Intervention de Philippe Mouiller

Réunion du 24 juillet 2017 à 16h00
Renforcement du dialogue social — Discussion générale

Photo de Philippe MouillerPhilippe Mouiller :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je tiens, dans un premier temps, à saluer l’engagement du Gouvernement, dont l’un des premiers actes est d’entreprendre la réforme du dialogue social, nécessaire au développement de l’emploi en France.

Je tiens également à féliciter notre rapporteur, Alain Milon, pour la qualité de ses travaux, sa mobilisation dans des délais extrêmement courts et la pertinence de son rapport.

Nos échanges avec l’ensemble des partenaires sociaux, en commission, ont été riches d’enseignements.

Nous entamons l’examen du projet de loi d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social, texte qui introduira la première d’une longue série de réformes sociales annoncées par le Gouvernement.

En effet, tous les acteurs économiques et la grande majorité des partenaires sociaux s’accordent à dire qu’une plus grande souplesse du code du travail et le développement d’outils de dialogue dans l’entreprise peuvent permettre de sécuriser à la fois les salariés dans leur parcours professionnel et les entreprises dans leur phase de développement.

Même si cette simplification ne constituera pas, à elle seule, la réponse dans le combat collectif que nous devons mener contre le chômage, elle est un des atouts nécessaires à la relance économique et sociale que nous attendons tous.

D’autres mesures urgentes sont à mettre en place, qu’il s’agisse de la réforme de l’apprentissage, de la formation professionnelle ou de l’assurance chômage, ou encore de l’évolution de nos régimes de retraite.

Je tiens à souligner que je partage le sentiment de notre rapporteur quant à la méthode employée par le Gouvernement. Je peux comprendre que, eu égard à la situation économique de notre pays, le temps presse et qu’il faille aller vite, mais le fait de légiférer sur l’habilitation alors même que les négociations entre le Gouvernement et les partenaires sociaux sont en cours ne nous permet pas d’appréhender avec sérénité tous les enjeux dans le calendrier donné.

Le texte que nous allons voter doit permettre de moderniser le dialogue social dans l’ensemble des entreprises, notamment en prenant en considération les particularités des PME et des TPE. Nous disposons d’un vivier de petites entreprises, innovantes, imaginatives, combatives, qui se débattent au quotidien pour gagner des marchés, trouver du personnel compétent et motivé, s’adapter aux nouveaux besoins et faire face à la concurrence. Rappelons que, en France, 95 % des entreprises sont des TPE et des PME de moins de cinquante salariés, et que 55 % de l’emploi salarié se situe dans ces entreprises. Ce sont elles qui créent des emplois et peuvent en créer plus encore.

La commission des affaires sociales, sous l’impulsion de son rapporteur, a donc attaché une importance particulière à ce sujet, parmi d’autres.

Le texte dont nous entamons l’examen a été enrichi de dispositions adaptées aux plus petites entreprises, notamment à l’article 1er. En effet, beaucoup d’entre elles sont dépourvues de représentant du personnel ou de délégué syndical. Pour autant, le dialogue social existe en leur sein ; il ne reste qu’à le formaliser.

Ainsi, l’alinéa 12 de l’article 1er a été complété afin d’ouvrir la possibilité pour les employeurs, « dans les entreprises employant moins de cinquante salariés dépourvues de délégué syndical, de conclure des accords collectifs directement avec les représentants du personnel ou, en leur absence, avec le personnel ».

La commission des affaires sociales a également tenu à permettre à l’employeur d’organiser une consultation des salariés pour valider un accord.

J’ai souhaité aller plus loin, en déposant un amendement tendant à permettre à l’employeur, dans les entreprises employant moins de onze salariés et dans les entreprises employant moins de cinquante salariés dépourvues de représentant du personnel, d’appliquer un accord type ou de prendre une décision unilatérale dans les domaines et les conditions prévus dans l’accord de branche. Il s’agit d’offrir à l’entreprise une souplesse suffisante pour pouvoir s’adapter à sa situation et à l’état de son activité.

La dérogation n’est pas synonyme de moins-value pour le salarié : elle permet une adaptation dans l’entreprise, pour que celle-ci puisse fonctionner dans de bonnes conditions.

Je m’attacherai aussi à la proposition d’étendre le contrat de chantier à d’autres secteurs que le bâtiment. Il s’agit, là encore, de se donner de la souplesse.

Rappelons qu’il s’agit d’un contrat à durée indéterminée par lequel un employeur engage un salarié pour la réalisation d’un ouvrage, de travaux ou d’opérations précis, mais dont la durée ne peut être préalablement définie avec certitude.

Le salarié bénéficiera de davantage de visibilité que s’il enchaîne des CDD ou des contrats d’intérim. En outre, sa vie personnelle se trouvera facilitée puisque, comme chacun sait et contrairement à certains propos tenus précédemment à la tribune, il est préférable de disposer d’un CDI pour trouver un logement ou conclure un prêt.

Pour aller plus loin, je soutiens l’idée de créer un contrat de croissance. Une entreprise confrontée à une croissance soudaine à la suite de la conclusion d’un nouveau marché qui lui apporte un surcroît de travail sur plusieurs mois, voire plusieurs années, pourrait conclure ce type de CDI afin de s’adjoindre les compétences dont elle a besoin. En cas de poursuite de la progression de l’activité, ce contrat de croissance aurait vocation à se transformer en CDI classique.

Ce qui fait hésiter les chefs d’entreprise à accepter des marchés nouveaux importants, et donc à recruter en conséquence, c’est le manque de visibilité. Ils sont réticents à recruter en CDI parce qu’ils craignent de ne pas pouvoir conserver les salariés au-delà de l’exécution du marché en question. Nous proposons que ce contrat soit prévu par un accord de branche, dans les limites d’un cadre fixé par la loi.

Afin de sécuriser les plus petites entreprises et les artisans qui ne sont pas dotés de service juridique, la commission a adopté, à l’article 3, un amendement tendant à permettre à l’employeur de « rectifier dans la lettre de licenciement les irrégularités de motivation si elles sont sans incidence sur la cause réelle et sérieuse du licenciement ».

Cet amendement introduit dans notre législation l’ébauche d’un droit à l’erreur, attendu par les PME et les TPE. Il est temps de créer ce droit à l’erreur pour les chefs de petite entreprise, souvent de bonne foi, qui se voient suspectés, sanctionnés pour une simple erreur matérielle.

Je salue également l’initiative du Premier ministre, qui a enfin proposé de simplifier le C3P, source de tracasseries administratives, véritable usine à gaz pour les entreprises, et de mettre en place un compte professionnel de prévention. À titre personnel, j’aurais préféré la suppression pure et simple de ce compte et la mise en place de mesures générales pour prendre en considération la pénibilité.

En complément, je tiens à vous faire part d’un message émanant de bon nombre des chefs d’entreprise que je rencontre chaque semaine, notamment dans mon département. Il concerne la nécessaire évolution des relations entre l’administration et les employeurs.

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