Intervention de Albéric de Montgolfier

Réunion du 24 juillet 2017 à 16h00
Renforcement du dialogue social — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Albéric de MontgolfierAlbéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances, rapporteur pour avis :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, comme vous le savez, la commission des finances a reçu une délégation au fond de la commission des affaires sociales concernant l’article 9 du projet de loi d’habilitation.

Je le dis d’emblée, cet article n’a pas de lien, direct ou indirect, avec le reste du texte, puisqu’il traite du report de l’entrée en vigueur du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu. Que je sache, il ne s’agit pas d’un projet de loi sur le dialogue fiscal, mais bien sur le dialogue social !

L’article 9 a d’ailleurs si peu de rapport avec le reste du texte que je remarque, madame la ministre, que vous ne l’avez même pas évoqué dans votre propos liminaire.

Véritable serpent de mer du débat fiscal français, le prélèvement à la source a fait l’objet de nombreuses tentatives de mise en place depuis les années 1950 qui se sont toutes soldées par un échec. À cet égard, je rappellerai que l’une des causes de l’abandon de la réforme en 1973 était l’effet psychologique du « bas de la feuille de paie » et la crainte d’une détérioration des relations entre employeurs et salariés. Sans doute le même écueil guette-t-il la réforme du prélèvement à la source votée en décembre dernier.

Par ailleurs, si le dispositif inscrit à l’article 60 de la loi de finances pour 2017 est sans doute l’un des projets les plus aboutis d’instauration du prélèvement à la source en France, il s’illustre aussi par son extrême complexité et ses imperfections.

Comme je l’avais détaillé dans mon rapport d’information de novembre 2016, la réforme crée un « choc de complexité » pour les contribuables comme pour les tiers collecteurs.

Elle instaure en effet un système d’impôt sur le revenu à deux étages, dans lequel de nouvelles règles d’assiette et de taux propres au prélèvement à la source viennent s’ajouter aux règles actuelles de calcul de l’impôt.

De plus, le prélèvement à la source présente des inconvénients notables pour les contribuables, comme l’absence de prise en compte des réductions et crédits d’impôt dans le montant du prélèvement, ou encore des conditions de recours au taux « neutre » particulièrement dissuasives pour ceux qui souhaiteraient protéger la confidentialité de leurs données personnelles.

Dans un récent article, l’OFCE, l’Observatoire français des conjonctures économiques, aboutit d’ailleurs à une conclusion similaire à celle que j’avais formulée à l’automne dernier : le prélèvement à la source présente peu d’avantages et beaucoup d’inconvénients.

L’étude commandée par la délégation aux entreprises du Sénat qui nous a été présentée récemment confirme, quant à elle, les coûts d’adaptation élevés inhérents à la collecte de la retenue à la source par les entreprises. Au total, ce coût est estimé à 1, 2 milliard d’euros, dont les trois quarts pèseraient sur les très petites entreprises.

Dans cet article 9, le Gouvernement justifie le report d’un an par la nécessité d’« assurer un meilleur accompagnement dans la mise en œuvre de la réforme » et d’approfondir les travaux de préparation. Il faut croire que tout n’était pas si prêt !

Cette proposition, qui n’est guère surprenante compte tenu de la précipitation avec laquelle cette réforme a été adoptée et du calendrier de mise en œuvre particulièrement serré fixé par le précédent gouvernement, est donc tout à fait acceptable.

En dépit des efforts importants fournis par les services de la direction générale des finances publiques, la fiabilité du dispositif est encore incertaine. En complément de l’expérimentation qui sera menée cet été avec les entreprises et les collectivités territoriales volontaires, qui ne sont d’ailleurs pas très nombreuses, le Gouvernement propose ainsi de réaliser un audit concernant la « robustesse » de la réforme et la charge induite pour les tiers collecteurs.

Il eût certainement été préférable de faire figurer cette mesure de report dans un autre texte que le présent projet de loi d’habilitation, qui renvoie à un tout autre débat que celui du prélèvement à la source.

Toutefois, une intervention rapide est sans doute nécessaire pour clarifier le traitement des revenus perçus par les contribuables en 2017 et éviter que leur taux de retenue à la source ne soit transmis aux employeurs à l’automne prochain.

Dans l’attente des résultats de l’expérimentation et de l’audit mené par le Gouvernement, il serait prématuré de supprimer le prélèvement à la source. Pour autant, je souhaite non pas, et c’est d’ailleurs la position très majoritaire de la commission des finances, que nous en restions au statu quo, mais que nous recherchions d’autres moyens d’améliorer la contemporanéité de l’impôt sur le revenu, autrement dit, de ne pas solliciter de tiers collecteurs.

C’est dans cet esprit que j’ai proposé à l’automne dernier une solution de compromis : le prélèvement mensualisé et contemporain, c'est-à-dire sur la base des revenus présents, de l’impôt sur le revenu. Ce dispositif reposerait sur un système d’acomptes, dont le montant pourrait être modulé à tout moment par le contribuable en cas de variation des revenus ou de modification de sa situation familiale.

C’est tout le sens de l’amendement que nous avons adopté et dont l’objet est d’enrichir le contenu du rapport qui devra être remis par le Gouvernement au Parlement avant le 30 septembre prochain. Nous pourrons ainsi disposer de toutes les informations utiles avant de statuer sur l’avenir du prélèvement à la source.

Remettons donc le débat de fond, et réjouissons-nous de ce report en espérant qu’une autre solution puisse être trouvée que celle qui avait été retenue dans la loi de finances pour 2017.

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