Commission de la culture, de l'éducation et de la communication

Réunion du 11 juillet 2017 à 17h45

Résumé de la réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Permettez-moi, au nom de tous les membres de cette commission, madame la ministre, de vous dire le plaisir que nous avons de vous accueillir pour cette première audition dans cette maison, audition qui vous donnera l'occasion d'expliquer le sens de la terminologie nouvelle de votre ministère : s'agit-il en effet d'un simple glissement sémantique ou d'une réelle inflexion politique ?

Nous l'avons dit la semaine dernière à M. le ministre de l'éducation nationale, nous vous le disons aujourd'hui : l'enseignement est pour notre commission un sujet de prédilection. J'en veux pour preuve les nombreux travaux thématiques que nous avons menés depuis longtemps sur ces sujets, à l'occasion des débats sur la loi relative aux libertés et aux responsabilités des universités (LRU) de 2007, mais aussi lors de l'examen de la loi sur l'enseignement supérieur et la recherche, la loi ESR, dont nous suivons l'application depuis son adoption, au début du quinquennat précédent.

Nous avons également créé une mission d'information sur l'orientation scolaire, présidée par Jacques-Bernard Magner. Dans son rapport, paru en juin 2016, Guy-Dominique Kennel insistait sur l'importance de donner davantage de lisibilité et de cohérence à l'organisation des acteurs de l'orientation. Il concentrait également ses critiques sur le dispositif d'admission post-bac (APB), qui continue de rencontrer une forte hostilité.

La commission s'est également attachée au suivi de la mise en place puis du fonctionnement des écoles supérieures du professorat et de l'éducation (les ÉSPÉ), un travail confié à Colette Mélot et Jacques-Bernard Magner.

Nous nous sommes aussi penchés sur la question de la sélection en master, grâce notamment à la proposition de loi de Jean-Léonce Dupont, qui a permis de débloquer une situation complexe, même si de nombreuses questions se posent encore aujourd'hui.

Par ailleurs, notre commission, dans une belle unanimité, s'était dressée pour lutter contre le coup de rabot prévu, sous le précédent quinquennat, dans les crédits destinés au secteur de la recherche, dans un contexte marqué par la baisse des crédits de l'Agence nationale de la recherche (ANR).

Nous serons donc, vous l'aurez compris, très heureux de vous entendre sur tous ces sujets, madame la ministre.

Debut de section - Permalien
Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

C'est pour moi un vrai plaisir d'être devant votre commission. Dès mon arrivée à la tête de ce ministère, j'ai pris connaissance des nombreux rapports produits par le Sénat et l'Assemblée nationale sur les sujets dont j'ai la responsabilité.

En préambule de mon intervention, je veux vous dire que je suis convaincue de la place déterminante que doivent avoir la production et la transmission des savoirs, mais aussi l'innovation, qui doit être comprise dans tous les sens du terme, et pas seulement technologique.

Dans ce contexte, la France a des atouts remarquables. De sa tradition d'excellence scientifique et universitaire, elle doit désormais tirer le plein parti, pour tous.

Trois constats guideront notre action sur les sujets dont j'ai la charge.

L'enseignement supérieur fait d'abord face à des défis considérables, dont l'échec en licence pour 60 % des étudiants inscrits est l'illustration la plus sévère. Cette situation n'est pas acceptable : il faut faire de l'accès réussi à l'enseignement supérieur une priorité absolue.

La recherche doit ensuite retrouver sa place au centre de la société, au moment où la fermeture des pays sur eux-mêmes et le relativisme gagnent du terrain dans le monde. Nous devons faire le pari de la science comme clé du progrès, ce qui passe par le soutien à la recherche fondamentale, par l'investissement de long terme dans le progrès des connaissances, qui doivent trouver une traduction sociale et économique.

Enfin, en ce qui concerne les établissements et la politique de sites, nous devons nous mettre à travailler dans un esprit de confiance, pour que les sites puissent faire valoir leur identité et mener des expériences originales. Ce n'est qu'après que l'État devra en évaluer les résultats et en mesurer les conséquences. Les grandes écoles doivent ainsi devenir d'authentiques acteurs des transformations en cours.

C'est sur cette base que nous avons développé quatre axes de travail.

Le premier : replacer la réussite et l'insertion des étudiants au coeur de nos missions. Les étudiants doivent pouvoir construire leur avenir et devenir des citoyens à part entière. Nous devons pour cela repenser l'entrée dans l'enseignement supérieur, grâce à une orientation plus individualisée. Nous devons mettre en place de véritables contrats de réussite étudiante pour accompagner leur orientation. Une meilleure coordination des acteurs de l'orientation est à ce titre indispensable. Je lancerai dès lundi prochain une concertation avec l'ensemble des acteurs pour travailler sur ces sujets. Elle doit se faire en s'inspirant des meilleurs exemples sur notre territoire et en lien avec l'enseignement secondaire.

Il faut faire tomber les cloisons entre les institutions et les filières d'emploi. Cela implique de développer des parcours à exigence académique renforcée, mais également de mener une politique volontaire de construction de logements étudiants, pour encourager la mobilité géographique et sociale.

