Intervention de Rachida Dati

Réunion du 5 mars 2009 à 9h45
Loi pénitentiaire — Article 14, amendement 191

Rachida Dati, garde des sceaux :

En ce qui concerne l’amendement n° 191, tout d'abord, comme vient de le souligner M. le rapporteur, pour un détenu qui exécute une peine, le travail constitue un moyen privilégié de préparer la sortie de prison et la réinsertion.

En complément des observations que nous avons formulées hier, je rappelle que, à aucun moment, l’activité ou le travail en prison ne sont considérés comme une sanction : il ne s’agit pas de travaux forcés ! Je tiens également à souligner que le problème de l’activité des détenus se pose plutôt dans les maisons d’arrêt que dans les établissements pour peine.

Dans les maisons d’arrêt, tout d'abord, les personnes détenues relèvent de plusieurs statuts. On y trouve des condamnés à de courtes peines, certes, mais aussi des prévenus. Le taux d’activité est d’environ 38 % dans les maisons d’arrêt, contre 51 % dans les établissements pour peine.

En outre, les établissements sont souvent vétustes, puisque la majorité d’entre eux ont été construits avant le début du XXe siècle, ce qui pose des problèmes de configuration et donc de sécurité, en ce qui concerne tant la surveillance des détenus que l’accueil des activités.

Il faut savoir que, dans certains établissements, les ateliers sont installés dans les couloirs. À la prison de la Santé, par exemple, ils ont été aménagés entre deux étages ! Même si nous développons une offre d’activité, un problème d’organisation se posera donc.

Néanmoins, malgré ces difficultés, l’administration pénitentiaire a accompli un énorme effort pour préserver et maintenir l’activité dans les établissements, comme le montrent les chiffres relatifs au taux d’activité que j’évoquais à l’instant.

Il n’est donc pas possible de faire du contrat de travail le droit commun pour les personnes détenues. Qu’inscrirons-nous dans ce contrat si la personne est transférée, remise en liberté ou relaxée s’il s’agit d’un prévenu ? Si nous mettons en place un contrat de travail de droit commun, le suivi des droits des personnes détenues posera problème en cas d’activité.

Je vous rappelle que l’acte d’engagement existe déjà dans la pratique, car certains établissements pénitentiaires l’ont expérimenté. Avec ce texte, nous généralisons ce document et lui accordons un statut juridique, ce qui créera des droits pour les détenus. Mesdames, messieurs les sénateurs, il s'agit tout de même d’une avancée majeure, qu’il vous revient d’accepter !

Le problème n’est pas que nous serions hostiles, ou non, au droit du travail. Simplement, des difficultés se poseront en cas de rupture du contrat, pour des raisons qui ne sont pas liées à l’activité, par exemple lors de la remise en liberté ou du déclassement des détenus. Si une personne éprouve des difficultés dans l’exercice de son activité, il faudra bien qu’elle cesse de travailler !

Le contrat de travail n’est donc pas adapté. Non seulement il irait à l’encontre des intérêts des entreprises, mais il ne répondrait pas aux attentes des personnes détenues.

D'ailleurs, madame Boumediene-Thiery, notre objectif n’est pas de favoriser l’activité des entreprises : nous souhaitons donner davantage de souplesse à l’administration pénitentiaire, mais aussi aux détenus !

Malgré la crise, au cours des six derniers mois, l’administration pénitentiaire a réussi à maintenir le même taux d’activité des détenus. Le contrat de travail risquerait d’être un obstacle à l’activité, au détriment des personnes détenues. Pour toutes ces raisons, je ne suis pas favorable à l’amendement n° 191.

En ce qui concerne l’amendement n° 229, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat, j’émettrai également un avis défavorable, car je ne souhaite pas l’introduction d’un contrat de travail de droit commun.

Je le rappelle, dans le cadre des aménagements de peine, les personnes sont soumises au droit commun si elles exercent une activité à l’extérieur, qu’elles soient en placement extérieur, en semi-liberté, voire en libération conditionnelle, et il s’agit alors d’un véritable contrat de travail.

L’acte d’engagement ne porte que sur l’activité en prison, en raison des contraintes que je viens d’exposer, mais toutes les personnes qui se trouvent encore placées sous écrou et qui bénéficient d’un aménagement de peine à l’extérieur ont signé un contrat de travail classique. Je suis donc défavorable à l’amendement n° 229.

En ce qui concerne l’amendement n° 22 rectifié, les droits sociaux sont attachés aux détenus individuellement et n’ont pas de lien avec une activité professionnelle. Tous les prisonniers en bénéficient, que ceux-ci exercent, ou non, une activité.

Les détenus pourront exercer plus facilement ces droits sociaux, notamment parce qu’ils auront la possibilité d’élire leur domicile dans les établissements pénitentiaires. Le présent projet de loi renforce les droits sociaux des détenus ! Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 22 rectifié.

L’amendement n° 114 vise l’acte d’engagement qui sera signé par le détenu et le chef d’établissement. Il tend à prévoir des modalités particulières pour les entreprises d’insertion. Or cette disposition ne nous paraît pas souhaitable ; l’activité doit être traitée de la même manière, dans quelque entreprise qu’elle ait lieu.

D'ailleurs, comme l’a rappelé M. le rapporteur, l’activité peut prendre diverses formes. Elle n’est pas seulement professionnelle ; elle peut être aussi artistique, culturelle ou sportive. Nous sommes donc défavorables à l’amendement n° 114.

En ce qui concerne l’amendement n° 21 rectifié, le contentieux qui naît entre l’administration et les détenus relève forcément de la compétence du juge administratif.

Les déclassements, il est vrai, peuvent constituer des sanctions, et le juge administratif contrôlera alors la légalité de ces décisions. Toutefois, ils peuvent aussi être pris dans l’intérêt du détenu : si celui-ci ne peut plus exercer son activité, en raison de problèmes de santé physiques ou psychologiques, par exemple, et s’il doit recevoir des soins avant de la reprendre, il est nécessaire de le déclasser.

Le déclassement n’est pas forcément une sanction ! D’où l’intérêt pour le détenu que le juge administratif puisse contrôler la légalité de ces décisions. L’amendement n° 21 rectifié n’est donc pas nécessaire.

L’amendement n° 23 rectifié vise, notamment, la réparation des accidents du travail ou des maladies professionnelles. Toutefois, les détenus bénéficient déjà d’une prise en charge de leurs frais médicaux classiques, qu’ils exercent ou non une activité, et l’amendement n° 23 rectifié n’est donc pas utile.

L’amendement n° 24 rectifié vise à permettre aux détenus de travailler pour leur propre compte, avec l’autorisation du chef d’établissement. Toutefois, cette possibilité est déjà prévue par la loi du 9 septembre 2002. Elle figure d'ailleurs aux articles 718 et D-101 du code de procédure pénale. Nous sommes donc défavorables à cet amendement.

S'agissant de l’amendement n° 63 rectifié, il est satisfait par l’article D-101 du code de procédure pénale, qui fixe des critères objectifs de choix pour l’accès au travail des détenus.

Je le répète, cette activité dépend non seulement de l’aptitude physique, mais aussi de la personnalité du détenu, sans qu’il y ait de sélection. Toute demande d’accès au travail est examinée par la commission pluridisciplinaire, qui rend un avis, et tout refus d’acceptation est motivé. Il n’y a donc pas de difficulté en l’occurrence. D'ailleurs, si une discrimination se produisait, elle relèverait du juge pénal.

Je suis donc défavorable à l’amendement n° 63 rectifié.

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