Commission de la culture, de l'éducation et de la communication

Réunion du 18 juillet 2017 à 9h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • CSA
  • audiovisuel
  • médias
  • télévision

La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Monsieur le président, nous vous auditionnons chaque année sur le bilan du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA). C'est important pour nous de jouer ce rôle, de pouvoir apprécier le travail des autorités indépendantes et de dialoguer avec vous sur des sujets sur lesquels nous travaillons beaucoup.

Debut de section - Permalien
Olivier Schrameck

Comme chaque année, je viens vous présenter les conclusions du rapport annuel du CSA et m'enquérir des interrogations que les résultats que nous présentons peuvent soulever de votre part. Je me présente cette année à une date plus tardive qu'à l'accoutumée, en raison du contexte mais aussi parce que la loi d'initiative sénatoriale du 20 janvier 2017 qui a entendu régler par des dispositions communes la situation des autorités administratives indépendantes (AAI), a globalement fixé au premier juin la remise des rapports annuels. Auparavant, s'agissant du CSA, la transmission devait être effectuée avant le 31 mars. Ce délai légal supplémentaire, que nous n'avions pas anticipé, a été mis à profit lors de la très importante mobilisation du CSA, au cours du printemps, dans le cadre des élections présidentielle et législatives. Pour l'année à venir, madame la présidente, comme vous me l'avez demandé lors d'un entretien en janvier, je ferai en sorte que la présentation du rapport annuel ait lieu plus tôt dans l'année, assurément avant l'été. Cette année, la date de présentation du rapport intervient à un moment charnière, aux premiers jours de la première législature de l'Assemblée nationale, après cinq années durant lesquelles le Parlement a apporté de nombreuses modifications à la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, sans en modifier profondément l'économie. Une réflexion sur l'adaptation de l'audiovisuel à l'heure numérique s'avère, de notre point de vue, nécessaire. Dans cette perspective, nous serons attentifs, madame la présidente, à la présentation devant votre commission des conclusions de votre mission d'information sur l'avenir des médias.

Pour autant, le rapport du CSA de l'année 2016, pour lequel nous nous sommes efforcés de rendre plus lisibles et mieux illustrées les différentes palettes de notre activité, est susceptible de vous montrer la variété des réalisations qui ont été les nôtres, dans le sillage des lois récentes ou plus traditionnellement. Les sujets sont extrêmement divers. Au fil des lois, de nouvelles fonctions nous incombent : de la promotion du sport féminin, en passant par des questions de santé, jusqu'aux adaptations rendues nécessaires pour les personnes présentant un handicap auditif ou oculaire sur lesquels nous avons fait un bilan précis...

S'agissant de la télévision, 2016 aura été marquée par une très importante modernisation technologique sans précédent dont la réussite procédait d'une équation technologique et financière difficile. Je tiens à le dire et à le répéter : le travail préalable effectué, en amont, de concert avec votre commission, aura été d'une importance toute particulière. C'est un exemple achevé de coopération étroite et confiante entre une autorité indépendante et l'émanation de la Haute assemblée que vous représentez. Le 5 avril dernier, la plateforme a basculé pour l'ensemble du territoire métropolitain. La mise à disposition de la bande hertzienne a été réalisée pour la région Ile-de-France. Elle a touché de nombreux émetteurs. Cela a permis de terminer l'installation, dans la région Rhône-Alpes, des chaînes de la TNT entreprise en 2012, soit 11 chaînes en haute définition (HD), 27 chaînes gratuites, sans compter les 5 chaînes payantes et la création de la chaîne Franceinfo, événement marquant de l'année, qui n'a été possible que par le retour à la simple définition pour France Ô.

Cette base hertzienne constitue un enjeu démocratique qui se trouve en quelque sorte parachevé par ce passage presque généralisé à la haute définition. Car l'ensemble de la plateforme offre une gamme de médias audiovisuels diverse, pluraliste, gratuite que s'attache à promouvoir notre système de régulation. C'est aussi un enjeu économique. Nous sommes persuadés qu'à partir d'un socle hertzien solide et modernisé, le régulateur pourra accompagner le secteur de l'audiovisuel sur la voie du numérique, avec des technologies marquées par l'interaction constante entre émetteur et récepteur. La plateforme TNT actuelle ne le permet pas. Elle pourrait être modernisée à des coûts raisonnables, avec un passage progressif d'une grande ligne de programmes généralisée à une offre de programmes personnalisée et délinéarisée. C'est l'objet de la consultation publique que nous allons lancer demain 19 juillet. Elle va montrer que les perspectives ne sont pas limitées à l'ultra haute définition qui exige des conditions préalables de fabrication et de programmation mais que TNT et interactivité ne sont pas contradictoires.