L'enseignement supérieur est un sujet éminemment interministériel. Nous avons d'ailleurs d'ores et déjà commencé à travailler avec le ministre de l'éducation nationale sur le maillage de notre réseau. Notre ambition est que tous les bacheliers aient accès à l'enseignement supérieur. En outre, avec la transformation à l'oeuvre de nos économies, l'accès à la formation tout au long de la vie est une priorité.

Mais nous devons travailler avec de nombreux autres ministères, chargés de la culture, de l'industrie, de la défense, du travail, de la santé, du sport ou encore de l'agriculture, notamment. Quasiment tous sont concernés.

Avec le ministère de la santé, nous devons penser à une rénovation des études de santé pour mieux accompagner les besoins des territoires. Avec le ministère des sports, nous devons développer les passerelles et équivalences entre les diplômes d'État, les diplômes universitaires et les formations fédérales. Avec le ministère de l'agriculture, nous devons mieux utiliser le campus des métiers pour générer des filières dédiées.

Les étudiants doivent devenir des acteurs de l'université. Leur investissement dans leur établissement participe de l'acquisition de compétences. Nous devons développer les démarches entrepreneuriales ainsi que le fonctionnement en mode projet.

La santé des étudiants fera également l'objet d'une attention particulière. Ils sont de plus en plus nombreux à être victimes de malnutrition.

Enfin, nous devrons démocratiser la mobilité internationale des étudiants.

Notre deuxième axe de travail consistera à conforter la science française, au bénéfice de tous. Nous devons encourager le développement de l'investissement dans la recherche de base, mais aussi la mobilisation des scientifiques et des institutions pour répondre aux grandes questions de notre société. Les chercheurs doivent se sentir libres d'être des chercheurs, mais aussi à l'origine de la création de start-ups, libres de replacer les sciences au coeur de la vie publique et d'éclairer nos choix de société.

Pour ce faire, nous développerons la recherche sur l'éducation, en particulier grâce aux sciences cognitives. Nous clarifierons aussi le rôle des acteurs nationaux de la recherche, l'ANR se consacrant en majorité aux financements sur projet, les grands organismes de recherche se concentrant sur l'animation des plans et des programmes de recherche.

Notre travail devra permettre de consolider une politique scientifique partagée, mais aussi de réaffirmer la place de la France dans la construction des politiques européennes en matière de recherche.

Troisième axe : accélérer la diffusion des innovations dans le tissu social et économique. Il faut pour cela revisiter nos stratégies d'innovation, raccourcir les délais de transfert, rapprocher les laboratoires des entreprises. Nous devons entrer dans une logique de coproduction de l'innovation grâce à la mise en place d'une interface directe entre le monde académique et l'entreprise. Nous devons également donner une priorité claire à la recherche partenariale.

Nous devons aussi donner plus de missions d'expertise à nos chercheurs et tenir compte de ces activités dans leur évaluation. De même, il faut encourager les allers-retours entre le public et le privé pour favoriser la recherche et développer l'entreprenariat.

Les universités, les écoles, les organismes de recherche doivent participer davantage aux rencontres entre les grands groupes et les jeunes entreprises innovantes. À la fin du mandat, chaque site devra donc s'être doté d'un incubateur, d'une politique de soutien aux start-ups, d'outils permettant l'amorçage, la maturation et le développement d'affaires.

Notre dernier axe est la pleine autonomie des établissements, qui doivent affirmer leur identité et leurs projets. L'État devra consentir à opérer moins de contrôles a priori : il devra en revanche renforcer ses instruments de mesure des résultats obtenus. Nous partons de la conviction qu'il n'y a pas de modèle unique : chaque solution, dépendant de l'environnement et des politiques mises en place, a sa force, pour peu que les projets choisis soient exigeants et ambitieux. Tous devront donc reposer sur le triptyque : excellence, formation, innovation.

Cela implique que les établissements seront libres de faire des expérimentations. Certains d'entre eux ne se reconnaissent pas, par exemple, dans la notion de grande université de recherche, mais ils ont su développer des liens avec le tissu économique et les collectivités territoriales de leur environnement. Il faudra donc évaluer les situations au cas par cas pour se prononcer sur la pertinence de leur périmètre et la réalité de la plus-value qu'ils apportent.

Il faut dans le même temps développer une meilleure coordination des actions entre les instituts de recherche technologiques (IRT), les instituts pour la transition énergétique (ITE), les instituts hospitalo-universitaires (IHU) ou encore les sociétés d'accélération du transfert de technologies (SATT), mais aussi renforcer l'insertion et la formation professionnelles.

Cela passe enfin par la valorisation des biens et de l'immobilier des établissements, y compris à l'aide des acteurs privés.

Quelques mots, enfin, sur l'importance d'une politique spatiale ambitieuse pour la France et l'Europe. Il s'agit là d'une composante essentielle de notre excellence industrielle et gage de notre souveraineté spatiale. Nous devons donc intensifier l'innovation dans le domaine, rapprocher le secteur spatial d'autres secteurs de l'économie, les transports, par exemple, et assurer un vaste déploiement du système Galileo.

