements par cette voie. » ;
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Cet amendement de repli se situe dans la même logique que l’amendement n° 62 rectifié. Comme l’a expliqué mon collègue Arnell, il s’agit de donner à la Commission de contrôle des techniques de renseignement la possibilité de suspendre les opérations de recueil de renseignements par voie hertzienne encadrées par l’article 8.
La commission émet le même avis que sur l'amendement n° 62 rectifié. La CNCTR ne disposant que d’un pouvoir de recommandation, j’invite notre collègue à retirer le présent amendement.
L'article 8 est adopté.
L'amendement n° 1 rectifié, présenté par M. Boutant, au nom de la commission des affaires étrangères, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 5° du I de l’article 6 nonies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Les observations que la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement lui adresse en application de l’article L. 854-9-3 du même code. »
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
Il s’agit d’un simple amendement de coordination.
À l’article 8 du projet de loi, il est prévu la transmission à la délégation parlementaire au renseignement des recommandations et observations que la CNCTR juge nécessaire au titre du contrôle qu’elle exerce sur l’application du chapitre V du code de la sécurité intérieure intitulé « Des mesures de surveillance de certaines communications hertziennes ».
Par coordination, nous proposons de retranscrire cette disposition dans l’article 6 nonies de l’ordonnance du 17 novembre 1958, qui regroupe l’ensemble des dispositions législatives concernant cet organe parlementaire.
Je veux remercier M. Boutant pour la correction qu’il a apportée. Le Gouvernement émet un avis favorable.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 8.
Monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, il sera bientôt minuit ; je vous propose de prolonger notre séance pour achever l’examen du projet de loi.
Il n’y a pas d’opposition ? …
Il en est ainsi décidé.
Le chapitre unique du titre VII du livre III de la deuxième partie du code de la défense est ainsi modifié :
1° L’article L. 2371-1 est ainsi rétabli :
« Art. L. 2371-1. – Les militaires des unités des armées chargées des missions de défense militaire prévues au livre IV de la première partie et d’action de l’État en mer prévue au livre V de la même première partie sont autorisés, pour le seul exercice de ces missions, à mettre en œuvre les mesures prévues à l’article L. 854-9-1 du code de la sécurité intérieure, dans les conditions prévues aux articles L. 854-9-1 et L. 854-9-2 du même code.
« La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement est informée du champ et de la nature des mesures de surveillance mises en œuvre sur le fondement du présent article. » ;
2° Il est ajouté un article L. 2371-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 2371-2. – Le service chargé de la qualification des appareils ou des dispositifs techniques mentionnés au 1° de l’article 226-3 du code pénal au profit des armées et des services du ministère de la défense est autorisé à mettre en œuvre les mesures d’interception prévues à l’article L. 854-9-1 du code de la sécurité intérieure, à la seule fin d’effectuer des essais de ces appareils et dispositifs et à l’exclusion de toute mesure d’exploitation des renseignements recueillis. »
L’amendement n° 11, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Évelyne Rivollier.
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement n° 2, présenté par M. Boutant, au nom de la commission des affaires étrangères, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
mises en œuvre sur le fondement du présent article
par les mots et une phrase ainsi rédigée :
prises en application du présent article. Elle peut également se faire présenter sur place les capacités d’interception mises en œuvre et, à la seule fin de s’assurer du respect du champ d’application mentionné au premier alinéa, les renseignements collectés et les transcriptions et extractions réalisées.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
Cet amendement présente des analogies avec la modification apportée par la commission des lois à l’alinéa 15 de l’article 8.
La CNCTR doit veiller au respect des champs d’application des différents régimes juridiques, mais encore faut-il qu’elle en ait les moyens ! Or, s’agissant des services de renseignement, la rédaction actuelle de l’article 9 ne prévoit pas, contrairement à ce qui est maintenant inscrit à l’article 8, que la CNCTR puisse se faire présenter sur place, par les armées, les capacités d’interception ou se faire communiquer les renseignements collectés, ainsi que les transcriptions et extractions réalisées.
Autant dire qu’une CNCTR, qui ne serait qu’informée, comme cela est prévu à l’alinéa 3 de l’article 9, ne serait guère en mesure d’exercer son contrôle.
Cet amendement étend donc les moyens de contrôle de la CNCTR sur les unités militaires opérant la surveillance de cette catégorie de communications. De cette manière, ce que l’on nomme aujourd’hui l’« exception hertzienne » ne serait plus de mise et la totalité du spectre hertzien ferait l’objet d’un contrôle.
J’ai entendu ce qu’a indiqué Alain Richard à propos d’un autre amendement et je voudrais préciser qu’en adoptant celui-ci, la France ne serait pas dans une situation exceptionnelle par rapport à d’autres pays. Ainsi, j’ai pu organiser un certain nombre de déplacements à l’étranger, qui m’ont permis de vérifier qu’il existe bien un organe de contrôle dans plusieurs pays : l’Intelligence and Security Committee au Royaume-Uni, le G 10-Kommission en Allemagne ou encore le Select Committee on Intelligence au Sénat américain. Dans ces pays, rien n’échappe donc au contrôle parlementaire.
Au Sénat, nous défendons les libertés individuelles – cela a régulièrement été dit durant ce débat – et je ne vois pas au nom de quoi cet amendement, qui supprime l’exception hertzienne, pourrait être refusé. Il permet d’ailleurs de répondre en totalité à la décision du Conseil constitutionnel, qui nous demande une mise en conformité de notre droit avant le 31 décembre prochain.
Mes chers collègues, j’en appelle à votre sens des responsabilités et de la défense des libertés individuelles, qui vous a déjà guidés au moment de la loi relative au renseignement.
Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.
