Intervention de Bruno Le Maire

Réunion du 20 juillet 2017 à 15h00
Orientation des finances publiques et règlement du budget et approbation des comptes de l'année 2016 — Suite d'un débat puis adoption définitive d'un projet de loi

Bruno Le Maire, ministre :

Après tant d’interventions de grande qualité, il serait dommage que M. le ministre des comptes publics et moi-même ne répondions pas à certaines des remarques qui ont été formulées.

Je veux tout d’abord évoquer les observations très justes d’Albéric de Montgolfier sur la question de la compétitivité, coûts et hors coûts, dont dépend bien évidemment notre balance commerciale extérieure. Toutes les décisions que nous prenons visent à rétablir aussi bien la compétitivité coûts que la compétitivité hors coûts de nos entreprises, pour améliorer le solde de la balance commerciale.

Ramener le taux d’impôt sur les sociétés de 33 % à 25 % sur cinq ans représente un effort considérable, qui améliorera les marges de nos entreprises, leur profitabilité et, donc, la compétitivité.

Financer massivement l’innovation, en maintenant le crédit d’impôt recherche et en mettant en place un fonds de 10 milliards d’euros financés par des cessions d’actifs de l’État dans des entreprises du secteur concurrentiel, permettra à nos produits de monter en gamme, d’intégrer l’innovation et, donc, d’être plus compétitifs.

Enfin, je le rappelle, le projet de loi sur les PME et les TPE que nous porterons en 2018 visera justement à transformer nos entreprises en entreprises de taille intermédiaire capables de conquérir de nouveaux marchés extérieurs.

Nous avons donc vraiment conscience de l’importance qu’il y a à rétablir la balance du commerce extérieur, sans nous reposer sur nos acquis. Cessons de tourner en rond comme s’il n’y avait que trois filières d’excellence en France, l’aéronautique, le vin et le luxe. Il en existe des dizaines d’autres ! Il suffit de leur donner les moyens d’exporter dans de bonnes conditions.

J’en viens aux questions de croissance potentielle et de rétablissement des soldes structurels, soulevées par plusieurs intervenants.

Nous avons fait un choix très novateur, avec Gérald Darmanin, le Premier ministre et le Président de la République : ne pas surévaluer la croissance potentielle dans la trajectoire quinquennale.

Précédemment, on faisait toujours la même chose : on fixait un taux de croissance potentielle très supérieur à ce que nous pouvions réaliser, en général 1, 5 % ; puis, après avoir constaté à la fin de l’exercice que la réalisation n’était pas à la hauteur des prévisions, nous procédions à des révisions budgétaires.

Nous avons fait un choix très différent en retenant une croissance potentielle de 1, 25 %, exactement conforme aux estimations des plus grands centres d’évaluation européens et internationaux, ce qui constitue un gage de la sincérité et de l’honnêteté de notre trajectoire budgétaire.

Je dirai un mot du prélèvement forfaitaire unique et du livret A, évoqués à plusieurs reprises.

Le prélèvement forfaitaire unique concernera les intérêts, les dividendes et les plus-values mobilières.

Monsieur Dassault, comme je vous l’ai déjà dit une bonne centaine de fois, ce prélèvement forfaitaire unique n’est pas très éloigné de la flat tax que vous défendez si souvent. Par ailleurs, j’estime que la progressivité de l’impôt est un gage de justice, et c’est la justice qui rend les prélèvements obligatoires acceptables.

Avoir un prélèvement forfaitaire unique et conserver une progressivité dans l’impôt, c’est donc conjuguer efficacité fiscale et justice fiscale.

S’agissant du livret A, nous avons décidé d’en maintenir le taux à 0, 75 %, alors que la « formule » nous conduisait à retenir un taux de 1 %.

D’abord, les formules ne sont pas faites pour être strictement respectées, sinon il ne servirait à rien d’avoir des responsables politiques, qu’ils soient sénateurs, députés ou membres du Gouvernement. Nous sommes là pour prendre des décisions raisonnables, en fonction des indications qui nous sont données.

Ensuite, je le rappelle, les évaluations indiquent que l’inflation sera encore moins forte que prévu, n’atteignant que 0, 7 % environ en juin. Je le rappelle également, dans un tel contexte, la rémunération du livret A restera attractive pour les épargnants, dans la mesure où les rendements financiers restent faibles du fait de la politique monétaire accommodante menée par la Banque centrale européenne. Je le redis à ceux qui l’auraient oublié, une telle politique est favorable au secteur du logement social, qui emprunte auprès de la Caisse des dépôts et consignations à un taux indexé sur le taux du livret A. Ainsi, en maintenant le taux du livret A à 0, 75 % au lieu de le porter à 1 %, on favorise le logement social.

Je ne pense donc pas que les épargnants soient lésés, comme en témoignent d’ailleurs les encours du livret A, extraordinairement élevés, et nous gardons la possibilité de financer le logement social dans les meilleures conditions possible.

S’agissant enfin de la question des inégalités, mais Gérald Darmanin complétera mon propos, le Gouvernement a parfaitement conscience, monsieur Marc, que la lutte contre les inégalités est une priorité.

Par ailleurs, du point de vue strictement économique, je suis le premier convaincu que les inégalités sont défavorables à la croissance. L’idée qu’on augmentera la croissance en creusant les inégalités est une erreur. Il faut arriver à créer de la croissance et à réduire les inégalités, l’un n’allant pas sans l’autre. Une croissance qui ne profiterait qu’à un petit nombre de personnes serait non seulement inutile, mais aussi, très probablement, faible.

Quand nous décidons de supprimer la taxe d’habitation pour 80 % des ménages, quand nous décidons d’augmenter l’allocation aux adultes handicapés, quand nous supprimons les cotisations patronales sociales pour l’assurance maladie ou l’assurance chômage, nous réduisons les inégalités.

Certains de nos choix ne sont pas souvent mentionnés, par exemple ceux qui consistent à reprendre un certain nombre de décisions du précédent gouvernement que nous estimons justes bien que coûteuses.

Je pense au crédit d’impôt pour l’emploi à domicile, que nous maintenons bien qu’il coûte près d’un milliard d’euros aux finances publiques et aux contribuables français. Alors qu’on nous accuse de « taper » sur les retraités, je rappelle que ce dispositif permettra à des ménages modestes non soumis à l’impôt sur le revenu, notamment aux retraités avec de très faibles pensions, d’avoir accès à des emplois à domicile. En outre, cette mesure est bonne pour l’emploi, qui reste bien évidemment notre priorité à tous.

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