Séance en hémicycle du 5 mars 2009 à 9h45

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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  • familiale
  • l’administration pénitentiaire
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La séance

Source

La séance est ouverte à neuf heures quarante-cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi pénitentiaire (projet n° 495, 2007-2008, texte de la commission n° 202, rapports n° 143, 201 et 222).

Dans la discussion des articles du texte de la commission, nous en sommes parvenus à l’amendement n° 110 tendant à insérer un article additionnel avant l’article 14.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 110, présenté par MM. Anziani et Jeannerot, Mmes Demontès, Le Texier et Jarraud-Vergnolle, M. Le Menn et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les mesures appliquées en matière de santé et de sécurité doivent assurer une protection efficace des détenus et ne peuvent pas être moins rigoureuses que celles dont bénéficient les travailleurs hors de prison.

La parole est à M. Claude Jeannerot.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Jeannerot

Cet amendement tend à transcrire dans notre droit la règle pénitentiaire européenne 26.13.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Même avis.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 113, présenté par MM. Anziani et Jeannerot, Mmes Demontès, Le Texier et Jarraud-Vergnolle, M. Le Menn et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 14, insérer une division additionnelle et son intitulé ainsi rédigés :

Section...

De l'enseignement et de la formation

La parole est à M. Claude Jeannerot.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Jeannerot

Cet amendement tend à créer une nouvelle section intitulée « De l'enseignement et de la formation ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Les dispositions prévues dans cette section ayant un caractère exclusivement réglementaire, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Le parcours d’exécution de peine, consacré par l'article 51 du projet de loi, permet de mettre en place des actions de formation au sens large.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 112, présenté par MM. Anziani et Jeannerot, Mmes Demontès, Le Texier et Jarraud-Vergnolle, M. Le Menn et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'administration pénitentiaire organise l'accès des détenus à des programmes d'enseignement qui répondent à leurs besoins individuels tout en tenant compte de leurs aspirations.

Chaque établissement dispose d'une bibliothèque ouverte à tous les détenus. Ces derniers sont consultés sur les choix des documents.

La parole est à M. Claude Jeannerot.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Jeannerot

Cet amendement tend à reprendre pour une large part les dispositions prévues par un amendement de la commission saisie pour avis qui a été adopté hier.

Par référence à la règle pénitentiaire européenne 28.1, il convient de mettre en place des programmes d’enseignement qui répondent véritablement aux besoins et aux aspirations des détenus. Par ailleurs, il est nécessaire que chaque établissement puisse disposer d’une bibliothèque ouverte à tous.

Il s’agit de mettre l’accent sur les droits des détenus ou sur le respect de leur individualité et d’apporter des réponses à la question de l’enseignement dans les établissements pénitentiaires. Tel est le sens de cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Cette disposition est déjà garantie par les articles D 450 et suivants du code de procédure pénale : « Toutes facilités compatibles avec les exigences de la discipline et de la sécurité doivent être données à cet effet aux détenus aptes à profiter d’un enseignement scolaire et professionnel et, en particulier, aux plus jeunes et aux moins instruits. »

Cet amendement est donc pleinement satisfait. C'est la raison pour laquelle la commission en demande le retrait.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Pratiquement tous les établissements pénitentiaires disposent d’une bibliothèque. Néanmoins, les dispositions relatives à l’organisation et à leur fonctionnement relèvent du décret et non de la loi.

C’est pourquoi le Gouvernement, même s’il partage la préoccupation exprimée par les auteurs de cet amendement, émet un avis défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

La participation des détenus aux activités professionnelles organisées dans les établissements pénitentiaires donne lieu à l'établissement d'un acte d'engagement par l'administration pénitentiaire. Cet acte, signé par le chef d'établissement et la personne détenue, énonce les droits et obligations professionnels de celle-ci ainsi que ses conditions de travail et sa rémunération.

Il précise notamment les modalités selon lesquelles le détenu, dans les conditions adaptées à sa situation et nonobstant l'absence de contrat de travail, bénéficie des dispositions relatives à l'insertion par l'activité économique prévues aux articles L. 5132-1 à L. 5132-17 du code du travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Je suis saisi de huit amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 191, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

La participation des détenus aux activités professionnelles organisées dans les établissements pénitentiaires donne lieu à la signature d'un contrat de travail de droit public entre le détenu et l'administration pénitentiaire, représentée par le chef d'établissement.

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

Cet amendement vise à prévoir la signature d’un contrat de travail de droit public entre le détenu et l’administration pénitentiaire.

On peut craindre que cette signature ne rigidifie les conditions d’accès au travail en prison et ne limite la possibilité pour les prisonniers d’exercer une activité rémunérée. Toutefois, la nature du contrat garantit que le droit privé ne sera pas intégralement appliqué. Il convient de préserver les droits des détenus en faisant en sorte que leur situation se rapproche le plus possible du droit commun.

J’en demande peut-être trop, mais on ne demande beaucoup qu’à ceux qu’on aime !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

Si tel était le cas, je comprendrais que la commission des lois, qui a déjà prévu des avancées importantes sur cette question, demande le retrait de cet amendement. Je ne vous en garderais pas rancune, monsieur le rapporteur !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 229, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

La participation des détenus aux activités professionnelles organisées dans ou en dehors des établissements pénitentiaires donne lieu à l'établissement d'un contrat de travail entre l'administration pénitentiaire, l'employeur et le détenu. Ce contrat prend en compte les conditions spécifiques inhérentes à la détention.

Il énonce les conditions de travail et de rémunération du détenu et précise ses droits et obligations professionnelles qu'il doit respecter ainsi que la protection sociale dont il bénéficie.

Il stipule en particulier les indemnités perçues en cas d'accident de travail et de perte d'emploi.

Il précise notamment les modalités selon lesquelles le détenu, dans les conditions adaptées à sa situation et nonobstant les dérogations du contrat de travail au droit commun, bénéficie des dispositions relatives à l'insertion par l'activité économique prévues aux articles L. 5132-1 à L. 5132-17 du code du travail.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Monsieur About, vous le savez, il faut demander beaucoup pour espérer obtenir un peu !

En 2002 – cela fait sept ans –, notre collègue Paul Loridant remettait un rapport d’information très intéressant sur la mission de contrôle sur le compte de commerce 904-11 de la Régie industrielle des établissements pénitentiaires, RIEP. Il dressait un certain nombre de constats et relevait notamment l’absence de contrat de travail – cette disposition n’existait pas dans la loi de 1987 relative au service public pénitentiaire –, l’absence de dispositions relatives à la période de l’emploi, à la durée de la période d’essai, à la durée du travail, au droit à la formation, à la représentation auprès de l’employeur, etc.

En d’autres termes, le détenu est un sous-salarié.

Nous en revenons donc au débat qui nous occupe depuis que nous avons entamé l’examen de ce texte : la personne détenue doit être privée de liberté et de rien d’autre ; il faut par conséquent lui garantir que lui sont accordés les droits et règles qui régissent notre société.

Sur la question du travail en prison, la situation n’a pas évolué depuis la publication de ce rapport.

L’année dernière, la Chancellerie a décidé d’installer des centres d’appel dans deux prisons, le centre pénitentiaire pour femmes de Rennes et le centre de détention de Bapaume, afin de préparer la réinsertion des détenus et d’indemniser les victimes.

Cette décision a suscité de vives réactions, les syndicats soupçonnant les entreprises de vouloir baisser les coûts salariaux en recrutant des détenus. Cette réaction n’est que la conséquence de l’absence de contrat de travail et de réglementation sur le travail des détenus.

Aujourd'hui, nous examinons un projet de loi pénitentiaire, ce n’est pas si fréquent, chacun le sait ! Profitons-en pour résoudre ce problème, qui prendra des proportions importantes si l'administration pénitentiaire a véritablement la volonté de favoriser l’accès des détenus à une activité salariée. La question du statut du salarié détenu deviendra récurrente, notamment avec le télétravail, car des entreprises se porteront inévitablement volontaires pour faire travailler des prisonniers à très bas prix.

Une telle situation ne sera pas supportable pour les salariés qui ne sont pas détenus et n’améliorera en rien le travail en prison.

Plus encore qu’en 2002, où elle avait déjà toute sa place, la question du contrat de travail des détenus est à l’ordre du jour.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 22 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :

Avant le premier alinéa de cet article, ajouter un alinéa ainsi rédigé :

Les détenus reçoivent, dès leur incarcération et pendant l'exécution de leur peine, une information sur les droits sociaux de nature à faciliter leur réinsertion.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Cet amendement vise à faire migrer une disposition concernant l’information des détenus sur leurs droits sociaux, prévue à l'article 83 de la loi du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions

Il me semble pertinent de rapatrier cette disposition dans le projet de loi pénitentiaire, afin de mentionner que tout détenu a le droit de bénéficier d’une information sur ses droits sociaux.

Certes, cette disposition est déjà appliquée, mais elle prendra une nouvelle dimension, si nous l’intégrons dans ce projet de loi pénitentiaire, qui entend compiler des dispositions éparpillées dans différents textes, de manière à donner une meilleure lisibilité au droit applicable aux détenus.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 114, présenté par MM. Anziani et Jeannerot, Mmes Demontès, Le Texier et Jarraud-Vergnolle, M. Le Menn et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après la première phrase du premier alinéa de cet article, insérer une phrase ainsi rédigée :

L'acte d'engagement est établi en présence de la structure d'insertion par l'activité économique qui mettra en œuvre les modalités spécifiques et d'accompagnement du détenu.

La parole est à M. Claude Jeannerot.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Jeannerot

Cet amendement a pour objet de préciser que la structure d'insertion avec laquelle l'administration pénitentiaire aura contracté sera présente dès l'établissement de l'acte d'engagement.

Il s'agit de permettre au détenu d'établir rapidement un contact avec la structure appelée à prendre en charge les actions d'accompagnement dont il bénéficiera et de faire état de ses aspirations éventuelles. Réciproquement, tant l'administration pénitentiaire que la structure d'insertion pourront mesurer la situation du détenu et ses capacités d'insertion sociale et professionnelle.

La possibilité de créer une relation de confiance doit conduire à des actions d’insertion, non seulement pendant la détention, mais aussi lors de la phase de préparation à la libération et, postérieurement à cette dernière, à l’élaboration d’un contrat de travail.

Le sujet évoqué ce matin renvoie à la question des activités dans la maison d’arrêt ou dans le centre de détention, que nous avions effleurée hier. Il vise à nous orienter progressivement vers la mise en place systématique d’une sorte de contrat d’insertion avec le détenu dès son arrivée dans le lieu de détention. Cela permettrait de gagner en lisibilité et en efficacité par rapport à l’enjeu majeur de la réinsertion à la sortie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 21 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Les différends nés de l'application ou de l'interprétation de l'acte d'engagement mentionné dans le présent article relèvent de la compétence des tribunaux administratifs.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Comme nous l’avons déjà indiqué – nous ne cesserons d’ailleurs de le répéter –, la mise en œuvre d’un véritable contrat de travail au sein des prisons soulève des difficultés que nous ne pouvons pas ignorer.

Nous ne devons pas en oublier l’essentiel : le travail en prison contribue non seulement à l’insertion du détenu ou à la réalisation de son projet de sortie, mais également à l’enrichissement des entreprises qui peuvent ainsi employer des personnes, en dehors des règles du droit du travail, en leur offrant une rémunération équivalente à 45 % du SMIC, soit 3 euros par heure.

Mes chers collègues, nous ne souhaitons pas que les prisons se transforment en sweatshops, ces unités de production qui exploitent la misère des populations du tiers monde, sous couvert de leur développement.

Si nous décidons que le droit doit entrer en prison, il doit également en être ainsi du droit du travail.

La question du travail en prison pose en réalité un dilemme : doit-on privilégier les droits des détenus ou ceux des entreprises ?

Le Gouvernement, par le biais du projet de loi que nous examinons, a choisi les entreprises et l’attractivité au détriment de conditions de travail conformes au droit en vigueur à l’extérieur des établissements pénitentiaires.

Pour autant, cet acte d’engagement ne doit pas complètement échapper au droit.

C’est pourquoi nous vous proposons de créer les conditions d’un contrôle de l’exécution de l’acte d’engagement par la juridiction administrative, puisque l’administration pénitentiaire agit comme employeur.

Il s’agirait de donner la possibilité au détenu de faire contrôler les conditions d’exécution de son acte.

Étant donné le niveau des salaires, l’absence d’encadrement de la rupture de cet acte et la précarité qu’il induit, ce serait la moindre des choses.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 23 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Il précise également les modalités selon lesquelles le détenu bénéficie du droit à la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles prévu aux articles L. 433-4 et L. 434-4 du code de la sécurité sociale.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

J’ai déjà évoqué le fait que les détenus constituent une main d’œuvre idéale. L’absence de respect du droit du travail garantit une souplesse qui, à certains égards, constitue du dumping social.

On oublie souvent que, dans certains ateliers de confection, les détenus se servent de machines et, parfois, se blessent. Que se passe-t-il dans un tel cas ? Qu’advient-il du maigre salaire qu’ils perçoivent ? Sont-ils indemnisés par une caisse d’assurance ?

Nous vous proposons d’inscrire dans la loi pénitentiaire deux exigences fondamentales. Ainsi, le détenu doit bénéficier du droit à la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles. Si les dispositions du code du travail ne s’appliquent pas à lui, il doit bénéficier du droit de la sécurité sociale, au même titre que n’importe quel salarié.

Cette exigence découle de la règle pénitentiaire européenne 26.14 : « Des dispositions doivent être prises pour indemniser les détenus victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles dans des conditions non moins favorables que celles prévues par le droit interne pour les travailleurs hors-prison. »

Tel est l’objet de cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 24 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Les personnes détenues peuvent, avec l'autorisation du chef d'établissement, travailler pour leur propre compte ou pour le compte d'associations constituées en vue de leur réinsertion sociale et professionnelle.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Cet amendement tend à apporter une précision utile en ce qui concerne le travail des détenus.

Certains détenus travaillent en milieu ouvert ou pour leur propre compte au sein de l’établissement pénitentiaire. Il est donc nécessaire de préciser que l’exercice d’une activité professionnelle – donc le travail d’insertion – vise également le travail pour son propre compte et pour le compte d’associations.

Il en est ainsi, par exemple, d’une mesure de semi-liberté, de placement à l’extérieur, ou, plus récemment, de placement sous surveillance électronique. Dans ce dernier cas, je vous rappelle qu’un contrat de travail de droit commun est établi.

Dans la mesure où il existe un régime différent selon que le détenu travaille à l’intérieur ou à l’extérieur de l’établissement, il me semble nécessaire de faire référence à ces deux situations.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 63 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

L'administration pénitentiaire favorise, dans la mesure du possible, l'égal accès de toutes les personnes détenues à une activité professionnelle.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

La présentation de cet amendement me permet de mettre l’accent sur le problème de l’égal accès de tous les détenus à une activité professionnelle.

Mes chers collègues, ceux d’entre nous qui se sont rendus dans des prisons ont constaté que l’administration pénitentiaire doit faire face à une pénurie d’offres d’emploi. C’est la raison pour laquelle seulement un détenu sur trois travaille.

Ainsi, il y a ceux qui exercent une activité et qui, de ce fait, disposent de revenus leur permettant d’améliorer leurs conditions de détention, et ceux qui n’ont pas accès au travail, en raison non pas de leur manque de compétence, de qualification ou d’aptitude, mais du manque de places disponibles.

L’accès à l’emploi est pourtant essentiel dans le parcours de l’insertion ; par conséquent, il doit être favorisé, dans la mesure du possible.

C’est la raison pour laquelle nous vous proposons d’inscrire dans la future loi le principe selon lequel l’administration pénitentiaire favorise l’égal accès de tous les détenus à un travail.

Certes, cette disposition est symbolique. Elle n’oblige en rien l’administration et ne crée pas une obligation positive particulière. Son objet est de faire référence au problème de l’accès à l’emploi en prison, problème qui dépasse l’administration pénitentiaire, mais dont elle doit avoir conscience ; elle doit tout mettre en œuvre pour pouvoir le surmonter.

Alors que dans le droit du travail classique la question de l’accès au travail est largement encadrée, le travail en prison ne comprend aucune règle de cette nature.

Nous savons que l’accès au travail est utilisé par l’administration pénitentiaire comme un outil de régulation de la détention. Nous savons que le privilège de travailler est lié non pas toujours aux besoins du détenu, mais plutôt à son comportement. C’est par l’accès ou non au travail que certains établissements sanctionnent de manière déguisée des détenus.

Nous vous proposons d’inscrire dans la loi pénitentiaire cet objectif : favoriser l’accès au travail de tous les détenus. Il ne faut pas qu’il soit seulement réserver à ceux qui ont un comportement exemplaire ; il doit être ouvert à tous les détenus, sous réserve qu’ils disposent des compétences requises et qu’ils l’aient demandé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Monsieur le président, avant de donner l’avis de la commission, je souhaite, par quelques propos introductifs sur le travail en prison, exposer des arguments généraux, qui s’appliqueront à un grand nombre des amendements qui viennent d’être présentés.

Mes chers collègues, vous savez que la commission des lois a souhaité mettre en place une obligation d’activité. Comme nous le disions déjà hier, une telle obligation va beaucoup plus loin que l’obligation de travail, puisqu’elle concerne tant la formation que l’apprentissage de la lecture, la responsabilité sociale, culturelle ou sportive.

Dans cette obligation d’activité, le travail doit bien évidemment prendre une part aussi prépondérante que possible. Il faut donc développer le travail pour les détenus. Cela paraît être une impérieuse obligation, et pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, le développement du travail permet de diminuer la tension en milieu carcéral et de procurer une occupation aux détenus, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

… afin que le temps passé en prison se rapproche le plus possible de la vie en dehors des établissements pénitentiaires. Ainsi, la transition entre la vie en prison et après la libération du détenu sera facilitée.

Par ailleurs, le travail doit offrir l’opportunité au détenu qui n’était peut-être pas particulièrement qualifié pour tel ou tel type d’activité, d’acquérir un savoir-faire et des qualités professionnelles qui lui permettront de trouver plus facilement un emploi à sa sortie de prison.

Enfin, une autre raison a trait à la rémunération, qui donne la possibilité au détenu non seulement de cantiner, mais aussi d’augmenter le pécule dont il bénéficiera à sa sortie de prison et de participer à l’indemnisation des victimes.