Cet amendement vise à étendre les pouvoirs de contrôle de la CNCTR sur les forces armées. Il est donc tout sauf anodin.
Son adoption permettrait à la CNCTR de contrôler les renseignements collectés par les forces armées, ce qui affecterait directement les fondements de l’État. C’est la raison pour laquelle la commission des lois a souhaité, avant de prendre position, connaître l’avis du Gouvernement. Ce sont les intérêts essentiels de l’État qui sont ici en jeu.
Alain Richard vient d’attirer notre attention sur les difficultés du contrôle effectué par la CNCTR. Cet amendement touche, quant à lui, à un sujet essentiel : la capacité de garder le secret-défense.
Au fond, de quoi s’agit ? Nous parlons de la capacité d’écouter les transmissions radio entre deux avions qui approcheraient de notre espace aérien ou encore de surveiller des communications émanant d’embarcations qui seraient voisines du point de sortie d’un de nos sous-marins.
On peut penser, me semble-t-il, que ce type d’opérations appartient fondamentalement à nos forces armées et qu’on ne doit pas avertir en temps réel la CNCTR. Celle-ci pourrait éventuellement effectuer des contrôles a posteriori, par exemple sur le champ d’application d’une opération, mais pas en temps réel, car procéder ainsi entraînerait la suppression d’un aspect essentiel de nos forces de défense.
La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
Les explications données à l’instant par le Gouvernement nous permettent dorénavant de rejoindre la position de la commission des lois.
J’ai tenté l’impossible ! Je remarque que la commission des affaires étrangères et de la défense a changé d’avis, alors même qu’elle avait adopté cet amendement à une très large majorité. J’ai tout de même un peu de mal à comprendre ce changement de pied.
Surtout, les contrôles dont il est question ne s’effectuent pas en temps réel, mais bien a posteriori. Je rappelle qu’il n’existe pas d’obligation de conservation des documents, il ne peut donc pas être question de « voir ce qui a été écouté »… La CNCTR, garante des libertés individuelles, doit cependant s’assurer qu’il n’y a pas eu la tentation d’écouter autre chose que ce qui est autorisé par la loi.
Je rappelle que cet article, qui vise à mettre fin à l’exception hertzienne, a fait l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité – avec le résultat que l’on connaît… – et on peut imaginer qu’un nouveau recours sera engagé s’il reste un tant soit peu de cette exception dans notre droit. Dans ce cas, on peut aussi penser que le Conseil constitutionnel affirmera sa constance, tant et si bien que nous serons à nouveau amenés à légiférer sur cette question.
Je souhaite apporter un éclaircissement supplémentaire, qui peut intéresser Michel Boutant.
Certes, il existe des instances parlementaires au Royaume-Uni et aux États-Unis, …
… qui ont une mission d’observation a posteriori de l’activité des services. Je pense qu’il serait audacieux de prétendre que ces organismes se livrent à une vérification ponctuelle sur les interventions des services. Leur mission ne me semble pas du tout être celle-là. Il s’agit plutôt de dialoguer de manière globale avec les directeurs des services concernés. Je crois qu’on peut dire qu’ils s’en tiennent là.
Quant au risque d’un nouveau contrôle constitutionnel, nous sommes plusieurs à avoir regardé de près les conditions fixées par le Conseil. Certes, il est vraisemblable qu’un nouveau recours sera formé – dorénavant, cet exercice relève quasiment de l’émulation pour les professionnels du droit et ils trouvent parfois une oreille compréhensive dans les juridictions suprêmes… Toutefois, il serait, à mon sens, tout à fait surprenant que le Conseil constitutionnel prive l’État de ses prérogatives de souveraineté nationale.
Ce débat – et plus généralement celui que nous avons sur l’ensemble du projet de loi – prouve que nous avons, en France, un véritable problème quant à l’organisation des contrôles démocratiques sur les différentes administrations. Cela est plutôt inquiétant, au moment où l’on doit, en même temps, lutter contre des ennemis extérieurs et intérieurs, les terroristes, protéger la démocratie et sécuriser la vie de nos concitoyens.
L’amendement n’est pas adopté.
L’article 9 est adopté.
L’amendement n° 32, présenté par MM. Rachline et Ravier, n’est pas soutenu.
Chapitre III
Contrôles dans les zones frontalières
I. – L’article 78-2 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° À la première phrase du neuvième alinéa, après les mots : « désignés par arrêté », sont insérés les mots : « et aux abords immédiats de ces gares » ;
2° À la dernière phrase du même neuvième alinéa, les mots : « six heures » sont remplacés par les mots : « douze heures » ;
3° Après le même neuvième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans un rayon maximal de vingt kilomètres autour des ports et aéroports constituant des points de passage frontaliers au sens de l’article 2 du règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l’Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen), désignés par arrêté en raison de l’importance de leur fréquentation et de leur exposition à des risques particuliers d’infractions et d’atteintes à l’ordre public liés à la circulation internationale des personnes, l’identité de toute personne peut être contrôlée, pour la recherche et la prévention des infractions liées à la criminalité transfrontalière, selon les modalités prévues au premier alinéa, en vue de vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévus par la loi. Le fait que le contrôle d’identité révèle une infraction autre que celle de non-respect des obligations susvisées ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes. Pour l’application du présent alinéa, le contrôle des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévus par la loi ne peut être pratiqué que pour une durée n’excédant pas douze heures consécutives dans un même lieu et ne peut consister en un contrôle systématique des personnes présentes ou circulant dans les zones mentionnées au même alinéa. »
II. – L’article 67 quater du code des douanes est ainsi modifié :
1° À la première phrase, après les mots : « désignés par arrêté », sont insérés les mots : « et aux abords immédiats de ces gares » ;
2° À l’avant-dernière phrase, les mots : « six heures » sont remplacés par les mots : « douze heures » ;
3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Pour la recherche et la prévention des infractions liées à la criminalité transfrontalière, les agents des douanes investis des fonctions de chef de poste ou les fonctionnaires désignés par eux titulaires du grade de contrôleur ou d’un grade supérieur peuvent, dans un rayon maximal de vingt kilomètres autour des ports et aéroports constituant des points de passage frontaliers au sens de l’article 2 du règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l’Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen), désignés par arrêté en raison de l’importance de leur fréquentation et de leur exposition à des risques particuliers d’infractions et d’atteintes à l’ordre public liés à la circulation internationale des personnes, vérifier le respect, par les personnes dont la nationalité étrangère peut être déduite d’éléments objectifs extérieurs à la personne même de l’intéressé, des obligations de détention, de port et de présentation des pièces ou documents prévue à l’article L. 611-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Pour l’application du présent alinéa, le contrôle des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévus par la loi ne peut être pratiqué que pour une durée n’excédant pas douze heures consécutives dans un même lieu et ne peut consister en un contrôle systématique des personnes présentes ou circulant dans les zones mentionnées au même alinéa. Le fait que la vérification révèle une infraction autre que celle de non-respect des obligations susvisées ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes. »
Je n’ai pas vraiment le sentiment que l’article 10 du projet de loi concerne les sujets dont nous débattons aujourd’hui.