Dans le cadre de cette modernisation, il faut souligner qu'en 2016 la gamme des chaînes de la TNT locale s'est enrichie de quatre services supplémentaires, portant leur nombre à 43 et que 33 ont été sélectionnés pour une diffusion en haute définition. Ces chaînes de proximité sont pour nous une préoccupation constante car ce sont elles qui souvent irriguent notre communication et notre réalité territoriale. Elles font face à des difficultés de financement fréquentes avec une dépendance marquée à l'égard des subventions publiques et s'engagent de plus en plus dans des opérations de mutualisation de leurs programmes pour optimiser les coûts et pallier les difficultés d'approvisionnement de leurs grilles. Elles envisagent des partenariats avec des éditeurs nationaux, comportant, par exemple, la reprise de programmes. C'est un phénomène nouveau sur lequel une réflexion devra être menée car cela risque de modifier le paysage audiovisuel français.

Tous ces mouvements soulignent l'importance des télévisions hertziennes, même si se pose la question de l'identité propre de leurs services au regard de la dynamique territoriale que vous entendez imprimer au pays. Le CSA est conscient de cet enjeu et, conformément à la loi, y consacre un chapitre spécifique dans son rapport.

Les comités territoriaux de l'audiovisuel (CTA), auxquels je tiens à rendre une nouvelle fois hommage, ont, depuis le 1er janvier 2017, des compétences accrues en matière de suivi des télévisions locales. La plupart ont été conçus selon un dessin proche de la nouvelle carte régionale. Les régions pourront sans nul doute trouver dans ces comités des interlocuteurs particulièrement informés par une longue expérience du paysage audiovisuel local. Je me rends régulièrement dans ces comités et dès la mi-septembre au comité territorial de Toulouse pour visiter l'ensemble des médias locaux.

S'agissant de la radio, les novations sont moins marquées mais retiennent notre attention. Nous poursuivons notre recherche constante de ressources disponibles en modulation de fréquence FM, malgré les problèmes techniques que rencontre cette diversification. Nous avons lancé, en 2016, neuf FM dont deux outre-mer. Des difficultés économiques avaient provoqué des arrêts de fréquences. Nous avons pu en dégager, par des efforts techniques de recherche, 95 - ce qui est beaucoup et peu à la fois, Parmi celles-ci 30 nouvelles sont le fruit de nos recherches. Elles ont touché les ressorts des comités audiovisuels de Lyon, Nancy et Paris.

Je pense également à l'ouverture de cette fenêtre de diffusion alternative ou complémentaire qu'offre la radio numérique terrestre (RNT). Nous avons sélectionné 93 services sur Lyon, Lille et Strasbourg et enregistré avec satisfaction l'arrivée de services de Radio France en RNT - Mouv, FIP- ainsi que RFI. Nous sommes engagés dans une réflexion qui donnera priorité à un bassin d'audience plus large, par allotissement, avec l'objectif d'éviter pour l'auditeur des ruptures au cours des trajets.

Au-delà du travail accompli de modifications et d'innovations techniques, l'année 2016 du CSA me paraît placée sous le signe d'une confiance accrue du public. Les chiffres le prouvent. La fréquentation du site Internet du CSA a augmenté de 40 % depuis 2015, atteignant 1,3 million de visiteurs en 2016. Nous avons lancé un appel d'offres et engagé une rénovation complète de notre site Internet. Notre présence sur les réseaux sociaux est en augmentation ; nous enregistrons une hausse de 50 % du nombre de nos abonnés sur Facebook et deux fois plus de messages sur notre compte Twitter qu'en 2015.

Le nombre de questions et demandes de saisine adressées au CSA en 2016 a, en conséquence, bondi de plus de 300 % par rapport à 2015 et un volume équivalent s'annonce pour 2017. Cette confiance du public, même si elle s'exprime sous forme d'interrogations ou de critiques, est particulièrement importante. C'est une boussole qui nous permet de nous assurer de la promotion de programmes respectueux des droits dont nous sommes les garants et la surveillance qui nous est confiée.

