Monsieur Leleux, nos trois grandes orientations consistent dans le développement numérique, la promotion de l'Europe et l'accompagnement du développement économique du secteur.
Aujourd'hui, nous nous trouvons devant une asymétrie de régulation. Notre modèle de régulation date de la loi de 1986, même si elle a été de nombreuses fois modifiée.
Nous sommes à la recherche de nouveaux modes de régulation qui s'appliquent à l'ensemble du secteur de l'audiovisuel. Compte tenu du poids des acteurs numériques, nous sommes face à une asymétrie dans la régulation entre les médias traditionnels et les nouveaux médias numériques. Nous devons réfléchir à la façon dont on pourrait assouplir les contraintes. Nous menons ainsi des réflexions sur la publicité, les obligations de production ainsi que les critères de concentration. Nous pensons qu'il convient d'évoluer vers de nouvelles méthodes privilégiant un droit souple.
L'objectif est de développer une régulation qui puisse concerner tout le secteur de l'audiovisuel, y compris le secteur numérique. Le développement de cette régulation suppose un climat de confiance ainsi qu'une mobilisation des pouvoirs publics.
Nous ne pouvons pas non plus ignorer l'importance de la rémunération des droits d'auteur dans la chaîne de valeur. Néanmoins, nous n'avons pas de compétences qui nous permettraient d'intervenir sur la question des droits d'auteur.
Nous ne pouvons pas non plus faire fi de l'importance de la data dans le fonctionnement du secteur de l'audiovisuel. Le rôle de la CNIL est évidemment central en ce domaine, mais le conseil ne doit pas pour autant s'en désintéresser.
Bref, je résumerai mon propos en disant que nous plaidons pour une régulation assouplie au périmètre élargi.
Concernant les annonces faites par le Président de la République, je dois dire que nous n'avons pas eu de contact avec lui à ce stade. Durant la précédente législature, les questions audiovisuelles avaient été, dans un premier temps, abordées sous l'angle structurel. La loi du 15 novembre 2013 a traité les questions de gouvernance tandis que les aspects relatifs à la régulation économique avaient été renvoyés à une future loi audiovisuelle qui n'a jamais vu le jour. Je craindrais aujourd'hui une focalisation trop forte sur les aspects structurels et institutionnels qui ne prendraient pas assez en compte la régulation économique.
La nomination du président de Radio France interviendra effectivement au premier semestre 2019. D'ici là, il conviendra de transposer en droit français la directive européenne précitée qui sera adoptée en décembre 2017. Le législateur, en ayant une conception large de cette transposition, pourra alors agir pour améliorer la régulation audiovisuelle. J'attire toutefois votre attention sur la nécessité d'adopter ce texte dans les premiers mois de l'année 2018, sans quoi il semblerait compliqué d'appliquer la nouvelle législation au processus de nomination du prochain président de Radio France.
Vous m'avez également interrogé, monsieur Leleux, sur l'augmentation du nombre de plaintes et l'efficacité de notre processus de sanction. Cette compétence ressort des missions de notre directeur général. Je puis toutefois vous indiquer que neuf nouveaux dossiers ont été transmis à notre rapporteur indépendant depuis le début de l'année 2017. Ce dernier a effectivement été nommé il y a peu président de la Cour administrative d'appel de Lyon, ce qui limite évidemment son temps de présence à Paris pour exercer sa mission de rapporteur indépendant auprès du CSA. Néanmoins, avant cette nomination, nous avons observé une forte accélération des remises de rapports. Malgré les contraintes logistiques que je viens de citer, je ne crois pas que le CSA ait forcément besoin d'un rapporteur à temps plein et je suis même favorable à ce qu'il soit également magistrat administratif, ce qui évite qu'il demeure isolé dans ses fonctions. En tout état de cause, la décision de modifier l'organisation actuelle appartiendra au vice-président du Conseil d'État lorsque le mandat de quatre ans de M. Fraisse arrivera à échéance à la fin de l'année 2018.
