Intervention de Dominique Watrin

Réunion du 24 juillet 2017 à 16h00
Renforcement du dialogue social — Question préalable

Photo de Dominique WatrinDominique Watrin :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, si nous saluons le travail et l’écoute du président de la commission et rapporteur du présent projet de loi, nous contestons le choix des ordonnances.

Nous sommes sur un champ législatif très large, aussi vaste et complexe que le code du travail, et, en quelques jours de débat parlementaire, nous devrions valider le cadre que vous nous proposez, madame la ministre, sans connaître tout ce qui s’est dit avec les organisations représentatives. Tout cela s’apparente à un blanc-seing !

Je rappellerai donc aux sénatrices et sénateurs qui s’apprêtent à vous suivre qu’ils abdiqueraient encore un peu plus leur pouvoir constitutionnel d’élaboration de la loi. En effet, même si, au final, les ordonnances n’étaient pas ratifiées par le Parlement, celles-ci s’appliqueraient quand même sous forme de décrets.

Ce passage en force ne nous surprend pas au groupe communiste républicain et citoyen. Il n’est que la conséquence du parti pris à 100 % patronal, à 100 % MEDEF de l’exécutif ! Force est de constater que, sous couvert de modernisation, vous reprenez en fait une à une toutes les vieilles lunes du cahier des revendications patronales : primauté de l’accord d’entreprise, contournement des organisations syndicales, nouvelle réduction du champ du principe de faveur, facilitation et sécurisation des licenciements économiques, extension du travail de nuit et du dimanche, remise en cause du compte pénibilité, et j’en passe ! Ce sont autant de reculs des droits individuels et collectifs des salariés.

Vous tentez de présenter cette énième réforme à une opinion publique mal informée comme une réponse aux bouleversements du travail, à la diversité des entreprises ou comme un levier pour dynamiser l’entrepreneuriat.

Derrière l’imprécision du texte d’habilitation se cache, en réalité, une main de fer, celle qui est résolue à imposer la décentralisation des négociations collectives au niveau de l’entreprise, c'est-à-dire là où le salarié est le plus en situation de faiblesse.

Avec le principe de subsidiarité que vous sanctuarisez, vous inversez, en réalité, la hiérarchie des normes.

Bien sûr, vous prétendez renforcer aussi le rôle des branches, mais hormis les domaines spécifiquement désignés par la loi ou les quelques possibilités de verrouillage, nombre de droits actuellement garantis par les conventions collectives de branche pourraient être remis en cause. Beaucoup s’en inquiètent, bien au-delà de notre sensibilité.

Et en même temps, madame la ministre, vous recentralisez tous les pouvoirs entre vos mains en supprimant la commission d’experts prévue à l’article 1er de la loi El Khomri, qui devait travailler à des propositions d’évolution du code du travail.

Notre question préalable s’appuie sur ces données incontestables, mais plus encore sur le respect que nous portons à ces millions de Françaises et de Français précarisés qui cherchent un emploi ou qui voudraient simplement vivre décemment du leur.

Le Président de la République a lui-même présenté ce texte comme un « préalable » à la modernisation de notre économie.

Il n’y aurait donc pas de flexibilité dans la législation et la réglementation actuelles ? Permettez-moi d’en douter ! Ainsi, lorsque je vais sur la zone de Capécure, à Boulogne-sur-Mer, je m’aperçois que plus de 50 % des postes de production sont occupés en permanence par des intérimaires, qui ont sans doute des difficultés pour construire un projet de vie ou contracter un emprunt !

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