Dans la perspective d'une action de communication dynamique, nous avons, dès 2014, créé au CSA une direction de l'information et de la communication institutionnelle. J'ouvre une parenthèse pour rendre hommage à l'ensemble de mes collaborateurs grâce auxquels le label « diversité », attribué fin 2012, a été sans difficulté renouvelé au conseil au terme d'une période de cinq années au regard de l'accroissement du nombre d'agents handicapés qu'il a recrutés. Nous venons également d'obtenir le label « égalité ». Nous sommes le seul organisme à avoir obtenu ces deux labels.

Cette confiance du public s'accompagne de la confiance que nous ont accordée les pouvoirs publics et la représentation nationale, avec l'examen de plusieurs lois ardemment discutées dans cette même enceinte, notamment sur la régulation du pluralisme et la généralisation, à l'occasion de la dernière élection présidentielle, du principe d'équité. Nous avons été attentifs aux limites et au cadre fixés sur les conditions de programmation, considérable et concurrentielle, qui a requis, de la part des rédactions, un effort supplémentaire substantiel. Aucune formation politique, aucun des candidats n'a d'ailleurs mis en cause l'impartialité et la réactivité du CSA.

La loi du 21 juillet 2016 sur la prolongation de l'état d'urgence a prévu l'élaboration d'un code de bonne conduite pour le traitement audiovisuel d'actes terroristes. Nous en avons débattu avec les rédactions et consulté le Procureur de la République de Paris, François Molins, ainsi qu'un large échantillon d'experts et d'acteurs. Les mesures de protection adoptées n'ont soulevé aucune critique des rédactions... le silence étant la marque la plus brillante de l'approbation.

La loi du 14 novembre 2016 visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias, en partie grâce à David Assouline, a également été considérablement constructive, mais nous nous sommes engagés à ne pas prendre appui sur cette loi pour ne pas nous ingérer dans le fonctionnement interne des rédactions. Compte tenu de l'ampleur de la tâche, nous avons décidé d'accepter un allongement du délai pour la mise en oeuvre de certaines dispositions prévues par cette loi Nous avons voulu rester fidèles à la philosophie du régulateur qui s'adapte à la singularité de chaque acteur.

Depuis l'adoption de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, 83 modifications législatives ont été adoptées, dont 17 pendant la 14e législature : 14 modifiant la loi et trois portant sur les règles déontologiques applicables aux autorités indépendantes. Durant les quatorze mois écoulés, neuf lois ont modifié directement la loi de 1986, dont celle du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes. Une telle intensité législative révèle les insuffisances de notre législation en ce qui concerne l'environnement numérique global actuel. Les modifications apportées n'ont pas touché au coeur du problème, elles ont été plus périphériques, plus spécifiques à certains problèmes ou objectifs fixés au CSA.

La priorité nous semble être de préserver la diffusion hertzienne qui constitue le socle de l'audiovisuel français, libre, divers et pluraliste, en accroissant sa lisibilité, en réaffirmant ses objectifs, mais aussi en adaptant les droits et obligations incombant aux distributeurs. Il s'agit de définir les raisons de l'attribution de fréquences gratuites dont le champ et la portée vont diminuant progressivement. Il faut le reconnaître, même si on peut le regretter, que nous nous trouvons dans un contexte de concurrence exacerbée. Il paraît de la plus grande urgence de définir un modèle pour moderniser les modes de régulation traditionnels et en faire apparaître de nouveaux. Il faut dépasser la perspective d'un simple ajustement à partir du schéma hertzien d'origine pour inventer des modes de réflexion nouveaux, autorégulation, co-régulation, régulation participative.

Dans cette perspective, nous avons créé, en 2016, un CSA Lab, associant des experts extérieurs, dans les domaines des algorithmes, des moteurs de recherche et pour l'évaluation des modes nouveaux de distribution à l'échelle européenne et internationale. J'insiste sur la portée européenne et internationale de notre action et je voudrais à cette occasion rendre hommage à André Gattolin et Colette Mélot pour leur proposition de résolution européenne du 25 mai 2016 sur l'adaptation de la directive « Services de médias audiovisuels » à l'évolution des réalités du marché, qui a donné lieu, sur le rapport de Jean-Pierre Leleux, à la résolution du Sénat du 9 décembre 2016. Le CSA, en complet accord avec l'ensemble des propositions de cette résolution, se prononcera le 19 juillet sur l'avant-projet de directive européenne.

