Intervention de Muriel Pénicaud

Réunion du 25 juillet 2017 à 14h30
Renforcement du dialogue social — Article 1er

Muriel Pénicaud, ministre :

Pour ce qui est de l’article 1er, je voudrais d’abord confirmer que, bien évidemment, la loi s’impose à tous. Il n’y a pas d’inversion de la hiérarchie des normes en ce qui concerne la loi ; d’ailleurs, ce serait inconstitutionnel. Il est faux d’affirmer dans le débat qu’on inverse la hiérarchie des normes et qu’un accord d’entreprise ou de branche pourrait se passer de l’encadrement de la loi. Celle-ci fixe les droits fondamentaux, les conditions auxquelles les partenaires sociaux, au niveau de la branche et dans l’entreprise, peuvent négocier un certain nombre de sujets, les modalités et le champ de cette négociation.

Je voudrais à présent vous fournir une information relative à cet article qui peut s’avérer utile dans la suite des débats. Cet article a fait l’objet d’une concertation avec les partenaires sociaux. Nous venons de mener 48 réunions approfondies sur tous les sujets couverts par le projet de loi d’habilitation, afin d’éclairer la réflexion du Gouvernement sur les ordonnances. Or sur ce point, comme vous avez pu le constater, l’ensemble des organisations représentatives patronales et syndicales exprime plutôt un certain contentement sur l’équilibre qui a été trouvé entre trois blocs de compétences : ce qui doit impérativement être de l’ordre de la discussion dans la branche, ce que la négociation de branche peut choisir d’imposer aux entreprises et, enfin, le reste, pour lequel on fait confiance aux acteurs de l’entreprise. Nous avons donc l’intention de répartir les domaines, dans les ordonnances, de la façon suivante.

Un premier bloc de compétences sera absolument réservé à la négociation de branche et ne pourra donc pas faire l’objet de dérogations à l’échelle de l’entreprise. Ce bloc comprendra évidemment les minima conventionnels, les classifications et la mutualisation des financements paritaires, qu’il s’agisse du fonds de financement du paritarisme, des fonds d’information professionnels, des fonds de prévoyance, de la complémentaire santé et des compléments d’indemnité journalière. C’est une disposition nouvelle : oui, nous renforçons non seulement la capacité à négocier dans l’entreprise, mais aussi la négociation de branche.

Ce bloc comprend encore un item que nous avons appelé « la gestion et la qualité de l’emploi » et qui est issu de nos concertations. Il couvrira aussi bien la durée minimale du temps partiel, celle des compléments d’heure, la régulation des contrats courts et les conditions de recours aux CDI de chantier.

Enfin, nous inscrirons dans les ordonnances que relève obligatoirement de la négociation de branche l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Ce chantier représente quand même quelque peu un échec collectif, puisque cela fait quinze ans que la loi affirme ce principe et qu’il n’est ni appliqué ni respecté. Et pourtant, la loi prévoit des sanctions. Cela montre bien, d’ailleurs, que sur un tel sujet il ne suffit pas que la loi pose un principe ; il faut aussi que les acteurs se mobilisent. C’est aussi pour cela que sont faites la négociation de branche et la négociation dans l’entreprise.

Le deuxième bloc sera constitué de domaines pour lesquels nous considérons que la branche est compétente pour négocier. Ce sera à la branche de déterminer si ces domaines sont « verrouillés », c’est-à-dire que les règles qu’elle détermine s’appliquent directement dans les entreprises, ou peuvent faire l’objet d’adaptations.

Parmi ces domaines, on compte la prévention des risques professionnels et de la pénibilité, puisqu’il existe, d’une branche à l’autre, des spécificités propres aux métiers qu’il faut absolument prendre en compte. On compte aussi le handicap ; comme plusieurs interventions ont abordé ce sujet, je tiens à réaffirmer que, bien évidemment, aucune des obligations des entreprises en matière de handicap ne va diminuer. Bien au contraire, nous jugeons important que les branches se penchent sur ce sujet, parce qu’il faut échanger les bonnes pratiques et trouver des solutions pour que les droits deviennent réellement exerçables dans toutes les entreprises. J’ose croire que tout le monde ici sera d’accord pour reconnaître que la solution n’est pas de financer un organisme parce qu’on n’a rien pu faire d’autre ; il faut réussir à mieux faire demain, parce que les salariés handicapés souhaitent avant tout avoir du travail.

Un autre nouveau domaine sera rattaché à ce deuxième bloc, ce qui montre notre esprit de renforcement du dialogue social : les conditions et les moyens d’exercice d’un mandat syndical, la reconnaissance des compétences acquises et les évolutions de carrière. C’est une question de cohérence. Si l’on affirme que le dialogue social est un facteur clé dans la branche et dans l’entreprise, parce que c’est là qu’on peut articuler, au plus près du terrain, la performance économique et la performance sociale, il faut que les acteurs soient formés, qu’ils aient une espérance de parcours de carrière et que leurs droits soient reconnus. C’est pourquoi nous évoquons ce point.

Enfin, j’en viens au troisième bloc : oui, et c’est une nouveauté, pour les domaines qui n’appartiennent pas aux deux premiers blocs, la primauté reviendra à l’accord d’entreprise. La question qui détermine ici le partage des eaux est la suivante : fait-on confiance aux acteurs, aux employeurs, aux syndicats de salariés, en somme à l’ensemble de la communauté d’entreprise pour faire de la performance économique et sociale ?

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