Intervention de David Rachline

Réunion du 24 juillet 2017 à 16h00
Renforcement du dialogue social — Discussion générale

Photo de David RachlineDavid Rachline :

… le modèle mondialiste s’effondrera un jour. Ce modèle n’est au service ni de l’homme ni du bien commun ; il ne sert que quelques-uns, notamment les financiers. Avec ce modèle, votre modèle, pendant que les salariés grecs, sur injonction de Berlin, étaient payés en tickets restaurant, l’économie allemande gagnait 100 milliards d’euros !

Les puissances d’argent ont pris le pouvoir économique et l’économie est devenue une fin en soin au lieu d’être un moyen au service de l’humain, au service de la vie en société. Cela se traduit notamment dans le dialogue social, sujet de ce texte : syndicats de salariés comme syndicats patronaux ne recherchent plus un bien commun qui les dépasserait ; non, ils cherchent avant tout à exister ! C’est ce qui fait qu’ils sont si peu considérés par les Français, qu’ils sont si peu représentatifs !

Alors, avant de réformer le dialogue social, il eût mieux valu commencer par réformer les « dialogueurs », si vous me permettez ce néologisme. Ce n’est pas le chèque syndical déguisé que l’article 2 vous permettrait d’instaurer qui conduira les syndicats à se préoccuper du bien commun des salariés plutôt que de leur seul intérêt.

Je crois qu’aujourd’hui les Français, dans leur immense majorité, sont d’accord pour admettre qu’il faut réformer le code du travail ; mais cet accord ne vaut que si cette réforme sert une cause juste. Or nous ne croyons pas un instant que, grâce à ce texte, notre économie sera au service d’une société plus juste. Il ne fait, en réalité, qu’accompagner un modèle économique qui, depuis quarante ans, montre d’année en année ses limites !

Comment peut-on, lorsqu’on a la défense du bien commun chevillée au corps, comme c’est, j’en suis persuadé, votre cas, madame la ministre, continuer à promouvoir un système qui fait que les riches deviennent toujours plus riches et les pauvres toujours plus pauvres ? Je donnerai deux chiffres : la croissance française a été en 2016 de 1, 2 %, ce qui fait que le PIB a augmenté, grosso modo, de 26 milliards d’euros ; dans le même temps, la fortune des trente-neuf milliardaires français a, quant à elle, augmenté de 42 milliards d’euros, soit près du double ! Bien sûr, ces milliardaires ne font pas des affaires qu’en France, mais la captation de la totalité de la croissance créée par la France en une année par seulement trente-neuf personnes ne vous émeut manifestement pas beaucoup !

En réalité, ce texte symbolise très bien l’obstination dans un modèle voué à un triple échec.

Échec social, d’abord, car les salariés vont devenir plus que jamais, pour les entreprises, des variables d’ajustement, jusqu’à arriver à l’entreprise sans salariés, comme certains défendaient hier l’industrie sans usines. Ainsi, l’élargissement du champ des CDI de chantier, à l’article 3, marque une nouvelle avancée vers une simple financiarisation des liens entre salariés et employeurs, cassant les relations existant aujourd’hui entre salariés et employeurs, certes imparfaites et fondées inévitablement sur un aspect pécuniaire, mais tout autant sur une adhésion à un projet collectif, sur la confiance, sur la solidarité et, bien sûr, dans la mesure du possible, sur la durée. Pourquoi encourager la marchandisation de toutes les relations humaines ?

Échec économique, ensuite, car ce texte n’aidera en rien les PME et les TPE qui forment la majeure partie du tissu entrepreneurial de notre pays ! Ce texte, qui permettra de privilégier les accords d’entreprise au détriment des accords de branche, entraînera une distorsion de concurrence entre, d’une part, les PME-TPE, et, d’autre part, les grands groupes. Cela mènera, à terme, à la disparition des premières au profit des seconds. Je crains que cela ne soit l’un de vos objectifs. Cette course à la grande taille ne me semble pas saine. Pour que les entreprises soient au service de l’homme et du bien commun, il me semble nécessaire qu’elles conservent une taille humaine. D’ailleurs, le dialogue social, même s’il y est moins codifié, est souvent bien meilleur dans les petites entreprises que dans les grands groupes. En effet, à cette échelle, on vit ensemble, on se serre les coudes, on gagne des marchés ensemble, on monte des projets ensemble, on innove ensemble et on fait face aux difficultés ensemble !

Une vraie simplification administrative et une vraie baisse des charges pour les PME, les TPE et les artisans, voilà l’urgence ! Votre collègue M. Bruno Le Maire nous a parlé la semaine dernière d’un texte en préparation ; espérons qu’il soit axé sur ces deux volets !

Échec écologique, enfin, car en renforçant ce modèle de développement, vous accentuerez encore l’exploitation sans limites des richesses de la terre. C’est intrinsèque à la mondialisation ! Nous préconisons quant à nous le patriotisme économique.

Vous l’aurez compris, nous ne voterons pas ce texte, parce qu’il consacre l’idée d’une société nomade, d’une société de déracinés où les relations humaines reposent d’abord sur l’argent, les salariés devenant des mercenaires interchangeables. Nous ne voterons pas ce texte parce qu’il consacre une nouvelle fois ce modèle mondialiste que nous combattons. Nous ne voterons pas ce texte parce qu’il ne sert ni le bien commun ni les plus fragiles de nos compatriotes, « ceux qui ne sont rien », selon les mots du président Macron…

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