Cette action internationale n'est pas limitée au groupe des régulateurs européens des services de médias audiovisuels (ERGA) dont nous avons assuré la présidence en 2015. Je pense notamment au réseau méditerranéen, extrêmement important, car il permet de confronter les expériences diverses des pays des rives droite et gauche de la Méditerranée. Vous avez, madame la présidente, publié un rapport riche d'intérêt à la suite de la mission d'information de votre commission au Maroc. Je connais les liens étroits et amicaux que vous entretenez avec la présidente de la Haute autorité de la communication audiovisuelle (HACA), le CSA marocain. Nous avons un rôle important à jouer dans ce réseau. J'ai été désigné lors de la conférence de Barcelone en 2016, comme vice-président de l'organisation avec pour mission d'en devenir le président en novembre prochain à l'occasion de l'assemblée générale qui se tiendra à Marseille. Je voudrais d'ailleurs souligner l'aide que m'a apporté Jean-Claude Gaudin, membre de votre commission. L'objectif est d'échanger avec Israël, le Liban, la Turquie, la Tunisie, le Portugal, l'Italie et l'Espagne sur nos pratiques, en particulier sur les questions de sauvegarde et de pluralisme culturels. C'est également pour moi un moyen de conserver un lien et une coordination avec les pays du sud de l'ERGA situés de chaque côté de la Méditerranée. Nous assurerons un secrétariat permanent du réseau francophone à Genève en septembre. La présidence ivoirienne passera le relais à la Suisse qui elle-même la transmettra à la Tunisie d'ici deux ans. C'est important en termes culturels et économiques. Les marchés sont potentiellement considérables, notamment celui de la télévision numérique en Afrique à laquelle nous nous devons de participer.

Soyez persuadé, mesdames et messieurs les sénateurs, que le CSA apportera à votre réflexion législative une contribution attentive et active.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Monsieur le président, nous vous remercions de votre présentation qui va bien au-delà de 2016 et nous vous félicitons pour vos labels. C'est un bon exemple.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

Je vous remercie pour ce rapport très complet mais j'ai quand même quelques questions.

Vous y appelez de vos voeux une « réforme de grande ampleur » afin, je cite, « de réajuster les grands équilibres sur lesquels repose la loi de 1986 » de sorte, notamment, de corriger l'asymétrie qui pénalise les médias hertziens par rapport aux nouveaux acteurs du numérique. Quelles devraient être, selon vous, les caractéristiques de cette réforme ? Au-delà de la souplesse nécessaire, peut-on imaginer une simplification et un allègement du cadre réglementaire et conventionnel qui pèse aujourd'hui sur les médias français ?

Toujours concernant cette réforme de grande ampleur, dans son programme présidentiel, le Président Emmanuel Macron a pris plusieurs engagements concernant l'audiovisuel, je vous en cite deux en particulier : « Nous renforcerons le secteur public de l'audiovisuel pour qu'il réponde aux attentes de tous les Français et accélère sa transformation numérique, en concentrant les moyens sur des chaînes moins nombreuses mais pleinement dédiées à leur mission de service public. » ; « Nous rapprocherons les sociétés audiovisuelles publiques pour une plus grande efficacité et une meilleure adéquation entre le périmètre des chaînes et leurs missions de service public. Leurs conseils d'administration seront plus indépendants et plus ouverts dans sa composition. Ils seront chargés de designer les dirigeants, après appel public à candidatures. »

Le CSA a-t-il été informé de la manière dont seront mis en oeuvre ces trois engagements : la concentration des moyens sur des chaînes moins nombreuses, le rapprochement des sociétés audiovisuelles publiques et la nomination de leurs dirigeants par leurs conseils d'administration ?

Concernant les modalités de nomination des présidents des sociétés de l'audiovisuel public, pouvez-vous nous dire quelle est, selon vous, la date-butoir pour modifier la loi afin que la prochaine nomination (le président de Radio France ?) puisse être engagée selon la nouvelle procédure ? Comment pourrait évoluer la composition de ces conseils d'administration pour les rendre véritablement indépendants des ministères ?