Nous devons faire en sorte de renforcer l'influence du spatial dans la protection de la planète et la lutte contre le changement climatique, mais aussi améliorer ses retombées économiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Merci pour ce tour d'horizon, madame la ministre.

Avant de laisser la possibilité aux membres de la commission de vous interroger sur ce programme, je laisse la parole à Jacques Grosperrin et à Dominique Gillot, rapporteurs pour avis, respectivement, des crédits de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Grosperrin

Nous sommes agréablement surpris de votre présentation, madame la ministre : quel programme ! Je dois dire, à titre personnel, que je me réjouis de voir deux spécialistes, vous-même et Jean-Michel Blanquer, occuper ces postes si importants aux yeux de notre commission. En tant qu'ancienne présidente de l'université Sophia-Antipolis, vous êtes au fait des questions dont vous avez la charge, même si vous allez bientôt découvrir les contraintes du poste...

Je me réjouis également de constater que l'enseignement supérieur et la recherche constituent un ministère de plein exercice. Je veux néanmoins rendre hommage à Thierry Mandon, qui a fait du très bon travail, mais qui dépendait hiérarchiquement d'un ministre.

Au cours du dernier mandat, le budget de l'enseignement supérieur a été globalement « sanctuarisé ». L'objectif d'atteindre les 2 % du PIB pour l'enseignement supérieur en 2025 est néanmoins ambitieux. Pendant la campagne présidentielle, Emmanuel Macron avait d'abord demandé une sanctuarisation des moyens, avant d'ouvrir la porte à leur augmentation. Mais y aura-t-il une volte-face sur ce sujet aussi ? Quels seront les moyens dont vous disposerez l'an prochain ?

Le ministre de l'action et des comptes publics a annoncé 4,5 milliards d'euros d'économies en 2017 sur le budget de l'État. Pouvez-vous nous dire quelles économies devront être faites sur votre budget ?

Je voudrais également vous interpeller sur les questions de l'échec en licence, du tirage au sort et des prérequis. Aujourd'hui, moins de 30 % de nos étudiants obtiennent leur licence en trois ans. C'est un vrai scandale, que le Premier ministre a reconnu dans son discours de politique générale.

La question de la sélection à l'université n'a pas été traitée lors du quinquennat précédent. La proposition de loi déposée par notre collègue Jean-Léonce Dupont a permis de faire avancer les choses pour les masters, mais à ce jour, la sélection en licence reste de l'ordre du tabou. Entre les deux tours de la présidentielle, une circulaire est même parue pour officialiser le recours au tirage au sort dans les filières à effectifs tendus.

Or, pour moi, le mot de « sélection » n'est pas un gros mot. Emmanuel Macron, comme candidat, parlait bien, lui, de « mérite ». Quels seront donc les « prérequis » ? Quel sort réserverez-vous à la circulaire officialisant le tirage au sort ?

Un dernier mot sur les droits d'inscription. J'étais favorable à leur augmentation modérée : 100 euros environ, ce qui aurait généré un surcroît de financement de 100 millions d'euros. La semaine dernière, vous avez annoncé leur gel à hauteur de 184 euros en licence, 256 euros en master, 391 euros en doctorat. Ces sommes sont faibles et auraient mérité d'être légèrement revues à la hausse. Pourquoi cette décision ? Quelle sera votre politique en matière de droits d'inscription pour les étudiants français comme pour les étudiants étrangers ?

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Gillot

Je me réjouis à mon tour de la création d'un ministère de plein exercice, qui ait la responsabilité à la fois de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. Cela répond à nos attentes. Nous vous souhaitons donc le meilleur, madame la ministre.

Vous avez parlé dans votre présentation de développer les liens entre la recherche académique et la recherche appliquée. En va-t-il de même pour la recherche académique et la recherche privée ?

Le commissariat général à l'investissement a pris une place considérable dans l'attribution des crédits pour la recherche. Quelles sont vos relations avec cet organisme et quelle est votre position sur l'efficacité de tous les instruments qu'il a créés pour soutenir l'innovation (SATT, IRT, etc) ?

Les organismes de recherche se plaignent de la baisse des financements de base qui les empêchent de développer des projets de recherche autonomes. Partagez-vous ce constat ?

Le budget de l'ANR est à la hausse depuis deux ans. Thierry Mandon avait évalué les besoins à 1 milliard d'euros pour arriver à un taux de sélection se situant dans la moyenne européenne. Partagez-vous cet avis ?

J'aimerais également avoir votre avis sur la performance du CIR, qui est une mesure phare en faveur de l'attractivité en France. Il est pourtant contesté par de nombreux rapports, selon lesquels les 5 à 6 milliards dépensés chaque année pourraient l'être plus efficacement.

Le livre blanc de l'enseignement supérieur et de la recherche, rédigé par M. Monthubert, avait pour mission d'articuler la stratégie nationale de la recherche, la stratégie nationale de l'enseignement supérieur et la stratégie nationale de la culture scientifique, technique et industrielle. Quelles suites comptez-vous lui donner pour augmenter le niveau de la recherche dans notre pays ?