On pourrait d’ailleurs l’appeler l’ « article Vintimille »…
Sourires .
Or, je constate, monsieur le ministre d’État, qu’aujourd’hui, la police aux frontières n’a pas les moyens d’assurer correctement et sans précipitation les contrôles nécessaires aux points de passage de la frontière Schengen. Il me semble qu’il serait préférable de se concentrer sur l’amélioration de ces contrôles pour qu’ils soient plus efficaces, plutôt que de multiplier les occasions de procéder à des contrôles aléatoires.
Ce qui se passe à nos frontières, en particulier dans nos aéroports, est doublement pénalisant : en raison des heures d’attente, les contrôles se font dans la précipitation, ce qui n’est bon ni pour les agents ni pour l’attractivité du pays. Cela entraîne aussi l’apparition de stratégies d’évitement : plutôt que d’attendre deux ou trois heures, les gens préfèrent passer par la Belgique ou l’Allemagne…
Monsieur le ministre d’État, je souhaite sincèrement appeler votre attention sur ce problème. L’espace Schengen doit être surveillé et je ne suis pas certain que nous ayons les moyens, à la fois, de faire un contrôle sérieux à nos frontières et de multiplier les contrôles aléatoires partout à l’intérieur de notre territoire.
Comme nous y invite le rapporteur de la commission des lois, je soutiendrai l’article 10 de ce projet de loi, qui contribue à faire évoluer positivement à la fois le code de procédure pénale et le code des douanes.
Je représente ici les Ardennes, département frontalier avec la Belgique, et comme nombre de collègues, j’ai vu disparaître au fil des années les postes-frontières, qui étaient parfois implantés sur de petites routes. L’administration des douanes procédait alors à beaucoup de contrôles.
Nous avons aussi vu ces dernières années, ces derniers mois, à l’occasion de certains attentats, que des terroristes avaient traversé nos frontières.
Ce n’est donc pas simple. Nous sommes tous convaincus du rôle important de nos forces de sécurité, qu’elles relèvent de la police, de la gendarmerie, du ministère des armées ou encore de celui de l’économie et des finances – je pense ici aux douaniers.
Dans ce contexte, il me semble que l’article 10 du projet de loi, que j’approuverai, permet de faire évoluer les choses dans le bon sens et de renforcer certains contrôles, y compris dans les trains et les gares. Je crois que tous les moyens doivent être mis dans la prévention et dans la lutte contre le terrorisme.
Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 12 est présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L’amendement n° 30 est présenté par Mmes Benbassa et Bouchoux.
L’amendement n° 52 rectifié est présenté par MM. Guérini, Barbier, Bertrand et Castelli, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et M. Vall.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 12.
L’article 10 permet d’étendre les possibilités de contrôles d’identité dits frontaliers « autour des ports, aéroports et gares ferroviaires ou routières », tant dans la durée que dans l’espace. Ainsi, les contrôles concernant les titres autorisant le séjour pourront s’étendre jusqu’à 12 heures contre 6 heures aujourd’hui.
Cette mesure est disproportionnée et est susceptible de produire davantage de discriminations, surtout lorsqu’on sait comment se déroulent aujourd’hui les contrôles et les tractations à la frontière italienne, tant pour les immigrés que pour les citoyens solidaires.
Ce nouveau renforcement des contrôles est de nature à aggraver le sentiment d’exclusion des victimes de discrimination dans l’exercice de ces contrôles et à abîmer un peu plus l’image d’un pays autrefois plus fraternel, chaleureux et accueillant, sans pour autant constituer, en contrepartie, un outil efficace tant pour les forces de l’ordre que pour les renseignements.
En effet, force est de constater que les réseaux terroristes n’empruntent pas les chemins balisés par l’État et sont en mesure de déjouer ces contrôles généralisés, soit en passant avec de faux papiers, soit en les contournant. Bien entendu, j’évoque ici les réseaux étrangers, qui ont besoin de faire passer la frontière.
Aussi, une question se pose : ces mesures sont-elles destinées à empêcher la commission d’attentats terroristes ou à servir des politiques d’immigration toujours plus guidées par des objectifs chiffrés ?
Alors que des attentats endeuillent régulièrement l’Europe, il nous paraît nécessaire de rappeler que, dans leur majorité, les auteurs de tels actes sont citoyens des pays mêmes qu’ils visent.