Ma troisième question est technique et relative au fonctionnement du CSA et l'augmentation du nombre des plaintes qu'il a reçues. La loi du 15 novembre 2013 relative à l'indépendance de l'audiovisuel public a réformé la procédure de sanction suivie par le Conseil en confiant la phase d'engagement et d'instruction à un rapporteur indépendant. Or l'actuel titulaire de la fonction est également président de cour administrative d'appel. Nous avons maintenant un certain recul sur l'activité du rapporteur indépendant - qui est importante - et sur les attentes auxquelles il doit répondre - qui sont fortes -. Cette activité et ces attentes sont-elles de nature à envisager que la fonction de rapporteur indépendant devienne une activité à temps plein ?

La chaîne TF1 aurait demandé au CSA de l'autoriser à introduire des coupures de publicité dans ses journaux télévisés. Dans le même temps, il apparaît qu'à travers une utilisation dévoyée du parrainage France Télévisions a, en réalité, réintroduit de la publicité entre 20h30 et 21 heures, contrairement à la volonté du législateur. N'est-il pas temps de clarifier le rôle de la publicité dans le modèle économique des éditeurs de programmes en la supprimant sur le service public et en assouplissant le régime de la publicité pour les chaînes privées (3ème coupure, secteurs interdits...) ? Alors que la publicité est de plus en plus captée par les grandes plateformes numériques, une telle évolution ne permettrait-elle pas de protéger l'avenir du service public et de renforcer sa spécificité éditoriale ?

Par ailleurs, il semble que les dispositions adoptées par le Parlement à l'initiative de notre commission sur la numérotation des chaînes ne soient pas totalement respectés par certains opérateurs. Comment faire respecter la volonté du législateur ?

Enfin, vous avez évoqué la RNT, avec l'appel à candidature et les trois nouvelles régions, il me semble que la France est très en retard sur l'implantation de la RNT. La Finlande va couper la FM cette année et d'autres pays l'envisagent. Y a-t-il des raisons légitimes à ce retard et que faire pour y remédier ?

Debut de section - PermalienPhoto de Claudine Lepage

Je souhaite m'arrêter sur le label égalité. En 2016, pour la première fois, les chaînes de télévision et de radio ont mis des indicateurs quantitatifs et qualitatifs sur la représentation des hommes et des femmes dans leur programme. Les conclusions montrent que les inégalités sont encore bien trop présentes dans l'audiovisuel. Seuls dix opérateurs sur quarante ont déclaré une proportion de femmes égale ou supérieure à celle des hommes. Treize opérateurs ont déclaré une proportion de femmes inférieure à 35%. Par ailleurs, même si des initiatives ont visé à promouvoir le sport féminin, celui-ci reste en net retrait par rapport à la diffusion du sport masculin. Quelles sont les actions concrètes envisagées par le CSA pour améliorer cette tendance et aller vers une égalité réelle homme femme ?

Dans ce contexte, je tiens à saluer la reconduction de Marie-Christine Saragosse à la tête de France Médias Monde (FMM). Le bilan de son premier mandat a été très positif, en termes d'amélioration du climat social, de la qualité des programmes et des résultats d'audience.

Debut de section - Permalien
Olivier Schrameck

Monsieur Leleux, nos trois grandes orientations consistent dans le développement numérique, la promotion de l'Europe et l'accompagnement du développement économique du secteur.

Aujourd'hui, nous nous trouvons devant une asymétrie de régulation. Notre modèle de régulation date de la loi de 1986, même si elle a été de nombreuses fois modifiée.

Nous sommes à la recherche de nouveaux modes de régulation qui s'appliquent à l'ensemble du secteur de l'audiovisuel. Compte tenu du poids des acteurs numériques, nous sommes face à une asymétrie dans la régulation entre les médias traditionnels et les nouveaux médias numériques. Nous devons réfléchir à la façon dont on pourrait assouplir les contraintes. Nous menons ainsi des réflexions sur la publicité, les obligations de production ainsi que les critères de concentration. Nous pensons qu'il convient d'évoluer vers de nouvelles méthodes privilégiant un droit souple.

L'objectif est de développer une régulation qui puisse concerner tout le secteur de l'audiovisuel, y compris le secteur numérique. Le développement de cette régulation suppose un climat de confiance ainsi qu'une mobilisation des pouvoirs publics.

