Intervention de Marie-Noëlle Lienemann

Réunion du 25 juillet 2017 à 14h30
Renforcement du dialogue social — Article 1er

Photo de Marie-Noëlle LienemannMarie-Noëlle Lienemann :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, Pierre Gattaz et le MEDEF l’avaient rêvé : sous le quinquennat d’Emmanuel Macron, cela se fait !

Pierre Gattaz disait qu’il faut donner la possibilité aux chefs d’entreprises de négocier le plus de choses directement avec les salariés. Il disait aussi que l’accord de branche ne doit primer que par exception.

On change de philosophie et c’est bien cela qui est en train de s’opérer. Il existe déjà des accords d’entreprise. Ils ne datent pas d’hier ! Nous ne sommes pas un pays complètement bloqué, ce n’est pas vrai !

Là, on change : l’accord de branche devient l’exception et l’accord d’entreprise devient la règle, le cœur. Ce n’est d’ailleurs pas du tout ce que l’ensemble du patronat souhaite. Je pense notamment à la CGPME qui ne partage pas cette philosophie. On le voit bien, on est en train d’entrer dans ce que j’ai appelé « la grande déréglementation ». Alors que nous passons notre temps à pleurer sur le dumping social des pays de l’Est, nous sommes en train d’organiser au sein de notre propre pays la concurrence déloyale avec du dumping social ! Tel est le mécanisme qui est en train de se mettre en place.

La loi d’habilitation à légiférer par ordonnances ne précise pas les champs qui continueraient de relever obligatoirement du domaine des accords de branche. On nous dit que tel serait le cas pour les minima conventionnels, les classifications, les financements paritaires, l’égalité professionnelle hommes-femmes et la qualité de l’emploi.

Je veux bien l’entendre, mais cela signifie que tous les autres domaines sont de la compétence de l’entreprise ! Je prendrai un exemple, celui des primes d’ancienneté. Supposons qu’un accord d’entreprise décide de les supprimer. Eh bien, le salarié que vous êtes va perdre sa prime d’ancienneté – elle était pourtant prévue par votre contrat de travail – parce qu’un accord d’entreprise – signé ou non majoritairement – en aura décidé ainsi. Et on appelle cela du progrès social ! Pour moi, c’est du recul social organisé !

Deuxième exemple, la suppression de la clause de faveur, qui était l’un des principes fondateurs du progrès social. Comme le disait notre collègue Jean Desessard, on a idéologiquement inversé la donne, considérant que le progrès social est un handicap dans la perspective du progrès économique ! Or nous pensons strictement l’inverse !

Pour le dernier exemple, je m’adresse à notre collègue représentant les Français établis hors de France, M. Cadic : mon cher collègue, le système que vous appelez de vos vœux, vous êtes tout prêt de l’atteindre ! Il est déjà prévu que le Gouvernement pourra, par ordonnances, exonérer les PME, précisément celles où la pénibilité et les difficultés sont parfois les plus importantes, des contraintes de la branche ! Vous allez donc voir fleurir la sous-traitance organisée et se poursuivre ces flux de sous-traitances qui fragilisent notre économie et les droits sociaux de notre pays.

Cet article 1er est donc un article dangereux, qui ne va pas renforcer le tissu économique du pays. La raison en est simple, il va plus le fractionner que le consolider !

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