Pour la commission des lois, le travail en milieu carcéral est donc un objectif fondamental. De ce fait, elle souhaite le développer autant que faire se peut.

Lors des visites que j’ai effectuées dans des établissements pénitentiaires, j’ai constaté que des efforts étaient réalisés en ce domaine. D’ailleurs, la France n’a pas à rougir du taux d’occupation des détenus par rapport aux autres pays européens.

J’ai également observé que certains responsables de la détention pensent que le développement du travail relève de la responsabilité du gestionnaire privé ou de la Régie industrielle des établissements pénitentiaires, la RIEP, alors que d’autres prennent leur bâton de pèlerin et se rendent dans les chambres de commerce et d’industrie, dans les cercles patronaux, pour présenter leur établissement, les possibilités de travail et les ateliers parfois performants qu’ils offrent. J’ai remarqué qu’ils obtenaient systématiquement des réponses, beaucoup plus encourageantes qu’on ne pourrait le croire.

Selon moi, la première des obligations consiste à ce que tous les acteurs jouent pleinement leur rôle, sans se rejeter la responsabilité les uns sur les autres. Un travail partagé devrait systématiquement être effectué entre le gestionnaire privé, le directeur de l’établissement et la Régie.

La commission des lois a d’ailleurs présenté des amendements pour que, lors de la procédure de passation des marchés, s’exerce un droit de préférence en faveur de la Régie industrielle des établissements pénitentiaires ainsi que des différents partenaires privés qui offrent des emplois aux détenus.

Mes chers collègues, j’ai été très choqué de constater que des entreprises, qui se disent « citoyennes », passent des chartes éthiques dans lesquelles elles affirment que jamais elles ne travailleront avec des détenus. L’entreprise citoyenne est au contraire celle qui donne du travail aux détenus !

J’arrive au terme de ces considérations générales. Lors de mes visites dans différents établissements, j’ai acquis la conviction que le travail des détenus n’est pas, loin s’en faut, une excellente opération financière pour l’entreprise privée. Les difficultés en la matière sont très nombreuses. Elles tiennent au niveau de qualification d’un grand nombre de détenus qui n’ont jamais travaillé avant leur détention. Elles tiennent aussi aux contraintes inhérentes au système pénitentiaire. En effet, des contrôles et des fouilles en nombre doivent être effectués très fréquemment, car dans les ateliers se trouvent des outils dangereux qui peuvent servir à d’autres fins que le travail. En instituant la journée continue, certains établissements pénitentiaires ont cherché à limiter les inconvénients liés à ces fouilles à répétition.

Par ailleurs, si les prisons nouvelles sont équipées d’ateliers performants, les conditions de travail sont parfois particulièrement difficiles dans des anciens établissements. Les problèmes de gestion des flux de camions sont très complexes.

La première grande responsabilité consiste donc à développer effectivement le travail carcéral, à ne pas décourager les entreprises et à essayer de faire en sorte qu’elles soient de plus en plus nombreuses à proposer du travail aux détenus.

J’ai parfois été surpris par l’attitude des uns et des autres, y compris de certaines organisations syndicales. De deux choses l’une : soit on est d’accord pour donner du travail en prison, soit on y est opposé. Dans les établissements notamment de Bapaume ou de Rennes, des centres d’appel devaient être mis en place. Or des réticences parfois fortes ont été exprimées par des syndicats ou par la population contestant que l’on donne du travail aux détenus, alors qu’il n’est pas possible d’en offrir à tous les demandeurs d’emploi qui ne sont pas incarcérés.

Pourtant, en ce qui concerne les centres d’appel, la concurrence, car il y en a une, ne vient pas des détenus mais d’Afrique du Nord, de l’île Maurice, bref de l’étranger ! Sur ce point, tous les acteurs, c'est-à-dire les parlementaires, certes, mais aussi les organisations syndicales, doivent prendre leurs responsabilités.

Pardonnez-moi, mes chers collègues, cette trop longue introduction, qui me permettra néanmoins d’exprimer plus rapidement mon avis sur les différents amendements.

En ce qui concerne l’amendement n° 191, M. About a cherché à rapprocher le travail en prison du droit commun, comme je l’ai fait moi-même.

La solution la plus radicale serait bien sûr d’introduire un contrat de travail traditionnel. Toutefois, la solution proposée par Nicolas About est de mettre en place un contrat de travail de droit public, qui constituerait d'ailleurs une innovation juridique : ce serait un « contrat administratif », une notion qui, ne le cachons pas, soulève bien des difficultés sur le plan juridique.

Nous nous demandons également si la rédaction proposée n’aurait pas pour effet d’écraser la référence aux interventions des entreprises d’insertion en milieu pénitentiaire, alors qu’il nous semble particulièrement utile de laisser ouverte cette possibilité. Nous en avons d'ailleurs longuement discuté en commission avec le haut-commissaire Martin Hirsch, et nous sommes tout à fait convaincus de l’importance de cette disposition proposée par le Gouvernement.

Nous nous sommes donc arrêtés un cran plus bas que M. About, en prévoyant que l’acte d’engagement pourrait être signé entre le chef d’établissement et la personne détenue. La commission des lois estime, pour le moment, que le curseur est placé au bon endroit. C'est pourquoi nous demanderons à M. About de bien vouloir retirer son amendement.

L’amendement n° 229 vise, quant à lui, à donner aux détenus le droit de signer un contrat de travail avec l’employeur et l’administration pénitentiaire, ce qui constitue le summum de l’ambition !

Je le répète, la commission a amélioré la rédaction du projet de loi. Or cet amendement, qui tend à assimiler presque totalement l’activité des détenus au droit commun, risquerait de décourager l’offre de travail, qui me paraît déjà largement insuffisante en prison et que nous souhaitons précisément encourager. Mes chers collègues, développons d'abord de façon importante l’offre de travail, puis nous tâcherons de sécuriser la relation juridique ! J’émets donc un avis défavorable sur l’amendement n° 229.

Madame Boumediene-Thiery, je vous demande de retirer l’amendement n° 22 rectifié, dans la mesure où le droit à l’information sur les droits sociaux est déjà compris dans les dispositions de l’article 10 bis du projet de loi. Si cet amendement est utile, il est, me semble-t-il, satisfait !

L’amendement n° 114 de nos collègues socialistes appelle deux remarques.

Tout d'abord, sur la forme, la précision proposée relève plutôt du règlement. Ensuite et surtout, sur le fond, si nous insérions cette disposition à cet endroit du projet de loi, nous laisserions entendre que l’acte d’engagement concerne seulement les activités organisées dans le cadre d’une structure d’insertion par l’activité économique, alors que, bien entendu, il vise tous les emplois proposés en milieu pénitentiaire, ce qui, selon moi, est tout à fait positif. J’émets donc un avis défavorable.

L’amendement n° 21 rectifié vise à mettre en place une voie de recours devant le juge administratif concernant l’interprétation ou l’application de l’acte d’engagement unilatéral. Or, suis-je tenté de dire, il conviendrait plutôt de laisser le juge administratif développer sa jurisprudence, qui aujourd'hui est particulièrement protectrice des détenus.

Vous le savez, mes chers collègues, une série de décisions qui, jusqu’alors, étaient considérées comme des mesures d’ordre intérieur, par conséquent insuffisamment importantes pour que le juge les connaisse, sont devenues des actes faisant grief, c'est-à-dire des décisions susceptibles de recours pour excès de pouvoir, et donc d’annulation.

Aujourd'hui, dans la jurisprudence du Conseil d'État, seul le déclassement, donc la perte de travail, est susceptible de faire grief et de donner lieu à un recours. En revanche, tel n’est pas le cas d’un refus ou d’un changement d’emploi.

Il nous semble souhaitable de conserver cet équilibre, qui est également nécessaire pour ne pas décourager l’emploi en milieu pénitentiaire ; vous savez, mes chers collègues, que c’est là une de nos obsessions ! Mon avis est donc défavorable.

S'agissant de l’amendement n° 23 rectifié, les garanties que Mme Alima Boumediene-Thiery souhaite introduire sont déjà prévues par la partie réglementaire du code de procédure pénale, plus précisément par son article D-110. La commission demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettrait un avis défavorable.

J’apporterai une réponse de même nature en ce qui concerne l’amendement n° 24 rectifié. Une disposition similaire figure déjà à l’article D-101 du code de procédure pénale. La commission demande donc le retrait de cet amendement, qui est satisfait.

Il en va presque de même pour l’amendement n° 63 rectifié. Cette disposition vise un objectif louable, mais elle est déjà comprise dans la garantie des détenus prévue par les articles 1er et 10 du présent projet de loi. La commission demande donc également le retrait de cet amendement.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

En ce qui concerne l’amendement n° 191, tout d'abord, comme vient de le souligner M. le rapporteur, pour un détenu qui exécute une peine, le travail constitue un moyen privilégié de préparer la sortie de prison et la réinsertion.

En complément des observations que nous avons formulées hier, je rappelle que, à aucun moment, l’activité ou le travail en prison ne sont considérés comme une sanction : il ne s’agit pas de travaux forcés ! Je tiens également à souligner que le problème de l’activité des détenus se pose plutôt dans les maisons d’arrêt que dans les établissements pour peine.

Dans les maisons d’arrêt, tout d'abord, les personnes détenues relèvent de plusieurs statuts. On y trouve des condamnés à de courtes peines, certes, mais aussi des prévenus. Le taux d’activité est d’environ 38 % dans les maisons d’arrêt, contre 51 % dans les établissements pour peine.

En outre, les établissements sont souvent vétustes, puisque la majorité d’entre eux ont été construits avant le début du XXe siècle, ce qui pose des problèmes de configuration et donc de sécurité, en ce qui concerne tant la surveillance des détenus que l’accueil des activités.

Il faut savoir que, dans certains établissements, les ateliers sont installés dans les couloirs. À la prison de la Santé, par exemple, ils ont été aménagés entre deux étages ! Même si nous développons une offre d’activité, un problème d’organisation se posera donc.

Néanmoins, malgré ces difficultés, l’administration pénitentiaire a accompli un énorme effort pour préserver et maintenir l’activité dans les établissements, comme le montrent les chiffres relatifs au taux d’activité que j’évoquais à l’instant.

Il n’est donc pas possible de faire du contrat de travail le droit commun pour les personnes détenues. Qu’inscrirons-nous dans ce contrat si la personne est transférée, remise en liberté ou relaxée s’il s’agit d’un prévenu ? Si nous mettons en place un contrat de travail de droit commun, le suivi des droits des personnes détenues posera problème en cas d’activité.

Je vous rappelle que l’acte d’engagement existe déjà dans la pratique, car certains établissements pénitentiaires l’ont expérimenté. Avec ce texte, nous généralisons ce document et lui accordons un statut juridique, ce qui créera des droits pour les détenus. Mesdames, messieurs les sénateurs, il s'agit tout de même d’une avancée majeure, qu’il vous revient d’accepter !

Le problème n’est pas que nous serions hostiles, ou non, au droit du travail. Simplement, des difficultés se poseront en cas de rupture du contrat, pour des raisons qui ne sont pas liées à l’activité, par exemple lors de la remise en liberté ou du déclassement des détenus. Si une personne éprouve des difficultés dans l’exercice de son activité, il faudra bien qu’elle cesse de travailler !

Le contrat de travail n’est donc pas adapté. Non seulement il irait à l’encontre des intérêts des entreprises, mais il ne répondrait pas aux attentes des personnes détenues.

D'ailleurs, madame Boumediene-Thiery, notre objectif n’est pas de favoriser l’activité des entreprises : nous souhaitons donner davantage de souplesse à l’administration pénitentiaire, mais aussi aux détenus !

Malgré la crise, au cours des six derniers mois, l’administration pénitentiaire a réussi à maintenir le même taux d’activité des détenus. Le contrat de travail risquerait d’être un obstacle à l’activité, au détriment des personnes détenues. Pour toutes ces raisons, je ne suis pas favorable à l’amendement n° 191.

En ce qui concerne l’amendement n° 229, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat, j’émettrai également un avis défavorable, car je ne souhaite pas l’introduction d’un contrat de travail de droit commun.

Je le rappelle, dans le cadre des aménagements de peine, les personnes sont soumises au droit commun si elles exercent une activité à l’extérieur, qu’elles soient en placement extérieur, en semi-liberté, voire en libération conditionnelle, et il s’agit alors d’un véritable contrat de travail.

L’acte d’engagement ne porte que sur l’activité en prison, en raison des contraintes que je viens d’exposer, mais toutes les personnes qui se trouvent encore placées sous écrou et qui bénéficient d’un aménagement de peine à l’extérieur ont signé un contrat de travail classique. Je suis donc défavorable à l’amendement n° 229.

En ce qui concerne l’amendement n° 22 rectifié, les droits sociaux sont attachés aux détenus individuellement et n’ont pas de lien avec une activité professionnelle. Tous les prisonniers en bénéficient, que ceux-ci exercent, ou non, une activité.

Les détenus pourront exercer plus facilement ces droits sociaux, notamment parce qu’ils auront la possibilité d’élire leur domicile dans les établissements pénitentiaires. Le présent projet de loi renforce les droits sociaux des détenus ! Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 22 rectifié.

L’amendement n° 114 vise l’acte d’engagement qui sera signé par le détenu et le chef d’établissement. Il tend à prévoir des modalités particulières pour les entreprises d’insertion. Or cette disposition ne nous paraît pas souhaitable ; l’activité doit être traitée de la même manière, dans quelque entreprise qu’elle ait lieu.

D'ailleurs, comme l’a rappelé M. le rapporteur, l’activité peut prendre diverses formes. Elle n’est pas seulement professionnelle ; elle peut être aussi artistique, culturelle ou sportive. Nous sommes donc défavorables à l’amendement n° 114.

En ce qui concerne l’amendement n° 21 rectifié, le contentieux qui naît entre l’administration et les détenus relève forcément de la compétence du juge administratif.

Les déclassements, il est vrai, peuvent constituer des sanctions, et le juge administratif contrôlera alors la légalité de ces décisions. Toutefois, ils peuvent aussi être pris dans l’intérêt du détenu : si celui-ci ne peut plus exercer son activité, en raison de problèmes de santé physiques ou psychologiques, par exemple, et s’il doit recevoir des soins avant de la reprendre, il est nécessaire de le déclasser.

Le déclassement n’est pas forcément une sanction ! D’où l’intérêt pour le détenu que le juge administratif puisse contrôler la légalité de ces décisions. L’amendement n° 21 rectifié n’est donc pas nécessaire.

L’amendement n° 23 rectifié vise, notamment, la réparation des accidents du travail ou des maladies professionnelles. Toutefois, les détenus bénéficient déjà d’une prise en charge de leurs frais médicaux classiques, qu’ils exercent ou non une activité, et l’amendement n° 23 rectifié n’est donc pas utile.

L’amendement n° 24 rectifié vise à permettre aux détenus de travailler pour leur propre compte, avec l’autorisation du chef d’établissement. Toutefois, cette possibilité est déjà prévue par la loi du 9 septembre 2002. Elle figure d'ailleurs aux articles 718 et D-101 du code de procédure pénale. Nous sommes donc défavorables à cet amendement.

S'agissant de l’amendement n° 63 rectifié, il est satisfait par l’article D-101 du code de procédure pénale, qui fixe des critères objectifs de choix pour l’accès au travail des détenus.

Je le répète, cette activité dépend non seulement de l’aptitude physique, mais aussi de la personnalité du détenu, sans qu’il y ait de sélection. Toute demande d’accès au travail est examinée par la commission pluridisciplinaire, qui rend un avis, et tout refus d’acceptation est motivé. Il n’y a donc pas de difficulté en l’occurrence. D'ailleurs, si une discrimination se produisait, elle relèverait du juge pénal.

Je suis donc défavorable à l’amendement n° 63 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Monsieur le rapporteur pour avis, l'amendement n° 191 est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Le cœur s’incline devant la raison !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 191 est retiré.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote sur l'amendement n° 229.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Le cœur ou la raison, monsieur About, je ne vois pas les choses ainsi !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

« Ah! frappe-toi le cœur, c’est là qu’est le génie. »

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

J’ai un cœur et une raison et je ne m’inclinerai pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Les détenus sont sans doute emprisonnés pour de bonnes raisons, en tout cas pour un certain nombre de raisons, mais ils rencontrent nombre de difficultés, que ce soit pour exercer leurs droits civiques, pour entretenir des liens familiaux, et l’organisation d’une garantie de leurs droits est très complexe.

Si on renonce à l’idée selon laquelle l’application des droits, à l’exception de celui d’aller et venir, contribue à la réinsertion des détenus dans la société, on a tout faux ! Et on continue, comme c’est hélas le cas pour d’autres problématiques, de ne pas aller dans le sens de l’histoire humaniste !

La question du travail des détenus revêt deux aspects : le contrat de travail et une rémunération qui corresponde – je ne prétends pas qu’elle doit être identique – à la rémunération de droit commun, indexée sur le SMIC ou sur les minimas sociaux. Sur ces deux volets, vous ne voulez pas agir !

Comme vous le savez, de nombreux détenus ne peuvent malheureusement pas travailler. Pour eux, la reconstruction doit déjà passer par d’autres étapes avant qu’une activité professionnelle puisse être envisagée. Évidemment, il faut aussi tenir compte des difficultés qu’ont les entreprises à confier du travail aux détenus dans les établissements pénitentiaires, et ce pour toutes les raisons que vous avez mentionnées, madame la ministre, et que je connais bien.

Il n’en reste pas moins que le détenu exerçant une activité professionnelle doit avoir accès aux droits afférant au contrat de travail. Il doit aussi percevoir, pour son travail, une rémunération qui correspond à une réalité dans le monde des rémunérations salariales, qui sont déjà, il faut le dire, généralement basses.

Tel est mon point de vue ! Le rapport de Paul Loridant date de 2002. Nous sommes en 2009 et, une fois de plus, une loi pénitentiaire est préparée. Peut-être serons-nous obligés d’en élaborer une nouvelle bientôt, parce qu’elle n’aura pas répondu aux nécessités et aux espérances. Quel dommage ! Encore une occasion ratée !

Cette situation n’est pas liée au problème des entreprises. En revanche, mes chers collègues, soyez certains que, si des sociétés peuvent organiser une activité de télétravail au travers d’une exploitation toute particulière des détenus, elles le feront.

Par conséquent, je maintiens mon amendement.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote sur l’amendement n° 22 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Mon explication de vote concerne en fait tous les amendements pour lesquels un retrait a été demandé.

