J’ai exprimé hier, lors de la discussion générale, notre opposition de fond à ce projet de loi. Aujourd’hui, je vais axer mon propos sur l’article 1er du point de vue des travailleurs en situation de handicap.
Alors que les entreprises de plus de vingt salariés sont dans l’obligation de recruter 6 % de travailleurs en situation de handicap, les chiffres sont accablants : entre 2011 et 2016, le nombre de personnes en situation de handicap au chômage a bondi de 65 % ; le taux de chômage de cette catégorie dépasse désormais la barre des 20 %. Pire, ces travailleurs restent en moyenne 200 jours de plus sans emploi que les personnes n’étant pas en situation de handicap.
Nous parlons tout de même ici d’une moyenne de 755 jours, soit plus de deux ans ! Au vu de la situation financière de l’AGEFIPH par rapport aux besoins réels, on peut légitimement s’interroger sur l’effectivité du versement obligatoire par les employeurs ne respectant pas leur obligation légale de recrutement.
Si certains éléments extérieurs comme l’âge moyen des travailleurs en situation de handicap ou le niveau de qualification plus faible en moyenne peuvent expliquer cette persistance d’un chômage de masse, les préjugés vis-à-vis de ces travailleurs ont encore, hélas, la vie dure.
Crainte d’une mise en accessibilité coûteuse des locaux, crainte devant une adaptation nécessaire du poste de travail, appréhension face à une plus faible efficacité présumée des travailleurs en situation de handicap : les freins à l’insertion professionnelle sont encore nombreux. La situation est grave, alors que le handicap concerne plus de 12 millions de personnes dans le pays.
Le projet que vous nous présentez va-t-il créer les conditions pour dépasser les difficultés que je viens de pointer, alors qu’il permettrait un nouvel affaiblissement des obligations des entreprises en rognant sur les prérogatives de la branche, pourtant plus protectrice, et surtout en capacité de raisonner à l’échelle de tout un secteur ?
Comment ne pas voir que la primauté accordée à l’accord d’entreprise va permettre à des entreprises de s’exonérer de leurs obligations ? Parce que les préjugés sont encore forts, parce qu’un certain nombre d’employeurs craindront qu’une politique inclusive de leur part leur fasse prendre du retard sur leurs concurrents directs, parce que la mise en accessibilité de leurs locaux constituera à leurs yeux un investissement déraisonnable : les raisons seront nombreuses, et vous participez indirectement à leur légitimation avec cet article 1er.
À nos yeux, l’accord de branche constitue l’échelon de négociation le plus propre à faire obstacle au dumping social, même si cela reste insuffisant, comme le montrent les chiffres que j’ai donnés.
En tout cas, nous sommes persuadés que la situation sera bien pire si nous donnons la primauté à l’accord d’entreprise, et nous ne pouvons souhaiter cela pour les travailleurs en situation de handicap, comme pour l’ensemble des salariés.