Je suis heureux d'être parmi vous. Vous connaissez mon attachement au Sénat, à ses travaux. J'ai toujours été, et je suis toujours, un fervent défenseur du bicaméralisme. Le ministère de la cohésion des territoires est effectivement un ministère transversal. Je partage avec le ministre de l'intérieur la tutelle de la direction générale des collectivités locales (DGCL). La dimension institutionnelle relève de l'intérieur tandis que le volet contractuel (CPER, contrats de ruralité) relève de mon ministère. De même, alors que les questions de fiscalité locale ou de péréquation relèvent de l'intérieur, mon ministère s'occupe des subventions. Mon ministère a aussi en charge le logement, la politique de la ville, la cohésion des territoires.
Nous avons organisé la Conférence nationale des territoires. Le Président de la République et le Premier ministre ont accepté qu'elle ait lieu au Sénat. J'en suis très heureux. Le Sénat n'est-il pas aux termes de l'article 24 de la Constitution le représentant des collectivités territoriales ? Il est normal qu'il soit associé à la réflexion sur ces questions. J'ai lu avec attention votre rapport très intéressant sur l'aménagement du territoire. Ses conclusions rejoignent parfaitement mes objectifs. Comme vous, je souhaite le retour d'un État stratège.
Vous avez raison de vous demander où est passée la politique d'aménagement du territoire ces dernières années. Je me posais la même question lorsque je siégeais sur les bancs de la Haute Assemblée. C'est pourquoi je souhaite redonner un sens à cette expression.
L'essentiel de la croissance est réalisé dans les métropoles. France Stratégie fait le même constat, mais semble souhaiter que cela continue comme cela... Mon but est de réduire non pas la fracture, mais bien les fractures territoriales, car elles sont multiples. Cela ne signifie pas briser la dynamique des métropoles, car celle-ci est nécessaire, mais mettre en place des politiques de rééquilibrage. Ce ne sera pas facile. Le fait métropolitain est entré dans les moeurs. Je n'étais pas favorable à la multiplication des métropoles, mais elles sont là, c'est un fait. Je me souviens des demandes nombreuses au Sénat pour obtenir le statut de métropole. Avec un brin de provocation, j'avais même déposé un amendement pour donner le statut de métropole à Aurillac... La fusion des départements et des métropoles a été évoquée dans le programme du Président de la République. J'ai toujours défendu l'existence des départements, considérant que les fusions avec des métropoles ne pouvaient se justifier que dans un nombre très limité de cas, dans la concertation, en réponse à une demande locale, comme ce fut le cas à Lyon. Le Gouvernement n'a pas la volonté d'imposer aux collectivités territoriales une solution mise au point par l'État. En revanche nous faciliterons les initiatives de ceux qui veulent créer des communes nouvelles ou fusionner des départements, dans la mesure où telle est la volonté exprimée des collectivités territoriales. Les consultations sur le Grand Paris ont commencé. Elles se poursuivront ces prochains mois. Il nous faudra parvenir à trouver un cadre à la hauteur des ambitions pour la capitale, en surmontant les oppositions, qui dépassent d'ailleurs le cadre partisan. En tout cas, nous ne souhaitons pas recommencer un Big Bang territorial. Les élus locaux sont las de ces réformes à répétition compliquées.
Quels dispositifs pour redonner un espoir à ces espaces interstitiels comme on le dit en termes technocratiques ? Je suis moi-même issu d'un espace interstitiel. Je n'oppose pas le rural et l'urbain : il y a des zones rurales prospères et des zones urbaines en crise. Nous devons nous intéresser à tous les territoires en difficulté. Je souhaite que les contrats de ruralité perdurent. J'espère convaincre Bercy. Je suis aussi convaincu de la nécessité d'une politique spécifique en faveur des petites villes et des villes moyennes, qui sont souvent en difficulté lorsqu'elles ne sont pas dans le noyau métropolitain. De même il faut aider les centres-bourgs. J'ai pris contact avec le président de la Caisse des dépôts pour commencer à réfléchir à des procédures adaptées. Le Président de la République a annoncé lundi la création d'une agence dédiée au monde rural. Sa forme n'est pas encore arrêtée. Avant de faire d'autres annonces, je procéderai à des consultations, à commencer par celle du Parlement. Des idées sont sur la table. Il faut notamment réfléchir à l'articulation avec le commissariat général à l'égalité des territoires. Nombre de collectivités territoriales hors agglomération ou métropole n'ont pas les moyens de mener leurs projets. Pour elles, cette agence sera une bonne nouvelle. Mon souhait en tout cas est de ne pas créer une nouvelle usine à gaz. L'essentiel sera de doter cette structure des moyens d'action nécessaires. La réflexion est lancée, je serai ouvert à toutes vos propositions.
