Puis, aux alentours de 1990, un journal du soir publia un article écrit par un statisticien de Toulouse qui faisait état des résultats d’une étude menée sur sa ville et, constatant que l’agglomération se développait tandis que la campagne se vidait, s’en réjouissait.
La DATAR s’est intéressée de près à ce phénomène et, au lieu de continuer, comme dans les années soixante, à lutter contre l’inégalité croissante du territoire – mais peut-être n’était-il pas possible de faire autrement à l’époque ! –, a entériné la réalité de cette concentration qui a conduit l’agglomération parisienne et plusieurs autres villes à se maintenir, plus qu’à se développer, en « aspirant » leur arrière-pays.
Le projet de loi entérine à son tour cette situation, non pas, cette fois-ci, sur le plan des moyens de développement, mais sur celui de l’institution. Il entérine même la réalité du Grand Paris.
On évoque sans cesse le rééquilibrage de la France sous l’effet du développement de ses métropoles, et l’on cite Toulouse, Lille, Marseille, Nantes… Or la plupart des métropoles, conurbations ou grandes zones urbaines françaises se développent non pas au détriment de la région capitale, qui continue de croître – tout ce qui ralentit, c’est son rythme de croissance ! –, mais en aspirant leur arrière-pays. Elles ne parviennent pas à former ce qui fait la force des métropoles dans le reste de l’Europe : un réseau de villes, de vraies villes autour de la métropole. L’exemple de la Lombardie est à cet égard éloquent : autour d’une conurbation d’environ 1 million d’habitants gravitent de nombreuses villes de 100 000 habitants ou plus. C’est exactement ce qui n’existe pas en France ; qui plus est, l’agglomération parisienne n’est pas la seule à avoir créé le désert : autour de Toulouse, ou de Lyon dans une moindre mesure, s’est produit le même phénomène.
Créer des métropoles, au sens que donne à ce terme le projet de loi, cela revient à acter une réalité au lieu d’essayer de la combattre. Cela me gêne ! Même si elles traduisent une réalité économique, géographique, démographique, je souhaite qu’elles ne soient pas trop nombreuses, car je ne voudrais pas que l’on tombe dans l’illusion que l’administration peut, par sa seule force, susciter le développement. Ce qui fait la force d’une grande conurbation ou d’une grande métropole économique, c’est la géographie, ce sont les réseaux de communication, la démographie, les relations avec le reste de l’Europe, la recherche… C’est aussi le poids de l’histoire, qui a pu léguer un riche patrimoine à certaines villes. Jamais ce ne sera la structure administrative, qui peut tout juste faciliter certaines choses.