Intervention de Albéric de Montgolfier

Réunion du 20 juillet 2017 à 15h00
Orientation des finances publiques et règlement du budget et approbation des comptes de l'année 2016 — Débat puis discussion d'un projet de loi

Photo de Albéric de MontgolfierAlbéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances :

Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le rapporteur général de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, notre mission aujourd’hui est double : nous devons à la fois examiner l’exécution des comptes de 2016 et débattre de l’orientation des finances publiques pour l’avenir. Il est vrai que, cette année, ce débat présente un caractère quelque peu particulier. Il est en effet l’occasion, pour le Gouvernement, de développer les grandes orientations des finances publiques pour la législature qui s’ouvre ; MM. les ministres l’ont fait à l’instant.

Je reviendrai tout d’abord, très brièvement, sur l’année 2016, tout en vous renvoyant à mon rapport écrit, qui est très détaillé.

L’an dernier, le taux de croissance n’a pas dépassé 1, 2 %. C’est un résultat très décevant au regard des prévisions de la loi de finances initiale pour 2016 qui l’estimaient à 1, 5 %, mais aussi au regard des performances de nos partenaires de la zone euro qui ont connu un taux de croissance de 1, 8 %.

Cette contre-performance tient essentiellement à la contribution très négative du commerce extérieur. Nous avons non seulement des difficultés en termes de compétitivité coûts, mais aussi en termes de compétitivité hors coûts.

C’est un point crucial – j’ai entendu les propos de Bruno Le Maire – auquel le Gouvernement doit s’attaquer pour que la France tire tout le profit possible du redémarrage de la croissance internationale.

J’en viens maintenant à la situation des comptes publics en 2016.

Sur ce plan, le diagnostic est sans appel : la légère amélioration du déficit public masque un relâchement de l’effort de redressement des comptes publics.

En effet, ramener le déficit à 3, 4 % du PIB en 2016 correspondait, dans la recommandation du Conseil, à une réduction de 0, 6 point de PIB par rapport à 2015. Finalement cette réduction n’aura été que de 0, 2 point, soit trois fois moins ! Le précédent gouvernement a préféré minimiser l’effort de redressement des comptes publics et repousser à 2017 la marche la plus haute.

L’analyse détaillée – je me réjouis que Gérald Darmanin l’ait dit à l’instant – montre que les efforts ont été fournis exclusivement par les collectivités territoriales et la sécurité sociale. En 2016, les collectivités territoriales ont ainsi porté 60 % de la réduction du déficit, soit 3, 1 milliards d’euros, alors que, en comptabilité nationale, le déficit de l’État s’est dégradé.

La baisse très modérée du déficit budgétaire de l’État, de 1, 5 milliard d’euros, résulte d’économies de constatation sur les prélèvements sur recettes et la charge de la dette. La dette publique continue d’augmenter et notre écart de niveau d’endettement avec l’Allemagne – je l’ai démontré à mes collègues de la commission des finances – s’élève désormais à 28 points de PIB. Je vous renvoie à mon rapport sur l’analyse des recettes et j’en viens, pour les dépenses, au respect de l’autorisation budgétaire.

Les principaux dépassements en dépenses portent sur des missions que nous connaissons bien : travail et emploi, défense, solidarité, enseignement scolaire, agriculture. Ces sous-budgétisations avaient été largement pointées du doigt par les rapporteurs spéciaux. Du fait de ces insuffisances, l’année 2016 a été marquée par un usage intensif des outils de régulation budgétaire, comme la mise en réserve de crédits toujours plus élevée, les annulations et les ouvertures par voie de décrets d’avance, ou encore les reports, qui pèseront sur 2017.

En conclusion, le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2016 qui nous est présenté traduit une gestion passée, dont la responsabilité incombe au précédent gouvernement. Nous ne pouvons qu’espérer que le nouveau gouvernement en tire les leçons pour mieux préparer l’avenir, en termes tant d’efforts de redressement de nos finances publiques que de sincérité budgétaire. J’ai bien entendu les engagements de Gérald Darmanin quant aux décrets d’avance ; je verrai ce qu’il en adviendra.

Passons maintenant justement à l’avenir.

Pour 2017, l’hypothèse de croissance est révisée à la hausse de 0, 2 point par rapport au programme de stabilité et s’élève désormais à 1, 6 % du PIB, ce qui est conforme aux dernières estimations de l’INSEE et de la Banque de France. Pour la suite du quinquennat, le scénario de croissance retenu me paraît raisonnable pour 2018, compte tenu de la situation actuelle, mais plutôt optimiste pour la période 2019-2022 au regard des prévisions de la Commission européenne.

De même, s’agissant des hypothèses de croissance potentielle et d’écart de production que la précédente majorité avait fortement surestimées, il faut se féliciter que le Gouvernement revienne à des estimations plus prudentes.