Agnès Buzyn mène une réflexion sur la désertification médicale. Le gouvernement a l'objectif de créer 2 000 maisons de santé. Nous manquons de médecins, surtout de spécialistes. Mais le problème majeur est celui de la fracture territoriale liée à leur inégale répartition sur le territoire. La question du numerus clausus est posée, mais ce n'est pas à vous que j'apprendrai qu'il est plus facile de se soigner dans certains territoires que dans d'autres...
J'ai tenté de répondre ce matin, lors des questions orales, à vos interrogations sur le numérique, mais en deux minutes et trente secondes, l'exercice était délicat ! Notre pays est en retard pour la couverture numérique. Or donner accès à tous au très haut débit est un excellent moyen pour lutter contre la fracture territoriale. Je connais bien les rapports et les propositions du Sénat. La situation n'est pas satisfaisante. L'Arcep publiera demain un bilan partiel. Le Président de la République a annoncé sa volonté politique très claire d'avancer sur ce dossier. N'y voyez pas un effet d'annonce : c'est une priorité de l'action du gouvernement. Il y a déjà eu une réunion entre les trois secrétaires d'État en charge de ce dossier. Nous avons aussi réuni les opérateurs, avec l'Arcep et la CDC. À écouter les opérateurs, on a l'impression qu'un travail considérable a été réalisé ! C'est en partie vrai, mais nous avons réaffirmé notre volonté de tenir les objectifs fixés. Nous leur avons demandé de nous faire des propositions avant le 31 juillet car nous souhaitons aller vite en définissant les orientations et les objectifs avant la fin du mois de septembre. Après cette réunion, l'un des opérateurs a indiqué qu'il irait encore plus loin pour déployer le numérique, sans coût supplémentaire pour la puissance publique. Nous jugerons sur pièces pour apprécier s'il s'agit d'une annonce à des fins commerciales ou non. N'oublions pas que les opérateurs sont en concurrence. Tous les opérateurs ne sont pas d'accord sur tout... Nous examinerons leurs réponses et leurs propositions, avant d'entamer un cycle de discussion pour définir précisément la feuille de route et planifier les investissements avant la fin du mois de septembre. Nous voulons accélérer le déploiement dans les zones denses, où seulement trois millions de lignes sont été installées, sur les douze millions prévues en 2020. En ce qui concerne les réseaux d'initiative publique (RIP) 800 000 lignes avaient été réalisées en FttH fin 2016, pour un objectif de 7,3 millions en 2020. Le déploiement de la montée en débit est cependant plus avancé. Enfin, nous devons aussi trouver une solution pour les 15 % de la population non visés par la dynamique de déploiement. C'est un de nos devoirs.
Le délai de 2020 conduit à privilégier l'accélération du scénario de déploiement actuel, Orange et SFR devant couvrir en fibre les zones denses, tandis que dans les autres zones seront déployés les RIP par les collectivités territoriales en collaboration avec l'État. En raison de la fragilité des zones AMII, il est nécessaire de faire un suivi serré, contraignant et opposable, de l'évolution de la situation avec la possibilité de constater la carence si les engagements pris par Orange et SFR ne sont pas tenus. Free, Bouygues et les opérateurs RIP demandent d'ailleurs une redistribution au sein des zones AMII. C'est pour nous un levier dans la négociation. Des contreparties sont proposées aux opérateurs dans les zones moins denses. Pour couvrir toute la population, il faut privilégier un bouquet de solutions, ce qui n'exclut pas de couvrir à terme tout le territoire par la fibre. Nous voulons que la 4G soit disponible partout dès 2020. Pour cela, les opérateurs devront construire plus de 10 000 poteaux supplémentaires : il ne faut pas seulement couvrir les bourgs et les centres-villes, mais aussi les routes. Il est vraisemblable qu'il faudra négocier des contreparties avec les opérateurs. Il appartiendra à l'Arcep de les négocier. Les 3,3 milliards d'euros fléchés par l'État pour le financement des RIP ont déjà été engagés. La phase 2, en revanche, consistant à augmenter la part de la fibre n'est pas financée. Il manque entre 1,3 et 1,8 milliard d'euros, que nous prévoyons d'inscrire dans le volet numérique du grand plan d'investissement. L'équilibre économique de certains RIP dépend de l'engagement effectif de ces phases ultérieures de déploiement. L'objectif des 100 Mégabits ne pourra intervenir que plus tard, vers 2025. En attendant, nous demandons aux opérateurs de préciser leurs engagements commune par commune, tant pour le fixe que le mobile. À partir de ces contributions le gouvernement définira sa feuille de route, avec la volonté très ferme d'aller jusqu'au bout.
Votre diagnostic sur la téléphonie mobile correspond à la réalité de terrain. J'ai eu l'occasion d'échanger dans mon territoire avec les opérateurs et reçu les mêmes réponses que celles que vous avez eues : l'augmentation de la consommation, la saturation du réseau, le défaut d'entretien font que la téléphonie mobile passe souvent moins bien qu'il y a trois ans. Voilà une situation difficilement acceptable qui nécessite une action forte de l'État stratège.