Intervention de Hervé Maurey

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 26 juillet 2017 à 9h30
Déplacement de la commission en australie — Communication

Photo de Hervé MaureyHervé Maurey, président :

Ce déplacement était le principal déplacement de l'année 2017 pour notre commission. Il s'est déroulé du 25 mars au 1er avril derniers et notre délégation comprenait 5 sénateurs, Philippe Madrelle, Didier Mandelli, Louis Nègre, Jean-Yves Roux ainsi que moi-même.

Pourquoi l'Australie ? Parce que nous savions y trouver des réalisations intéressantes sur plusieurs des thématiques intéressant notre commission, que ce soit en matière de couverture numérique du territoire, de protection de la biodiversité, de développement des énergies renouvelables ou encore de mobilité. Par ailleurs, au moment de la COP21, nous avions un peu suivi les débats politiques internes australiens sur les questions climatiques et nous souhaitions en savoir plus.

Grâce au programme établi par l'ambassadeur de France en Australie et ses services, nous avons pu aborder l'ensemble de ces problématiques, ce qui a rendu ce déplacement particulièrement riche et intéressant.

Malgré l'immensité du pays, nous avons réussi à visiter 3 des 6 Etats fédérés - le Queensland, la Nouvelle-Galles du Sud et l'Australie méridionale - et l'un des 3 Territoires de la fédération - le Territoire de la capitale australienne - qui constituent cet immense pays fédéral.

Concrètement, nous avons passé deux journées à Cairns, deux journées à Sydney, une journée à Canberra et deux journées à Adelaide.

A Cairns, ville qui se situe au nord de l'Australie, sur sa côte est, notre séjour a été entièrement consacré à la grande barrière de corail.

Cette barrière, qui constitue le plus grand récif corallien du monde, s'étend sur plus de 2 600 kilomètres, à une faible distance de la côte nord-est australienne. La structure du récif est composée de milliards d'organismes vivants, les coraux polypes, qui permettent une grande diversité de vie marine. C'est la plus grande structure vivante sur Terre.

Malheureusement cet écosystème très riche, vieux de 18 millions d'années, est gravement menacé par les conséquences du ruissellement et du changement climatique, dont le principal effet est le blanchissement des coraux, autrement dit la mort de ces organismes vivants. Selon des études récentes, le récif a perdu plus de la moitié de sa surface corallifère depuis 1985 et, au rythme actuel de l'augmentation de la température de l'eau et de la progression de l'acidification de l'océan, pourrait en perdre encore plus vite une surface importante au cours des prochaines années.

Nous avons vu certains de ces récifs blanchis. C'est effectivement impressionnant. Hélas, même si l'on prend des mesures fortes pour mettre en oeuvre l'accord de Paris afin de limiter le réchauffement climatique d'ici la fin du siècle, une partie de la perte du récif est désormais irréversible.

Deuxième étape de notre déplacement : Sydney. Première ville d'Australie, Sydney s'étend autour d'une des plus belles baies du monde. C'est une ville jeune qui connait une croissance très dynamique.

Notre séjour y a été surtout consacré aux questions d'infrastructures - numérique et de transport - et de mobilité. Nous y avons rencontré des autorités locales, des entreprises françaises et nous y avons fait plusieurs visites de terrain très instructives.

Le ministre des infrastructures du gouvernement de Nouvelle-Galles du Sud nous a exposé la stratégie mise en oeuvre depuis cinq ans pour relancer et développer les infrastructures de l'Etat. Pour lutter contre la saturation de plus en plus forte des infrastructures en place, dont l'impact négatif sur l'économie de l'Etat devenait sensible, il a été décidé à la fois de lancer plusieurs nouvelles lignes de métro et de tramway et de rénover des infrastructures routières et ferroviaires.

Ce qui a surtout retenu notre attention est le mode de financement choisi pour en assurer rapidement la mise en oeuvre. Cela s'est fait par un très gros programme de cession d'actifs - une usine de désalinisation, la gestion des trois principaux ports maritimes de l'Etat, deux grands distributeurs d'électricité, etc. Tout le produit des cessions d'actifs a été réinvesti dans la constitution de nouveaux actifs. Un fonds d'investissement du Gouvernement de New South Wales a été créé. Des obligations « infrastructures » ont été émises au profit de ce fonds qui a aussi bénéficié d'un surplus de recettes fiscales inattendues. Ce sont au total 73 milliards de dollars sur 4 ans consacrés aux infrastructures de l'Etat.

Sur le terrain, nous avons vu le chantier d'une des lignes de tramway en construction dont Transdev a obtenu le marché. Nous avons également visité le centre de contrôle des ferrys de la baie de Sydney opéré par Transdev.

En ce qui concerne les infrastructures numériques, nous avons rencontré l'équipe dirigeante du National Broadband Network qui nous a exposé les modalités de déploiement des réseaux numériques en Australie. Ce pays gigantesque a la particularité de voir l'essentiel de sa population habiter sur les côtes, le reste du territoire étant très peu habité. C'est donc à un mix technologique que recourt cet organisme national.