Je ne peux pas accepter cette demande de retrait. Comme je l’ai indiqué, il s’agit pour moi de compiler un ensemble de dispositions éparpillées dans les différents textes de manière à donner une meilleure lisibilité du droit applicable aux détenus.

De plus, l’incorporation de tous ces droits éparpillés dans le projet de loi pénitentiaire leur donne une valeur politique importante et leur confère une nouvelle dimension. C’est pourquoi je souhaite vivement cette réintégration !

Par ailleurs, s’agissant des interpellations de Mme la ministre, je ne me fais aucun souci sur les garanties données à l’encontre du travail obligatoire. En revanche, je regrette de le dire, mais, dans la réalité, l’administration pénitentiaire utilise souvent l’accès ou le non-accès au travail comme une sanction déguisée.

On pourra toujours observer que le déclassement d’emploi pourra faire l’objet d’un recours devant le tribunal administratif. Mais combien de temps faudra-t-il à celui-ci pour examiner le dossier et remettre sa décision ? Le détenu devra-t-il attendre trois ans pour savoir s’il a accès ou non au travail ? C’est complètement irréaliste, d’autant plus que l’on sait – tous ceux qui connaissent les prisons le savent – que ces décisions sont souvent prises en fonction du comportement du détenu.

Enfin, en matière de droits sociaux, je rappelle que, s’il existe des droits sociaux généraux, par exemple en cas de maladies, il existe aussi des droits sociaux spécifiques, notamment en cas d’accident du travail.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. Claude Jeannerot, pour explication de vote sur l'amendement n° 114.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Jeannerot

Nous nous rangeons à l’explication donnée par M. le rapporteur sur cet amendement.

En effet, j’en conviens, la proposition que nous avons faite introduit une difficulté de lecture. Néanmoins, sur le fond, elle milite pour que le projet de loi gagne en cohérence, ce qui est peut-être encore possible !

En particulier, comme je l’indiquais précédemment, nous pourrions améliorer la lecture du texte si l’article 14 et l’article 11 ter, que nous avons adopté hier, étaient présentés sous une même rubrique, qui traiterait de l’obligation de proposer au détenu une sorte de contrat d’insertion passant par l’activité professionnelle, par la formation et par l’éducation.

Je crois que nous y gagnerions en cohérence et en lisibilité.

Pour autant, nous retirons l’amendement n° 114.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L’amendement n° 114 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 21 rectifié.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 14 est adopté.

Lors de la passation d'un marché, le pouvoir adjudicateur peut attribuer un droit de préférence, à égalité de prix ou à équivalence d'offres, à l'offre présentée par le service pénitentiaire de l'emploi ou par les sociétés concessionnaires des établissements pénitentiaires pour les produits ou services assurés par les personnes détenues. Les dispositions de l'article 53 du code des marchés publics sont applicables. –

Adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 60 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Avant l'article 15, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'autorité administrative favorise, lors de l'incarcération initiale ou d'un transfèrement, la possibilité pour le détenu de maintenir des relations stables et continues avec sa famille.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Cet amendement a pour objet le maintien des relations familiales avec les détenus.

Vous le savez, ce lien familial est indispensable, notamment pour préparer le parcours de réinsertion, mais également pour organiser la sortie.

La préservation des relations que le détenu entretient avec l’extérieur est donc une exigence forte, à laquelle le projet de loi apporte une réponse partiellement satisfaisante. Je pense, à cet égard, à l’inscription dans le texte de la commission du principe de parloir hebdomadaire.

Je souhaiterais revenir sur un point qui n’est pas abordé par le projet de loi pénitentiaire, celui du tourisme carcéral.

Il arrive que l’administration utilise le transfèrement des détenus, non pas uniquement pour assurer une meilleure répartition des détenus dans les prisons ou pour des raisons de sécurité ou de maintien de l’ordre, mais plutôt à titre coercitif, comme un moyen détourné de sanction. Le transfert se fait alors sans motif.

Ainsi, je me rappelle avoir été un jour interpellée par un détenu qui avait été transféré dix-huit fois en douze mois. C’est énorme !

Cette réalité a des conséquences désastreuses sur le droit au maintien des liens familiaux avec le détenu.

En effet, les familles n’ont pas toujours la possibilité ni les moyens de suivre leur proche qui est en détention. À ce titre, je vous rappelle les conclusions du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants du Conseil de l’Europe dans son rapport de 1993 : « Un détenu qui se trouve dans une telle situation de transfert incessant aura de très sérieuses difficultés à maintenir des contacts avec sa famille, ses proches ou même son avocat. L’effet des transfèrements successifs sur un détenu pourrait, dans certaines circonstances, constituer un traitement inhumain et dégradant. »

Il n’est donc pas seulement question d’une atteinte au droit de vivre des familles. Le transfèrement incessant peut engendrer des souffrances psychiques de nature à porter atteinte à la dignité du détenu. Il peut même compromettre le droit à la défense en perturbant les relations du détenu avec ses avocats.

C’est la raison pour laquelle, tout en ayant conscience que le transfèrement est souvent nécessaire, nous souhaitons qu’il soit exécuté dans le respect du droit du détenu à maintenir des relations avec ses proches. À dire vrai, cela n’implique pas grand-chose : prévenir la famille dans les meilleurs délais et assurer une proximité géographique entre le détenu et ses proches dans la décision de transfèrement.

J’ai rencontré de nombreuses familles qui vivent, en ce moment même, un véritable cauchemar en raison de l’éloignement avec un parent détenu. Par exemple, cela coûte très cher à une famille de Lille de se rendre à la prison des Baumettes ou dans une autre prison éloignée. Or, souvent, les familles concernées sont en situation difficile et n’ont pas les moyens d’effectuer des visites régulières au détenu.

Des problèmes matériels découlent de cette rupture. Les décisions de transfèrement doivent donc prendre en compte toutes ces exigences de stabilité, de contact et de moyens nécessaires à la famille pour entretenir la relation.

C’est ce que nous vous proposons avec cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 115 rectifié bis, présenté par M. Anziani et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Avant l'article 15, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les personnes détenues dans des établissements pénitentiaires ont droit au maintien de leurs liens familiaux.

La parole est à M. Alain Anziani.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Cet amendement est de ceux qui ne plaisent pas toujours, puisque – je le reconnais bien volontiers – il s’agit d’un amendement de principe. D’ailleurs, il doit s’organiser avec l’amendement suivant, qui précise l’exercice du droit au maintien des liens familiaux.

Cet amendement se justifie par son texte. Il s’agit de rappeler, avec beaucoup de vigueur, le principe des liens familiaux !

Ce rappel vise, d’abord, à éviter les dérogations. En effet, dans la réalité, les choses ne se déroulent pas comme dans le code de procédure pénale. Des familles arrivent au parloir et découvrent qu’il n’y a pas de parloir. Des familles viennent parfois de loin pour se voir invitées, au dernier moment, devant la prison, à retourner chez elles.

Or, il s’agit d’un principe absolu pour le détenu, mais aussi pour les familles qui ont le droit de voir leur parent emprisonné !

De plus, ce principe présente un intérêt pour la réinsertion. En effet, en amoindrissant les relations entre la famille et le détenu, nous compromettons les possibilités de réinsertion, qui ne sont pas envisageables sans accueil familial à la sortie de prison.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 230, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'article 15, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les détenus ont le droit de maintenir des liens avec leur famille, leurs proches et des représentants d'associations ou de tout autre organisme extérieur.

Les autorités judicaires et administratives doivent tenir compte, dans toutes les décisions relatives à l'exercice de ce droit, de l'éloignement de la famille, de la fragilité psychologique du détenu et de son état de santé.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Notre amendement reprend la règle pénitentiaire européenne 24.1, qui pose le principe du droit reconnu au détenu de maintenir des liens familiaux avec toute autre personne.

Or, chacun sait que les liens avec la famille ou les proches sont particulièrement difficiles à entretenir et souvent rompus dès l’arrivée en détention.

Certes, les détenus disposent déjà d’un droit à recevoir des visites. Mais son application est tout de même laissée à l’appréciation de l’administration pénitentiaire, qui peut le refuser pour des motifs liés au maintien de la sécurité ou au bon ordre de l’administration.

De ce fait, il arrive que des parloirs soient refusés à la dernière minute, sans que la famille ait évidemment pu être prévenue. Il arrive également que des proches, après avoir parcouru des kilomètres, voire des centaines de kilomètres, se voient refuser l’accès au parloir pour quelques minutes de retard.

De surcroît, la fréquence et la durée des séances de parloir sont souvent trop espacées pour la première et trop courte pour la seconde. Ces difficultés sont affrontées par les détenus, mais aussi par les familles. Comme l’a très habilement montré le film « À côté » de Stéphane Mercurio, que je vous conseille de regarder, le maintien des liens avec un conjoint ou un fils détenu constitue souvent un parcours plus qu’ardu.

Le maintien des liens avec les familles dépend également du lieu de l’incarcération. L’administration pénitentiaire ne tient nul compte de la distance entre le détenu, sa famille ou ses connaissances.

Ainsi, des milliers de détenus se retrouvent coupés de toutes relations familiales ou amicales et sont plongés dans un grand isolement affectif, pour ne pas dire dans une véritable misère affective, qui aggrave l’isolement carcéral.

En 1998, une étude publiée par les Cahiers de démographie pénitentiaire et qui, d’ailleurs, n’a pas été rééditée depuis, démontrait que 47 % des personnes incarcérées n’avaient pas été appelées à un seul parloir durant leur détention.

Depuis 2003, l’administration a ouvert des unités de vie familiale dans quelques établissements pour peine, ainsi que des parloirs familiaux dans certaines maisons centrales. Enfin, un petit progrès est accompli !

Toutefois, ces deux aménagements sont loin d’être généralisés et ne concernent que des condamnés à de longues peines.

L’absence de liens familiaux a des répercussions sur l’état de santé physique et mentale des détenus. Alors que le nombre de suicides a explosé depuis janvier dernier, il est urgent de les renforcer. Il doit donc être reconnu formellement dans la loi que les détenus ont droit au maintien de leurs liens avec leur famille ou toute autre personne.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Sur l’amendement n° 60 rectifié, la commission estime que le droit qui est visé, à savoir le maintien de relations stables et continues avec la famille, est garanti par les articles 15 et 15 bis du texte proposé par la commission, que nous examinerons dans quelques instants.

Je précise d’ailleurs que, concernant les transferts, qui, parfois, peuvent être très fréquents, quelques progrès ont été enregistrés, progrès liés à l’évolution de la jurisprudence administrative : alors que ces transferts étaient autrefois considérés comme étant des actes ne faisant pas grief, la jurisprudence du Conseil d’État a évolué et les assimile désormais à des décisions administratives susceptibles de recours.

La commission demande le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettra un avis défavorable.

L’amendement n° 115 rectifié semble inutile à la commission, l’article 15, dans la rédaction qu’elle a élaborée, permettant de garantir le droit au maintien des liens familiaux, ce de manière concrète, c'est-à-dire sous la forme de visites ou de permissions de sortie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

La rédaction de l’article 15 paraît préférable à celle qui est proposée dans cet amendement.

Elle pourrait, d’ailleurs, être enrichie de dispositions relatives aux unités de vie familiale, la volonté de la commission étant de ne pas limiter l’ouverture desdites unités aux établissements pour peine, mais de l’étendre aux maisons d’arrêt. En effet, une personne peut rester très longtemps dans une maison d’arrêt bien qu’elle soit présumée innocente. Plus on est présumé innocent, moins on a de droits : c’est là un paradoxe qu’il faudra bien résoudre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Les remarques que je viens de formuler valent pour l’amendement n° 230.

Nous devons avoir pour objectif de favoriser au maximum la proximité du détenu et de sa famille. Cependant, dans la pratique, c’est parfois difficilement réalisable, en particulier pour les personnes condamnées à de longues peines – parce qu’il y a peu de maisons centrales sur notre territoire –, pour les mineurs – car seuls sept établissements pénitentiaires leur sont réservés – et pour les femmes – puisque, le nombre de femmes incarcérées représentant seulement un peu plus de 3 % de la population carcérale, les établissements accueillant des femmes ne sont pas très nombreux. Je précise au passage que tous ceux que j’ai visités, notamment la prison pour femmes de Rennes, sont parfaitement convenables. §Si l’ensemble des lieux de détention étaient dans un état comparable, la loi pénitentiaire aurait rempli en grande partie son objet.

Je précise, en outre, qu’une certaine souplesse est nécessaire, pour que le détenu puisse être affecté dans un établissement qui, de par le type d’activités et de formations qu’il propose, est le mieux à même de répondre à son profil.

Nous allons généraliser l’évaluation en début d’incarcération : si le détenu manifeste la volonté, par exemple, d’apprendre un métier de l’aéronautique, auquel il est plus facile de s’initier du côté de Toulouse que du côté de Lille, il pourra en être tenu compte pour son affectation.

On ne peut exclure que, dans certains cas, notamment les cas de criminalité intrafamiliale, l’éloignement puisse être souhaitable.

Je rappelle également la situation particulièrement difficile et douloureuse des détenus qui ne reçoivent aucune visite. Nombre d’entre eux ne reçoivent que les visites de l’aumônier et des visiteurs de prison. J’en profite, d’ailleurs, pour saluer le rôle tout à fait éminent joué par les uns et par les autres.

Je précise, enfin, que la commission a souhaité corriger les effets de l’éloignement – nous y reviendrons dans un instant – en reprenant une suggestion de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et de nos collègues du groupe CRC-SPG : la durée du parloir devra prendre en compte l’éloignement de la famille.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Je tiens à signaler à Mme Mathon-Poinat que j’ai trouvé, moi aussi, le film À côté particulièrement émouvant et remarquable. Les situations qu’il dépeint doivent être évitées au maximum, voire, si possible, totalement.

La commission est donc défavorable à l’amendement n° 230.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

En ce qui concerne l’amendement n° 60 rectifié, pour les prévenus – il s’agit d’environ 20 % de la population pénale –, ce n’est pas l’administration pénitentiaire qui décide du lieu d’incarcération, c’est exclusivement l’autorité judiciaire, ce qui peut se comprendre : c’est lié aux affaires en cours.

Pour les condamnés, l’administration pénitentiaire tient compte au premier chef du critère du maintien des liens familiaux et favorise donc la proximité géographique avec la famille. D’ailleurs, 80 % des détenus demandent leur transfert à cette fin et obtiennent satisfaction.

Je tiens à répondre à l’observation qu’a faite, lors de son explication de vote, Mme Alima Boumediene-Thiery : il n’y a pas d’opposition entre l’administration pénitentiaire et les détenus. Prétendre que l’administration pénitentiaire règle parfois des comptes avec les détenus est une caricature.

Mme Alima Boumediene-Thiery s’exclame.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Au contraire, les agents de l’administration pénitentiaire exercent un métier ardu, ce dans des conditions difficiles. D’ailleurs, ils jouent un rôle primordial dans la prévention des suicides : ces derniers seraient beaucoup plus nombreux s’ils n’étaient pas au plus près des personnes détenues.

Je tiens à le dire et à leur rendre hommage, car – j’insiste – ils exercent un métier difficile dans des conditions très difficiles. Souvent, ils s’attachent à nouer avec les détenus une relation qui va bien au-delà de leur fonction et de leur mission.

Je ne puis laisser dire que l’administration pénitentiaire utilise les classements ou les déclassements contre les détenus.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Ce ne sont pas des sanctions déguisées. L’administration pénitentiaire respecte la loi, respecte le droit, et tout classement, tout déclassement est toujours motivé.

Mme Alima Boumediene-Thiery s’exclame.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Il faut aussi comprendre le point de vue des agents de l’administration pénitentiaire, qui – je n’aurai de cesse de le rappeler – exercent des missions extrêmement difficiles : un surveillant pénitentiaire confronté, par exemple, à un jeune majeur ou un mineur qui refuse de se lever – et à qui il faut donc apporter le petit-déjeuner dans sa cellule – ou de pratiquer toute activité, peut ressentir quelque exaspération.

J’insiste une fois encore : le classement et le déclassement ne sont pas des sanctions déguisées ; les agents de l’administration pénitentiaire font un travail difficile, dans des conditions difficiles.

Je me permets de dire que, s’agissant de la prévention du suicide, ils font preuve d’une immense bonne volonté : ils vont bien au-delà de leur mission quand ils passent du temps avec les personnes détenues, parfois des nuits entières, pour éviter que certaines ne passent à l’acte. Je souhaite donc leur rendre hommage.

Le transfèrement, ou le refus de transfèrement, n’est pas forcément une sanction. Parfois, des critères liés à la sécurité ou à un problème d’organisation président au non-transfèrement des personnes détenues qui demandent un transfèrement ; parfois, il est procédé à des transfèrements d’office d’un établissement à un autre en cas de problèmes de comportement de détenus dans un établissement pénitentiaire : quand ils se comportent mal ou quand des faits de bandes sont à déplorer, l’administration pénitentiaire transfère d’office les détenus en cause dans un autre établissement.

Il faut tenir compte de tous ces critères. L’objet de la loi pénitentiaire est, certes, d’améliorer les conditions de détention, de donner plus de droits aux détenus, mais aussi d’apporter des améliorations aux conditions de travail des personnels de l’administration pénitentiaire.

Aussi, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 60 rectifié.

Quant à l’amendement n° 115 rectifié, le Gouvernement y est défavorable : en effet, il est déjà prévu, dans l’article 10, le respect des droits des détenus par l’administration pénitentiaire, notamment le respect de la vie privée. Ce droit est, de plus, conforté dans les articles 15 et suivants, qui tendent à recommander l’autorisation du droit de visite, d’avoir une correspondance et de téléphoner.

Le Gouvernement est également défavorable à l’amendement n° 230, puisque, dans l’article 10 ainsi que dans les articles 15 et suivants, est prévu explicitement le respect des droits des détenus par l’administration pénitentiaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote sur l'amendement n° 60 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Je tiens à réagir aux propos de Mme le garde des sceaux : il n’y a pas d’opposition systématique entre l’administration pénitentiaire et les détenus, mais il faut tenir compte de la réalité et ne pas pratiquer la politique de l’autruche.