Nous ne pouvons pas non plus ignorer l'importance de la rémunération des droits d'auteur dans la chaîne de valeur. Néanmoins, nous n'avons pas de compétences qui nous permettraient d'intervenir sur la question des droits d'auteur.

Nous ne pouvons pas non plus faire fi de l'importance de la data dans le fonctionnement du secteur de l'audiovisuel. Le rôle de la CNIL est évidemment central en ce domaine, mais le conseil ne doit pas pour autant s'en désintéresser.

Bref, je résumerai mon propos en disant que nous plaidons pour une régulation assouplie au périmètre élargi.

Concernant les annonces faites par le Président de la République, je dois dire que nous n'avons pas eu de contact avec lui à ce stade. Durant la précédente législature, les questions audiovisuelles avaient été, dans un premier temps, abordées sous l'angle structurel. La loi du 15 novembre 2013 a traité les questions de gouvernance tandis que les aspects relatifs à la régulation économique avaient été renvoyés à une future loi audiovisuelle qui n'a jamais vu le jour. Je craindrais aujourd'hui une focalisation trop forte sur les aspects structurels et institutionnels qui ne prendraient pas assez en compte la régulation économique.

La nomination du président de Radio France interviendra effectivement au premier semestre 2019. D'ici là, il conviendra de transposer en droit français la directive européenne précitée qui sera adoptée en décembre 2017. Le législateur, en ayant une conception large de cette transposition, pourra alors agir pour améliorer la régulation audiovisuelle. J'attire toutefois votre attention sur la nécessité d'adopter ce texte dans les premiers mois de l'année 2018, sans quoi il semblerait compliqué d'appliquer la nouvelle législation au processus de nomination du prochain président de Radio France.

Vous m'avez également interrogé, monsieur Leleux, sur l'augmentation du nombre de plaintes et l'efficacité de notre processus de sanction. Cette compétence ressort des missions de notre directeur général. Je puis toutefois vous indiquer que neuf nouveaux dossiers ont été transmis à notre rapporteur indépendant depuis le début de l'année 2017. Ce dernier a effectivement été nommé il y a peu président de la Cour administrative d'appel de Lyon, ce qui limite évidemment son temps de présence à Paris pour exercer sa mission de rapporteur indépendant auprès du CSA. Néanmoins, avant cette nomination, nous avons observé une forte accélération des remises de rapports. Malgré les contraintes logistiques que je viens de citer, je ne crois pas que le CSA ait forcément besoin d'un rapporteur à temps plein et je suis même favorable à ce qu'il soit également magistrat administratif, ce qui évite qu'il demeure isolé dans ses fonctions. En tout état de cause, la décision de modifier l'organisation actuelle appartiendra au vice-président du Conseil d'État lorsque le mandat de quatre ans de M. Fraisse arrivera à échéance à la fin de l'année 2018.

S'agissant des demandes de la chaîne TF1 émises dans le cadre de la procédure de renouvellement de son autorisation, je serais prudent dans ma réponse puisque le dossier est actuellement en cours d'examen devant le Conseil. Ce sujet figure à l'ordre du jour du Conseil lors de sa réunion de demain. Il ne s'agira cependant que d'un premier débat ; le collège ne tranchera évidemment pas ce dossier demain. Je vous rappelle que cette affaire n'est pas nouvelle : dès 2016, elle avait été évoquée en audience publique par M6 comme par TF1 en présence des tiers intéressés qui aujourd'hui m'écrivent courrier sur courrier. TF1 n'utilise aujourd'hui pas la possibilité ouverte par le législateur d'appliquer une coupure publicitaire aux journaux d'information d'une durée supérieure à 30 minutes. Depuis les débuts de la chaîne, le paysage audiovisuel s'est profondément modifié et les chaînes d'information en continu fonctionnent largement grâce à la publicité. Le gain estimé par TF1 d'une coupure publicitaire lors de ses journaux est compris entre 15 et 80 millions d'euros. Le résultat exact dépendra de la politique mise en place dans ce domaine par la chaîne afin d'éviter que les téléspectateurs publiphobes ne quittent son antenne, d'autant que nombre d'entre eux estiment que la publicité est incompatible avec une information bien souvent dramatique. La décision du CSA en la matière sera notamment envisagée à l'aune des chiffres globaux de la publicité à la télévision. En 2015, les recettes publicitaires toutes chaînes confondues ont atteint 10,5 milliards d'euros puis se sont établies à 11 milliards d'euros en 2016, la télévision représentant 31 % du chiffre d'affaires publicitaire réalisé par les médias.

