Intervention de Alain Milon

Réunion du 24 juillet 2017 à 16h00
Renforcement du dialogue social — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Alain MilonAlain Milon, rapporteur :

Des discussions ont été menées simultanément au Parlement et avec les partenaires sociaux sur près d’une quarantaine de sujets techniques, mais d’inégale importance. Les orientations du Gouvernement demeurent toutefois floues et changeantes, pouvant tout aussi bien témoigner d’une stratégie réfléchie que d’une succession d’hésitations. Nous ignorons à ce jour quelle sera la portée réelle des futures réformes.

Madame la ministre, nous pouvons parfaitement comprendre que, sur certains sujets, vous nous demandiez une habilitation de principe, vous laissant le temps de la concertation et de la réflexion. Je pense, par exemple, à l’articulation entre accords de branche et accords d’entreprise, question à laquelle il n’y a pas de réponse évidente.

En revanche, sur d’autres points que vous avez prévu de trancher rapidement, avant la fin de l’été, nous aurions parfaitement pu débattre dans le cadre d’un projet de loi ordinaire. Vous avez d’ailleurs relevé, devant la commission, que le Sénat avait pu se forger une idée très précise des enjeux en cause lors des discussions de différents textes ces dernières années.

Comment encourager les accords collectifs dans les petites entreprises ? Quel régime appliquer au licenciement d’un salarié qui refuse un accord ? Quelles compétences donner à l’instance unique ? Quel délai raisonnable prévoir pour contester un licenciement ? Quel périmètre géographique retenir pour apprécier les difficultés économiques d’une entreprise appartenant à un groupe ?

Toutes ces questions, nous en avons largement débattu lors de la discussion des projets de loi Rebsamen, Macron et El Khomri. Nous connaissons les positions des différentes organisations représentatives et nous savons qu’elles ne sont pas d’accord entre elles, mais c’est notre responsabilité de législateur d’apporter des réponses claires. Et c’est parce qu’elle a pris ses responsabilités que la commission des affaires sociales a précisé les habilitations demandées, même si elle n’est pas opposée à ce que la rédaction détaillée des différents textes nécessaires soit déléguée à l’exécutif sous la forme d’ordonnances.

Nous n’accepterons donc pas que l’on nous reproche d’avoir préjugé de l’issue des concertations. Celles-ci se sont d’ailleurs achevées vendredi dernier. Ce chapitre est désormais clos, et maintenant doit s’ouvrir celui de la démocratie parlementaire.

Cela fait des années que nous travaillons sur tous les sujets que je viens de citer, et puisqu’il s’agit de questions qui relèvent du domaine de la loi, c’est à nous, parlementaires, qu’il revient en dernier ressort de décider.

C’est pourquoi la commission des affaires sociales a adopté une trentaine d’amendements visant à renforcer l’ambition du projet de loi autour de trois objectifs : développer la compétitivité et l’attractivité de l’économie, tenir compte des spécificités des petites entreprises et rationaliser notre droit du travail au profit des salariés et des employeurs.

À l’article 1er, nous avons autorisé l’employeur, dans les entreprises employant moins de cinquante salariés dépourvues de délégué syndical, à conclure des accords collectifs directement avec les représentants du personnel et, en leur absence, directement avec le personnel, sans interdire, bien entendu, le recours au mandatement.

Nous souhaitons ainsi développer le dialogue social dans les petites entreprises en valorisant le rôle des délégués du personnel.

La commission soutient la volonté du Gouvernement d’encourager les référendums en entreprise pour valider un accord, mais l’employeur doit pouvoir en prendre l’initiative, et pas uniquement les syndicats.

Nous avons également obligé les signataires d’un accord de branche à accorder une attention particulière aux petites entreprises dépourvues de représentants du personnel.

S’agissant du licenciement des salariés refusant l’application d’un accord collectif, nous avons tranché en faveur d’un motif spécifique afin d’unifier les régimes actuels.

Nous avons écarté l’application des règles du licenciement collectif à ces salariés, tout en invitant le Gouvernement à les faire bénéficier d’un dispositif d’accompagnement équivalant au contrat de sécurisation professionnelle.

La commission est revenue sur la disposition adoptée par l’Assemblée nationale qui réduisait de trois ans à dix-huit mois le délai prévu pour la restructuration des branches. Elle a refusé d’accélérer la généralisation des accords majoritaires en raison du blocage du dialogue social qu’elle pourrait entraîner.

À l’article 2, nous avons approuvé la fusion des institutions représentatives du personnel en une instance unique et lui avons donné compétence en matière de négociation des accords d’entreprise, sauf accord majoritaire contraire.

Nous avons souhaité que l’ordonnance traite de la formation des membres de cette nouvelle instance, sujet crucial en raison de l’étendue de ses missions. Le nombre de mandats successifs de ses membres a été limité à trois, afin de garantir un lien entre les élus et l’activité quotidienne de l’entreprise.

Les obligations en matière de transparence financière applicables aux comités d’entreprise, qui ont vu le jour grâce à la pugnacité de notre collègue Catherine Procaccia, devront par ailleurs être étendues à l’instance unique.

Enfin, tout recours à une expertise devra être précédé d’une mise en concurrence pour limiter les coûts supportés par les employeurs.

Soucieuse de lutter contre l’instabilité du droit, la commission a en outre supprimé trois demandes d’habilitation.

La première, à la rédaction imprécise, visait à augmenter le nombre de sujets soumis à un avis conforme des institutions représentatives du personnel, au risque de remettre en cause le pouvoir de direction de l’employeur.

La deuxième prévoyait de modifier la représentation des salariés dans les conseils d’administration des grandes entreprises, alors même qu’aucune évaluation des dispositifs mis en place depuis 2013 n’a été réalisée et que la dernière réforme date seulement de 2015.

Quant à la dernière habilitation, elle autorisait une refonte des missions des commissions paritaires régionales interprofessionnelles, les CPRI, qui n’ont été installées que le 1er juillet dernier et auxquelles le Sénat s’est toujours opposé.

À l’article 3, la commission a autorisé l’employeur à rectifier dans la lettre de licenciement les irrégularités de motivation sans incidence sur la cause réelle et sérieuse du licenciement. Nous avons souhaité la réduction au moins de moitié du délai de contestation d’un licenciement économique, actuellement fixé à un an.

Nous avons également adopté un amendement ayant pour objet d’ouvrir un débat sur le coût des inaptitudes d’origine non professionnelle qui pénalisent parfois fortement les petites entreprises.

À l’instar d’un grand nombre de nos voisins européens, nous avons retenu un périmètre national pour apprécier la cause économique d’un licenciement collectif lorsqu’une entreprise appartient à un groupe international. Ce faisant, nous avons souhaité combler un vide juridique qui permet au juge de choisir un périmètre européen, voire mondial, pour contrôler le bien-fondé d’un licenciement économique nuisant gravement à l’attractivité de notre territoire.

Enfin, nous avons précisé que les accords de branche fixant les règles d’utilisation du CDI de chantier devront respecter un cadre fixé par la loi afin de garantir un socle commun aux salariés et aux employeurs relevant d’une même branche.

Vous l’aurez compris, madame la ministre, mes chers collègues, c’est donc un texte clarifié et réellement utile pour la vie de nos entreprises que nous demandons au Sénat d’adopter.

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