C'est pour moi un vrai plaisir d'être devant votre commission. Dès mon arrivée à la tête de ce ministère, j'ai pris connaissance des nombreux rapports produits par le Sénat et l'Assemblée nationale sur les sujets dont j'ai la responsabilité.
En préambule de mon intervention, je veux vous dire que je suis convaincue de la place déterminante que doivent avoir la production et la transmission des savoirs, mais aussi l'innovation, qui doit être comprise dans tous les sens du terme, et pas seulement technologique.
Dans ce contexte, la France a des atouts remarquables. De sa tradition d'excellence scientifique et universitaire, elle doit désormais tirer le plein parti, pour tous.
Trois constats guideront notre action sur les sujets dont j'ai la charge.
L'enseignement supérieur fait d'abord face à des défis considérables, dont l'échec en licence pour 60 % des étudiants inscrits est l'illustration la plus sévère. Cette situation n'est pas acceptable : il faut faire de l'accès réussi à l'enseignement supérieur une priorité absolue.
La recherche doit ensuite retrouver sa place au centre de la société, au moment où la fermeture des pays sur eux-mêmes et le relativisme gagnent du terrain dans le monde. Nous devons faire le pari de la science comme clé du progrès, ce qui passe par le soutien à la recherche fondamentale, par l'investissement de long terme dans le progrès des connaissances, qui doivent trouver une traduction sociale et économique.
Enfin, en ce qui concerne les établissements et la politique de sites, nous devons nous mettre à travailler dans un esprit de confiance, pour que les sites puissent faire valoir leur identité et mener des expériences originales. Ce n'est qu'après que l'État devra en évaluer les résultats et en mesurer les conséquences. Les grandes écoles doivent ainsi devenir d'authentiques acteurs des transformations en cours.
C'est sur cette base que nous avons développé quatre axes de travail.
Le premier : replacer la réussite et l'insertion des étudiants au coeur de nos missions. Les étudiants doivent pouvoir construire leur avenir et devenir des citoyens à part entière. Nous devons pour cela repenser l'entrée dans l'enseignement supérieur, grâce à une orientation plus individualisée. Nous devons mettre en place de véritables contrats de réussite étudiante pour accompagner leur orientation. Une meilleure coordination des acteurs de l'orientation est à ce titre indispensable. Je lancerai dès lundi prochain une concertation avec l'ensemble des acteurs pour travailler sur ces sujets. Elle doit se faire en s'inspirant des meilleurs exemples sur notre territoire et en lien avec l'enseignement secondaire.
Il faut faire tomber les cloisons entre les institutions et les filières d'emploi. Cela implique de développer des parcours à exigence académique renforcée, mais également de mener une politique volontaire de construction de logements étudiants, pour encourager la mobilité géographique et sociale.
L'enseignement supérieur est un sujet éminemment interministériel. Nous avons d'ailleurs d'ores et déjà commencé à travailler avec le ministre de l'éducation nationale sur le maillage de notre réseau. Notre ambition est que tous les bacheliers aient accès à l'enseignement supérieur. En outre, avec la transformation à l'oeuvre de nos économies, l'accès à la formation tout au long de la vie est une priorité.
Mais nous devons travailler avec de nombreux autres ministères, chargés de la culture, de l'industrie, de la défense, du travail, de la santé, du sport ou encore de l'agriculture, notamment. Quasiment tous sont concernés.
Avec le ministère de la santé, nous devons penser à une rénovation des études de santé pour mieux accompagner les besoins des territoires. Avec le ministère des sports, nous devons développer les passerelles et équivalences entre les diplômes d'État, les diplômes universitaires et les formations fédérales. Avec le ministère de l'agriculture, nous devons mieux utiliser le campus des métiers pour générer des filières dédiées.
Les étudiants doivent devenir des acteurs de l'université. Leur investissement dans leur établissement participe de l'acquisition de compétences. Nous devons développer les démarches entrepreneuriales ainsi que le fonctionnement en mode projet.