Les réseaux terroristes étrangers s’organisent à l’étranger et peuvent téléguider à distance des terroristes bien ancrés sur le territoire national. Sous cet angle, la question des contrôles aux frontières apparaît presque comme désuète.
Mes chers collègues, cette vérité douloureuse doit nous servir à repenser les problématiques de sécurité intérieure et de lutte contre le terrorisme sous un autre prisme que celui du contrôle de nos frontières et du tout-sécuritaire.
La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 30.
L’objet de cet amendement est, une fois encore, de supprimer une disposition qui nous semble pour le moins dangereuse. En effet, l’article 10 laisse craindre, comme le dit le Défenseur des droits dans son avis du 7 juillet 2017, que, « en l’absence d’encadrement strict des conditions de mise en œuvre des contrôles d’identité et de garanties, de tels contrôles soient effectués de manière discriminatoire et/ou en vue de contrôler la régularité du séjour des personnes contrôlées ».
Cela dit, permettez-moi, mes chers collègues, une considération plus générale. Il est assez cocasse de voir le Sénat, qui a voté les textes les plus sécuritaires ces dernières années, se placer tout d’un coup en défenseur des libertés fondamentales.
La commission des lois, par la voix de son rapporteur dont je salue le travail malgré nos différences de vues, a rendu le texte plus acceptable, au point que le Gouvernement a déposé de nombreux amendements pour rétablir son texte initial contre les quelques garanties apportées et que le rapporteur propose, de son côté, de sous-amender…
Je m’interroge, mes chers collègues : quand sortirons-nous de la posture politicienne pour envisager les mesures dont nous débattons ici dans ce qu’elles sont vraiment, c’est-à-dire le droit de demain et des générations qui viennent ? Probablement jamais !
De nombreux attentats sont déjoués grâce au travail des services de renseignement, aidés des forces de l’ordre et de l’appareil judiciaire, mais il n’existe aucune loi à même d’assurer un risque zéro. Ne vous en déplaise, monsieur le ministre d’État, ne pas voter cette loi n’est pas avoir une responsabilité, si un attentat survient. Votre responsabilité, en revanche, dans la fragilisation de nos libertés et de l’État de droit est immense.
La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l’amendement n° 52 rectifié.
Cet amendement vise également à supprimer l’article 10 du projet de loi, qui porte sur la lutte contre les infractions frontalières. Il nous semble que ce sujet nous éloigne quelque peu de l’objet même du texte. Nous préfèrerions parler de cette question à l’occasion d’un débat qui lui serait dédié, à moins que le Gouvernement ne nous montre les liens entre cet article et le reste du projet de loi.
Ces trois amendements visent à supprimer l’article 10. Si l’on peut comprendre cette position, on ne peut évidemment la retenir…
En effet, le Gouvernement va supprimer, dans quelques mois, les contrôles frontaliers terrestres établis au moment de l’état d’urgence. Il est donc tout à fait normal, compte tenu de la menace terroriste et de l’importance de la criminalité transfrontalière, de renforcer les capacités de contrôle dans les gares et aérogares.
La commission des lois a apporté au régime prévu par le Gouvernement un certain nombre de modifications, qui nous semblent permettre de garantir la proportionnalité de la mesure.
Pour ces raisons, l’avis de la commission est défavorable.
Il est également défavorable, monsieur le président.
Madame Benbassa, si je comprends bien ce que vous avez indiqué à l’instant, vous n’aurez aucune responsabilité si un attentat est commis, quels que soient les types de contrôles que vous entendez autoriser. De mon côté, j’aurai une responsabilité, si nous n’effectuons pas certains contrôles. Vous savez que, pour l’attentat du 13 novembre 2015, plusieurs allers et retours entre la France et la Belgique ont eu lieu.
Contrôler les entrées sur le territoire, que ce soit aux frontières ou dans les ports et aéroports, est donc extrêmement important.
Je rappelle tout de même que des attentats ont été commis, alors que l’état d’urgence était déclaré. Je ne citerai que Magnanville, Nice, Saint-Étienne-du-Rouvray ou encore les Champs-Élysées à Paris. L’état d’urgence n’a pas empêché que des attentats très meurtriers soient commis.
Cette responsabilité ne me revient donc pas. C’est une façon, pour le Gouvernement, de se couvrir. Je peux le comprendre, mais on ne peut pas dire, je le répète, que l’état d’urgence empêche les attentats. Certains peut-être, mais pas tous…
Sénateur d’un département frontalier, je me suis sincèrement interrogé sur cet article 10, qui élargit notamment les possibilités de contrôle aléatoire dans les gares. De ce fait, l’Alsace est directement concernée.
J’ai étudié avec intérêt la position de la commission des lois et, compte tenu des améliorations substantielles apportées au texte sur l’initiative du rapporteur, je vais me résoudre à voter cet article. Je ne voterai donc pas les amendements de suppression.
Je ne comprends pas complètement l’argumentation avancée par Jean-Yves Leconte au début de notre discussion, lorsqu’il évoquait des contrôles insuffisants aux postes de frontière Schengen. Dans mon département, nous ne sommes pas en première ligne à ce sujet – nous ne sommes pas à la frontière de la zone Schengen –, mais nous en subissons éventuellement les conséquences.
Il me semble primordial, dans les circonstances actuelles, que l’entrée sur le territoire national soit bien soumise à des contrôles, fussent-ils aléatoires, afin de protéger la population.