Plusieurs particularités peuvent être soulignées : la place du satellite comme solution pour les zones peu denses ; le couplage de la fibre au réseau cuivre existant pour une grande partie de la population, seuls 17 % bénéficiant de la fibre jusqu'à l'utilisateur ; la possibilité pour les entreprises qui le demandent d'obtenir un raccordement à la fibre mais en échange de payer le raccordement ; l'obligation pour les abonnés fibrés de passer à la fibre ; une tarification liée à la vitesse des débits. Au total, nous avons compris que l'ambition initiale du plan de déploiement numérique - cité en exemple jusque chez nous - avait été revue à la baisse et adaptée de façon assez pragmatique aux spécificités australiennes.

Notre séjour à Canberra, ensuite, avait un côté plus institutionnel.

Nous y sommes bien entendu allés au Parlement où nous avons d'abord rencontré le ministre fédéral de l'environnement et de l'énergie. Il nous a paru ouvert mais prudent sur les questions climatiques et de transition énergétique. Dans un pays où le charbon est toujours aussi abondant, facile à exploiter et pourvoyeur d'emplois, la décarbonation du modèle énergétique est naturellement plus complexe qu'ailleurs.

Cela étant, les engagements pris à Paris font partie des objectifs clairs du gouvernement australien de même que la nécessité de protéger l'environnement, dont la grande barrière de corail.

Au Parlement encore, nous avons rencontré la présidente de la commission de l'environnement et des communications du Sénat, ainsi que l'un de ses collègues. Ils ont insisté sur la nécessité de privilégier la sécurité énergétique de l'Australie, ce qui implique de ne pas miser trop vite sur les énergies renouvelables car il faudra un certain temps avant qu'elles puissent prendre le relais du charbon. Ils ont regretté l'insuffisance des discussions sur les différentes solutions qui peuvent être mises en oeuvre pour faire face au changement climatique.

Le deuxième volet marquant de notre séjour dans la capitale fédérale a été consacré à une séquence mémorielle. Après la visite de l'Australian War Memorial, nous avons participé à la cérémonie dite du dernier appel qui se tient tous les jours à 17 heures. Au côté de jeunes élèves de différentes régions d'Australie, nous avons déposé une gerbe au nom du Sénat et assisté à une cérémonie très émouvante qui rappelle, en particulier, que plus de 400 000 Australiens sont venus sur notre sol pendant la Première Guerre mondiale et 60 000 n'en sont pas revenus.

A Adelaide, enfin, capitale de l'Australie méridionale, nous avons là encore fait plusieurs rencontres et visites d'un grand intérêt.

Parmi les rencontres, je citerai celle du ministre en charge de la transformation numérique et de l'innovation, ainsi que celle du ministre en charge de l'environnement, de l'eau et du changement climatique. L'un comme l'autre nous ont fait part de développements innovants, comme celui du projet « Gig City » de déploiement d'un réseau ultrarapide ou celui d'aménagement d'une rivière pour permettre l'irrigation de vastes zones de l'Etat.

Tous ces officiels nous ont paru extrêmement ouverts à notre pays et impliqués dans la signature de nombreux partenariats avec nos collectivités et entreprises, à la suite du contrat conclu entre nos deux pays pour la construction et l'achat de sous-marins.

Sur le terrain, nous avons visité une très grande ferme éolienne mise en place par une entreprise française, Neoen. La conduite de ce projet nous a permis de mesurer à la fois les difficultés de l'implantation de ce type d'équipements et de comprendre les spécificités australiennes, comme par exemple la gestion de l'occupation d'un terrain avec les communautés aborigènes.

Nous avons également visité plusieurs exploitations viticoles, dont l'une appartenant au groupe Pernod Ricard. Ces exploitations, de très grande taille, ont mis en place un système d'irrigation des vignes - indispensable en raison de la sécheresse du climat - soucieux de la préservation de la ressource en eau qui nous a beaucoup intéressés.

Quelles conclusions tirer de ce voyage ?

La première est la très grande qualité de l'accueil que nous avons reçu. Il témoigne du bon état actuel des relations entre nos deux pays, ce qui n'était pas le cas auparavant. Il nous a semblé important de continuer à entretenir ces bonnes relations, ce qui, il est vrai, n'est pas très simple compte tenu des distances. Néanmoins, nous avons rencontré des entrepreneurs et de jeunes français à chaque étape de notre voyage qui nous permettent de penser que l'élan actuel va se poursuivre.

La deuxième conclusion est que l'Australie est moins fermée qu'on ne le pense au sujet de la lutte contre le réchauffement climatique. Certes le secteur du charbon reste puissant dans ce pays. Mais, sous l'effet de la mobilisation de l'opinion publique, ses dirigeants ont bien conscience de la nécessité d'évoluer. Les campagnes médiatiques sur la disparition progressive de la grande barrière de corail et ses désastreuses conséquences écologiques ont également un impact. Les think tanks rencontrés sur ces questions de climat et d'environnement nous ont paru certes inquiets mais un peu moins, nous ont-ils dit, qu'il y a quelques années.

Sur le sujet particulier des infrastructures et de leur financement, enfin, il nous a semblé que certaines leçons pouvaient être tirées de l'expérience de l'Etat de Nouvelle-Galles du Sud et que nos entreprises Transdev et Keolis, entre autres, qui participent à ce grand chantier, sont certainement prêtes à contribuer à la modernisation de nos propres réseaux.

Je laisse maintenant la parole aux collègues qui ont participé à ce voyage pour compléter ce rapide compte rendu.

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