Dans ses rapports, la Commission nationale de déontologie de la sécurité, ou CNDS, indique que des agents de l’administration pénitentiaire ont été condamnés pour avoir commis des bavures. Peut-être s’agissait-il de cas isolés, mais les faits sont là. Ceux qui connaissent bien le milieu pénitentiaire savent que les condamnés constituent une population difficile. En revanche, l’administration pénitentiaire se doit de réagir lorsque, malheureusement, se produisent des abus. Ces abus existent, madame le garde des sceaux, vous le savez. D’ailleurs, des condamnations ont été prononcées. Ces condamnations existent aussi.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Vous avez raison : il peut y avoir des abus, des infractions, mais des sanctions sont alors prises à l’encontre des agents qui s’en sont rendus coupables. À aucun moment, l’administration pénitentiaire ne pratique la politique de l’autruche ou ne couvre de tels actes. Les agents eux-mêmes ne le souhaitent pas. D’ailleurs, ces abus sont souvent révélés et les sanctions prises en conséquence.

La grande majorité des 33 000 agents de l’administration pénitentiaire font bien leur travail, malgré les conditions difficiles dans lesquelles ils l’exercent. D’ailleurs, ils ont décidé d’appliquer les règles pénitentiaires européennes sans attendre la loi. S’agissant des expérimentations, ils n’ont pas attendu une instruction d’en haut, ils l’ont fait de manière très volontaire et très engagée.

Je leur rends de nouveau hommage de leur travail difficile mais quand ils commettent des abus, ils sont sanctionnés et, je tiens à le dire, jamais l’administration pénitentiaire n’a souhaité couvrir quelque comportement litigieux ou délictueux que ce soit.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. Louis Mermaz, pour explication de vote sur l'amendement n° 115 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

Cet amendement présenté par notre collègue Anziani me semble tout à fait utile : « Les personnes détenues dans des établissements pénitentiaires ont droit au maintien de leurs liens familiaux. » S’il est un endroit d’un texte où une déclaration de principe, un rappel des principes serait utile, c’est bien celui-là.

En effet, nous verrons dans un moment – j’y reviendrai – à quel point l’article 15 revêt un caractère flou et, parfois, favorisant l’arbitraire.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

La meilleure façon de se prémunir contre les imperfections de cet article 15 serait d’adopter cet amendement.

Afin de ne pas reprendre la parole ultérieurement, je profite de l’occasion pour dire que – Mme le garde des sceaux elle-même l’a reconnu, prouvant ainsi qu’elle lisait parfois les rapports de la Commission nationale de déontologie de la sécurité – le système pénitentiaire peut parfois présenter des défauts et des défaillances.

Nul, ici, ne met en cause la qualité du travail des surveillants. Nous sommes nombreux à avoir visité des prisons et à avoir dialogué avec eux. Mais il est vrai qu’il y a parfois des abus. Pour les éviter, les règles doivent être précises.

Je constate, d’ailleurs, que, dans sa seconde réponse à Mme Boumediene-Thiery, Mme le garde des sceaux a été beaucoup plus claire et semble avoir compris ce qui lui avait été dit.

Marques d’indignation sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

Je dis bien « semble avoir compris », parce que sa première déclaration mettant en cause notre collègue comme si elle avait accusé l’ensemble du personnel pénitentiaire est inadmissible. Elle a peut-être parlé pour le Journal officiel, mais moi aussi ! J’exerce mes droits !

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

On a le ton que l’on peut : certains chantent, d’autres parlent !

L’adoption de cet amendement n° 115 rectifié bis s’avère d’autant plus nécessaire que nous avons quelques craintes sur la survie de l’amendement n° 192, dans la mesure où des amendements similaires et tout aussi utiles ont été retirés immédiatement ! Mais nous en reparlerons !

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. François Trucy s’exclame.

L’amendement n’est pas adopté.

L’amendement n’est pas adopté.

Le droit des détenus au maintien des relations avec les membres de leur famille s’exerce soit par les visites que ceux-ci leur rendent, soit, pour les condamnés et si leur situation pénale l’autorise, par les permissions de sortie des établissements pénitentiaires.

L’autorité administrative ne peut refuser de délivrer un permis de visite aux membres de la famille d’un condamné, suspendre ou retirer ce permis que pour des motifs liés au maintien de l’ordre et de la sécurité ou à la prévention des infractions.

L’autorité administrative peut également, pour les mêmes motifs ou s’il apparaît que les visites font obstacle à la réinsertion du condamné, refuser de délivrer un permis de visite à d’autres personnes que les membres de la famille, suspendre ce permis ou le retirer.

Les permis de visite des prévenus sont délivrés par l’autorité judiciaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

Cet article 15 introduit, dans le chapitre III du titre Ier, la section 3 relative à la vie privée et familiale et aux relations avec l’extérieur.

Son premier alinéa est ainsi rédigé : « Le droit des détenus au maintien des relations avec les membres de leur famille s’exerce soit par les visites que ceux-ci leur rendent, soit, pour les condamnés et si leur situation pénale l’autorise, par les permissions de sortie des établissements pénitentiaires. » Soit !

Toutefois, les choses deviennent plus inquiétantes à l’alinéa suivant, qui commence par ces mots : « L’autorité administrative ne peut… » En effet, chaque fois qu’une négation est préférée à une affirmation, on sait qu’un voile d’hypocrisie s’apprête à tomber, car tout est fait pour endormir l’attention.

Je reprends la lecture : « L’autorité administrative ne peut refuser de délivrer un permis de visite aux membres de la famille d’un condamné, suspendre ou retirer ce permis… » – cela se gâte ! – « que pour des motifs liés au maintien de l’ordre et de la sécurité ou à la prévention des infractions. » Une telle rédaction semble certes frappée au coin du bon sens, mais qui va prendre la décision ? Une fois encore, on s’en remet au service public de l’administration pénitentiaire, lequel aura forcément une appréciation subjective ; une fois encore, la mesure pâtit d’un défaut d’encadrement et s’avère très ambiguë.

Quant au troisième alinéa, il précise : « L’autorité administrative peut également, pour les mêmes motifs ou s’il apparaît que les visites font obstacle à la réinsertion du condamné, refuser de délivrer un permis de visite à d’autres personnes que les membres de la famille, suspendre ce permis ou le retirer. » Au moins, ici, tout est clairement affirmé, il n’y a plus d’hypocrisie ! Je regrette qu’il n’en soit pas allé de même à l’alinéa précédent…

L’article 15 se termine par cette courte phrase : « Les permis de visite des prévenus sont délivrés par l’autorité judiciaire. » Cette rédaction nous convient plutôt : même si l’autorité judiciaire a aussi ses imperfections – comme dans tout corps de métier, certains éléments sont meilleurs que d’autres –, son intervention constitue tout de même une véritable garantie.

Mais le risque d’arbitraire qui nous préoccupe naît précisément de cette possibilité octroyée à l’autorité administrative de retirer les autorisations de visite. Pourquoi l’autorité judiciaire ne pourrait-elle pas également intervenir en la matière ? Certes, le juge administratif pourra toujours être saisi, mais, en attendant qu’il se prononce – cela pourra durer longtemps ! –, la famille n’aura plus de droit de visite.

C’est justement pour nous prémunir contre ce genre de situations, souvent déplorables, que notre collègue Alain Anziani a défendu tout à l’heure l’amendement n° 115 rectifié bis. Dans ce domaine, l’ensemble des recommandations des instances européennes – je vous en épargnerai la lecture – vont d’ailleurs exactement dans le même sens.

Mes chers collègues, le fond est important et les barrières juridiques doivent être clairement fixées. Mais ne tombons pas dans un juridisme excessif. La pratique compte tout autant, et c’est bien l’état d’esprit du Gouvernement qui est en cause. Les personnels de l’administration pénitentiaire ne sont pas à l’origine des problèmes auxquels sont aujourd’hui confrontées les prisons. Les syndicats, notamment la CGT, FO et la CFDT, n’ont de cesse de dénoncer les carences du Gouvernement. C’est ce dernier, par l’aggravation continue des procédures pénales et du code pénal, qui est le premier responsable des malheurs et des suicides qui frappent les prisons !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 27 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :

I. - Dans le premier alinéa de cet article, remplacer les mots :

les membres de leur famille

par les mots :

leurs proches

II. - Dans le deuxième alinéa de cet article, remplacer les mots :

membres de la famille

par le mot :

proches

III. - Dans le troisième alinéa de cet article, remplacer les mots :

membres de la famille

par les mots :

proches du détenu

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Il s’agit d’un amendement rédactionnel, visant à élargir le champ des personnes susceptibles d’être considérées comme membres de la famille des détenus. Ces derniers sont souvent en rupture avec leurs familles biologiques et n’ont de contacts qu’avec des proches, qu’ils considèrent comme partie intégrante de la famille.

Nous craignons donc que ce critère de la famille ne soit trop restrictif et qu’il ne conduise à justifier des refus de permis de visite sur le simple fondement de la nature des liens de parenté. C’est la raison pour laquelle nous vous proposons de substituer à l’expression « membres de la famille » le terme « proches », qui permet d’englober un éventail plus large des relations personnelles.

Si le troisième alinéa de l’article 15 fait référence à « d’autres personnes que les membres de la famille », c’est pour leur réserver un régime spécifique : celles-ci pourront se voir opposer que leurs visites « font obstacle à la réinsertion du condamné ». Voilà un motif assez flou, qui empêchera certains détenus de voir des proches, à l’exception du visiteur de prison.

Il me semble donc important d’aligner le régime des visites de certains proches sur celui des membres de la famille, plutôt que de les considérer comme des personnes qui n’en sont pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L’amendement n° 192, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Compléter le premier alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :

Les prévenus doivent pouvoir être visités, par les membres de leur famille ou d’autres personnes, au moins trois fois par semaine, et les condamnés au moins une fois par semaine.

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

L’article 15 consacre dans la loi l’ensemble des dispositions relatives au droit de visite des détenus. La commission des affaires sociales souhaite élever au niveau de la loi la disposition réglementaire précisant la fréquence minimale des visites auxquelles ont droit les détenus. Force est de constater qu’elle n’est pas, aujourd'hui, correctement respectée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L’amendement n° 231, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après les mots :

des motifs liés

rédiger comme suit la fin du deuxième alinéa de cet article :

à la prévention des infractions. Les détenus sont informés sans délai de la décision les concernant.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Notre amendement, dans la logique de celui que nous avons précédemment défendu, tend à supprimer les restrictions au droit de visite des détenus qui sont laissées à la libre appréciation de l’administration pénitentiaire. En effet, si le projet de loi confirme ce droit, il l’assortit toujours d’un certain nombre de restrictions.

Nous souhaitons que le détenu concerné soit informé sans délai de la décision de refuser, de retirer ou de suspendre un permis de visite.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

La commission a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 27 rectifié de Mme Boumediene-Thiery. L’article 15 prévoit, certes, un régime différencié – un peu plus libéral pour la famille, un peu plus contrôlé pour les autres personnes –, mais équilibré, puisqu’il n’exclut en rien la visite des proches.

Par ailleurs, la commission a considéré que les précisions figurant dans l’amendement n° 192 de la commission des affaires sociales, pour importantes qu’elles soient, relevaient non pas du domaine de la loi, mais plutôt de celui du règlement. Cela dit, sur ce point, elle peut s’en remettre à l’avis du Gouvernement. Si l’amendement devait être adopté, je préférerais d’ailleurs qu’il soit préalablement rectifié, en remplaçant les mots « doivent pouvoir » par le mot « peuvent ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Je suis donc saisi d’un amendement n° 192 rectifié, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, et ainsi libellé :

Compléter le premier alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :

Les prévenus peuvent être visités, par les membres de leur famille ou d’autres personnes, au moins trois fois par semaine, et les condamnés au moins une fois par semaine.

Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Enfin, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 231, qui vise à supprimer les restrictions liées au maintien de l’ordre et à la sécurité susceptibles d’être apportées au permis de visite. Sur ce point, il est effectivement impossible de donner satisfaction à nos collègues du groupe CRC-SPG, et les événements survenus récemment ont montré combien ces restrictions s’avèrent indispensables.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Monsieur Mermaz, je tiens à répondre aux propos que vous avez tenus à mon encontre. Jusqu’à il y a un instant, – ô surprise ! – le ton et le contenu de vos interventions avaient été corrects. Force est de constater que vous n’avez pas pu vous retenir bien longtemps ! Finalement, vous ne faites que reprendre le comportement qui a toujours été le vôtre lors des précédents débats, notamment sur la rétention de sureté et les peines plancher. Au moins, si je puis dire et même si je le déplore, vous êtes en accord avec votre nature profonde. J’espère simplement que ces propos, d’une grande incorrection, dépassent votre pensée.

Vous avez affirmé que je ne lisais pas les rapports de la Commission nationale de déontologie de la sécurité, la CNDS, ou, du moins, que je manquais de temps pour ce faire. Sachez que je lis ces rapports et leurs conclusions avec une grande attention. Du reste, mes services en tirent les conséquences sur le plan pratique. Je vous demande donc d’être non seulement plus respectueux des missions et des responsabilités de la CNDS et, plus largement, de celles des acteurs concernés, mais aussi plus attentif aux suites qui sont données à ces recommandations.

Si je défends l’administration pénitentiaire, ce n’est pas par principe, c’est parce qu’il est normal de soutenir des personnels qui font réellement un travail difficile. Je vous invite d’ailleurs à vous rendre sur le terrain, dans les établissements pénitentiaires, ce que, à ma connaissance, vous n’avez jamais fait en 2008 et en 2009 !

M. André Dulait applaudit.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Vous vous rendrez alors compte par vous-même des conditions dans lesquelles ces personnels travaillent et combien il est ardu d’être confronté à une population carcérale de plus en plus difficile.

Monsieur le sénateur, au-delà même du ton que vous avez employé, je ne pouvais pas laisser vos propos sans réponse. Oui, j’ai beaucoup de considération pour cette administration, qui respecte le droit et la loi et qui dépasse souvent le strict cadre de ses missions. §Les personnels font un travail courageux au quotidien. Vous pouvez toujours faire des incantations, mais retournez d’abord sur le terrain !

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Pour en venir aux amendements, j’émets un avis défavorable sur l’amendement n° 27 rectifié.

Monsieur le rapporteur pour avis, l’amendement n° 192 rectifié, relatif à la fréquence des visites reçues par les détenus, vise à reproduire dans la loi les dispositions de l’article D. 410 du code de procédure pénale, aux termes duquel les « prévenus doivent pouvoir être visités au moins trois par semaine, et les condamnés au moins une fois par semaine. » Cette disposition relevant déjà du domaine réglementaire, votre amendement est satisfait. Je vous demande donc de bien vouloir le retirer ; à défaut, j’y serai défavorable.

L’exigence d’information, que tend à insérer l’amendement n° 231, est déjà satisfaite par l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979, loi applicable aux détenus et à l’administration pénitentiaire, cette dernière motivant d’ores et déjà les décisions relatives aux visites dont les détenus sont tenus informés. Je suis donc défavorable à cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote sur l’amendement n° 27 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Madame le garde des sceaux, il ne faut pas vous énerver ainsi.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Je n’apprécie pas les irrespectueux !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

M. Mermaz n’a mis en cause ni l’administration pénitentiaire ni ses personnels. Il connaît bien la situation des établissements pénitentiaires pour s’y rendre depuis longtemps. D’ailleurs, personne, ici, sur la gauche de cet hémicycle, n’a critiqué cette administration dans son ensemble.

Nous l’avons dit dès la discussion générale, nous l’avons répété depuis, il y a une contradiction totale entre votre loi pénitentiaire, la politique pénitentiaire que vous voulez mettre en œuvre, au travers notamment, nous le verrons, des dispositions du texte concernant les alternatives à la détention provisoire et aux aménagements des peines privatives de liberté, et votre politique pénale.

J’en veux d’ailleurs pour preuve les circulaires, toutes différentes, portant sur la politique pénale pour 2009 que vous avez tout récemment envoyées – c’était le mois dernier – dans chaque cour d’appel. Ces différences proviennent du fait que, dans chaque cour d’appel, vous stigmatisez un certain nombre de tribunaux. Ainsi avez-vous écrit : « Vous devrez veiller, monsieur le procureur général, à ce que [telle juridiction] mette bien en œuvre la loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs. En effet, le taux de peines plancher pour cette juridiction est de 33, 3 % au 5 janvier 2009, contre une moyenne nationale de 49, 3 %. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Nul doute que, si je prenais l’ensemble des circulaires adressées aux cours d’appel, je trouverais d’autres exemples de ce genre !

Autrement dit, madame le garde des sceaux, au sein d’une cour d’appel, on stigmatise publiquement, puisque tous les magistrats ont reçu la circulaire, telle ou telle juridiction, soit parce que les juges du siège le considèrent ainsi, soit parce que le procureur ne prend pas les réquisitions que vous voulez ou ne respecte pas la circulaire nationale concernant les peines plancher.

Or les peines plancher sont l’une des causes principales de la surpopulation pénale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Vous êtes donc pris dans une totale contradiction ! Voilà ce que voulait dire M. Mermaz.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Nous sommes tout à fait favorables à l’amendement de M. About, mais je ne peux que constater cette contradiction qui vous embarrasse tous.

Notre cher rapporteur M. Lecerf a ainsi répondu à M. Anziani que l’on ne pouvait pas mettre sur le même plan la famille et les proches de la personne détenue et que, d’ailleurs, l’article 15 était plus strict pour les visites de proches que pour celles de la famille, puis a ensuite émis un avis plus ou moins favorable à l’amendement de M. le président des affaires sociales, auquel il n’ose pas s’opposer. Cette attitude est totalement contradictoire, puisque M. About met exactement sur le même plan la famille et les proches !

Mes chers collègues de la majorité, madame le garde des sceaux, vous devriez vous mettre d’accord ! Vous ne faites que jeter de la poudre aux yeux et vous ne voulez surtout pas régler le problème !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Je tiens également à revenir sur l’incident qui a opposé M. Mermaz et Mme le garde des sceaux.

Je connais Louis Mermaz depuis longtemps...

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Il peut parler tout seul !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Il ne faut pas vous énerver, madame le garde des sceaux. Nous parlons tranquillement.

Je peux vous assurer que M. Mermaz respecte l’administration pénitentiaire et ses personnels. Mais il est aussi un homme libre et, en tant que tel, il a tout à fait le droit, surtout dans cette enceinte, d’exprimer son opinion et de donner son avis sur un texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

M. Alain Anziani. Je trouve en revanche choquant de votre part, madame le garde des sceaux, de lui avoir rétorqué qu’il n’avait pas visité de prisons au cours des dernières années. Que signifie cette phrase ? Une enquête a-t-elle été menée sur la vie de Louis Mermaz afin de déterminer si, oui ou non, il avait visité des prisons en dehors du cadre de la commission d’enquête ?

Murmures désapprobateurs sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

C’est ce que vous avez dit, madame le garde des sceaux ! Comment pouvez-vous disposer d’une telle information ? Vous n’en savez rien, et heureusement, car ce serait très grave ! Vous avez franchi la ligne jaune : vous ne deviez pas prononcer cette phrase !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Cela étant dit, je trouve l’amendement n° 192 rectifié de M. About très positif, car il prend en compte la situation des prévenus, dont les droits doivent être les moins limités possible, et seulement par exception justifiée par les nécessités de l’instruction – ce que nous pouvons tous comprendre ! – ou par des impératifs de sécurité. Le principe doit être que ces personnes doivent pouvoir recevoir la visite de leur famille le plus souvent possible.

Je crois donc nécessaire, contrairement à M. le rapporteur, d’en revenir à la première rédaction de l’amendement : « les prévenus doivent pouvoir être visités ». En effet, si nous maintenons la formule « les prévenus peuvent être visités », nous serons confrontés à un problème d’interprétation : qui sera compétent pour apprécier l’opportunité de ce droit de visite ? Les mots « doivent pouvoir » traduisent en revanche la consécration d’un droit.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Je tiens à répondre cordialement à mon excellent collègue Jean-Pierre Michel, avec lequel j’ai le plaisir de travailler sur le dossier de la responsabilité pénale des malades mentaux. Je ne vois pas de contradiction entre le fait d’être un peu plus favorable à l’amendement de M. About qu’à la distinction les proches et la famille. En effet, même si l’amendement du président de la commission des affaires sociales était adopté, il va de soi que les modalités de contrôle des visiteurs seraient différentes selon qu’ils font partie de la famille ou du cercle des proches. Il y a donc une parfaite coordination, et non une contradiction, entre ces deux positions.

L’amendement n’est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Monsieur le rapporteur pour avis, l’amendement n° 192 rectifié est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

Oui, monsieur le président. Dès lors que l’article 15 correspond à l’élévation au niveau législatif de l’article D. 404 figurant dans la partie règlementaire du code de procédure pénale, la proposition que je formule au travers de mon amendement doit pouvoir, elle aussi, être élevée à ce niveau.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

Oui, monsieur Sueur. Le mot « peuvent » indique bien qu’il s’agit d’une possibilité. S’il y a des visiteurs, cette faculté de recevoir des visites au moins trois fois par semaine pour les prévenus et au moins une fois par semaine pour les condamnés doit être respectée. En l’absence de visiteurs, on ne peut pas rendre ces visites obligatoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je souhaite attirer l’attention de M. About sur les conséquences de la rectification de son amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Pour ma part, je préfère la version originelle. Il m’est arrivé, en effet, de beaucoup travailler sur les verbes « devoir » et « pouvoir ».

Vous nous proposez d’inscrire dans la loi le mot « peuvent », en nous indiquant qu’il signifie la même chose que le mot « doivent », et que le membre de phrase « les prévenus peuvent être visités » traduit une obligation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Cette obligation consiste à donner aux personnes qui souhaitent rendre visite aux détenus la possibilité de le faire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je comprends cet argument. Cependant, il serait encore plus clair...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Permettez-moi, monsieur About, de préciser le sens de votre rédaction : je défends votre position !

La première mouture de votre amendement – « les prévenus doivent pouvoir être visités » – était très claire. Elle signifie non pas qu’il faut créer artificiellement des demandes de visites s’il n’y en a pas, mais qu’à chaque demande de visite, dans le cadre des trois visites autorisées par semaine, cette visite est de droit.

Cette version, monsieur About, était beaucoup plus claire, protectrice et limpide. Je vous demande donc d’en revenir à votre premier mouvement, qui était aussi celui de la commission des affaires sociales. Je vous assure que c’était le bon !

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Béteille

M. Sueur ne croit pas une seule seconde à ce qu’il vient de dire !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

monsieur Sueur, quelle argumentation !

Vous savez fort bien que, sur le plan juridique, l’indicatif « peuvent » a valeur d’impératif. « Doivent pouvoir », c’est une jolie formule, bien que je la trouve assez maladroite en littérature, en raison de l’apposition des verbes « devoir » et « pouvoir ».

Il faut tout de même faire un peu de droit lorsque l’on examine des textes juridiques ! Je vous assure, monsieur Sueur, que ces deux formulations signifient la même chose.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Cela m’étonne de vous, compte tenu de votre grande intelligence du droit et de votre connaissance de la langue française !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

Il nous faut rétablir la sérénité de notre débat et oublier la petite bataille qui vient d’opposer M. Mermaz et Mme le garde des sceaux.

L’amendement de M. About a l’énorme avantage d’opérer une distinction entre les prévenus et les condamnés. Aujourd’hui, 40 % des détenus sont des prévenus : il nous faut démontrer, par un vote aussi large que possible, que nous souhaitons préserver leurs droits, et ce quels que soient les problèmes grammaticaux qui se posent.

Je partage l’avis de M. Hyest : le mot « peuvent » est tout à fait valable. Sachons faire simple !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

Nous devons manifester notre volonté de faciliter le maintien des liens des détenus avec l’extérieur, en préservant d’abord les droits des prévenus, puis ceux des condamnés.

L’amendement de M. About apporte un élément important, que je recommande à l’attention des juges de la détention, qui ont parfois tendance à faire incarcérer un peu rapidement certains prévenus.

Je voterai donc, des deux mains, l’amendement de M. About.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Je souhaite expliquer brièvement mon vote sur l’amendement n° 192 rectifié de M. About.

Je souhaite tout d’abord demander à notre estimé président de la commission des lois pour quelle raison, si les mots « doivent pouvoir » et le mot « peuvent » signifient vraiment la même chose, l’amendement a fait l’objet d’une rectification en séance ? On se le demande !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

M. Jean-Pierre Michel. Cet amendement, je le rappelle, a été présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales. Envisage-t-il, dans ces conditions, de la réunir ?

Protestations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Cette commission a voté cet amendement. A-t-on le droit, oui ou non, de modifier en séance le vote d’une commission ? J’attends votre réponse ! Si celle-ci est positive, je suggère que nous nous penchions à nouveau sur cette question lors de la rédaction du futur règlement du Sénat. Pour ma part, je trouve cela totalement aberrant !

M. Laurent Béteille s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Le vote de la commission des affaires sociales, auquel je n’ai pas participé, portait sur un texte précis. Je vous pose donc la question suivante : qui a le droit de modifier ce texte en séance plénière ?

Exclamations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Béteille

Il s’agit d’une simple rectification rédactionnelle !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. « Qui a le droit ? » C’est presque une chanson !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

Tout parlementaire a le droit de modifier un amendement en séance : il s’agit du droit de sous-amender.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

J’ignorais que le rapporteur n’était pas un sénateur !

Ce droit de sous-amender appartient à tous ceux qui ont pour mission de rédiger un texte de loi le mieux possible.

Lorsqu’elle a donné son avis sur mon amendement, Mme le garde des sceaux a dit qu’il n’était pas nécessaire d’ajouter la disposition que je propose, car elle est d’ordre réglementaire et existe déjà. Certes ! Mais en élevant ce texte réglementaire au niveau de la loi, comme j’ai tenté de le faire au travers de cet amendement, j’avoue que j’ai commis une erreur, dont je demande pardon : j’ai fait un copié-collé de l’article D. 410 du code de procédure pénale, dans lequel figuraient les mots « doivent pouvoir ».

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

Lorsqu’on élève un texte règlementaire au niveau de la loi, il faut si possible en améliorer la rédaction et la rendre plus élégante. Je suis fidèle en cela à l’enseignement que nous donnait mon maître Jean Foyer lorsque j’étais un jeune député, en 1978 ; il tenait à ce que la loi soit parfaitement écrite. C’est la raison pour laquelle je souhaite que nous nous ralliions à la rédaction proposée par M. le président Hyest et par M. le rapporteur.

Vous aurez ainsi doublement satisfaction, mes chers collègues : grâce au nouveau texte législatif, qui répond à vos attentes, et grâce au règlement, qui maintient la formule à laquelle vous tenez.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

M. Jean-Pierre Sueur. Le groupe socialiste s’abstient, et notre abstention est justifiée !

Sourires.

L’amendement est adopté.

L’amendement n’est pas adopté.

L’article 15 est adopté.

Les unités de vie familiale ou les parloirs familiaux implantés au sein des établissements pénitentiaires peuvent accueillir toute personne détenue.

Tout détenu doit bénéficier d’au moins un parloir hebdomadaire, dont la durée doit être fixée en tenant compte de l’éloignement de sa famille. Pour les prévenus, ce droit s’exerce sous réserve de l’accord de l’autorité judiciaire compétente.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Gouvernement n’avait même pas mentionné, dans le projet de loi initial, les unités de vie familiale ni les parloirs. Pourtant, les premières sont encore trop peu nombreuses dans les établissements pénitentiaires et les conditions de mise en œuvre des seconds sont la source d’insatisfactions, de la part tant des détenus que des familles.

Faciliter l’accès aux unités de vie familiale et aux parloirs est essentiel pour maintenir les liens des détenus avec leurs conjoints et leurs enfants. Le maintien de ces liens évite la désocialisation des détenus durant la détention et il est, à ce titre, un facteur évident de réinsertion. Il était donc nécessaire de combler cette lacune du projet de loi.

Le rapporteur l’a fait en partie, puisqu’il a inscrit dans la loi que les unités de vie familiale et les parloirs familiaux implantés dans les établissements pénitentiaires peuvent accueillir toute personne détenue, y compris donc les prévenus.

Mais une lacune subsistait toujours, relative cette fois à la fréquence et à la prise en compte des contraintes pour la famille, liées à l’éloignement par exemple. Or, le Comité d’orientation restreint, le COR, recommandait que tout détenu, quel que soit son régime de détention, puisse bénéficier effectivement d’un parloir hebdomadaire au minimum, dont la durée pourra être étendue en considération d’éléments particuliers : éloignement de la famille, fragilité du détenu au niveau du risque suicidaire, prescription médicale, etc. Le COR demandait également que cet accès au parloir hebdomadaire soit maintenu pour les détenus subissant une sanction de cellule disciplinaire.

Nous avons donc, lors de l’examen du projet de loi en commission, déposé un amendement tendant à imposer cette obligation de parloir hebdomadaire pour tous les détenus – sous réserve de l’accord de l’autorité judiciaire pour les prévenus – ainsi qu’un autre amendement visant à reconnaître ce droit aux détenus placés en cellule disciplinaire. La commission des lois a adopté ces deux amendements et a modifié en ce sens le présent article 15 bis et l’article 53, rendant ainsi effectif le droit des détenus à un parloir hebdomadaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 25 rectifié bis, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le premier alinéa de cet article :

Tout détenu peut être autorisé à recevoir, dans des conditions préservant son intimité, les membres de sa famille dans des unités de vie familiale ou dans des parloirs familiaux

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Si vous n’y voyez pas d’inconvénient, monsieur le président, je présenterai en même temps l’amendement n° 26 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L’amendement n° 26 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :

Après le premier alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

Les unités de vie familiale sont aménagées de manière à garantir le respect du droit à l’intimité. Les visites ont lieu en dehors de la présence du personnel pénitentiaire.

Veuillez poursuivre, ma chère collègue.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Ces deux amendements ont pour objet d’introduire la notion de respect de l’intimité du détenu, malheureusement absente de cet article. L’amendement n° 25 rectifié bis a trait aux unités de vie familiale, les UVF, et aux parloirs familiaux, alors que l’amendement n° 26 rectifié ne concerne que les UVF.

Il est important de préciser dans la loi que les visites familiales s’exercent dans le respect par l’administration pénitentiaire de l’intimité du détenu. Je vous renvoie, mes chers collègues, aux excellentes études produites par l’Observatoire international des prisons, l’OIP. On y apprend que la France a beaucoup de progrès à faire sur cette question, en comparaison d’autres pays.

Par exemple, la Suède, l’Espagne ou le Canada ont mis en place des espaces où les détenus peuvent se soustraire à toute surveillance durant quelques heures pour recevoir leur famille. D’autres pays, comme la Lituanie ou la République tchèque prévoient même une durée de plusieurs jours. Le détenu doit pouvoir recevoir sa famille à l’abri du regard des surveillants. Ces moments sacrés permettent à un détenu de poursuivre sa vie familiale, voire sexuelle.

Je vous le rappelle, le droit à une vie sexuelle fait partie intégrante du droit à l’intégrité physique et morale des détenus, selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Ce droit doit donc être protégé. Est-il normal qu’un détenu se voie infliger une sanction de quinze jours d’isolement, voire de deux mois de suppression de visites, pour s’être livré à des contacts sexuels avec sa compagne lors d’un parloir ?

Il faut aujourd’hui mettre un terme à cette hypocrisie et briser le tabou qui entoure la sexualité en prison. Finissons-en avec ce déni : les relations sexuelles ont lieu aujourd’hui, malgré tous les risques de sanction, dans des conditions déplorables, en tout cas loin de la dignité humaine, dont nous avons parlé si longuement hier.

Cessons également de penser que le respect de l’intimité du détenu est incompatible avec la préservation de la sécurité des établissements : c’est faux ! Comme le soulignait la commission Canivet dans son rapport de 2000, « l’artificielle opposition si souvent faite entre sécurité et humanisation des prisons est à récuser sans merci, dès lors que l’une et l’autre peuvent parfaitement cheminer de pair ».

Nous devons aujourd’hui rompre le tabou de la sexualité en prison et ne plus chercher de prétextes : l’administration doit trouver les moyens de mieux développer une politique adaptée de prévention contre la transmission du VIH ou contre les violences sexuelles en détention.

C’est la raison pour laquelle nous vous proposons d’inscrire le principe du respect de l’intimité du détenu dans l’article 15 bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Je me trouve assez en harmonie avec nombre des propos tenus par Mme Boumediene-Thiery. Je pense comme elle que l’hypocrisie a suffisamment duré sur la question des relations sexuelles en prison. Je me souviens d’une époque pas si éloignée où, dans les parloirs, ce qui était toléré dans tel établissement ne l’était pas dans tel autre et pouvait éventuellement entraîner le placement en quartier disciplinaire ; et même lorsque la tolérance prévalait, les conditions dans lesquelles les rencontres se déroulaient constituaient une atteinte à la dignité des personnes, qu’il s’agisse des détenus, de leurs compagnes, des autres visiteurs et également du personnel de l’administration pénitentiaire.

S’il est un dossier qui recueille l’unanimité, c’est bien celui des unités de vie familiale. Il a d’ailleurs été, selon moi, assez bien mené par l’administration pénitentiaire et a permis, en outre, d’établir des rapports et une estime différente entre les personnels de l’administration pénitentiaire et les détenus. Sur ce point, la commission a souhaité non seulement que les unités de vie familiale et les parloirs familiaux figurent dans le texte de la loi pénitentiaire, mais aussi qu’ils soient ouverts à tous les détenus. Comme je le disais tout à l’heure, pourquoi réserver ces possibilités aux seuls condamnés et ne pas les ouvrir aux prévenus dans les maisons d’arrêt, quand on sait qu’ils peuvent y rester extrêmement longtemps et que la situation n’est pas prêt de s’améliorer dans les années à venir ?

En ce qui concerne l’amendement n° 25 rectifié bis, qui, je vous rassure, madame Boumediene-Thiery, est bien rédigé, permettez-moi une boutade : il n’est pas nécessaire d’écrire que tout détenu « doit pouvoir ».

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

S’agissant de l’amendement n° 26 rectifié, qui porte sur la garantie du droit à l’intimité et la nécessité de prévoir que les visites aient lieu en dehors de la présence du personnel pénitentiaire, j’observe que tout se passe bien actuellement au sein des unités de vie familiale, qui se sont mises en place dans un état d’esprit positif. Par ailleurs, je pense que ces dispositions ne sont pas de niveau législatif. C’est pourquoi je demande également le retrait de cet amendement.

Je souhaiterais terminer mon propos en évoquant une confidence recueillie lors d’une visite en maison centrale – on ne sort pas indemne de telles expériences ! J’ai eu l’occasion de discuter longuement avec une personne condamnée à une très longue peine, qui avait eu la possibilité de bénéficier récemment d’un parloir familial. Cet homme avait ainsi pu rencontrer sa compagne pour la première fois depuis très longtemps. Les parloirs familiaux, comme les unités de vie familiale, sont parfois l’objet de plaisanteries douteuses, même dans l’administration pénitentiaire, mais je me souviendrais toujours de cet homme pleurant sur mon épaule et me disant, à moi qui ne l’avais jamais vu et qui ne le reverrais jamais : « C’était la première fois que je revoyais ma compagne, j’ai été incapable de faire quoi que ce soit, mais là n’était pas l’essentiel ! »

S’il est donc une politique que je souhaite réellement encourager, c’est bien celle-là !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

En ce qui concerne l’amendement n° 25 rectifié bis, le bénéfice des visites en unité de vie familiale n’est pas limité aux seuls membres des familles des détenus. Souvent, beaucoup de détenus n’ont plus de famille ou n’entretiennent plus de relations avec elle ; ils peuvent donc recevoir leurs amis ou toute autre personne avec laquelle ils n’ont aucun lien familial ou qu’ils ont même pu connaître pendant leur détention, ne serait-ce que par correspondance. Il n’y a donc pas lieu de prouver un lien familial pour bénéficier de ces UVF ; si celles-ci étaient réservées aux familles, peu de détenus pourraient bénéficier de visites.

Tous les nouveaux établissements pénitentiaires abritent maintenant une unité de vie familiale, ce qui permet aux détenus de maintenir des liens sociaux. Le bénéfice des UVF sera étendu aux personnes prévenues mais je tiens à observer que cette extension présente quelques difficultés, notamment pour les personnes incarcérées dans le cadre de dossiers d’instruction particulièrement lourds ou complexes : vous savez très bien que l’administration pénitentiaire n’a pas accès au dossier d’instruction, ce qui peut compliquer la procédure.