Par ailleurs, la stratégie France Intelligence Artificielle, développée à la fin du dernier mandat, a dressé la cartographie de la recherche en intelligence artificielle, qui ne se réduit pas au numérique. Avec l'intelligence artificielle, nous parlons de sujets de recherche et de création de connaissances qui dépendent de votre ministère.

Le Gouvernement a indiqué vouloir arrêter la procédure du tirage au sort à la rentrée 2018 et la limiter pour la rentrée 2017. Je signale qu'elle existe pour les licences en sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS) depuis bientôt dix ans. Comment allez-vous faire pour atteindre votre objectif, et notamment pour réduire la place du tirage au sort dans les STAPS ? Allez-vous pour ce faire débloquer des fonds d'urgence pour les étudiants, des fonds qui concourent effectivement à cet objectif au lieu d'être absorbés par les diverses expérimentations que vous annoncez ?

Quelle évaluation faites-vous de la réforme de la première année commune des études de santé (PACES) ?

Enfin, je voulais insister sur l'intérêt que nous avons tous à nous préoccuper de la réussite des étudiants en situation de handicap, pour alimenter la recherche dans ce secteur, mais aussi irriguer la société de compétences utiles.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

J'exprime à mon tour ma satisfaction de voir ces questions relever d'un ministre de plein exercice.

En complément à l'intervention de M. Grosperrin, je dirai que le système des prérequis ne me choque pas ; il est mis en place dans des universités étrangères depuis bien longtemps. Dans le même temps, cela veut dire que certains bacheliers n'ont pas les prérequis. Comment suivre cette population ? Faut-il créer une année intermédiaire pour la mettre à niveau ?

Vous avez eu la gentillesse d'évoquer la proposition de loi que j'ai déposée sur la sélection en master, madame la présidente, et sur laquelle nous avions beaucoup travaillé avec Dominique Gillot. Où en sommes-nous de son application ?

Vous avez enfin parlé de « contrat de réussite », madame la ministre. J'apprécie énormément ce terme. L'insertion professionnelle doit en effet être valorisée.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

Mon intervention sera brève : je dois en effet aller en séance pour débattre des projets de loi et de loi organique rétablissant la confiance dans l'action publique. Nous aurons néanmoins l'occasion de revenir sur tous les sujets que vous avez évoqués, madame la ministre, lors de la discussion du budget, qui sera plus que jamais importante pour ces questions.

M. Grosperrin l'a dit : avec la réduction des dépenses publiques annoncée, comment financer les universités ? Comment revaloriser la recherche publique, alors que les grands organismes subissent des coupes budgétaires importantes ?

Allez-vous, par ailleurs, faire procéder à une évaluation sincère du crédit impôt recherche (CIR) ? Il s'agit en effet d'une manne très importante d'argent public, dont l'effet sur le développement de la recherche privée, sur la promotion de l'emploi scientifique, et notamment sur l'emploi des jeunes docteurs n'est pas certain.

Une conviction, pour terminer : la réussite étudiante passera aussi par l'amélioration des conditions d'étude. Aujourd'hui, accéder au logement social étudiant devient quasiment impossible.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy-Dominique Kennel

Je m'associe aux félicitations unanimes entourant votre nomination, madame la ministre. Il est encourageant de vous entendre dénoncer les taux d'échec en licence, qui sont un vrai scandale. Le tirage au sort : voici un autre scandale !

Le rapport sur l'orientation scolaire que j'ai présenté l'année dernière comporte à ce titre de nombreuses propositions. Je vous suggère donc de lire en particulier les pages 63 à 70, où vous découvrirez que nous recommandons, entre autres, de publier le code source d'APB, ou encore de généraliser les commissions d'orientation du supérieur, ceci afin de mieux aiguiller les lycéens.

Nous avons également souhaité que soient publiés les prérequis, les taux de réussite et les taux d'insertion professionnelle pour les filières à effectifs limités. De même, nous proposons l'instauration d'une année de césure post-bac, qui offre la possibilité de faire mûrir les projets des étudiants, ainsi que le développement des stages passerelle et de mise à niveau, pour faciliter le passage entre les filières, ou encore le renforcement de l'offre universitaire de formation continue : autant de sujets sur lesquels nous attendons des réponses.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Lise Dufour-Tonini

Chaque nouveau gouvernement entend généralement imprimer sa marque par une réforme de l'enseignement sans, hélas, faire un état des lieux ni évaluer les résultats des réformes précédentes. La refondation de l'école, conduite lors du précédent quinquennat, a permis de grandes avancées et nous espérons, madame la ministre, que vous ne détricoterez pas cette réforme, en particulier les rythmes scolaires et le dispositif « plus de maîtres que de classes » - les positions entendues ici et là nous laissent perplexes... Avec la refondation de l'école, nous avons inversé la tendance en donnant davantage de moyens au premier degré, car l'acquisition des savoirs de base conditionne la réussite scolaire ; cependant, dans son discours de politique générale, le Premier ministre nous annonce que le budget de l'éducation nationale ne sera plus sanctuarisé, que les réformes devront se faire à moyens constants et que la masse salariale sera gelée - cela revient à dire que la réduction de la dépense publique dicte le projet éducatif du pays... Voyez le nouveau baccalauréat prévu pour 2021 : on en réduit le nombre d'épreuves et d'options, pour en réduire le coût. Le Gouvernement y ajoute l'instauration d'une sélection à l'entrée de l'université avec les contrats de réussite étudiante et ses prérequis obligatoires dès 2018.