Vous l’aurez compris, ce n’est pas de gaité de cœur que je voterai cet article 10, mais je le ferai au regard des circonstances et des améliorations apportées par le rapporteur de la commission des lois.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L’amendement n° 76, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Supprimer le mot :
immédiats
II. – Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Dans un rayon maximal de vingt kilomètres autour des ports et aéroports constituant des points de passage frontaliers au sens de l’article 2 du règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l’Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes, désignés par arrêté en raison de l’importance de leur fréquentation et de leur vulnérabilité, l’identité de toute personne peut être contrôlée, pour la recherche et la prévention des infractions liées à la criminalité transfrontalière, selon les modalités prévues au premier alinéa, en vue de vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévus par la loi. Lorsqu’il existe une section autoroutière commençant dans la zone mentionnée à la première phrase du présent alinéa et que le premier péage autoroutier se situe au-delà des limites de cette zone, le contrôle peut en outre avoir lieu jusqu’à ce premier péage sur les aires de stationnement ainsi que sur le lieu de ce péage et les aires de stationnement attenantes. Les péages concernés par cette disposition sont désignés par arrêté. Le fait que le contrôle d’identité révèle une infraction autre que celle de non-respect des obligations susvisées ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes.
III. – Alinéa 7
Supprimer le mot :
immédiats
IV. – Alinéa 10
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Pour la recherche et la prévention des infractions liées à la criminalité transfrontalière, les agents des douanes investis des fonctions de chef de poste ou les fonctionnaires désignés par eux titulaires du grade de contrôleur ou d’un grade supérieur peuvent, dans un rayon maximal de vingt kilomètres autour des ports et aéroports constituant des points de passage frontaliers au sens de l’article 2 du règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l’Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes, désignés par arrêté en raison de l’importance de leur fréquentation et de leur vulnérabilité, vérifier le respect, par les personnes dont la nationalité étrangère peut être déduite d’éléments objectifs extérieurs à la personne même de l’intéressé, des obligations de détention, de port et de présentation des pièces ou documents prévue à l’article L. 611-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Lorsqu’il existe une section autoroutière commençant dans la zone mentionnée à la première phrase du présent alinéa et que le premier péage autoroutier se situe au-delà des limites de cette zone, la vérification peut en outre avoir lieu jusqu’à ce premier péage sur les aires de stationnement ainsi que sur le lieu de ce péage et les aires de stationnement attenantes. Les péages concernés par cette disposition sont désignés par arrêté. Le fait que la vérification révèle une infraction autre que celle de non-respect des obligations susvisées ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes.
La parole est à M. le ministre d'État.
Avant de présenter cet amendement, je voudrais apporter un complément de réponse à Mme Benbassa.
Madame la sénatrice, vous dites que l’état d’urgence n’a pas empêché les attentats ; je vous rappelle que dix-sept attentats ont été déjoués en 2016 et sept depuis le début de l’année 2017. L’action des services est donc pertinente pour défendre les Français.
En ce qui concerne l’amendement n° 76, il vise à rétablir le texte du Gouvernement relatif à l’élargissement des contrôles d’identité aux abords des gares internationales et des points de passage frontaliers. La commission des lois souhaite limiter la mesure aux abords « immédiats » ; nous ne sommes pas favorables à cette limite pour assurer l’effectivité des contrôles.
Le sous-amendement n° 84, présenté par M. M. Mercier, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Amendement n° 76, alinéas 6 et 12
Compléter ces alinéas par une phrase ainsi rédigée :
Pour l’application du présent alinéa, le contrôle des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévus par la loi ne peut être pratiqué que pour une durée n’excédant pas douze heures consécutives dans un même lieu et ne peut consister en un contrôle systématique des personnes présentes ou circulant dans les zones mentionnées au même alinéa.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter le sous-amendement et donner l’avis de la commission sur l’amendement.
Nous avons dialogué avec le Gouvernement sur ce point de façon satisfaisante. L’amendement n° 76 pourrait tout à fait être soutenu par la commission des lois, sous réserve de l’adoption du sous-amendement n° 84.
Ce sous-amendement tend à préciser que les contrôles d’identité effectués dans une zone de vingt kilomètres autour d’un point de passage frontalier n’auront pas de caractère systématique. Par ailleurs, ces contrôles ne pourront excéder une durée de douze heures consécutives, ce qui laisse une grande marge de manœuvre aux autorités qui en sont responsables.
Le sous-amendement est adopté.
L’amendement est adopté.
L’article 10 est adopté.
I. – Le code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa des articles L. 285-1, L. 286-1, L. 287-1, L. 288-1, L. 545-1, L. 546-1, L. 645-1, L. 646-1, L. 647-1, L. 895-1, L. 896-1, L. 897-1 et L. 898-1, la référence : « loi n° 2017-258 du 28 février 2017 relative à la sécurité publique » est remplacée par la référence : « loi n° … du … renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme » ;
2° Au 2° des articles L. 285-1, L. 286-1 et L. 287-1, les mots : « à L. 225-7 » sont remplacés par les mots : « à L. 225-7, et L. 226-1 à L. 229-6 » ;
3° Au 2° de l’article L. 288-1, les mots : « à L. 225-7 » sont remplacés par les mots : « à L. 225-7, L. 226-1 et L. 228-1 à L. 229-6 » ;
4° Au premier alinéa de l’article L. 648-1, la référence : « loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale » est remplacée par la référence : « loi n° … du … renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme ».
II. – Les articles L. 2441-1, L. 2451-1, L. 2461-1 et L. 2471-1 du code de la défense sont complétés par un alinéa ainsi rédigé :
« L’article L. 2371-1 est applicable dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme. »
III. – Les articles 4 ter et 5 de la présente loi sont applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Wallis-et-Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises.
