Intervention de Laurence Cohen

Réunion du 24 juillet 2017 à 16h00
Renforcement du dialogue social — Discussion générale

Photo de Laurence CohenLaurence Cohen :

Le Gouvernement cherche délibérément à profiter des congés d’été des Françaises et des Français – congés payés acquis de haute lutte lors du Front populaire, faut-il le rappeler – pour empêcher toute mobilisation syndicale, toute manifestation d’envergure. La période estivale est évidemment propice à de telles manœuvres.

Il faut d’ailleurs croire qu’avec ce nouveau gouvernement, avec l’Assemblée nationale fraîchement élue et majoritairement aux couleurs du Président de la République, dont tout le monde feint d’avoir oublié qu’il a été un ministre zélé de François Hollande, la flexibilité ne doit s’appliquer qu’aux seuls salariés, en aucun cas au texte gouvernemental ! Ainsi, sur la centaine d’amendements déposés par notre groupe à l’Assemblée nationale, un seul a été adopté.

Vous nous reprochez souvent d’avoir une position idéologique. Outre que je ne trouve pas honteux d’avoir la prétention de changer le monde en s’appuyant sur l’émancipation humaine, permettez-moi de souligner que le dogmatisme dont vous faites preuve, et qui se veut moderne, ne cesse d’être contredit par les études internationales. Ces dernières, comme l’a rappelé mon collègue Dominique Watrin, ne constatent aucune corrélation entre la protection des salariés et le niveau du chômage.

Votre projet de société ultralibérale constitue, en réalité, un retour en arrière, une remise en cause de certains acquis des luttes sociales qui ne remédiera ni à l’explosion du chômage, ni aux injustes différences de traitement entre PME-TPE et grands groupes cotés en bourse, ni à la baisse du pouvoir d’achat de nos concitoyennes et concitoyens.

En quoi est-ce ringard, en 2017, à l’heure du bond prodigieux des nouvelles technologies, de la révolution numérique, de défendre une semaine de travail non pas de 40 heures, ni même de 35 heures, mais de 32 heures, sans perte de salaire ? En quoi est-ce ringard de défendre le droit au repos et aux loisirs ? En quoi est-ce ringard de s’opposer aux licenciements motivés uniquement par l’augmentation des profits de quelques actionnaires déjà fort nantis ? Je ne peux m’empêcher de penser ici aux « Fralib » : durant 1 336 jours, ils ont résisté, à juste titre, à la multinationale Unilever et réussi à sauver leur outil de travail, pour produire un thé de qualité.

Alors que des millions de chômeurs attendent de pouvoir travailler, la modernité réside-t-elle dans l’augmentation du temps de travail ? En réalité, cet argument de la modernité n’en est pas un : les projets que vous défendez sont profondément rétrogrades !

Les ordonnances envisagées s’inscrivent dans le prolongement de la loi El Khomri, massivement combattue dans la rue et passée en force à coups de 49-3, une loi inspirée par le MEDEF, dans le droit fil des politiques conduites par la droite.

Jusqu’où ces attaques sans précédent contre des droits sociaux durement acquis au terme de plus d’un siècle de luttes sociales iront-elles ? Peut-être allez-vous nous proposer demain, à l’occasion de la réforme de l’apprentissage, de revenir sur le travail à 16 ans ?

Parce que nous sommes contre l’instauration de la primauté de l’accord d’entreprise sur l’accord de branche, telle que vous l’envisagez à l’article 1er, parce que nous sommes contre la fusion des instances représentatives du personnel prévue à l’article 2, parce que nous sommes contre la facilitation des licenciements et la mise en place d’un barème pour les indemnités prud’homales, parce que nous sommes contre les CDI de projet définis à l’article 3, parce que votre détermination à mettre à mal le compte pénibilité et votre volonté de prévoir plus de dérogations en matière de travail dominical nous inquiètent beaucoup, nous voterons contre ce projet de loi.

Après cette longue liste, j’opposerai un dernier argument à ce projet de loi. Vous profitez de ce véhicule législatif pour introduire, à l’article 9, le report d’un an de la mise en place du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu ; avec ou sans report, nous sommes défavorables à cette mesure, notamment parce qu’elle vise avant tout à remplacer les cotisations sociales, tout particulièrement la part patronale, par un surcroît d’imposition pour les particuliers via une fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG. On détourne l’attention de nos concitoyennes et de nos concitoyens, mais c’est là en réalité un coup terrible porté à la protection sociale !

Vous avez pu le constater, madame la ministre, nos arguments sont nombreux et étayés. Nous allons donc voter contre ce projet de loi d’habilitation, tout en formulant des propositions alternatives, comme le faisons pour chaque texte qui nous est soumis. Nous avons l’ambition de promouvoir un code du travail du XXIe siècle, respectueux des êtres humains et à la hauteur des défis économiques, sociaux et écologiques de notre temps.

Nous avons une autre conception de la révolution que La République en marche !

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