Intervention de David Assouline

Réunion du 18 juillet 2017 à 14h20
Sécurité intérieure et lutte contre le terrorisme — Article 3

Photo de David AssoulineDavid Assouline :

Nous touchons aux deux articles de ce projet de loi qui appellent un débat, car franchement, que chacun au moins l’avoue, y compris ceux qui défendent ces dispositions, nous changeons de conception.

Vous pouvez invoquer la nouveauté de la menace ou le terrorisme, mes chers collègues. Il n’empêche que nous passons à une autre façon de concevoir la justice, comme cela a été développé par Mireille Delmas-Marty, et que nous devons aussi placer la discussion à ce niveau.

Nous étions dans une société dans laquelle la justice punissait l’acte, et nous entrons subrepticement dans une société dans laquelle on punit au titre de la prévention de l’acte. Il s’agit d’un véritable changement de paradigme !

Inutile de hocher la tête, mes chers collègues, comme si vous saviez tout et nous rien : il y a débat.

D’ailleurs, pourquoi ce débat aujourd'hui ? Le terrorisme et les menaces existaient déjà par le passé. Nous balaierions ce que, tous bords confondus, nous avons toujours dit dans cet hémicycle – c’est pourquoi l’état d’urgence avait un caractère exceptionnel –, mais qu’est-ce qui a changé concrètement ?

Certes, une nouvelle forme de terrorisme menace et il faut parfaire notre droit pour répondre à l’inédit de la situation. Mais nous avons déjà légiféré pour intégrer dans la loi toutes les dispositions de l’état d’urgence qui devaient être rendues permanentes.

Nous n’en sommes pas au commencement du débat ! Il y a eu un quinquennat avant ! Nous avons souvent légiféré et, même si je n’étais pas toujours d’accord avec les mesures proposées, j’ai soutenu ces lois car je comprenais bien à quel point il était nécessaire de se défendre.

Jean-Jacques Urvoas a été à l’avant-garde de ce combat, comme président de la commission des lois à l’Assemblée nationale, puis comme ministre de la justice. Il a toujours très fermement défendu cette nécessité de se protéger. Pourtant, il estime aujourd’hui que ce projet de loi est superflu et que nous avons suffisamment légiféré pour pouvoir lever l’état d’urgence.

Le précédent Président de la République, lui aussi, avait indiqué en juillet dernier que l’état d’urgence ne s’imposait plus et qu’il fallait le lever. Le nouvel attentat perpétré à ce moment-là ne l’a pas été du fait d’une quelconque levée de cet état d’urgence – il était justement en place – ou d’une absence de moyens.

Donc, ne faisons pas comme si tout ceci n’était qu’une péripétie : c’est un véritable changement que nous envisageons et il aurait de graves répercussions sur nos libertés.

Les terroristes nous ont mis au défi de nous protéger d’eux et de les combattre rigoureusement, sans jamais leur céder le fait qu’ils auront mis en danger les libertés individuelles et collectives sur lesquelles repose l’équilibre de notre pays. Avec ces articles, mes chers collègues, nous cédons et, d’une certaine manière, nous leur accordons une victoire.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion