Intervention de Catherine Morin-Desailly

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 25 juillet 2017 à 17h00
Audition de M. Mounir Mahjoubi secrétaire d'état chargé du numérique

Photo de Catherine Morin-DesaillyCatherine Morin-Desailly, présidente :

Vous avez souligné que les usages n'avaient pas été traités pendant le quinquennat précédent. Il est vrai que la loi pour une République numérique a fixé un cadre et une incitation à l'ensemble des acteurs, quelle que soit leur activité. La question de la stratégie pour une souveraineté numérique est également, de mon point de vue, un préalable nécessaire.

Si vous avez bien évoqué la souveraineté, je constate que vous ne l'avez fait que sous l'angle de la cybersécurité. La souveraineté n'est pas synonyme de repli sur soi ou de protectionnisme. Cela n'a rien de ringard ou de conservateur et correspond à la volonté de se lancer dans la mutation numérique pour en faire un outil de progrès. La souveraineté pose la question de savoir comment maitriser cet outil, afin de ne pas devenir une « colonie européenne du numérique », pour faire référence au titre d'un rapport dont j'ai été à l'origine en 2013. Quelle est votre vision à cet égard ? Sommes-nous dans une stratégie offensive et volontariste afin de maitriser notre propre destin ? Serez-vous le CTO (Chief Technology Officer ou Directeur de la technologie) du Premier ministre, à la manière de ce qui s'est passé aux États-Unis ? Le Président Obama avait perçu le numérique comme un enjeu stratégique transversal et politique essentiel au point d'avoir nommé une personne à ce poste. Au-delà de la cybersécurité, avez-vous les moyens de développer notre souveraineté au travers d'une politique industrielle offensive ? Alors que nous devrions être en train d'ancrer une industrie numérique en Europe, nos startups sont, au contraire, rachetées par les géants américains. Nous ne possédons qu'une « licorne » : BlaBlaCar. Cette hémorragie des talents est dommageable car nous en possédons véritablement en France. Les grandes nations qui possèdent une industrie technologique l'ont obtenue grâce à des politiques volontaristes. Ces politiques emportent certes des enjeux de fiscalité mais la souveraineté ne s'y résume pas ; elle est aussi en lien avec les problématiques de protection des données ou de politique industrielle offensive, par exemple. Je regrette également certains abandons de souveraineté intervenus ces derniers mois. Ils ont consisté, pour le ministère de l'Éducation nationale, à contracter avec Microsoft sans réel appel d'offre, ou, pour certains autres ministères, à faire de même avec des Cisco ou autres Palantir dont on sait qu'ils ont été « filiales » de la National Security Agency (NSA). Comment donc éviter cette porosité, qui devient assez insupportable, avec des géants extra-européens comme Google qui exerce un lobby intense à l'échelle nationale et européenne ? Nous sommes naïfs car nous nous livrons pieds et mains liés et ne serons jamais maître de notre destin dans ces conditions !

Cette question est essentielle. Nous sommes peut-être à un tournant car votre prise de fonctions et votre rattachement au Premier ministre représentent sans doute une vraie opportunité d'avoir enfin une politique volontariste. Comme l'évoquait Jean-Pierre Leleux au sujet de la condamnation de Google, la commissaire européenne en charge du dossier a fait preuve de courage et il est important de la soutenir.

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