La santé des étudiants fera également l'objet d'une attention particulière. Ils sont de plus en plus nombreux à être victimes de malnutrition.
Enfin, nous devrons démocratiser la mobilité internationale des étudiants.
Notre deuxième axe de travail consistera à conforter la science française, au bénéfice de tous. Nous devons encourager le développement de l'investissement dans la recherche de base, mais aussi la mobilisation des scientifiques et des institutions pour répondre aux grandes questions de notre société. Les chercheurs doivent se sentir libres d'être des chercheurs, mais aussi à l'origine de la création de start-ups, libres de replacer les sciences au coeur de la vie publique et d'éclairer nos choix de société.
Pour ce faire, nous développerons la recherche sur l'éducation, en particulier grâce aux sciences cognitives. Nous clarifierons aussi le rôle des acteurs nationaux de la recherche, l'ANR se consacrant en majorité aux financements sur projet, les grands organismes de recherche se concentrant sur l'animation des plans et des programmes de recherche.
Notre travail devra permettre de consolider une politique scientifique partagée, mais aussi de réaffirmer la place de la France dans la construction des politiques européennes en matière de recherche.
Troisième axe : accélérer la diffusion des innovations dans le tissu social et économique. Il faut pour cela revisiter nos stratégies d'innovation, raccourcir les délais de transfert, rapprocher les laboratoires des entreprises. Nous devons entrer dans une logique de coproduction de l'innovation grâce à la mise en place d'une interface directe entre le monde académique et l'entreprise. Nous devons également donner une priorité claire à la recherche partenariale.
Nous devons aussi donner plus de missions d'expertise à nos chercheurs et tenir compte de ces activités dans leur évaluation. De même, il faut encourager les allers-retours entre le public et le privé pour favoriser la recherche et développer l'entreprenariat.
Les universités, les écoles, les organismes de recherche doivent participer davantage aux rencontres entre les grands groupes et les jeunes entreprises innovantes. À la fin du mandat, chaque site devra donc s'être doté d'un incubateur, d'une politique de soutien aux start-ups, d'outils permettant l'amorçage, la maturation et le développement d'affaires.
Notre dernier axe est la pleine autonomie des établissements, qui doivent affirmer leur identité et leurs projets. L'État devra consentir à opérer moins de contrôles a priori : il devra en revanche renforcer ses instruments de mesure des résultats obtenus. Nous partons de la conviction qu'il n'y a pas de modèle unique : chaque solution, dépendant de l'environnement et des politiques mises en place, a sa force, pour peu que les projets choisis soient exigeants et ambitieux. Tous devront donc reposer sur le triptyque : excellence, formation, innovation.
Cela implique que les établissements seront libres de faire des expérimentations. Certains d'entre eux ne se reconnaissent pas, par exemple, dans la notion de grande université de recherche, mais ils ont su développer des liens avec le tissu économique et les collectivités territoriales de leur environnement. Il faudra donc évaluer les situations au cas par cas pour se prononcer sur la pertinence de leur périmètre et la réalité de la plus-value qu'ils apportent.
Il faut dans le même temps développer une meilleure coordination des actions entre les instituts de recherche technologiques (IRT), les instituts pour la transition énergétique (ITE), les instituts hospitalo-universitaires (IHU) ou encore les sociétés d'accélération du transfert de technologies (SATT), mais aussi renforcer l'insertion et la formation professionnelles.
Cela passe enfin par la valorisation des biens et de l'immobilier des établissements, y compris à l'aide des acteurs privés.
Quelques mots, enfin, sur l'importance d'une politique spatiale ambitieuse pour la France et l'Europe. Il s'agit là d'une composante essentielle de notre excellence industrielle et gage de notre souveraineté spatiale. Nous devons donc intensifier l'innovation dans le domaine, rapprocher le secteur spatial d'autres secteurs de l'économie, les transports, par exemple, et assurer un vaste déploiement du système Galileo.
Nous devons faire en sorte de renforcer l'influence du spatial dans la protection de la planète et la lutte contre le changement climatique, mais aussi améliorer ses retombées économiques.