Intervention de Alberto de Gregorio Merino

Commission des affaires européennes — Réunion du 20 juillet 2017 à 8h35
Économie finances et fiscalité — Gouvernance et approfondissement de la zone euro - Audition de M. Alberto de Gregorio merino directeur affaires économiques et financières budget et fonds structurels du service juridique du conseil de l'union européenne M. Jean-Paul Keppenne conseiller juridique au sein du service juridique de la commission européenne chargé de la zone euro et des questions économiques chargé de cours à l'institut d'études européennes de l'université saint louis de bruxelles et M. Francesco Martucci professeur de droit européen à l'université paris ii panthéon-assas

Alberto de Gregorio Merino, directeur chargé des affaires économiques et financières, du budget et des fonds structurels au sein du service juridique du Conseil de l'Union européenne :

Depuis le début de la crise, la zone euro a évolué de façon spectaculaire, avec la création de l'union bancaire, le renforcement de la gouvernance économique et la création d'un mécanisme de sauvetage permanent, à savoir le Mécanisme européen de stabilité (MES). Désormais, on observe une évolution parallèle de la solidarité et de la responsabilité : l'accès au mécanisme de sauvetage est conditionné à la ratification et à la transposition par l'État membre du TSCG. La centralisation s'est accrue, puisque des pouvoirs de plus en plus importants sont exercés par des instances européennes comme l'Autorité bancaire européenne, chargée de la surveillance, ou le Conseil de résolution unique - ce qui était inconcevable il n'y a pas si longtemps. Et l'idée même de stabilité a évolué, passant, à la suite de la crise, de la conception étroite qui avait prévalu à Maastricht - prix et budgets - à une acception plus large, embrassant la stabilité de la zone euro tout entière. Je vous renvoie sur ce point au troisième alinéa de l'article 156 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), ainsi qu'à l'arrêt Pringle de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE).

Je crois que les aspects bancaires et financiers, la gouvernance et le mécanisme de sauvetage constituent les trois sommets d'un triangle délimitant le périmètre de toute action à venir sur le plan économique et monétaire. Négliger l'un de ces trois domaines, qui sont aussi liés entre eux que fondamentaux, déboucherait sur une politique boiteuse et dysfonctionnelle. L'approfondissement sera guidé par l'équilibre entre solidarité et risque, avec éventuellement un « fonds pour les mauvais jours » et un fonds de stabilisation macroéconomique, et un partage des responsabilités et des fonctions de contrôle. Plus on intensifiera le partage des risques et des responsabilités, plus il deviendra probable qu'il faille modifier les traités.

Pour l'intégration bancaire et financière, une révision des traités ne sera pas nécessaire, puisque la réglementation relève du marché intérieur, domaine dans lequel les traités fixent un cadre d'intégration suffisamment large. Pour la gouvernance économique, c'est déjà moins évident, car les compétences de l'Union européenne se limitent à la coordination entre les États membres. À mon avis, le législateur a déjà épuisé les possibilités offertes par les traités, et la création d'un pouvoir effectif d'intrusion dans la procédure budgétaire ou dans l'activité du Trésor des États membres imposerait de les réviser pour transformer la compétence de coordination en une compétence d'intégration.

Quant au Mécanisme européen de stabilité, il est fondé sur un accord intergouvernemental. C'est un bel exemple d'usage de la méthode intergouvernementale comme alternative à l'intégration européenne, à l'instar du TSCG ou de la mise en place du Fonds de résolution unique (FRU). Par l'arrêt Pringle, la CJUE a accepté le recours à la méthode intergouvernementale pourvu que son résultat aille dans le sens de la construction européenne, respecte l'autonomie de décision de l'Union européenne et ne soit pas contraire à son droit, qui prévaut sur les traités intergouvernementaux. Si cette méthode intergouvernementale est utile pour faire face aux urgences, je vois mal comment l'on pourrait y avoir recours pour construire un mécanisme qui toucherait au tissu institutionnel.

Pour conclure, j'insisterai sur le fait que l'approfondissement doit se faire avec toute la légitimité démocratique souhaitable. Pour l'heure, c'est le corps électoral national qui est l'espace principal du débat démocratique sur le pacte social et la redistribution fiscale. Ce sont donc les États membres qui doivent demeurer le substrat de l'approfondissement économique : en d'autres termes, celui-ci ne doit pas se faire sans associer étroitement les parlements nationaux.

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