Ainsi, alors que l'enseignement supérieur doit faire face à un choc démographique, vous renforcez la sélection et vous instituez un diplôme à bac +1 : comment ce nouveau diplôme va-t-il s'intégrer au système européen dit du licence-master-doctorat (LMD) ? Pourquoi instituez-vous cette exception aux standards européens pour les seuls bacheliers professionnels ? Prévoyez-vous des passerelles vers les L2 ? En fait, ce seront les bacheliers des filières professionnelles, déjà les plus fragiles, qui vont davantage subir les baisses des dépenses publiques, avec ce nouvel objectif réduit à bac +1.

Madame la ministre, vous avez confirmé la mise en place d'une sélection dès la rentrée 2018, alors même que le Conseil d'État et la Conférence des présidents d'université se sont prononcés contre. Le Président de la République, lui, avait dit que les bacheliers sans prérequis pourraient se rattraper par des cours d'été ou la validation de modules universitaires... Dès lors, quels sont les contours de la notion de prérequis ? Comment les élèves seront-ils reçus pour ces cours d'été ? Qui les financera ?

Conformément au voeu du Président de la République, le Gouvernement annonce le rattachement de la sécurité sociale étudiante au régime général dès janvier prochain : la réforme figurera-t-elle dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale ? La sécurité sociale étudiante définit l'étudiant comme un assuré social autonome plutôt que comme l'ayant-droit de ses parents, un statut qui facilite l'autonomie sanitaire, la proximité aux assurés sociaux et favorise la démocratie sociale, à travers l'association des étudiants à la gestion de leur sécurité sociale - voilà ce qui a présidé à l'instauration du régime étudiant en 1948, ces sujets sont toujours d'actualité !

Voilà, Madame la ministre, les sujets sur lesquels le groupe socialiste attend vos réponses.

Debut de section - Permalien
Frédérique Vidal, ministre

Je crains de n'avoir pas d'autre choix que de vous décevoir sur les questions budgétaires, car les arbitrages ne seront pas rendus avant la fin du mois. Qui plus est, vos questions touchent aux investissements structurants, à même de transformer en profondeur notre système d'enseignement supérieur et de la recherche.

Le principe du tirage au sort existe depuis de nombreuses années, son existence a été révélée par l'augmentation de la démographie étudiante et par le fait que, pour la première fois, il a été décidé que les étudiants en fin de L1 souhaitant se réorienter, seraient traités à égalité avec les néo-bacheliers - ce qui a ajouté quelque 150 000 à 200 000 étudiants supplémentaires au système APB. J'ai rencontré les organisations d'élèves, de parents d'élèves, des personnels et nous avons, ensemble, constaté qu'il nous fallait sortir de ce système « le plus stupide et le plus injuste », selon l'expression de mon prédécesseur. Ce tirage au sort n'a aucun sens, je lancerai dès lundi prochain une concertation pour faire des propositions de remplacement.

Sur le contrat de réussite étudiante, je regrette que les annonces soient interprétées négativement, puisque notre objectif n'est nullement de restreindre l'accès à l'université, mais de tenir compte des réalités. Regardez les chiffres : pour les titulaires d'un bac professionnel qui passent dans l'enseignement universitaire général, le taux de réussite est d'à peine 1,6 %, c'est bien pourquoi nous voulons leur proposer non pas une année « blanche », mais un vrai travail d'orientation, où la commission d'orientation aura toute sa place. La parole des étudiants aux élèves a beaucoup de poids, il faut la valoriser au plus tôt, bien avant la Terminale. Quant à l'information sur l'orientation, il faut faire un travail important d'accompagnement tout au long du secondaire, tant les inégalités sont fortes dans la capacité à analyser les informations existantes.

Pourquoi un tel taux d'échec à l'université, en particulier en L1 ? Il faut prendre en compte l'effet de sidération des étudiants face au décalage entre l'enseignement qu'ils trouvent et celui qu'ils pensaient trouver à l'université. Ensuite, des formations qui devaient accompagner des sorties professionnalisantes courtes sont détournées de leur vocation première par des bacheliers de l'enseignement général titulaires de mention qui s'en servent de classes préparatoires aux écoles d'ingénieurs ou de commerce, alors que leur vocation initiale était, avec un taux d'encadrement plus fort, d'aider les élèves plus en difficulté.

Afficher les prérequis et les taux d'insertion professionnelle ? Je l'ai demandé aux présidents d'université : il est normal que les étudiants, en s'inscrivant, sachent quelles sont les perspectives d'insertion professionnelle avec le diplôme visé.

Un mot encore sur le tirage au sort : des universités s'en passent, parce qu'elles ont su mettre en place une coopération suffisante avec l'enseignement secondaire et, par exemple à Rouen, elles ont créé une formation d'une année, pour des élèves qui ont eu tout juste le bac ou qui y ont échoué de peu, en lien avec le bassin d'emploi et visant une insertion économique la plus directe. Il faut sortir de cette idée qu'atteindre 22 ou 23 ans sans un bac +5, ce serait avoir échoué.