IV (nouveau). – Au premier alinéa de l’article 804 du code de procédure pénale, la référence : « l’ordonnance n° 2016-1636 du 1er décembre 2016 relative à la décision d’enquête européenne en matière pénale » est remplacée par la référence : « la loi n° … du … renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme ». –
Adopté.
L’amendement n° 14, présenté par MM. Fouché, G. Bailly, Bonhomme, Milon, B. Fournier, Bouchet, César, Lefèvre, Vasselle, Revet, Calvet, Chatillon et Laménie, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 2 de la loi n° 2016-339 du 22 mars 2016 relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs est ainsi modifié :
1° Au II, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « deux » ;
2° Au III, les mots : « de sa mise en œuvre dans les deux ans suivant son entrée en vigueur » sont remplacés par les mots : «, à l’issue d’un délai d’un an de mise en œuvre ».
La parole est à M. Alain Fouché.
Cet amendement vise à réduire de trois ans à deux ans le temps d’expérimentation des caméras individuelles, autrement appelées « caméras-piétons », pouvant être portées par les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP. Cette expérimentation a commencé le 1er janvier 2017.
Cette disposition est inspirée des conclusions d’un rapport sur la sécurité des transports terrestres que j’ai réalisé avec notre collègue François Bonhomme dans le cadre de la préparation de la loi Savary.
Comme vous le savez, la durée de l’expérimentation a été fixée à trois ans à compter du 1er janvier 2017 ; il serait utile de la réduire à deux ans, afin de généraliser le dispositif plus rapidement. En effet, l’expérimentation du port d’une caméra individuelle par les policiers et les gendarmes a été concluante : l’utilisation de ces caméras permet d’apaiser les tensions, de sécuriser les missions en limitant les risques de comportement agressif et d’apporter la preuve du bien-fondé d’une intervention.
Ce qui a été concluant sur le domaine public le sera nécessairement sur le domaine public ferroviaire.
Rappelons également que l’expérimentation opérée par les gendarmes et les policiers a duré deux ans seulement.
La première année qui a suivi le vote de la loi relative à la sécurité dans les transports a été mise à profit pour effectuer des tests techniques au sein de la SNCF et travailler avec la police nationale sur le choix des matériels. La CNIL devrait donner son autorisation en septembre prochain. Quelques mois seront suffisants pour valider cette expérimentation et il n’est pas nécessaire d’attendre une année supplémentaire.
Si cette expérimentation ne s’avérait pas concluante dans le délai de deux ans, elle ne serait évidemment pas étendue.
Cette proposition me paraît claire et utile pour la sécurité dans les gares que vous connaissez tous pour les pratiquer.
L’expérimentation a commencé le 1er janvier 2017 pour une période de trois ans ; on n’en est donc qu’aux prémices. Si l’on veut raccourcir ce délai d’un an, il faut s’assurer que le Gouvernement sera en mesure de déposer un rapport dès le milieu de l’année 2018, c’est-à-dire très peu de temps après la mise en œuvre effective des caméras-piétons. Il est impératif que nous disposions, dans un délai court, d’un rapport nous permettant de prendre une décision : si le Gouvernement nous dit que c’est possible, l’amendement peut être adopté ; sinon, il faudra en rester au délai de trois ans.
Il faut aussi accepter de prendre le temps matériel de réaliser l’expérimentation pour donner sa chance à ce mode de décision moderne.
Sur le principe, nous sommes d’accord avec l’auteur de l’amendement. Néanmoins, la SNCF nous indique qu’elle ne sera pas en mesure de lancer la phase opérationnelle d’expérimentation avant le début de l’année 2018. Si nous passions de trois ans à deux ans, la durée effective de l’expérimentation serait donc d’un an seulement, ce qui paraît insuffisant.
Je vous demande donc de retirer votre amendement, monsieur Fouché, mais nous suivrons la direction que vous indiquez, car vous avez été le rapporteur pour avis de la loi du 22 mars 2016 qui a défini le chemin que nous devons suivre. Nous ne pouvons malgré tout pas avancer plus vite que l’expérimentation en cours.
La situation qui prévaut dans les gares est très dangereuse, vu le nombre de passagers. Vous le savez tous. En pratique, le dispositif de la caméra-piéton fonctionne bien dans la police et dans la gendarmerie. Je ne vois pas pourquoi il y aurait un problème à la SNCF et à la RATP. Ce dispositif pratique et concret a un effet dissuasif, il contribue à améliorer la sécurité des passagers.
Rappelez-vous l’ineptie dont nous avons été témoins il y a quelques mois à la gare du Nord : on y a installé des portiques qui coûtent une fortune et ne servent à rien puisqu’on monte sans contrôle dans les trains à Bruxelles.
La SNCF et la RATP disent déjà que les caméras-piétons fonctionnent très bien. La réduction du délai d’expérimentation me paraît donc tout à fait convenable. Il s’agit de déjouer des projets d’attentat et de sauver des vies. Or des choses graves se passent dans nos gares, qui sont surchargées.
Si j’ai bien compris M. le ministre d’État, il acceptera de réduire ce délai à condition que le rapport d’expérimentation soit produit rapidement.
Le problème est que nous ne savons pas aujourd’hui si l’expérimentation pourra se faire dans un laps de temps aussi limité. Je ne peux donc pas vous donner de garantie ce soir, mais je vous ai indiqué que nous étions d’accord sur le principe.
J’ajoute que je m’en remettrai à la sagesse de la Haute Assemblée sur l’amendement n° 15 que vous allez présenter, ce qui prouve que nous vous suivons dans votre démarche.
Vous nous dites que la caméra-piéton fonctionne bien dans la police et la gendarmerie. Nous en sommes persuadés. Je précise que ce dispositif est en cours de développement et que la gendarmerie a un peu d’avance sur la police.
