Intervention de Jean-Marie Vanlerenberghe

Réunion du 20 juillet 2017 à 15h00
Orientation des finances publiques et règlement du budget et approbation des comptes de l'année 2016 — Débat puis discussion d'un projet de loi

Photo de Jean-Marie VanlerenbergheJean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales :

Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le vice-président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, mes chers collègues, avant d’évoquer plus précisément les comptes sociaux, je veux indiquer que la commission des affaires sociales partage l’appréciation de MM. les ministres selon laquelle il est nécessaire de nous projeter prioritairement dans l’avenir.

Néanmoins, il me semble indispensable de consacrer aussi du temps à l’examen de la gestion passée.

C’est particulièrement vrai pour les lois de financement de la sécurité sociale, qui sont des exercices de prévisions. Leur exécution n’est que rapidement évoquée dans les textes relatifs aux exercices suivants ou traitée, hors du Parlement, dans le cadre très formel et plutôt daté de la commission des comptes de la sécurité sociale, créée en 1979.

Il faut rénover ce cadre et l’intégrer, selon l’expression consacrée, dans un chaînage vertueux, qui se décline des engagements européens de notre pays dans le cadre des ASSO, les administrations de sécurité sociale, jusqu’au régime général de la sécurité sociale, lequel fait l’objet du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Les régimes à gestion paritaire, les hôpitaux, l’effort en faveur des personnes âgées et handicapées ne doivent plus constituer des angles morts de nos finances publiques dont les comptes ne seraient retracés dans aucun texte, alors que notre pays s’engage aussi sur les résultats de ces entités.

Je vois l’intérêt, comme cela est évoqué dans le document préparatoire à ce débat, qu’il pourrait y avoir à renforcer le lien entre les volets « recettes » des différents textes financiers, même si, à la suite des efforts récents, la TVA demeure la seule recette partagée entre l’État et la sécurité sociale. Je m’interroge toutefois sur les modalités de ce renforcement dans l’état actuel des textes organiques et dans la séquence des débats à l’Assemblée nationale et au Sénat. Au-delà des rapprochements qui pourraient s’opérer, il existe bien une spécificité des finances sociales qui tient, notamment, à la part encore très majoritaire prise par les cotisations sociales dans le financement des prestations.

Pour en venir aux comptes sociaux, le Gouvernement a fixé un horizon de retour à l’équilibre du régime général en 2020. Cet objectif nous semble à la fois réaliste et exigeant. Il est réaliste, car la marche à franchir, de l’ordre de 5, 5 milliards d’euros, n’est pas si élevée et elle est sans commune mesure avec le déficit de l’État. Mais cet objectif est exigeant, parce que la dynamique des dépenses est forte, tandis que, à très court terme, des baisses de recettes sont d’ores et déjà engagées.

Pour 2017, le déficit devrait se réduire moins que prévu, mais sa réduction devrait être acquise si les dépenses ne connaissent pas d’accélération au second semestre.

Pour 2018, l’équation paraît difficile. Les résultats enregistrés en 2016 et 2017, moins bons que prévu, se reporteront sur cet exercice, tandis que des tensions sont d’ores et déjà prévisibles.

En recettes, la révision de l’hypothèse d’évolution de la masse salariale, que vous avez signalée, messieurs les ministres, devrait se traduire par de moindres recettes à hauteur de 1, 4 milliard d’euros, auxquelles s’ajoutent les effets des mesures nouvelles : crédit d’impôt de taxe sur les salaires, contrecoup des acomptes de la C3S, la contribution sociale de solidarité des sociétés, et de la taxe sur les véhicules de sociétés, pour un total de 1, 3 milliard d’euros.

En dépenses, la nouvelle convention médicale pèsera encore davantage sur l’ONDAM – l’objectif national de dépenses d’assurance maladie – soins de ville, tandis que le protocole PPCR – parcours professionnels, carrières et rémunérations – augmente les charges des hôpitaux publics.

Au total, ce sont près de 4, 5 milliards d’euros qu’il faudra trouver, en recettes ou en moindres dépenses.

À cet égard, le document préparatoire nous informe que chacun des sous-secteurs devra contribuer à la baisse de la dépense publique pour la part des dépenses qu’il représente dans le PIB. Pour les ASSO, si mes calculs sont exacts, cela correspond à 32 milliards d’euros sur cinq ans, dont 8 milliards d’euros dès 2018. La commission des affaires sociales a formulé des propositions, notamment sur l’assurance maladie où des gisements d’efficience restent à exploiter dans l’organisation des soins.

Mais le document ne nous informe pas davantage sur ce point. Il trace, en revanche, quelques pistes qui suscitent de notre part des réflexions et des suggestions.

Je voudrais ainsi évoquer l’assurance chômage, dont le Gouvernement souhaite étendre le bénéfice aux travailleurs indépendants.

Certains indépendants souscrivent déjà de telles garanties à titre volontaire, pour des montants et des durées d’indemnisation variables avec des cotisations éligibles à des avantages fiscaux. La définition, cruciale, de la privation involontaire d’emploi est en général entendue assez strictement : redressement judiciaire, liquidation ou cession judiciaire, fusion-absorption, restructuration profonde, révocation ou non-reconduction du mandat social pour citer quelques cas.

Le projet du Gouvernement semble beaucoup plus large. Pourriez-vous nous éclairer, monsieur le ministre, sur son calendrier, ses contours et le cadrage général de son financement ? Qu’envisagez-vous au sujet de la question de la dette de l’assurance chômage qui s’élève d’ores et déjà à 30 milliards d’euros et approchera les 40 milliards d’euros à la fin de l’année ?

Sur la question des retraites, le Sénat s’est prononcé à plusieurs reprises en faveur d’une réforme systémique et de l’instauration d’un régime par points, plus équitable et plus facile à piloter. Nous sommes donc, sur ce sujet, en accord avec les évolutions annoncées.

Au-delà de cette question d’organisation, la commission des affaires sociales a également alerté, lors de la discussion de chacun des derniers projets de loi de financement de la sécurité sociale, sur la nécessité de reporter l’âge légal pour tenir compte de l’augmentation de l’espérance de vie et garantir la soutenabilité de notre système de retraite ainsi que la confiance des jeunes générations. Après la publication des nouvelles prévisions du Conseil d’orientation des retraites qui font état de déséquilibres profonds et persistants à court terme, le comité de suivi des retraites a préconisé, la semaine dernière, que des mesures correctives soient prises. Quelles sont, sur ce sujet des retraites, les intentions du Gouvernement ?

C’est sur les jeunes générations que nous reportons le poids de la dette sociale, en prévoyant de leur faire supporter demain les économies ou les impôts que nous ne souhaitons pas aujourd’hui.

Nous savons tous que la solution de portage des déficits du régime général par l’ACOSS, l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, ne peut être que transitoire. La disruption ira-t-elle jusqu’à l’augmentation de la contribution pour le remboursement de la dette sociale, la CRDS, éventuellement gagée par la baisse d’autres prélèvements, avec l’engagement ferme de la restituer aux Français à l’échéance de 2024, comme l’a confirmé le Gouvernement ?

Voilà, messieurs les ministres, mes chers collègues, les principales observations et interrogations que je souhaitais formuler, au nom de la commission des affaires sociales, dans le cadre de ce débat d’orientation.

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