Enfin, tous les étudiants n'apprennent pas au même rythme et nous devons en tenir compte, par exemple en assouplissant les conditions d'obtention de la Licence, qui pourrait s'étendre entre deux et quatre ans, sur la base d'un contrat.

J'entends donc débattre de ces sujets dans la concertation large, que j'organise dès lundi prochain, sur le tirage au sort.

Le site que nous avons créé pour l'entrée en Master - trouvermonmaster.gouv.fr - est peu utilisé, mais cela ne préjuge pas qu'il ne le sera pas massivement lorsque les étudiants seront rentrés de vacances. Reste la question des dérogations à la sélection à l'entrée en M1, car le sujet se mêle à celui de l'accréditation des établissements et des spécialités de mention. Seules 500 formations ont demandé à ne pas sélectionner à l'entrée de M1. Pourquoi certaines formations demandent une sélection entre les niveaux M1 et M2 ? En droit, c'est pour un motif de concours, et en psychologie, c'est parce que l'échelon M2 est celui qui autorise à exercer la profession, réglementée, de psychologue.

Sur les droits d'inscription, leur augmentation au rythme de l'inflation aurait représenté 4 millions d'euros : je suis favorable au dialogue avec les organisations d'étudiants et les universités, avec en ligne de mire la volonté exprimée par le Président de la République de ne pas augmenter massivement les droits d'inscription, car cela pénaliserait l'accès des catégories sociales les plus modestes à l'université. Reste, cependant, la question des droits pour les étudiants extra-communautaires, mais il faut étudier l'impact qu'aurait une hausse, en particulier sur le profil des étudiants. Soit dit en passant, l'expérience m'a montré que la faiblesse des droits peut faire douter de la qualité de l'enseignement - et il nous faut régulièrement expliquer que c'est en raison des subventions étatiques que les frais d'inscription sont si faibles. Je crois que nous devons afficher le coût réel des formations, qu'il faut l'inscrire dans le contrat de réussite étudiante et que nous devons sortir de l'idée que l'université est gratuite ; la réalité, c'est que l'État, parce qu'il a confiance dans la jeunesse de notre pays, subventionne l'année universitaire de chaque étudiant pour plus de 9 000 euros en moyenne.

L'évaluation de l'expérimentation concernant la première année commune des études de santé (PACES) est en cours. Je ne souhaite nullement imposer cette réforme : ce sera aux universités de s'en saisir et, si une majorité le fait, ce sera aux étudiants de dire qu'ils veulent une telle organisation des études.

Sur l'accès des personnes handicapées à l'université, nous avons lancé, avec mes collègues concernés, le quatrième plan autisme et fait à cette occasion le point sur les aspects à améliorer pour l'ensemble des personnes handicapées.

Pour développer les ponts entre la recherche académique et la recherche et développement des entreprises, il faut commencer par simplifier les relations en matière de droit de la propriété intellectuelle, en particulier avec le mandataire unique ; songez que si un laboratoire de recherche a quatre tutelles, la négociation sur les droits de propriété intellectuelle dépendra de quatre directions juridiques : cela fait fuir les entreprises ! Ensuite, le retour que les entreprises peuvent faire sur la recherche académique va bien au-delà de la propriété intellectuelle, il passe par de nombreux éléments, on le voit à Lausanne, à Zurich et ailleurs, en particulier dans le financement fléché de formations doctorales.

Le CIR est un outil important parce qu'il contribue à l'attractivité de la France, à notre recherche et développement. C'est particulièrement vrai pour les PME qui sont les principales bénéficiaires du CIR va en majorité. Nous devons mieux travailler le lien entre la recherche académique et les PME, mieux calibrer le CIR aux projets de ces entreprises, c'est un sujet essentiel pour moi - les grandes entreprises, elles, sont déjà en capacité et maîtrisent les outils de coopération avec la recherche académique. C'est donc l'usage pour les entreprises du CIR qu'il va falloir améliorer, sans remettre en cause ses principes.

Le commissariat général à l'investissement est rattaché au Premier ministre, mais, pour ce qui concerne l'enseignement supérieur et la recherche, la stratégie de la recherche et de l'innovation est définie au ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation : c'est déterminant pour éviter la dispersion. Les outils de soutien à l'innovation sont nombreux : on en comptait une trentaine en 2010 et le double aujourd'hui, certains se recoupent - c'est pourquoi il faut simplifier l'ensemble, sans perte en ligne, nous aurons un débat sur le sujet.

Les crédits de l'ANR devront être augmentés de telle sorte qu'elle puisse financer tous les projets excellents, sans que le taux de succès semble résulter d'un tirage au sort. Les opérateurs de recherche déclineront de grands plans nationaux comme ceux sur le climat ou le plan à venir concernant l'intelligence artificielle. Les organismes de recherche doivent travailler sur les sites en collaboration avec les écoles et les universités. Les programmes nationaux devront être placés sous la responsabilité d'un organisme de recherche qui agira pour le compte de l'ensemble des opérateurs de recherche.