S'agissant des demandes de la chaîne TF1 émises dans le cadre de la procédure de renouvellement de son autorisation, je serais prudent dans ma réponse puisque le dossier est actuellement en cours d'examen devant le Conseil. Ce sujet figure à l'ordre du jour du Conseil lors de sa réunion de demain. Il ne s'agira cependant que d'un premier débat ; le collège ne tranchera évidemment pas ce dossier demain. Je vous rappelle que cette affaire n'est pas nouvelle : dès 2016, elle avait été évoquée en audience publique par M6 comme par TF1 en présence des tiers intéressés qui aujourd'hui m'écrivent courrier sur courrier. TF1 n'utilise aujourd'hui pas la possibilité ouverte par le législateur d'appliquer une coupure publicitaire aux journaux d'information d'une durée supérieure à 30 minutes. Depuis les débuts de la chaîne, le paysage audiovisuel s'est profondément modifié et les chaînes d'information en continu fonctionnent largement grâce à la publicité. Le gain estimé par TF1 d'une coupure publicitaire lors de ses journaux est compris entre 15 et 80 millions d'euros. Le résultat exact dépendra de la politique mise en place dans ce domaine par la chaîne afin d'éviter que les téléspectateurs publiphobes ne quittent son antenne, d'autant que nombre d'entre eux estiment que la publicité est incompatible avec une information bien souvent dramatique. La décision du CSA en la matière sera notamment envisagée à l'aune des chiffres globaux de la publicité à la télévision. En 2015, les recettes publicitaires toutes chaînes confondues ont atteint 10,5 milliards d'euros puis se sont établies à 11 milliards d'euros en 2016, la télévision représentant 31 % du chiffre d'affaires publicitaire réalisé par les médias.
Pour ce qui concerne la numérotation des chaînes, la délibération en date du 15 février 2017 a fixé des règles claires. J'ai récemment rencontré MM. Combes et Weill qui se sont engagés à ce que SFR applique sans délai la numérotation logique. Le dialogue avec Canal + est en revanche plus difficile.
J'aborderai maintenant le sujet de la radio numérique terrestre. À Paris, Marseille et Nice, nous avons rencontré autant d'échecs que de succès. J'estime qu'il faut aujourd'hui sérier nos objectifs sur les zones les plus denses et sur celles qui posent des difficultés en matière de fréquences hertziennes. Nous devons également focaliser notre attention sur la continuité des trajets. Quoi qu'il en soit la limite de 20 % fixée pour les équipementiers sera prochainement dépassée.
Madame Lepage, vous avez mentionné avec raison le chemin qui reste à parcourir dans l'égalité entre les femmes et les hommes. Il s'agit d'un objectif essentiel du CSA : un groupe de travail y est consacré et nous mettons en place de fréquentes actions de persuasion comme de nombreux colloques mais il est vrai que les progrès demeurent trop lents. Ainsi, si la France compte 52 % de femmes, elles ne sont que 36 % à l'écran dans des rôles parfois peu qualitatifs. La loi du 4 août 2014 nous donne des outils supplémentaires pour améliorer la lutte contre les stéréotypes et les violences faites aux femmes. Notre dernière enquête montre toutefois des résultats décevants s'agissant des expertes malgré un guide publié par le CSA sur ce sujet. Des progrès sont en revanche à noter pour les chroniqueuses, les journalistes et les animatrices. Un décalage important demeure entre la télévision et la radio, univers encore très majoritairement masculins. En 2016, le CSA a lancé l'opération « Quatre saisons du sport féminin », au lancement de laquelle, le 1er février, quatre ministres étaient présents au CSA. L'opération a été reprise en 2017 et je rencontrerai à la rentrée la ministre des sports Laura Flessel pour progresser ensemble grâce à des actions concrètes de lutte contre les stéréotypes.