Quant aux parloirs familiaux, pour mettre un terme à l’hypocrisie qui a longtemps prévalu, je tiens à préciser qu’il en existe désormais 34, notamment dans huit maisons centrales. Il s’agit de petites salles d’environ dix mètres carrés, dans lesquelles l’intimité est totalement préservée.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 25 rectifié bis.

L’amendement n° 26 rectifié a trait aux modalités pratiques de déroulement des visites ; or ces dispositions ne relèvent pas du domaine de la loi. Je suis cependant en accord total avec l’objectif poursuivi par ses auteurs, d’ailleurs la réglementation est de fait extrêmement pratique. Les visites dans le cadre des unités de vie familiale se passent généralement très bien et n’ont donné lieu à quasiment aucun incident.

Pour compléter les propos du rapporteur, je rappelle que la durée des visites en UVF peut aller jusqu’à soixante-douze heures. Cependant de nombreux détenus ne souhaitent pas bénéficier d’une durée de visite aussi longue et demandent en général des visites beaucoup plus courtes pour permettre une reprise des relations plus progressive.

C’est donc pour des raisons de pure forme que j’émettrai un avis défavorable sur cet amendement n° 26 rectifié, dont l’objectif est aussi le nôtre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Madame Boumediene-Thiery, les amendements n° 25 rectifié bis et 26 rectifié sont-ils maintenus ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. Pierre Fauchon, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

Je voudrais dire à Mme Boumediene-Thiery que je comprends peut-être mieux que certains de nos collègues le sens de son amendement, car je crois être le seul dans cet hémicycle à avoir dirigé une maison d’arrêt, accueillant cent vingt détenus, pendant au moins un an et demi. C’était au Maroc.

J’ai rencontré les problèmes que notre collègue évoquait dans la présentation de ses amendements et j’avais réussi à mettre en place un système pratique de relations familiales, fondé sur des autorisations de sortie d’un jour ou d’un jour et demi, puisque nous ne disposions pas de locaux adaptés. Ce système ne m’a jamais causé d’inquiétude car les détenus sont toujours rentrés à la prison. Sur le plan humain, il en est résulté une amélioration certaine et l’ambiance de la maison d’arrêt connaissait un réel apaisement dans une période cependant difficile.

J’approuve donc tout à fait la teneur de ces amendements. Cela étant, je me range à l’avis du rapporteur : la rédaction de cet article satisfait d’une manière convenable à ces préoccupations. Dans cet esprit, je ne voterai pas ces amendements, non pas que j’y sois opposé, mais parce que le texte du rapporteur – comme l’ensemble de sa démarche, que je suis heureux de saluer à cette occasion – tient compte, autant que possible, de ces préoccupations humaines qui font toute la dignité de notre débat !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je voterai les deux amendements présentés par Alima Boumediene-Thiery, parce que le droit au respect de l’intimité me paraît une notion importante. Le mot « intimité » est vraiment essentiel en l’occurrence. Aujourd’hui, vous le savez, le respect de l’intimité n’est pas vraiment garanti dans les prisons. Or il s’agit d’un droit fondamental de la personne humaine. Je regrette, monsieur le rapporteur, que vous n’ayez pas pu – ou voulu – donner un avis favorable à au moins l’un de ces deux amendements.

J’aurais souhaité poser une question supplémentaire à Mme le garde des sceaux. Vous nous avez indiqué des chiffres, madame, relatifs aux parloirs familiaux. En ce qui concerne les unités de vie familiale, vous nous avez dit que tous les établissements pénitentiaires nouveaux en comporteraient une : cela ne représente que quelques unités, car seuls cinq ou six établissements vont ouvrir dans les temps qui viennent.

Je voulais donc vous demander quelles actions vous comptiez mettre en œuvre pour doter l’ensemble des maisons d’arrêt et des maisons pour peines d’au moins une unité de vie familiale, voire plusieurs. En effet, aujourd'hui, dans de nombreux établissements on ne trouve pas de parloirs familiaux et encore moins d’unités de vie familiale.

Donc, existe-t-il au sein de votre ministère un programme visant à doter chaque établissement d’au moins une, voire plusieurs unités de vie familiale ?

Je vous remercie des réponses que vous voudrez bien m’apporter.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Les nouveaux établissements seront obligatoirement dotés d’unités de vie familiale. Dans les établissements déjà existants, un problème de configuration peut se poser. Des réaménagements sont possibles sur les programmes les plus récents. En revanche, dans les établissements plus anciens, parfois vétustes, se posent des problèmes d’organisation, de fonctionnement et de sécurité.

Dans de nombreux établissements - par exemple, à Nanterre, et dans un certain nombre de maisons centrales –, il a été possible d’aménager des parloirs familiaux, en réunissant des petites pièces où étaient installés des parloirs individuels. Chaque fois que c’est possible, on réalise ces aménagements. Sachez, monsieur le sénateur, que lorsqu’on ne le fait pas, ce n’est pas du tout par mauvaise volonté, mais parce qu’il existe des contraintes liées à l’immobilier.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 15 bis est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 117, présenté par M. Anziani et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 16, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les prévenus d'office sont autorisés à contacter téléphoniquement les personnes titulaires d'un permis de visite, sauf opposition expresse du magistrat lors de la délivrance du permis. Les contacts avec d'autres personnes, y compris de la famille, sont soumis à autorisation, le magistrat peut s'y opposer s'il s'agit de la victime ou s'il existe un risque de pression ou de concertation frauduleuse.

La parole est à M. Alain Anziani.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Je suis persuadé que cet amendement va être unanimement adopté, car il a pour objet de simplifier une procédure, et nous avons tous à cœur d’élaborer des lois de simplification.

L’article 16 prévoit que les détenus ont le droit de téléphoner mais que les prévenus doivent obtenir l’autorisation de l’autorité judiciaire.

Je suggère une formulation plus simple et qui aurait également pour conséquence d’alléger le travail des magistrats. Dans la rédaction actuelle, en même temps que le juge accorde le droit de visite il décide du droit de téléphoner. Nous proposons, dès lors que le juge a accordé le droit de visite sans expressément s’opposer au droit de téléphoner, que ce droit soit acquis. Le juge peut toujours, au vu du dossier, refuser d’accorder le droit de téléphoner.

C’est une mesure de simplification et d’allégement du travail des magistrats.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

L’article 16 du projet de loi a pour effet d’étendre au prévenu le bénéfice de l’accès au téléphone, ce qui est déjà une innovation particulièrement importante. Néanmoins, il subordonne ce droit à l’autorisation du juge, ce qui peut, en effet, être justifié par les nécessités de l’enquête.

L'amendement n° 117 vise à lever cette autorisation préalable pour les personnes titulaires d’un permis de visite.

Votre commission a souhaité en rester à l’équilibre du texte qu’elle a proposé pour cet article. Elle a donc émis un avis défavorable.

Qui plus est, cet amendement pourrait éventuellement se retourner contre les prévenus, les permis de visite étant ensuite accordés moins facilement s’il y a automaticité entre permis de visite et droit de téléphoner.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

L’article 16 prévoit un régime commun d’accès au téléphone pour les prévenus et les condamnés ; il ne serait pas opportun de distinguer le régime applicable selon la catégorie juridique du détenu, comme l’ont proposé les auteurs de cet amendement.

L’administration pénitentiaire s’est fortement engagée dans l’installation de postes téléphoniques dans les maisons d’arrêt pour justement aboutir à la généralisation de l’accès au téléphone pour tous les détenus, prévenus et condamnés.

Mais on doit pouvoir également subordonner cet accès au téléphone à certaines conditions, qu’il s’agisse de condamnés ou de prévenus. Il est normal que l’on puisse le faire même pour les personnes condamnées, ne serait-ce que pour prévenir les risques d’évasion.

Le Gouvernement n’est donc pas favorable à cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Je ferai observer à M. le rapporteur que son argument ne tient pas.

Il nous dit que notre amendement pourrait se retourner contre le détenu parce que le magistrat, s’il a quelques hésitations, risque de refuser le permis de visite pour ne pas autoriser la communication téléphonique. C’est faux, dans la mesure où nous précisons dans notre amendement que, au moment où il accorde le permis de visite, le magistrat peut refuser l’accès au téléphone.

Donc, je le répète, l’argument ne tient pas et je pense sincèrement - comme tout le monde vous le confirmera, y compris les magistrats, monsieur le rapporteur – que c’est une mesure de bon sens.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 118, présenté par M. Anziani et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 16, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les détenus doivent être autorisés à communiquer aussi fréquemment que possible - par lettre, par téléphone ou par d'autres moyens de communication - avec leur famille, des tiers et des représentants d'organismes extérieurs, ainsi qu'à recevoir des visites desdites personnes.

La parole est à M. Alain Anziani.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

La réinsertion est notre obsession et nous savons qu’elle ne peut être facilitée que si le détenu garde des liens avec ses proches.

Cet amendement a donc pour objet de favoriser autant que possible la communication entre le détenu et ses proches par tous moyens. Il va vraiment dans le sens profond d’une grande loi pénitentiaire et est d’ailleurs conforme à la règle pénitentiaire européenne 24.1.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Comme elle l’a déjà souligné lors des précédents amendements sur la transcription des règles pénitentiaires européennes, la commission préfère la transcription concrète de principes plutôt que leur simple affirmation.

Elle constate que les principes posés dans cet amendement sont déclinés au travers de trois articles du projet de loi : l’article 15 bis pour les visites, l’article 16 pour les communications téléphoniques, l’article 17 pour la correspondance.

Cet amendement lui paraît donc satisfait.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

L’article 10 prévoit déjà le respect des droits des détenus, notamment le droit au respect de la vie privée et familiale, qui correspond d’ailleurs à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Les articles 15, 15 bis et suivants déclinent les différents moyens par lesquels s’exerce ce droit, que ce soient les visites, les communications téléphoniques, les correspondances.

Les dispositions prévues sont largement suffisantes et la fréquence de l’utilisation de ces moyens ne relève pas du domaine législatif. Tout est bien listé, et cette précision n’apparaît pas utile.

Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.

L'amendement n'est pas adopté.

Les détenus ont le droit de téléphoner aux membres de leur famille. Ils peuvent être autorisés à téléphoner à d'autres personnes pour préparer leur réinsertion. Dans tous les cas, les prévenus doivent obtenir l'autorisation de l'autorité judiciaire.

L'accès au téléphone peut être refusé, suspendu ou retiré, pour des motifs liés au maintien de l'ordre et de la sécurité ou à la prévention des infractions et, en ce qui concerne les prévenus, aux nécessités de l'information.

Le contrôle des communications téléphoniques est effectué conformément aux dispositions de l'article 727-1 du code de procédure pénale.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le vote des deux amendements présentés par M. Anziani aurait, à notre sens, éclairé l’article 16 qui recèle les mêmes ambiguïtés que l’article 15 sur les droits de visite.

Je le lis pour la clarté du débat : « Les détenus ont le droit de téléphoner aux membres de leur famille. Ils peuvent être autorisés à téléphoner à d'autres personnes pour préparer leur réinsertion. Dans tous les cas, les prévenus doivent obtenir l'autorisation de l'autorité judiciaire. » Il n’y a là rien à dire.

« L'accès au téléphone peut être refusé, suspendu ou retiré, pour des motifs liés au maintien de l'ordre et de la sécurité » – là, on retrouve l’intention, le vieux débat sur la dangerosité qui remonte aux sorcières de Salem ! – « ou à la prévention des infractions et, en ce qui concerne les prévenus, aux nécessités de l'information. »

Qui décide du refus de l’accès au téléphone ? On a bien compris que c’était le juge qui délivrait l’autorisation. Mais qui peut refuser ou suspendre l’accès ? J’aimerais que M. le rapporteur veuille bien répondre à mes questions, car si l’on comprend qui autorise on voit nettement moins bien qui suspend.

Les exceptions aux appels téléphoniques sont à droit constant depuis le décret du 16 novembre 2007 : l’autorisation peut être refusée pour des motifs liés au maintien de l’ordre et de la sécurité ou à la prévention des infractions et, en ce qui concerne les prévenus, aux nécessités de l’information. Pour les prévenus, il s’agit de l’autorité judiciaire.

Comme actuellement, dans tous les cas, les prévenus doivent obtenir l’autorisation de l’autorité judiciaire, nous pensons que seule l’autorité judiciaire peut, pour ces détenus, suspendre cette autorisation. Mais qu’en est-il des condamnés ?

Je citerai les règles pénitentiaires européennes 24.1, 24.2 et 24.3 - c’est à cause de ces manifestations européennes que nous sommes réunis aujourd’hui, si j’ai bien compris.

« 24.1 – Les détenus doivent être autorisés à communiquer aussi fréquemment que possible - par lettre, par téléphone ou par d’autres moyens de communication – » – on pense à l’électronique – « avec leur famille, des tiers et des représentants d’organismes extérieurs, ainsi qu’à recevoir des visites desdites personnes. »

« 24.2. – Toute restriction ou surveillance des communications et des visites nécessaire à la poursuite et aux enquêtes pénales, au maintien du bon ordre, de la sécurité et de la sûreté, ainsi qu’à la prévention d’infractions pénales » – vous savez ce que j’en pense – « et à la protection des victimes – y compris à la suite d’une ordonnance spécifique délivrée par une autorité judiciaire – doit néanmoins autoriser un niveau minimal acceptable de contact.

« 24.3 – Le droit interne doit préciser les organismes nationaux et internationaux, ainsi que les fonctionnaires, avec lesquels les détenus peuvent communiquer sans restrictions. »

Le manque de clarté demeure : qui peut suspendre une autorisation pour les condamnés ?

En conclusion, il serait là aussi très utile que M. le rapporteur veuille bien nous apporter des précisions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 28 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du premier alinéa de cet article, après le mot :

téléphoner

insérer le mot :

régulièrement

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Monsieur le président, je présenterai en même temps les amendements n° 28 rectifié et 29 rectifié, car ils sont complémentaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

J’appelle donc en discussion l'amendement n° 29 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, et qui est ainsi libellé :

Compléter la première phrase du premier alinéa de cet article par les mots :

ou à leurs proches

Veuillez poursuivre, ma chère collègue.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

L'amendement n° 28 rectifié concerne le droit pour les détenus de téléphoner régulièrement.

Le droit pour le détenu de téléphoner participe au maintien de ses relations familiales, nous l’avons vu. Ce droit doit être aussi régulier que les visites, compte tenu de la difficulté qu’éprouvent certaines familles à se déplacer pour des raisons d’éloignement géographique ou simplement pour des raisons financières.

Pour certains détenus, c’est le seul moyen de maintenir quelques contacts ou quelques relations familiales normales.

Je vous rappelle que la règle pénitentiaire européenne 24.1 prévoit que les détenus doivent être autorisés à communiquer aussi fréquemment que possible, par téléphone.

II faut considérer cette exigence de régularité comme un impératif : c’est cette régularité qui assure le caractère continu et stable des relations du détenu avec sa famille et ses proches.

Je tiens d’ailleurs à saluer le travail de nombreuses radios associatives qui diffusent des messages de familles à destination de proches ou d’amis qui sont détenus. Voilà comment aujourd’hui s’exerce souvent la communication avec les détenus, par ondes interposées.

Nous devons garantir aux détenus la possibilité de téléphoner régulièrement, surtout lorsque la famille est éloignée du lieu de détention.

L’amendement n° 29 rectifié vise à élargir l’éventail des personnes auxquelles le détenu peut téléphoner. En conséquence, il est proposé d’ajouter, aux membres de la famille, les proches.

En l’occurrence, l’article 16 prévoit que les détenus peuvent être autorisés à téléphoner à d’autres personnes que les membres de leur famille pour préparer leur réinsertion, et dans ce seul cas.

Les proches sont à mi-chemin entre ces deux catégories de personnes. Je souhaite donc savoir s’ils sont concernés par la première phrase de l’article 16 ou bien par la seconde phrase.

Il s’agit, par cet amendement, d’avoir la garantie que les proches sont considérés comme les membres de la famille au regard du droit de téléphoner.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

: les retraits d’autorisation sont effectivement de la compétence de l’administration pénitentiaire.

Cela étant dit, ayant demandé à prendre connaissance du contenu de certaines communications téléphoniques en milieu carcéral, j’ai constaté que celui-ci était parfois éloquent. On se dit alors qu’il est fondamental qu’une interdiction, ou, plus précisément, un retrait d’autorisation de téléphoner puisse très rapidement intervenir, ne serait-ce que pour préserver la sérénité la plus élémentaire des proches et parfois même de la famille la plus immédiate.

Sur l’amendement n° 28 rectifié de notre collègue Alima Boumediene-Thiery, insérer l’adverbe « régulièrement » ne nous semble pas une précision nécessaire. En effet, le détenu peut appeler sa famille aussi souvent qu’il le souhaite. En pratique, il l’appelle grâce à la carte téléphonique qu’il peut acquérir auprès de l’établissement pénitentiaire. D’ailleurs, dans certains établissements pénitentiaires, des systèmes de gratuité ont été mis en place pour les détenus indigents afin de leur permettre de téléphoner.

Concernant l’amendement n° 29 rectifié, nous avons déjà abordé le même problème dans un amendement précédent. La notion de « proches » à laquelle fait référence l’amendement ne paraît pas suffisamment précise. La commission propose, pour les personnes condamnées, de réserver l’accès au téléphone sans autorisation préalable aux communications avec les seuls membres de la famille. Nous ne sommes pas hostiles à cette différenciation entre la famille et les proches.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

En ce qui concerne l’amendement n° 28 rectifié, l’adverbe proposé n’ajoute rien aux droits dont jouissent les personnes détenues. Aussi, nous sommes défavorables à cet amendement.

Sur l’amendement n° 29 rectifié, le régime des communications téléphoniques, comme celui des visites, pour les membres de la famille du détenu, est un régime favorable puisque ces communications sont de droit, sauf pour des raisons de sécurité.

Le Gouvernement est donc opposé à l’extension du régime favorable dont bénéficient les membres de la famille sur le fondement du droit au respect de la vie privée et familiale, notamment à son extension à la catégorie imprécise des « proches ».

Aujourd’hui, les détenus peuvent communiquer avec toute personne autre que les membres de leur famille, c’est-à-dire avec leurs proches, dès lors que ceux-ci contribuent à préparer leur réinsertion, ce qui est le cas dans la très grande majorité des situations.

En conséquence, nous émettons un avis défavorable sur cet amendement.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote sur l'amendement n° 29 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Il faut déterminer le sens du terme « famille », même si cela peut sembler saugrenu.