Pour ce qui concerne la numérotation des chaînes, la délibération en date du 15 février 2017 a fixé des règles claires. J'ai récemment rencontré MM. Combes et Weill qui se sont engagés à ce que SFR applique sans délai la numérotation logique. Le dialogue avec Canal + est en revanche plus difficile.

J'aborderai maintenant le sujet de la radio numérique terrestre. À Paris, Marseille et Nice, nous avons rencontré autant d'échecs que de succès. J'estime qu'il faut aujourd'hui sérier nos objectifs sur les zones les plus denses et sur celles qui posent des difficultés en matière de fréquences hertziennes. Nous devons également focaliser notre attention sur la continuité des trajets. Quoi qu'il en soit la limite de 20 % fixée pour les équipementiers sera prochainement dépassée.

Madame Lepage, vous avez mentionné avec raison le chemin qui reste à parcourir dans l'égalité entre les femmes et les hommes. Il s'agit d'un objectif essentiel du CSA : un groupe de travail y est consacré et nous mettons en place de fréquentes actions de persuasion comme de nombreux colloques mais il est vrai que les progrès demeurent trop lents. Ainsi, si la France compte 52 % de femmes, elles ne sont que 36 % à l'écran dans des rôles parfois peu qualitatifs. La loi du 4 août 2014 nous donne des outils supplémentaires pour améliorer la lutte contre les stéréotypes et les violences faites aux femmes. Notre dernière enquête montre toutefois des résultats décevants s'agissant des expertes malgré un guide publié par le CSA sur ce sujet. Des progrès sont en revanche à noter pour les chroniqueuses, les journalistes et les animatrices. Un décalage important demeure entre la télévision et la radio, univers encore très majoritairement masculins. En 2016, le CSA a lancé l'opération « Quatre saisons du sport féminin », au lancement de laquelle, le 1er février, quatre ministres étaient présents au CSA. L'opération a été reprise en 2017 et je rencontrerai à la rentrée la ministre des sports Laura Flessel pour progresser ensemble grâce à des actions concrètes de lutte contre les stéréotypes.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Tout le monde fait appel à vous et reconnaît donc le CSA comme un organisme nécessaire mais vous tenez aussi le rôle de bouc émissaire. Vous avez évoqué la nécessité de conduire une réforme, c'est entendu. Le monde de l'audiovisuel a en effet, complètement changé depuis 1986 de telle sorte qu'il faudrait pouvoir repartir d'une feuille blanche. Je suis néanmoins très sceptique sur le fait que cette réforme soit conduite au cours de cette législature.

Concernant TF1, il ne faut pas oublier que cette société bénéficie du canal n° 1 qui aurait dû revenir au service public. Il y a donc des obligations particulières qui concernent cette entreprise, notamment concernant ses journaux télévisés.

Il y a un lobbying de la part des médias privés afin de supprimer la publicité sur le service public. Si j'entends le débat sur la spécificité des chaînes publiques, je ne crois pas qu'il faille céder aux demandes du secteur privé.

Vous n'en dites pas assez, monsieur le président, sur Canal+. Il y a quelque chose de très inquiétant concernant cette entreprise, qui demeure un acteur essentiel du secteur du cinéma. On ne peut souscrire à l'attitude des dirigeants qui ont décidé de ne plus s'inscrire dans le fonctionnement normal et respectueux propre au secteur des médias dont témoigne la décision de ne plus rémunérer les auteurs. On a l'impression qu'on n'y peut rien et que les méthodes propres au milieu de l'industrie et de la finance s'imposent aujourd'hui au secteur des médias. À cet égard, je crains le pire.

