Intervention de Patricia Morhet-Richaud

Réunion du 24 juillet 2017 à 16h00
Renforcement du dialogue social — Discussion générale

Photo de Patricia Morhet-RichaudPatricia Morhet-Richaud :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président-rapporteur, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner le projet de loi d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social. Ce texte comporte neuf articles, dont nous allons débattre au long de cette semaine.

La France, qui compte 5, 864 millions de demandeurs d’emploi, ne parvient pas à enrayer le fléau du chômage, et que nous soyons amenés à « plancher » sur ce volet économique et social dès cette session extraordinaire constitue un bon signal.

Je déplore cependant, comme un certain nombre de mes collègues, les conditions d’examen de ce texte : des délais très contraints, une concertation avec les partenaires sociaux qui n’est pas terminée et le recours aux ordonnances, couvrant un champ immense.

Pour autant, en tant que membre de la délégation sénatoriale aux entreprises, je me réjouis de l’orientation générale de ce texte, car nos entreprises devraient pouvoir gagner en simplification, et donc en compétitivité. L’emploi devrait, par voie de conséquence, en bénéficier.

Comme vous le savez, selon le critère du poids de la réglementation, le Forum économique mondial classe la France au 115e rang sur 138 pays. À cette surréglementation s’ajoutent l’instabilité du droit et l’insécurité juridique permanente due à la prolifération de règlements complexes, non différenciés en fonction de la taille de l’entreprise.

Dans ces conditions, si les objectifs du Gouvernement sont de redonner du sens au dialogue social, de rationaliser les institutions représentatives du personnel, de libérer l’embauche, nous ne pouvons que nous en féliciter !

Pour autant, si notre ambition est de promouvoir une société du travail, d’instaurer un climat de confiance avec les chefs d’entreprise pour créer des conditions favorables à l’embauche, nous devons aller plus loin. C’est pourquoi je tiens à saluer le travail effectué en commission des affaires sociales par Alain Milon et l’ensemble de mes collègues. Il prend en compte les spécificités des entreprises, en particulier celles des petites et très petites entreprises, et simplifie le droit du travail, au profit des salariés et des employeurs.

Il faut dire que la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels a encore complexifié la législation, notamment pour les TPE-PME. Le droit actuel ne leur permet pas de s’adapter à la réalité des situations économiques, par exemple en zone de montagne, où elle se caractérise par le recours à l’emploi saisonnier.

L’article 1er doit permettre de sauvegarder le rôle essentiel de la branche professionnelle et de conclure des accords collectifs directement avec les représentants du personnel. J’estime qu’il ne faut pas accélérer la généralisation des accords majoritaires en cas de licenciements.

Tout ce qui va dans le sens de la rationalisation est bienvenu, et je suis favorable, à l’article 2, à la simplification des instances de représentation du personnel, avec la mise en place d’une instance unique, compétente en matière de négociation des accords d’entreprise.

Bien sûr, la sécurisation juridique des procédures de licenciement doit être mieux appréciée et les délais de contestation, comme les critères d’appréciation, doivent être davantage précisés à l’article 3.

S’agissant du compte personnel de prévention de la pénibilité, sa mise en œuvre sur le terrain a été un véritable échec et je suis favorable à sa transformation, comme proposé à l’article 5, en compte personnel de prévention, moins contraignant pour l’employeur, mais tout aussi favorable à l’employé.

Je voudrais m’exprimer plus en détail sur l’article 9, qui vise à reporter au 1er janvier 2019 le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu. En effet, même si ce report est déjà une bonne chose, qu’il me soit permis de vous sensibiliser sur l’impact d’une telle mesure pour les entreprises.

Le 28 juin dernier, dans le cadre de la délégation sénatoriale aux entreprises, une étude d’impact réalisée par le cabinet Taj nous a été présentée. Outre la complexité des mécanismes du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu, deux aspects importants ont été relevés : le coût que représente cette mesure pour les entreprises et le ressenti des employés et des employeurs.

Le coût administratif de la collecte, supporté par les seules entreprises, a été estimé à 1, 2 milliard d’euros l’année de la mise en place du prélèvement à la source. Quant au coût récurrent, il est évalué à 100 millions d’euros par an. Cette réforme touchera en priorité les TPE, à hauteur de 70 %, puisqu’elles sont aujourd’hui en France au nombre de 1, 6 million.

La réforme prévoit que les très petites entreprises, comptant moins de 10 salariés, pourront conserver pendant trois mois l’impôt dans leur trésorerie. Or cette mesure ne représente aucun gain financier pour les entreprises, eu égard au taux d’intérêt bancaire moyen.

Je me réjouis donc de l’adoption d’un amendement de notre collègue Albéric de Montgolfier instituant un prélèvement contemporain de l’impôt, fondé sur la transmission instantanée par les entreprises des informations sur les salaires, ce prélèvement étant effectué non plus par les entreprises, mais bien par l’administration fiscale.

En ce qui concerne les effets psychologiques de cette mesure, ils sont bien réels, même s’ils sont difficilement quantifiables, et leur impact pourrait dégrader le climat social au sein des entreprises, le salarié pouvant légitimement considérer que son employeur s’immisce dans sa vie privée.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, ce texte est loin d’être neutre. Il implique des changements importants en termes de rénovation de notre modèle social, des changements profonds du côté tant des employeurs que des employés. Pour échanger régulièrement avec les uns comme avec les autres, je sais que l’ensemble des acteurs, sur le terrain, sont prêts à se saisir de ces nouvelles opportunités.

Pour toutes ces raisons, je suis plutôt favorable à ce projet de loi, mais je serai très attentive aux différents amendements qui seront examinés en séance publique.

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