Qu’est-ce que la famille ? Pour les frères, les sœurs, les parents, il n’y a pas de problème, nous sommes d’accord. Ensuite, au niveau du couple, il y a les gens mariés ou pacsés ; mais ceux qui ne le sont pas… Font-ils ou non partie de la famille ? Et les enfants nés hors mariage, qui ne sont pas reconnus, appartiennent-ils à la famille ?

Le Gouvernement tend d’ailleurs à élargir cette notion. Si Mme Morano vient de déposer un projet de loi sur le statut des beaux-parents, c’est bien parce que le terme « famille » lui paraît beaucoup trop étroit par rapport à la réalité de la vie actuelle.

Le mot « proches » est beaucoup plus près de la réalité. En conséquence, il faut à tout prix adopter cet amendement n° 29 rectifié !

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Vous avez raison, la notion de « famille » est devenue de plus en plus élargie.

Il existe cependant des actes juridiques comme le PACS ou le mariage. Donc, un lien familial réunit les enfants, les parents et les cousins.

Par ailleurs, nous avons une conception très large de la notion de « famille », mais, si vous souhaitez apporter cette précision, on peut le faire par décret, plutôt que dans la loi.

À titre anecdotique, je citerai cependant le cas de détenus qui changent de petite amie pendant leur incarcération : la nouvelle petite amie est tout de même considérée comme un membre de la famille.

Sourires.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 232, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Dans le deuxième alinéa de cet article, supprimer les mots :

au maintien de l'ordre et de la sécurité ou

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Cet amendement s’inscrit dans la logique de ceux que nous avons déposés sur les autres articles puisqu’il s’agit de supprimer la restriction des droits, en l’occurrence du droit de téléphoner.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

La commission a émis un avis défavorable sur la suppression des critères relatifs à l’ordre et à la sécurité.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Nous avons abordé cette question avec d’autres amendements et nous avions alors émis un avis défavorable. Nous maintenons notre position : avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Comment conserve-t-on une trace des décisions de l’administration pénitentiaire ? Par exemple, lorsqu’elle supprime l’accès d’un détenu au téléphone, cette suppression pourra-t-elle être motivée précisément ?

Le contrôleur général des prisons bénéficiera de l’aide de contrôleurs délégués. Mais si nous n’avons jamais de traces des raisons pour lesquelles l’administration pénitentiaire exerce son droit de suspension, de restriction ou de suppression de droits octroyés aux détenus, comment la situation pourra-t-elle évoluer vers ce que nous souhaitons tous, à savoir le respect des droits élémentaires de la personne, sauf cas de nécessité absolue ?

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 16 est adopté.

Les personnes condamnées et, sous réserve que l'autorité judiciaire ne s'y oppose pas, les personnes prévenues, peuvent correspondre par écrit avec toute personne de leur choix.

Le courrier adressé ou reçu par les détenus peut être contrôlé et retenu par l'administration pénitentiaire lorsque cette correspondance paraît compromettre gravement la réinsertion du détenu ou le maintien de l'ordre et la sécurité. En outre, le courrier adressé ou reçu par les prévenus est communiqué à l'autorité judiciaire selon les modalités qu'elle détermine.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 30 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :

Après le premier alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

Le courrier adressé ou reçu par les détenus est transmis ou remis dans un délai raisonnable et sans altération.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Le droit de correspondance du détenu ne doit pas faire l’objet de restrictions injustifiées et doit préserver le droit du détenu de communiquer avec l’extérieur.

Par cet amendement, nous proposons de préciser que le courrier du détenu est protégé contre toutes les formes de lenteur ou d’altération. En effet, ce sont des restrictions injustifiées au droit de correspondance du détenu.

La question de la lenteur n’est pas illusoire : parfois, la lenteur se transforme même en absence d’acheminement ! On en trouve un exemple dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme puisque dans l’affaire Frérot, la France a été condamnée en raison du refus, par le directeur de Fleury-Mérogis, d’acheminer un courrier de détenu.

La question de la lenteur d’acheminement est également importante lorsqu’il s’agit d’un courrier adressé au greffe d’une juridiction, telle que la Cour européenne des droits de l’homme. Ainsi, le courrier, réapparaît par magie après le délai de forclusion, et le détenu est donc privé de son droit de recours.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’article 3-2 de l’Accord européen concernant les personnes participant aux procédures devant la Cour européenne des droits de l’homme pose le principe de la célérité de transmission des correspondances des détenus.

Pour toutes ces raisons, nous proposons de préciser que le courrier du détenu est transmis ou remis dans un délai raisonnable et sans altération.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

D’une part, nous avons quelques doutes sur le caractère législatif du contenu.

D’autre part, et surtout, la référence à l’absence d’altération du courrier pourrait être contradictoire avec la possibilité d’un contrôle prévue par le second alinéa de l’article 17.

Aussi, l’avis est défavorable.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Le délai de transmission du courrier est lié aux opérations de contrôle du contenu opérées par l’administration pénitentiaire comme par les autorités judiciaires.

Cependant, la situation s’est beaucoup améliorée, les délais de transmission du courrier étant maintenant très raisonnables. Néanmoins, dans certains cas, le courrier reste soumis à des contrôles, il faut donc accorder les délais nécessaires.

En conséquence, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

J’aimerais maintenant répondre à Mme Borvo Cohen-Seat au sujet du refus d’accès au téléphone. Celui-ci peut faire l’objet d’un recours devant le juge administratif. En outre, lorsque les détenus sont écoutés, ils en sont toujours informés. Bien sûr, si au cours de la communication, un détenu donne, par exemple, des modalités d’évasion, la conversation est interrompue.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 32, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du second alinéa de cet article, après le mot :

contrôlé

insérer les mots :

, en présence du détenu,

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Le principe du contrôle du courrier des détenus est régi par le code de procédure pénale dans des termes volontairement flous.

L’article D. 416 de ce code prévoit ainsi que « les lettres de tous les détenus, tant à l’arrivée qu’au départ, peuvent être lues aux fins de contrôle ».

Il n’est donné, volontairement, aucune autre précision sur la nature de ce contrôle ni sur sa régularité. Il en découle une certaine paranoïa, entretenue par l’administration pénitentiaire, sur la réalité de ces contrôles et sur leur fréquence.

Afin de s’assurer de leur fréquence et du caractère fondé d’une retenue, nous proposons que le contrôle soit effectué en présence du détenu. Cela aura pour effet d’éviter les retenues abusives, qui ne sont pas fondées en droit, et de permettre au détenu de savoir immédiatement quel courrier a été contrôlé et éventuellement retenu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 120 rectifié, présenté par M. Anziani et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du second alinéa de cet article, après le mot :

pénitentiaire

insérer les mots :

en présence du détenu

La parole est à M. Alain Anziani.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Cet amendement va dans le même sens que le précédent.

La correspondance est un élément essentiel de la vie d’un détenu. Elle fait l’objet de contrôles et de rétentions pour les motifs énoncés dans le texte.

Je rejoins les propos de ma collègue : évitons une source de crispation inutile ! Le détenu ne doit pas avoir le sentiment, à tort ou à raison, que ce contrôle s’exerce au-delà des critères prévus par les textes.

Si le contrôle prenait la forme d’un échange, c’est-à-dire s’il avait lieu en présence du détenu et non sans le détenu, cela améliorerait peut-être aussi la vie en prison, pour ceux qui contrôlent comme pour ceux qui sont contrôlés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Cette précision selon laquelle le contrôle du courrier devrait avoir lieu en présence du détenu n’a pas du tout convaincu la commission.

Dans la pratique, elle risque en effet de soulever des difficultés. Par ailleurs, contrairement à l’effet recherché, elle pourrait avoir un effet vexatoire. Imaginez la situation, mes chers collègues : je suis l’agent de l’administration pénitentiaire, je me tourne vers le détenu, j’ouvre le courrier, je commence à lire devant lui pour finalement refuser de lui transmettre la lettre en question !

Ce serait aller à l’encontre des objectifs qui sont les vôtres.

En conséquence, nous sommes défavorables aux amendements n° 32 et 120 rectifié.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Pour les mêmes raisons, nous émettons un avis défavorable sur ces deux amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Peut-être les choses pourraient-elles se dérouler d’une manière moins caricaturale.

Ainsi, lors du contrôle, si on décide de retenir le courrier, il faudrait alors aller expliquer les raisons de cette décision au détenu tout en écoutant ses arguments. Cela ne pourrait avoir que des vertus positives.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Imaginez comment les choses pourraient se passer à Fleury-Mérogis, qui est la plus grande prison d’Europe, s’il fallait à chaque contrôle de courrier, aller voir le détenu, lire sa lettre, lui annoncer que telle ou telle partie ne convient pas et que cette lettre ne peut donc pas lui être remise. Cela me semble peu respectueux de la dignité de la personne et matériellement guère faisable. Je ne vois pas ce qu’apporte la présence du détenu lors de la lecture du courrier.

Par ailleurs, nous ne sommes pas là dans une procédure contradictoire, pendant laquelle le détenu peut être amené à s’expliquer sur le contenu des courriers interceptés. C’est non pas à l’administration pénitentiaire mais à l’autorité judiciaire qu’il revient de demander au détenu des explications.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 233, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

À la fin de la première phrase du second alinéa de cet article, supprimer les mots :

ou le maintien de l'ordre et de la sécurité

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Notre amendement a également pour objet de supprimer certaines restrictions aux droits des détenus, en l’occurrence au droit de correspondance. Dans ce domaine, le texte maintient le statu quo, puisqu’il n’apporte aucune amélioration réelle, en ce qui concerne le contrôle du courrier ou sa rétention par l’administration pénitentiaire.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Même avis.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 31 rectifié bis, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Le courrier adressé ou reçu par les détenus dans le cadre de l'exercice de leur défense ne peut être ni contrôlé ni retenu.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Cet amendement a pour objet de préciser que les correspondances du détenu pour l’exercice de sa défense ne doivent en aucun cas être contrôlées ou retenues.

La confidentialité des échanges entre le détenu et son avocat doit être inscrite dans la loi pénitentiaire, car il s’agit d’une garantie fondamentale du droit à un procès équitable.

À ce propos, il convient de préciser que le principe de confidentialité s’applique que l’avocat ait ou non assisté le détenu au cours de son procès. Ce principe découle d’ailleurs d’un rapport de la Commission européenne des droits de l’homme du 1er décembre 1998, dans lequel la France a été condamnée pour avoir appliqué cette discrimination.

Depuis le décret du 13 décembre 2000, le code de procédure pénale prévoit expressément le principe de la confidentialité des correspondances des détenus avec leur avocat. Aussi, nous vous proposons de donner à cette règle une valeur législative.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

La commission estime que les dispositions de l’article D. 69 du code de procédure pénale, qui ne semble pas poser problème aujourd'hui, sont suffisantes. Elle a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Même avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Nonobstant la référence au texte en vigueur de M. le rapporteur, nous voterons en faveur de cet amendement. En effet, nous estimons qu’il est très important d’inscrire dans la loi le droit pour le détenu de communiquer sans aucune restriction avec son avocat.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 33 rectifié bis, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Le courrier transmis au Médiateur de la République ou à toute autre autorité de contrôle des conditions de prise en charge des détenus, ainsi que celui adressé par ces mêmes autorités au détenu, ne peut être ni contrôlé ni retenu.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Cet amendement, procédant de la même idée que l’amendement n° 31 rectifié bis, vise à étendre le bénéfice de la confidentialité des correspondances à celles qui sont échangées avec le Médiateur de la République ou toute autre autorité de contrôle des conditions de prise en charge des détenus.

Cette exigence paraît logique : il n’est pas concevable que le courrier d’un détenu dont l’objet est de décrire les conditions de sa détention puisse être censuré.

La loi doit garantir au détenu la possibilité de communiquer, sous pli fermé et dans la confidentialité la plus totale, avec certaines autorités investies d’un pouvoir de contrôle.

Ainsi en est-il des parlementaires, qui doivent pouvoir recevoir des courriers régulièrement afin de s’assurer des conditions de détention. C’est d’ailleurs un préalable nécessaire à toute saisine du Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

Nous vous proposons donc d’inscrire dans la loi que la correspondance du détenu avec le Médiateur de la République ou toute autre autorité chargée du contrôle des lieux de privation de liberté est confidentielle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Ma chère collègue, la commission ne souhaite pas se livrer à cette énumération, où pourraient figurer le Médiateur de la République et ses délégués, les parlementaires, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté et ses délégués. À ses yeux, celle-ci semble relever non pas du domaine de la loi mais du domaine du règlement. La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Même avis.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 34 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Lorsque l'administration pénitentiaire décide de retenir le courrier d'un détenu, elle lui notifie sa décision.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Cet amendement a pour objet d’inscrire dans la loi pénitentiaire une règle prévue par la circulaire du 19 décembre 1986.

Cette circulaire exige que le détenu soit informé de la rétention d’un courrier et de ses motifs. Or, dans la pratique, la notification d’une retenue n’est pas automatique – elle est même rare –, alors que c’est elle qui permet au détenu d’exercer un recours pour faire contrôler les motifs de la retenue.

La notification est le point de départ de tout recours, qu’il soit hiérarchique, c’est-à-dire exercé auprès du chef d’établissement, ou contentieux, devant le tribunal administratif.

Nous vous proposons de mettre noir sur blanc dans la loi la règle de la notification de toute retenue de courrier au détenu, de manière à garantir un contrôle automatique des retenues par les voies de droit existantes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

La commission a estimé que la préoccupation de Mme Boumediene-Thiery était tout à fait fondée et qu’il était indispensable que le détenu soit informé si son courrier n’a pas pu lui être distribué. Elle a donc émis un avis favorable sur cet amendement, même si elle est bien consciente que cette disposition devrait plutôt relever du domaine règlementaire.

Si la commission était certaine que cette disposition allait être prise par décret, elle pourrait se ranger à l’opinion du Gouvernement. En tout état de cause, il lui importe que cette préoccupation soit satisfaite.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Cette exigence de notification est légitime, mais elle est déjà satisfaite par l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979, aux termes duquel les personnes physiques sont informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent, lesquelles sont motivées. Cette mesure est déjà applicable aux détenus et à l’administration pénitentiaire. Aussi, le Gouvernement estime qu’il n’est pas nécessaire de prévoir cette disposition dans la loi pénitentiaire. Comme M. le rapporteur vient de le dire, une telle disposition peut être prise par décret, puisqu’elle relève non pas du domaine de la loi, mais bien du domaine réglementaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Dans ces conditions, je laisse juge notre collègue Boumediene-Thiery de l’opportunité de retirer son amendement au vu des explications apportées par Mme le garde des sceaux. Si tel n’est pas le cas, la commission des lois, qui a donné un avis favorable sur son amendement, le votera.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Madame Boumediene-Thiery, l'amendement n° 34 rectifié est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

J’estime qu’il est préférable d’inscrire dans la loi la garantie de notification, qui, je le rappelle, est le point de départ obligatoire de tout recours.

L'amendement est adopté.

L'article 17 est adopté.

Les détenus doivent consentir par écrit à la diffusion ou à l'utilisation de leur image ou de leur voix lorsque cette diffusion ou cette utilisation est de nature à permettre leur identification.

L'administration pénitentiaire peut s'opposer à la diffusion ou à l'utilisation de l'image ou de la voix d'une personne condamnée, dès lors que cette diffusion ou cette utilisation permet son identification et que cette restriction s'avère nécessaire à la sauvegarde de l'ordre public, à la prévention des infractions, à la protection des droits des victimes ou de ceux des tiers ainsi qu'à la réinsertion du détenu. Pour les prévenus, la diffusion et l'utilisation de l'image ou de la voix sont autorisées par l'autorité judiciaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 36 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du second alinéa de cet article, après les mots :

d'une personne condamnée,

insérer les mots :

par décision motivée intervenant avant ladite diffusion ou utilisation,

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Cet amendement est relatif à la censure dont peut faire l’objet un détenu dans l’exercice de sa liberté d’expression.

En effet, l’article 18 prévoit qu’un détenu n’a pas la libre disposition de son image ou de sa voix et qu’il ne peut communiquer avec des journalistes qu’avec l’accord de l’administration pénitentiaire.

Pour les mêmes raisons que pour la censure des correspondances, il est nécessaire que toute interdiction de communication avec l’extérieur soit notifiée au détenu et, surtout, justifiée.

Nous vous proposons donc de prévoir que toute interdiction de diffusion ou d’utilisation de l’image ou de la voix d’un détenu doit être motivée en droit comme en fait.

Il convient en effet d’appliquer les mêmes règles à ce type d’informations qu’en ce qui concerne le contrôle des correspondances et qu’elles aient les mêmes effets : la possibilité pour le juge de contrôler le caractère abusif de l’interdiction.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

L’opposition de l’administration pénitentiaire à l’utilisation par un détenu de son image ou de sa voix est strictement et minutieusement encadrée par le projet de loi. Il n’a pas semblé nécessaire à la commission de prévoir une motivation spéciale. L’avis sur cet amendement est donc défavorable.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Même avis.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 37 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :

À la fin de la première phrase du second alinéa de cet article, supprimer les mots :

ainsi qu'à la réinsertion du détenu

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Les restrictions au droit du détenu de communiquer avec l’extérieur, y compris avec la presse, doivent être d’interprétation stricte.

Les règles pénitentiaires nous fournissent un cadre précis concernant les justifications possibles au droit des détenus de communiquer avec les médias : la règle pénitentiaire européenne 24.12 prévoit en effet que des limitations peuvent être adoptées « au nom de la sécurité et de la sûreté, de l’intérêt public ou de la protection des victimes, des autres détenus et du personnel ».

Il n’est fait référence nulle part à la réinsertion du détenu. Il s’agit d’un critère trop vague, qui ne manquera pas de justifier des censures abusives. En effet, tout peut être contraire à la réinsertion d’un détenu. Ainsi, le fait même de s’exprimer est un obstacle à sa réinsertion puisqu’il est exposé et sort de l’anonymat.

Dans ce cas, ce critère devient un critère fourre-tout, qui justifiera les censures les plus injustifiées.