Grâce à mes contacts à la SNCF et à la RATP, je sais que ce dispositif fonctionne déjà très bien. Je déduis de vos propos que nous pourrons rediscuter prochainement de la mesure que je propose.
Dans cette attente, je retire mon amendement.
L’amendement n° 14 est retiré.
L’amendement n° 15, présenté par MM. Fouché, D. Bailly, Bonhomme, Milon, B. Fournier, Bouchet, César, Lefèvre, Vasselle, Revet, Calvet, Chatillon et Laménie, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le troisième alinéa de l’article L. 2251-4-1 du code des transports, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la sécurité des agents est menacée, les images captées et enregistrées au moyen des caméras individuelles peuvent être transmises en temps réel au poste de commandement du service interne de sécurité concerné. »
La parole est à M. Alain Fouché.
Cet amendement vise à autoriser les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP à transmettre, en temps réel, les images captées par leurs caméras individuelles lorsqu’ils sont confrontés à une situation nécessitant l’appui de leur poste de commandement.
Aujourd’hui, le dispositif autorisé par l’article L. 2251-4-1 du code des transports permet seulement aux agents qui en sont porteurs d’enregistrer leurs interventions. En cas d’incident effectif, le dispositif sert ensuite à collecter des éléments de preuve pour permettre le constat des infractions et la poursuite de leurs auteurs. En revanche, lorsque l’effet dissuasif du dispositif échoue, ce dernier ne présente aucune utilité pour assurer la sécurité des agents.
Si les images étaient transmises en temps réel au poste de commandement du service interne de sécurité concerné, ce dernier pourrait conseiller les agents présents sur le terrain quant à la manière de gérer le conflit et de garantir leur sécurité, ainsi que celle des usagers du service public.
Une expérimentation pourrait être lancée et bénéficier à terme aux forces de l’ordre qui ne disposent pas aujourd’hui de cette possibilité.
La commission avait l’intention de demander l’avis du Gouvernement. Puisque nous le connaissons déjà, nous nous en remettons également à la sagesse de l’assemblée.
M. le président. M. le ministre d’État confirme sa position de sagesse.
M. le ministre d’État opine.
L’amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 11.
Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
Nous l’avions dit dans la discussion générale, ce texte comporte un certain nombre d’articles nécessaires. Cependant, son orientation globale, essentiellement dans les articles 3 et 4, consiste à indiquer à la population que nous allons quitter l’état d’urgence, mais que nous continuerons d’appliquer les mesures importantes prévues par l’état d’urgence. C’est du moins ce qui nous a été expliqué au mois de décembre dernier, à l’occasion de la cinquième prorogation de l’état d’urgence.
Or ces affirmations ne sont pas exactes. Notre rapporteur nous a expliqué en décembre que la prolongation de l’état d’urgence protège aussi le citoyen, dans la mesure où elle est soumise à un contrôle du pouvoir législatif, et qu’il fallait donc que l’état d’urgence reste un état d’exception.
Aujourd’hui, vous acceptez les articles 3 et 4 proposés par le Gouvernement, mais vous les amendez largement et faites en sorte que ces dispositions restent exceptionnelles et ne s’appliquent que jusqu’au 31 décembre 2021. On maintient donc l’état d’exception tout en n’y étant pas vraiment, on est dans le droit commun sans être dans le droit commun. Tout cela n’est pas crédible.
Au cours du quinquennat précédent, nous avons adopté toute une série de textes créant des moyens de lutte contre le terrorisme inscrits dans le code de la sécurité intérieure, mais également dans le code pénal et le code de procédure pénale. À telle enseigne que, pour reprendre les termes du président de la commission des lois qui évoquait la « prévention nécessaire », l’arsenal pénal de notre droit antiterroriste permet de sanctionner très lourdement des personnes qui ne feraient qu’envisager de commettre des actes de terrorisme.
Notre arsenal juridique est donc largement suffisant. Nous avons pu démontrer que les articles 3 et 4 sont du pur affichage, qu’ils ne servent à rien et risquent d’être contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, voire pour partie à notre Constitution.
Pour l’ensemble de ces raisons, et malgré l’intérêt des autres articles que nous avons votés, nous ne pouvons pas voter ce projet de loi.
Évoquant le terrorisme « islamique » devant le Congrès, le 3 juillet, le président Macron, avec son habituel lyrisme disait : « Le code pénal tel qu’il est, les pouvoirs des magistrats tels qu’ils sont, peuvent, si le système est bien ordonné, bien organisé, nous permettre d’anéantir nos adversaires. Donner en revanche à l’administration des pouvoirs illimités sur la vie des personnes sans aucune discrimination, n’a aucun sens, ni en termes de principes, ni en termes d’efficacité. »
Ces mots se voulaient raisonnables et rassurants. Ceux qui ont lu le projet de loi dont nous débattons aujourd’hui savent que son contenu n’est, en revanche, ni raisonnable ni rassurant.
Il y a quelques jours, le Parlement a voté une sixième prorogation de l’état d’urgence sans sourciller, comme à l’accoutumée. Soyons rassurés, cette prorogation sera la dernière, le président l’a promis !
J’ai cru un moment que M. Macron était un libéral à l’américaine, libéral économiquement et en matière sociale et sociétale. Je me suis trompée : M. Macron n’est pas Obama, il est seulement libéral économiquement. Ce projet de loi bafouant les libertés individuelles et les fragiles équilibres qui fondent l’État de droit en témoigne.
Avec ce texte, la société qu’on nous propose de construire n’est même pas une start-up, mais une société du soupçon permanent, laissée entre les mains des pouvoirs administratifs, où le préfet et le ministre de l’intérieur peuvent désormais remplacer les juges.
