Soyons clairs : vous connaissez la situation financière du pays. Si nous ne sommes pas capables de prendre quelques décisions transpartisanes, nous ne nous en sortirons pas, et la fracture avec nos voisins européens s'accroîtra. L'État est le premier à devoir faire des efforts - et ce n'est pas facile ! J'ai déjà eu à assumer des annonces impopulaires. Quant aux collectivités territoriales, je me suis efforcé d'éviter qu'on leur notifie - comme cela a été fait par d'autres - une baisse de 13 milliards d'euros de leur dotation, car l'inconvénient en ce cas est que la réduction frappe chacune de la même manière. Si l'on opère cette ponction sur la DGF, il n'en restera pas grand-chose. Pour la plupart d'entre vous, vous avez exercé, exercez ou exercerez des responsabilités exécutives dans une collectivité territoriale. Vous savez donc qu'il existe des marges de manoeuvre - pas dans toutes, certaines sont à l'os. Il faut donc nous montrer responsables, car enfin, nous devons faire des économies. Comme chaque département est dans une situation différente, nous ne pouvons demander la même chose à tout le monde. Je souhaite que le Gouvernement n'ait pas à imposer des baisses de dotation.
Je suis optimiste quant au maintien des crédits de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) dans le prochain budget.
Sur la dotation d'action parlementaire, le Parlement est saisi. Je souhaite qu'in fine, cette enveloppe ne soit pas tout simplement absorbée par une autre, car si elle se fond par exemple dans la DETR, le résultat sera qu'elle diminuera. Je suis attentivement les débats à l'Assemblée nationale. Qu'un parlementaire parisien dise que cette dotation est inutile, je peux le comprendre. Il eût été bien, alors, que de tels parlementaires rétrocèdent leur quote-part à leurs collègues ruraux. Hélas, ils ne l'ont jamais fait.
J'ai déploré la réforme des zones de revitalisation rurale (ZRR). J'avais déposé une PPL pour revenir à l'état antérieur. Comment changer aujourd'hui des dispositions actées en 2015, avec effet au 1er juillet 2017 ? Certes, 3 000 communes sont sorties du dispositif, mais d'autres sont entrées ! Une mission avait été confiée à un député de droite, et un de gauche. La réforme tirée de leur rapport ne m'a pas parue très juste, d'autant qu'elle a coïncidé avec les fusions d'intercommunalités. Résultat : des communes de montagne, extrêmement rurales, sont exclues de la DRR. Mais celles qui y sont entrées en sont fort satisfaites : demandez donc à M. Retailleau ! J'ai demandé à l'administration des propositions. De même, je lui ai demandé de tirer parti du travail réalisé au Sénat sur la simplification.
Le Président de la République et le Gouvernement ont conscience de la difficulté dans laquelle se trouvent les départements ruraux. S'il faut travailler au financement du RSA, cette compétence doit rester aux départements. Cela nécessite des efforts de péréquation horizontale. J'avais dénoncé le fait que certaines mesures étaient étalonnées sur la situation de certains départements, ce qui n'était pas équitable. Les décisions ne doivent pas être prises en fonction du poids politique de tel ou tel responsable local.
Mon ministère ne se désintéresse évidemment pas de la désertification médicale. Il est concerné, au moins, par le premier volet du problème : comment aider les territoires à disposer de structures d'accueil satisfaisantes ? La question du numerus clausus et de la formation des praticiens relève plus directement de la ministre de la Santé, avec laquelle nous travaillons en parfaite coordination. Dans certains départements, il n'y a plus de spécialistes, y compris dans la préfecture. C'est très grave.
La baisse de la dotation aux collectivités territoriales prévue par le candidat qu'avait soutenu M. Nègre était, je crois, de 20 milliards d'euros... On se demande d'ailleurs comment il était passé de 20 milliards d'euros à 8 milliards d'euros ! Regardons la réalité en face : en 2008, notre dette atteignait 56 % du PIB, comme celle de l'Allemagne. Aujourd'hui, nous sommes presque à 100 %, quand l'Allemagne est au même niveau qu'en 2008. Cela ne peut pas continuer.
La diminution du nombre des élus locaux a été annoncée à la Conférence des territoires. Il nous faut des précisions sur les objectifs visés. S'il s'agit de diminuer le nombre de conseillers départementaux, cela implique une refonte du nombre de cantons. Même remarque pour les conseillers régionaux, vu la faible représentation de certains départements. Certes, les fusions de communes diminuent globalement le nombre d'élus. Et certains conseils municipaux pourraient être moins nombreux ; mais ils font du lien social, et garantissent que la commune sera gérée jusqu'à la fin du mandat. Sur ce sujet, soyons pragmatiques.
Sur la desserte ferroviaire, vous avez écrit un excellent ouvrage, monsieur Nègre. Il suffit, en somme, de trouver 200 milliards d'euros et le problème est réglé ! Ce qui a été annoncé est un ralentissement des investissements en faveur des grandes infrastructures, pour redonner de l'oxygène à l'entretien de nos routes nationales et des voies ferrées secondaires.
Il faut donner plus de latitude aux préfets, qui ne doivent plus se sentir obligés d'ouvrir à tout propos un parapluie. La déconcentration doit accompagner la décentralisation. Quant à la présence postale, il me semble que le président-directeur général de La Poste mène une politique globalement constructive, et les commissions départementales de présence postale effectuent un travail de qualité. Mais la diminution inexorable du volume du courrier contraint La Poste à évoluer. L'action du facteur ne doit pas se limiter au courrier, et son rôle doit être conçu en lien avec le développement de l'innovation numérique, du véhicule autonome et de l'intelligence artificielle.