Je voulais également rappeler la mission qui m'a été confiée sous la précédente législature par le Premier ministre concernant le sport à la télévision et plus particulièrement son accessibilité au plus grand nombre. Cette mission portait notamment sur la diffusion du sport féminin, la retransmission des événements majeurs et la diversité des disciplines mises en valeur. Je souhaiterais savoir ce qu'en pense le président du CSA et s'il a été consulté sur les évolutions envisagées du décret relatif aux événements majeurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Maryvonne Blondin

Je rappelle mon attachement aux chaînes de proximité. En 2014, la mission conduite par Anne Brucy sur l'avenir de France 3 avait fait des propositions concernant les télévisions de proximité en région. Des pactes d'avenir ont été conclus entre certaines régions et l'État ; c'est notamment le cas de la Bretagne qui s'est engagée pour développer une offre régionalisée. On constate aujourd'hui une réduction des plages horaires locales sur France 3, ce qui impacte le temps consacré aux émissions en breton.

Je souhaiterais également vous interroger sur les évolutions concernant les emplois d'intermittents dans l'audiovisuel public : le recours à l'intermittence est-il en baisse ou, au contraire, constate-t-on la persistance d'un recours excessif ?

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

Quel bilan dressez-vous des élections présidentielle et législatives, ainsi que la phase des primaires qui les a précédées ?

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Concernant les télévisions locales, beaucoup de régions réfléchissent et il convient de noter le rôle intéressant joué par le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), qui propose de financer des chaînes locales dans le cadre d'un contrat d'objectifs et de moyens. Cette action apparaît utile pour préserver une offre locale spécifique.

Debut de section - Permalien
Olivier Schrameck

Le chemin était étroit pour conduire à une réforme large et il existe plusieurs possibilités pour la mener à bien : outre le lancement d'un processus de codification de la loi de 1986 qui permettrait d'en moderniser certaines dispositions, une démarche de simplification serait utile mais le secteur de l'audiovisuel ne figure pas parmi les thématiques retenues par le Gouvernement dans son projet de loi de simplification. Le recours à une proposition de loi constitue enfin une autre possibilité pour atteindre cet objectif. Aucun chemin ne doit être écarté par avance, compte tenu des difficultés d'agenda significatives qui se dressent pour conduire cette réforme.

Concernant TF1, le CSA n'a jamais hésité à s'opposer à certaines initiatives de cette entreprise, comme cela a été le cas à propos de la demande de diffusion de LCI sur la télévision hertzienne gratuite. Depuis lors, les études d'impact du Conseil sont devenues contradictoires, ce qui limite ses possibilités d'action.

Le Conseil a également eu l'occasion d'exprimer sa préoccupation à l'occasion des bouleversements qu'a connus la rédaction de la chaîne i-Télé. Nous n'avons pas, néanmoins, de pouvoirs comparables à ceux du ministère du travail pour examiner la situation des personnels de cette société. Les débats avec Canal+ sont nombreux. Ils concernent notamment les questions de numérotation, de mise en oeuvre de loi sur la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias du 14 novembre 2016, l'affaire de la rémunération des droits d'auteur ainsi que les aspects disciplinaires. Je remarque qu'aucune société de perception et de répartition des droits d'auteur ne nous a saisis en vertu de l'article 1er de la loi du 30 septembre 1986. Nous ne pouvons intervenir de notre propre initiative dans un conflit privé.

Concernant le sport à la télévision, nous partageons vos préoccupations. Les sommes consacrées par SFR au rachat des droits de la Premier League ainsi que les montants évoqués pour le futur appel d'offres de la Ligue 1 peuvent laisser craindre une limitation des moyens consacrés à la production audiovisuelle.

Le CSA n'est pas associé à la réflexion sur la liste des événements majeurs comme il ne l'est pas non plus aux réflexions du CNC sur la production locale ni au débat sur l'évolution de la chronologie des médias.

La chaîne France 3 connaît une situation très hétérogène au plan local et nous souhaitons que des coopérations confiantes puissent être conduites.

Concernant les intermittents, nous disposons de données globales mais tardives et, là encore, nous ne disposons pas de pouvoirs comparables à ceux de l'Inspection du travail. Nous savons que le recours au statut d'intermittent n'est pas toujours justifié mais il n'entre pas dans nos compétences de nous en occuper.

Nous préparons un rapport concernant les campagnes présidentielle et législative, qui sera assorti de recommandations concernant, en particulier, la communication hors campagne. Nous devons tenir compte que la notion d'alternance politique et d'opposition a évolué à l'issue du dernier scrutin.

Concernant la télévision locale, nous pensons que des approches tripartites doivent être conduites, qui associeraient les télévisions privées, les antennes locales de France 3 et le réseau France Bleu.