Le Livre blanc présente l'état des forces de la recherche et de l'enseignement supérieur en France et témoigne de l'excellence de la recherche française. Il nous reste à chiffrer certaines des solutions proposées.

Le Président de la République s'est engagé sur la construction de 60 000 logements étudiants. Pour l'instant, nous sommes en attente de l'arbitrage budgétaire.

J'ai été extrêmement étonnée de la demande de fonctionnarisation des personnels des Crous et du Cnous car, pour la majorité d'entre eux, les salaires vont baisser tandis que cette réforme coûtera 20 millions par an de CAS Pensions à l'État. Le protocole a été signé et le Cnous ne fait plus partie des établissements dérogatoires qui peuvent employer des personnels en contrat à durée indéterminée (CDI) de la fonction publique, statut aussi protecteur que celui de fonctionnaire. Je pense que la majorité des personnels va refuser la titularisation. Le protocole a été signé le 4 mai mais la moitié des organisations syndicales n'était pas présente si bien que certaines exigent l'application du protocole alors que d'autres le refusent. Les personnels vont devoir se positionner.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Manable

Merci pour votre présentation, madame la ministre. Quid d'une éventuelle réintroduction des bourses au mérite ? Envisagez-vous d'allonger la durée d'ouverture des bibliothèques universitaires ? Enfin, statu quo ou évolution du numerus clausus pour les étudiants en médecine ?

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Permettez-moi de rappeler que les récentes évolutions sur l'ouverture des bibliothèques ont été permises grâce au rapport de notre collègue Sylvie Robert.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

Votre exposé marque votre souci de modernisation et de transformation de notre système universitaire.

En préambule, vous avez dit qu'il fallait réconcilier notre société avec la science. Le Parlement commet nombre de rapports dont le destin est - parfois - de s'endormir sur les étagères. Dans le cadre de l'office d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, avec ma collègue députée Maud Olivier, nous avons publié en janvier 2014 un rapport intitulé « Faire connaître et partager les cultures scientifiques, techniques et industrielles : un impératif », riche de 79 propositions. Seriez-vous disposée à les examiner pour voir si certaines vous conviennent ?

Il est regrettable que les projets partagés ne soient pas pris en compte lors de l'évaluation des enseignants-chercheurs. Leur statut est-il amené à évoluer ?

Debut de section - PermalienPhoto de Maryvonne Blondin

Les universités recrutent des vacataires qui sont parfois reconduits d'année en année. Certains d'entre eux le sont sous statut d'auto-entrepreneur. Envisagez-vous de laisser les universités recruter elles-mêmes leurs enseignants ?

Vous avez évoqué les difficultés d'alimentation et les souffrances psychiques de certains étudiants. La médecine préventive est le parent pauvre de l'enseignement supérieur plus encore que pour l'enseignement scolaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Que pensez-vous du dispositif APB ?

Le plan campus lancé il y a quelques années n'a été utilisé que par 30 % des universités. Aujourd'hui, nombre d'entre elles réfléchissent avec d'autres partenaires - comme la Caisse des dépôts - aux économies d'énergies possibles et à la gestion de leur patrimoine. Allez-vous proposer de nouveaux mécanismes d'ingénierie financière ? Autoriserez-vous les universités à emprunter afin qu'elles puissent gérer et entretenir leur patrimoine ?

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Travaillant sur un rapport relatif à la formation au et par le numérique, je souhaiterais savoir quelles sont vos intentions en ce domaine.

Debut de section - Permalien
Frédérique Vidal, ministre

APB n'est qu'un algorithme qui a permis de supprimer des heures d'attente devant la porte des universités lors des inscriptions : le premier arrivé était le premier servi. Cela dit, APB est certainement perfectible, mais ne jetons pas APB avec l'eau du bain...

Le Président de la République souhaite le rétablissement des bourses au mérite : nous sommes en train de chiffrer cette mesure.

Nous évaluons l'expérimentation menée sur plusieurs sites qui visait à supprimer le concours de fin d'année de la Paces. Cela a permis de mieux articuler les études médicales avec celles en sciences de la vie. Mais il nous manque encore une année pour mener à bien cette évaluation. Une réforme permettrait de sortir du système brutal du numerus clausus et du concours.

Je regarderai les propositions de votre rapport, monsieur le sénateur Leleux, car il faut effectivement réconcilier les Français avec la culture scientifique. Nombre de nos compatriotes confondent le savoir et la croyance et estiment que la science n'est que source de désagréments. A l'heure actuelle, on ne parle de sciences que pour évoquer les OGM, les vaccins... Il est grand temps de réintroduire un minimum de culture scientifique et technologique dans notre société.