Nous avons assisté à la dernière prorogation de l’état d’urgence. Une fois cette loi promulguée, nul besoin en effet de recourir à ce régime d’exception : il sera devenu notre droit commun !
Nous voterons contre ce texte, pour les raisons que Christian Favier et moi-même avons évoquées lors de la discussion générale et de la présentation de notre motion.
Nous avons suivi attentivement ce débat et y avons participé. Je suis très inquiète au vu de la nature et du contenu de ce projet de loi, car je ne peux pas accepter l’introduction dans notre droit commun de mesures autorisées à titre exceptionnel dans le cadre de l’état d’urgence. Aucun des arguments énoncés soit par notre rapporteur, malgré sa bonne volonté et le bon travail de la commission des lois, soit par M. le ministre d’État ne nous a convaincus, en particulier sur les articles 3 et 4.
Pour reprendre des formules à la mode, je pense sincèrement que ce texte « contamine » et « intoxique » notre droit et qu’il met à mal nos libertés fondamentales.
Telles sont les raisons pour lesquelles notre groupe votera contre ce texte à l’unanimité.
La France ne pouvait pas rester de manière indéfinie sous le régime de l’état d’urgence qui conserve évidemment un caractère exceptionnel. Pour autant, elle ne peut pas non plus se démunir juridiquement face au fléau du terrorisme, qui nous occupe quotidiennement, nos forces de sécurité au premier chef.
Ce projet de loi était donc nécessaire pour intégrer dans le droit commun des éléments juridiques suffisants pour permettre exclusivement la lutte contre le terrorisme. C’est chose faite. Il faut saluer le travail du rapporteur, de la commission des lois et de son président, qui permet au Sénat de remplir son rôle de gardien des libertés individuelles, mais aussi des libertés publiques. Le rapporteur a réintroduit au fil des articles les garanties nécessaires que nous souhaitions afin que ces libertés soient protégées.
Nous sommes parvenus à un système que je crois équilibré. Le fait d’avoir aussi introduit une date butoir qui permettra une évaluation de ce dispositif est une forme de sécurité supplémentaire. C’est la raison pour laquelle notre groupe votera sans difficulté ce texte.
Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi, dans le texte de la commission, modifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission des lois.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 123 :
Nombre de votants336Nombre de suffrages exprimés335Pour l’adoption229Contre 106Le Sénat a adopté le projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme.
Applaudissements sur les travées du groupe La République en marche.
Je tiens à remercier le président de séance, le rapporteur et tous les sénateurs présents pour l’adoption de ce texte, d’une part, et pour la méthode de travail retenue, d’autre part.
Nous avons travaillé dans un souci d’écoute mutuelle, qu’il s’agisse des préoccupations du Gouvernement comme de celles des sénateurs. C’est de bon augure pour la suite de nos travaux communs : je ne doute pas que, dans d’autres domaines, d’autres textes de loi puissent être examinés en suivant l’exemple de la séance d’aujourd’hui.
Applaudissements sur les travées du groupe La République en marche. – M. René Danesi applaudit également.
Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 18 juillet 2017, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution la Cour de cassation lui a adressé un arrêt de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article L. 4614-13 du code du travail (Contestation et prise en charge des frais d’une expertise décidée par le CHSCT) (2017-662 QPC).
Le texte de cet arrêt de renvoi est disponible à la direction de la séance.
Acte est donné de cette communication.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 20 juillet 2017 :
À neuf heures trente :
1. Examen d’une demande de la commission des lois tendant à obtenir du Sénat, en application de l’article 5 ter de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, qu’il lui confère, pour une durée de quatre mois, les prérogatives attribuées aux commissions d’enquête pour le suivi de la loi n° 2017-1154 du 11 juillet 2017 prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence.
2. Six conventions internationales examinées selon la procédure d’examen simplifié :
- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Secrétariat de l’accord relatif aux pêches dans le sud de l’océan Indien portant sur le siège du Secrétariat et ses privilèges et immunités sur le territoire français (n° 339, 2016-2017).
- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord relatif aux services de transport aérien entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’Union des Comores (n° 274, 2016-2017).
- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République des Philippines relatif aux services aériens (n° 273, 2016-2017).
- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification du traité entre la République française et la République tchèque relatif à la coopération dans le domaine de l’exploration et de l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique à des fins pacifiques (n° 338, 2016-2017).
- Projet de loi autorisant la ratification de l’accord entre la République française et la République portugaise relatif à l’assistance et à la coopération dans le domaine de la sécurité civile et l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg relatif à l’assistance et à la coopération dans le domaine de la protection et de la sécurité civiles (n° 476, 2016-2017).
- Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume hachémite de Jordanie relatif au statut de leurs forces (n° 526, 2016-2017).
3. Projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2017-717 du 3 mai 2017 portant création de l’établissement public Paris La Défense (procédure accélérée) (n° 550, 2016-2017) ;
Rapport de M. Mathieu Darnaud, fait au nom de la commission des lois (n° 631, 2016-2017) ;
Texte de la commission (n° 632, 2016-2017).
À quinze heures : questions d’actualité au Gouvernement.
À seize heures quinze :
Débat sur l’orientation des finances publiques et projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2016 (n° 643, 2016-2017).
Projet de loi autorisant la ratification de l’avenant modifiant la convention du 14 janvier 1971 entre la France et le Portugal tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d’assistance administrative réciproque en matière d’impôts sur le revenu (n° 491, 2016-2017) ;
Rapport de M. Éric Doligé, fait au nom de la commission des finances (n° 622, 2016-2017) ;
Texte de la commission (n° 623, 2016-2017).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée le mercredi 19 juillet 2017, à zéro heure quarante.