Vous le savez, le premier défi du Gouvernement consiste à contenir le déficit public à 3 % du PIB en 2017, afin d’ouvrir la voie à une sortie de la France du volet correctif du pacte de stabilité. Dans cette perspective, le Gouvernement a annoncé la mise en œuvre de mesures correctrices, pour 4, 3 milliards d’euros, dont seulement 3, 5 milliards sont aujourd’hui documentés. Il retient une élasticité plus forte des recettes à la croissance et espère sans doute ainsi une bonne nouvelle du côté des recettes. Si elles n’étaient pas au rendez-vous, des mesures de régulation supplémentaires devraient être prises, faute de quoi nous atteindrions plutôt les 3, 1 % du PIB.

Pour 2018, le Gouvernement souhaite désormais mettre en œuvre immédiatement, comme cela nous l’a été confirmé à l’instant, les baisses d’impôts annoncées lors de la campagne présidentielle, tout en assumant l’héritage fiscal, en l’occurrence satisfaisant, de la précédente majorité.

Ainsi, il entend procéder l’an prochain à une baisse des impôts pour un montant qu’il estime à 0, 6 point de PIB. En trente ans, une telle diminution des prélèvements obligatoires n’a été observée qu’à trois reprises.

Du fait de ces contraintes, le redressement des comptes publics serait très progressif sur la première partie du quinquennat : le déficit structurel se maintiendrait à 2, 2 % du PIB en 2018, avant de se réduire lentement. Cette trajectoire semble difficilement compatible avec nos engagements européens. De même, le critère de dette ne serait pas respecté en 2021, quand il deviendrait pleinement applicable à la France, et nous devrions connaître une nouvelle divergence de nos taux d’endettement avec l’Allemagne.

J’en viens enfin à une question centrale.

En effet, compte tenu de la nécessaire diminution des prélèvements obligatoires, la stratégie de redressement des finances publiques repose, comme cela nous l’a été confirmé à l’instant, exclusivement sur la maîtrise des dépenses publiques.

Concrètement, ce sont 82 milliards d’euros d’économies qui devront être réalisés sur l’ensemble du quinquennat, dont 20 milliards d’euros chaque année entre 2018 et 2020. Cet effort serait inédit : 2011 est la seule année au cours de laquelle une quasi-stabilisation de la dépense publique a pu être observée. Le Premier ministre a évoqué, tout à l’heure lors des questions d’actualité au Sénat, cette exigence de stabilité pour tous, sauf pour le ministère de la défense.

Même dans un scénario de « dérapage limité » de nos dépenses, le déficit dépasserait largement les 3 % du PIB en 2019, année au cours de laquelle le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, doit être transformé en baisse de charges. Je vous ai d’ailleurs interrogé, monsieur le ministre – vous m’avez remis à l’instant la lettre de réponse – sur l’incidence en points de PIB de cette mesure. Je comprends que, à ce stade, le taux retenu et les effets de retour d’impôt sur les sociétés ne sont pas encore pleinement arbitrés.

Il paraît en tout état de cause indispensable d’adopter sans tarder une stratégie crédible de maîtrise de la dépense, dont mon rapport s’efforce de tracer les contours.

À cet égard, trois grandes orientations semblent particulièrement pertinentes.

Il faut tout d’abord cibler les politiques publiques pour lesquelles la France dépense significativement plus que ses voisins. En effet, je suis d’accord avec vous, la logique du « coup de rabot » ne suffira pas pour réaliser un tel niveau d’économies.

Si l’on compare les ratios de dépenses publiques de la France et de l’Allemagne, il peut être noté que trois secteurs expliquent l’essentiel de l’écart : les retraites, le chômage et le logement. Bien évidemment, cela ne doit pas conduire à laisser penser que, dans tous les autres secteurs, aucune économie ne peut être réalisée.

En complément, il sera sans doute difficile de faire l’économie d’une réforme visant à maîtriser la masse salariale de l’État.

À cet égard, je tiens à vous rappeler les propositions formulées par le Sénat lors de l’examen de la loi de finances pour 2016, en matière de temps de travail dans la fonction publique et de jour de carence – Gérald Darmanin s’est déjà prononcé sur ce sujet.

Enfin, il est indispensable de mettre en place une gouvernance adaptée pour associer l’ensemble des acteurs de la sphère publique à l’effort de redressement. De premières annonces ont été faites en ce sens. J’ai assisté aux États généraux des comptes de la Nation à Bercy et à la Conférence nationale des territoires ici, au Sénat, mais il faudra veiller à ce que ces structures ne deviennent pas des instances purement formelles où le Gouvernement viendrait présenter des décisions déjà actées. Nous y serons vigilants !

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