Les vacataires ont un emploi et sont recrutés par les écoles ou les universités pour leurs compétences non-académiques. Seuls les intermittents du spectacle peuvent être recrutés comme vacataires auto-entrepreneurs. Aujourd'hui, tous les enseignants-chercheurs sont recrutés directement par les universités. Depuis la loi LRU, les présidents et les conseils d'administration des universités peuvent signer des CDI ou des contrats à durée déterminée (CDD) pour recruter tout personnel de catégorie A. Pour un salaire de 1 000 euros, un contractuel CDI de la fonction publique coûte à son établissement 1 700 à 1 900 euros contre 2 400 euros pour un titulaire de la fonction publique. Les intervenants extérieurs coûtent, quant à eux, 43 euros de l'heure. Les universités ont fait un usage responsable et modéré des contrats mais, dans certains cas, ils leur sont très utiles.

Aujourd'hui, un enseignant-chercheur, comme un chercheur, n'est évalué que sur ses publications car seules les activités de recherche - qui font l'objet de critères objectifs - sont prises en compte, que ce soit en France, en Europe ou ailleurs. Par exemple, il n'existe aucun critère pour évaluer l'investissement pédagogique ou administratif. Je souhaite aborder ce sujet au niveau européen ; avec mon collègue danois, nous envisageons de définir des critères pour évaluer l'ensemble de la carrière des enseignants-chercheurs. Mais je m'attends à une levée de boucliers, d'autant qu'une proposition d'évaluation individuelle des enseignants-chercheurs se heurte à l'opposition de plus de la moitié des membres du Conseil national des universités (CNU). Ce sujet n'est pas prioritaire mais nous l'aborderons en temps voulu.

Sur un même site, coexistent des personnes qui relèvent du droit public, du droit privé, des écoles, des universités... Une harmonisation s'impose. Pour les sites, la loi de 2013 est imparfaite : parfois, il existe un seul site pour deux régions et parfois trois sites sur une même région. Tout cela n'a pas beaucoup de sens ; j'interrogerai donc l'ensemble des sites. Le prochain projet de loi de simplification prévoira l'expérimentation des gouvernances de site afin que chacun puisse trouver son propre mode de gouvernance, dans le respect bien sûr des règles du code de l'éducation. L'erreur de la loi de 2013 est de n'avoir prévu que trois statuts : les fusions, les associations valant rattachement - comment rattacher des écoles et des organismes à des universités ? - et les communautés d'universités et d'établissements (COMUE), formule plébiscitée mais qui impose toutes les contraintes d'un établissement public de coopération scientifique et technique : tous les établissements doivent ainsi fonctionner comme des universités. La future loi de simplification permettra d'interroger les sites afin de proposer plusieurs modèles de gouvernance qui répondent aux attentes des uns et des autres. Aux acteurs de trouver les bonnes solutions pour travailler ensemble et rayonner sur l'ensemble de leur territoire et à l'international. J'ai trop souffert d'essayer de faire entrer des projets dans des boites qui n'étaient pas faites pour eux. Il faut que la boite s'adapte aux projets.

Des programmes de recherche ont été lancés pour faire le point sur la santé des étudiants. Ainsi, un programme établit la corrélation entre l'état du système immunitaire de l'étudiant et son sentiment de stress. Nous allons poursuivre en ce sens.

Les universités étant opérateurs de l'État, tout emprunt participerait à la dette maastrichtienne, d'où l'interdiction faite aux universités d'emprunter. Cependant, des partenariats permettent de rénover le patrimoine universitaire. En outre, le principe de spécialité s'impose, comme à tous les opérateurs de l'État : les universités n'ont le droit d'utiliser leurs locaux que pour leur fonctionnement propre. Elles ne peuvent donc louer leurs locaux l'été, ni déléguer leurs missions à un organisme privé. Il va falloir déroger à ce principe de spécialité, seule façon de valoriser et donc de réhabiliter le patrimoine universitaire. J'avais beaucoup apprécié le rapport du Sénat sur cette question : il avait évalué à 15 euros le mètre carré les besoins en maintenance des locaux universitaires. Or, aujourd'hui, les universités n'y consacrent que 1,5 à 2 euros. Leur patrimoine ne fait donc que de se dégrader.

Tous les outils numériques devront être utilisés pour permettre des allers-retours entre les mondes professionnel et universitaire. La France doit édicter des standards de qualité pour certifier les formations à distance et les formations hybrides en direction des pays liés à la francophonie. Si elle ne le fait pas, les standards anglo-saxons s'imposeront, alors qu'ils ne correspondront pas à notre vision de l'éducation.

Nous devrons mener des recherches sur l'impact du numérique sur les modalités d'apprentissage. L'immersion dans le monde numérique des enfants depuis leur plus jeune âge construit sans doute des connexions neuronales qui font qu'ils n'aborderont pas de la même façon l'apprentissage. Nous devons donc interroger les sciences du langage, les sciences cognitives, les neurosciences pour mieux appréhender les nouveaux modes d'apprentissage avec le numérique.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Nous avons récemment auditionné des psychologues, des psychiatres et des orthophonistes catastrophés de voir les jeunes enfants utiliser en permanence les écrans. Nous avons auditionné Bernard Stiegler qui nous a alertés sur l'absence de recherches scientifiques sur les modes d'apprentissage.

Merci, madame la ministre, pour votre discours de vérité. Nous sommes heureux que vous ayez placé l'orientation et la réussite de nos étudiants au coeur de vos préoccupations.

La réunion est close à 19h35.