Nous vous proposons de supprimer ce critère afin d’éviter que le détenu ne subisse une censure injustifiée dans l’exercice de son droit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Pour la commission, la restriction tenant à l’objectif de réinsertion au droit à l’utilisation par le détenu de son image ou de sa voix peut être utile. Elle est d’ailleurs retenue dans plusieurs autres articles, notamment celui qui concerne le droit de visite. L’avis est donc défavorable.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Même avis pour les mêmes raisons.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 35 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

L'alinéa précédent n'exclut pas la possibilité, pour le prévenu, d'exercer son droit à la protection de son image mentionné au I de l'article 35 ter de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Lorsqu’on examine l’article 18 du projet de loi, on constate que le droit du détenu de communiquer avec les médias n’est envisagé que de manière négative. Seul le premier alinéa permet d’entrevoir une esquisse d’un droit à l’image du détenu, même si l’alinéa suivant le réduit à néant.

Notre amendement concerne le droit à l’image des prévenus. En effet, l’article 35 ter de la loi du 15 juin 2000 a intégré dans notre droit un principe visant à garantir le respect de la présomption d’innocence des prévenus dans la presse, en sanctionnant toute utilisation de l’image d’un prévenu sans son consentement.

Nous vous proposons d’intégrer dans la loi pénitentiaire ce principe, qui permet d’ailleurs aux prévenus, comme le démontre une jurisprudence foisonnante, de revendiquer le droit au respect de leur image devant les juridictions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Cet amendement est redondant. En effet, le premier alinéa de l’article 18 contient déjà cette garantie.

La commission a donc émis un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Je rappelle que les dispositions de la loi du 29 juillet 1881 s’appliquent. Cet amendement est donc inutile.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 18 est adopté.

Tout détenu a droit à la confidentialité de ses documents personnels. Ces documents peuvent être confiés au greffe de l'établissement qui les met à la disposition de la personne concernée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 121, présenté par M. Anziani et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :

Les documents mentionnant le motif d'écrou du détenu sont, dès l'arrivée des détenus, obligatoirement confiés au greffe.

La parole est à M. Alain Anziani.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

L’adoption de cet amendement pourrait avoir des conséquences très importantes pour la vie des détenus. Je pense plus particulièrement à ceux qui sont incarcérés pour des délits ou des crimes sexuels.

Je suis favorable à l’article 18 bis, mais je souhaite aller plus loin. En effet, si la remise des documents reste une simple possibilité, nous risquons d’avoir affaire à deux catégories de détenus : ceux qui laisseront au greffe les documents mentionnant le motif d’écrou et ceux qui les emporteront avec eux en cellule. Celui qui laissera ces documents au greffe risque donc d’être immédiatement stigmatisé par les autres détenus. Pourquoi ne souhaite-t-il pas les garder avec lui, pourquoi ne veut-il pas que les autres puissent les consulter ? Or on sait le sort qui peut parfois être réservé aux délinquants ou aux criminels sexuels en prison.

Il me semble beaucoup plus sage que les documents mentionnant le motif d’écrou de tous les détenus soient obligatoirement confiés au greffe, où chacun pourra librement consulter son dossier. Cet amendement conforte donc le texte de la commission en apportant une garantie supplémentaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

La commission est tout à fait en phase avec l’amendement de M. Anziani. Je me souviens en effet d’un meurtre lié à la découverte par le codétenu qu’il partageait sa cellule avec un « pointeur », comme on dit dans le milieu carcéral.

Cet amendement conforte donc le nouveau droit introduit par la commission concernant la confidentialité des documents personnels du détenu. En effet, certains ne mesurent pas les conséquences qu’aurait la découverte par leur codétenu de leur dossier judiciaire. L’obligation de remettre au greffe dès leur arrivée des documents mentionnant le motif d’écrou permettra de renforcer leur protection.

La commission a donc émis un avis favorable.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Pour les mêmes raisons que la commission, le Gouvernement émet un avis favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Excellente explication de vote !

Sourires.

L'amendement est adopté.

L'article 18 bis est adopté.

Les détenus ont accès aux publications écrites et audiovisuelles. Toutefois, l'autorité administrative peut interdire l'accès des détenus aux publications contenant des menaces graves contre la sécurité des personnes et des établissements ou des propos ou signes injurieux ou diffamatoires à l'encontre des agents et collaborateurs du service public pénitentiaire ainsi que des personnes détenues.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 64 rectifié est présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani.

L'amendement n° 122 est présenté par M. Anziani et les membres du groupe Socialiste et apparentés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer la seconde phrase de cet article.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l’amendement n° 64 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Cet amendement vise à supprimer les restrictions imposées par cet article au droit de recevoir des informations.

Le droit de recevoir des informations fait partie intégrante du droit à la liberté d’expression. Il ne peut donc souffrir d’aucune des restrictions rigoureuses contenues dans le projet de loi.

En effet, le droit des détenus de lire le journal ou de regarder la télévision est le seul contact dont ils bénéficient avec l’extérieur. Cette fenêtre vers l’extérieur doit être préservée de toute censure. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : l’article 19 organise une censure intolérable !

Telles sont les raisons pour lesquelles nous proposons de supprimer la seconde phrase de l’article 19.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. Alain Anziani, pour présenter l'amendement n° 122.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Supprimer les restrictions va de soi. En effet, le droit commun interdit déjà qu’un certain nombre de publications contiennent des propos injurieux ou diffamatoires.

Mme le garde des sceaux ne peut pas s’opposer à nos amendements pour une raison simple : il y a quelques minutes, elle a justifié l’inutilité de l’amendement n° 35 rectifié par l’existence de la loi de 1881. Or ce texte s’applique aussi ici, puisqu’il prévoit un certain nombre d’interdictions qui rendent tout à fait inutiles les précisions apportées dans la seconde phrase de l’article 19.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 41 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :

Dans la seconde phrase de cet article, après le mot :

graves

insérer les mots :

et précises

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Il s’agit d’un amendement de repli.

À défaut de supprimer la seconde phrase de cet article, il faut encadrer les restrictions au droit des détenus de recevoir les informations aux seuls cas de menaces graves et précises. Ce critère de précision des menaces figure déjà dans le code de procédure pénale en ce qui concerne la retenue des courriers des détenus. Nous proposons donc de le transposer à l’article 19 afin de garantir que la simple gravité des menaces ne puisse justifier à elle seule une censure.

Ce critère permet en outre de s’assurer que seules des menaces précises, c’est-à-dire celles qui visent une personne en particulier, peuvent justifier les restrictions au droit du détenu de s’informer.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Les restrictions à l’accès aux publications écrites et audiovisuelles ont été encadrées par la commission. Il nous semble qu’elles peuvent être justifiées, y compris, comme l’a prévu la commission, pour interdire les publications contenant des propos injurieux ou diffamatoires à l’encontre des personnes détenues.

Prenons l’amendement n° 121, qui vient d’être adopté par le Sénat, à l’unanimité, je crois. Si une publication contient une stigmatisation, notamment en direction d’un délinquant sexuel, nous perdrons le bénéfice de cette mesure.

Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur les amendements n° 64 rectifié et 122.

Quant à l’amendement n° 41 rectifié, la référence aux menaces graves paraît encadrer suffisamment l’appréciation de l’administration pénitentiaire.

La commission a donc également émis un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

L’article 19 élève au niveau législatif les restrictions susceptibles d’être apportées à l’accès aux publications écrites et audiovisuelles.

L’objectif est d’encadrer l’action de l’administration pénitentiaire, de garantir la bonne exécution de l’accès aux publications et de concilier le respect des droits des détenus avec les impératifs liés au maintien du bon ordre et de la sécurité dans l’établissement.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable aux amendements n° 64 rectifié et 122.

Sur l’amendement n° 41 rectifié, je rejoins tout à fait les arguments avancés par M. le rapporteur.

Le texte de la commission comble un vide législatif et dote désormais l’administration pénitentiaire d’un outil qui lui faisait défaut.

L’article D. 444 du code de procédure pénale, qui vise les publications contenant des menaces précises contre la sécurité des personnes ou celle des établissements pénitentiaires, est désormais inadapté. La rédaction de la commission, qui fait référence à des « menaces graves », est amplement suffisante. D’ailleurs, quand des menaces sont graves, c’est qu’elles sont précises.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Je mets aux voix les amendements identiques n° 64 rectifié et 122.

Les amendements ne sont pas adoptés.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 19 est adopté.

L'administration pénitentiaire doit assurer à chaque personne détenue une protection effective de son intégrité physique en tous lieux collectifs et individuels.

Même en l'absence de faute, l'État est tenu de réparer le dommage résultant du décès provoqué, au sein d'un établissement pénitentiaire, par l'agression d'une personne détenue.

Lorsqu'une personne détenue s'est donné la mort, l'administration pénitentiaire informe immédiatement sa famille ou ses proches des circonstances dans lesquelles est intervenu le décès et facilite, à leur demande, les démarches qu'ils peuvent être conduits à engager.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Il a paru indispensable à la commission que soit rappelée dans la loi l’obligation pour l’administration pénitentiaire d’assurer à chaque personne détenue une protection effective de son intégrité physique en tous lieux, collectifs ou individuels.

Au-delà de l’affirmation de ce principe, parce que l’on pourrait nous reprocher de ne pas être concrets, la commission a souhaité en tirer les conséquences de manière plus précise.

D’une part, elle a introduit une responsabilité sans faute de l’État pour les décès intervenus en prison à la suite d’une agression par un détenu. Le cas se produit rarement – et c’est heureux ! –, mais il signale un manquement très grave de l’État à ses obligations.

Aucun personnel n’est décédé dans ces circonstances depuis 1992, mais, en 2007, deux détenus sont morts du fait de violences commises par leur codétenu. En outre, il y a quelques jours, un drame de ce genre s’est déroulé à Lannemezan.

Monsieur le président de la commission des lois, une fois n’est pas coutume, notons que la commission des finances nous a épargnés sur ce point.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

D’autre part, en cas de suicide d’une personne détenue, la commission a souhaité assigner à l’administration pénitentiaire l’obligation d’informer immédiatement sa famille et ses proches et, si ceux-ci le souhaitent, de faciliter autant que possible leurs démarches. En effet, comme l’a souligné le professeur Jean-Jacques Dupeyroux lors de son audition, les familles des détenus se heurtent parfois au silence de l’administration, ce qui ne peut qu’aggraver leur désarroi.

Le suicide d’un détenu est un drame pour sa famille. C’est aussi un drame pour le personnel pénitentiaire. Mais ne soyons pas naïfs, ces situations se reproduiront encore, malheureusement. Il faut donc que tout soit fait pour aider les familles.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Il s’agit d’un très bon article, qui montre d’ailleurs tout l’apport de la commission des lois et de son rapporteur. Dans le texte initial en effet, ce droit n’était pas consacré.

Cette rédaction a eu la chance de passer la barrière de la commission des finances. Mon amendement, quant à lui, a été frappé en plein vol par l’article 40.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

J’en parle, parce que je trouve absurde que l’on ne puisse pas écrire « résultant du décès ou de séquelles ».

Le fait que, même en l’absence de faute, l’État est tenu de réparer le dommage résultant du décès provoqué par l’agression d’une personne détenue est une très bonne chose. Mais pourquoi, dans la même prison, au sein de la même cellule, un détenu qui perd la vue, par exemple, à cause de ses codétenus ne peut-il obtenir réparation ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 38 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa de cet article, après les mots :

protection effective

insérer les mots :

de sa dignité et

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

À mon sens, l’article 19 bis est l’un des plus importants du projet de loi. Nous le devons d’ailleurs à l’audace de notre rapporteur, et nous soutiendrons son adoption.

La responsabilité sans faute qui est instituée est à certains égards une révolution juridique importante et bienvenue, même si je regrette que cette responsabilité ne soit pas étendue aux cas de suicides, puisque la protection du droit à la vie des détenus constitue également une obligation positive de l’État au regard de la Convention européenne des droits de l’homme.

Mon amendement a pour objet de compléter le premier alinéa de cet article en y intégrant, une fois de plus, le respect de la dignité du détenu. La dignité, cette fameuse notion qui fait si peur…

Je suis consciente que nous aurons beaucoup de peine à faire respecter cette exigence et que l’administration croulera sous les condamnations si un tel principe est reconnu, mais je ne désespère pas qu’un jour la dignité du détenu soit enfin respectée dans ces lieux.

La dignité des détenus ne sera pas respectée tant que le problème de la surpopulation carcérale ne sera pas réglé une bonne fois pour toutes. En attendant, la France est sous le spectre permanent d’une condamnation par la Cour européenne des droits de l’homme en raison des conditions déplorables de prise en charge des détenus.

Mes chers collègues, si nous ne posons pas une nouvelle fois le principe du respect de la dignité du détenu, nous passerons à côté de l’essentiel. En effet, ce principe est le moteur de toute politique pénitentiaire qui se prétend respectueuse des droits des détenus, car il en est la source fondamentale. Tous les droits des détenus découlent de ce principe.

Je ne répéterai pas ce que j’ai déjà dit à son sujet depuis le début de l’examen de ce texte. Je vous invite à faire preuve de courage : le courage d’accepter que nos prisons ne soient plus les mouroirs de la République, le courage de mettre un terme aux traitements inhumains et dégradants dont sont victimes les détenus, le courage de ne pas attendre encore cinq ans avant que le principe d’encellulement individuel entre vigueur et que la dignité des détenus soit enfin respectée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

La commission a estimé qu’il fallait garder à l’article 19 bis son objet précis, qui est la sécurité des personnes détenues.

En outre, le respect de la dignité des personnes est couvert par l’article 1er et désormais par l’article 10 du projet de loi, que nous avons modifié hier en ce sens.

C’est pourquoi la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettrait un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

L’article 19 bis est important, mais je ne peux pas laisser dire que sans cet article l’administration pénitentiaire n’a rien fait en la matière.

Il faut rendre justice à l’administration pénitentiaire, qui a toujours réalisé toutes les démarches pour prévenir les familles et les proches en cas de décès. Pour les cas les plus dramatiques, bien sûr, le choc est tel qu’il peut parfois se produire un léger délai dans l’information des familles.

Par ailleurs, l’administration pénitentiaire ne connaît pas toujours l’environnement du détenu ; elle ne sait pas qui prévenir ou les coordonnées des intéressés ne sont pas à jour. Je pense notamment au récent décès d’un détenu dont l’administration ne connaissait pas le nom de la dernière petite amie.

Jusqu’à présent, l’administration pénitentiaire a toujours fait tout ce qui était en son pouvoir pour prévenir les familles et les proches lorsque survient un décès.

Je ne peux pas non plus laisser dire que les prisons sont des mouroirs ; ce n’est pas acceptable. Ainsi, le nombre de personnes décédées de mort violente en détention a été de deux en 2004, cinq en 2005, trois en 2006, deux en 2007, trois en 2008 et deux en 2009.

Ne caricaturons pas la situation dans les prisons ! Nous sommes tous d’accord pour améliorer les conditions de détention des personnes privées de liberté, mais il faut aussi reconnaître l’action de l’administration pénitentiaire pour éviter, justement, que les prisons ne deviennent des mouroirs.

J’en viens à l’amendement n° 38 rectifié. Le droit, pour toute personne détenue, au respect de sa dignité est désormais inscrit dans l’article 10 du projet de loi, que nous avons rédigé de manière consensuelle, hier, au terme d’un débat approfondi.

La notion de dignité ne nous effraie pas, elle n’effraie pas non plus l’administration pénitentiaire. Le principe du respect de la dignité de la personne détenue est déjà inscrit dans le texte, et ce dans plusieurs articles.

Mme Alima Boumediene-Thiery fait un signe de dénégation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Madame la ministre, vous dites que la prison n’est pas un mouroir, mais elle l’est parfois puisque des détenus en fin de vie restent en prison, ce qui est pourtant contraire aux dispositions de la loi Kouchner.

Quant aux suicides en prison, ils sont nombreux, comme en témoigne l’actualité récente. Nul n’ignore qu’il existe de graves risques de suicide dans les établissements pénitentiaires.

Je ne dis pas que les suicides sont dus à l’administration pénitentiaire, qui n’est pas responsable du caractère suicidaire d’une personne, mais le passage à l’acte est facilité par le défaut de prise en charge des détenus sur le plan psychologique, ou par l’ignorance de leur état, comme ce fut le cas récemment à Nanterre, situation que ma collègue Brigitte Gonthier-Maurin évoquera peut-être cet après-midi. Les carences dans la prise en charge psychologique du détenu, en particulier celle des arrivants, nouveaux ou récidivistes, favorise le passage à l’acte.

La Défenseure des enfants estime que le suicide des mineurs est quarante fois plus élevé en prison que dans la population des jeunes en général. Il y a bien une raison. L’administration pénitentiaire devrait être en mesure d’éviter le passage à l’acte.

Nous attendons les conclusions du rapport Albrand sur la prévention du suicide en prison. Il semble cependant avéré que le placement en quartier disciplinaire pousse au passage à l’acte. Il a été envisagé, pour y remédier, d’attribuer des vêtements et des draps en papier : ce n’est pas ainsi que l’on résoudra sérieusement le problème !

L’action de l’administration pénitentiaire est importante dans la prévention du passage à l’acte, encore faut-il lui en donner les moyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Madame la ministre, vous avez la fâcheuse manie de m’opposer à l’administration pénitentiaire. Or ce n’est pas le cas, vous le savez bien. Je me rends souvent en prison et j’ai de très bonnes relations avec les agents. Je vous prie donc de ne pas caricaturer ainsi ma position.

J’y insiste, la notion de responsabilité sans faute est une véritable révolution juridique, que nous devons à notre commission.

Vous nous dites que les prisons ne sont pas des mouroirs. Mais, s’il y a de moins en moins de décès en prison, c’est tout simplement parce que les détenus agonisants sont évacués à l’hôpital. C’est l’administration pénitentiaire elle-même qui me l’a signalé.

Je tiens également à souligner que la mention du respect de la dignité des personnes détenues ne figure pas plusieurs fois dans le texte, mais une seule fois, à l’issue de la bataille que nous avons menée hier à l’article 10. Une seconde occurrence ne serait pas de trop !

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Vous avez raison de le souligner, madame Borvo Cohen-Seat, l’administration pénitentiaire doit œuvrer de plus en plus à la prévention du suicide en prison. Elle le fait avec les moyens dont elle dispose, en formant les personnels qui passent du temps avec les détenus, et ce dans des conditions de plus en plus difficiles. Elle ne saurait toutefois être tenue pour responsable des suicides.

Je tiens à souligner que des efforts sans précédent ont été accomplis en matière de santé en prison ces dernières années. La loi de 1998 instituant le principe des soins en prison fut une avancée, je le reconnais, mais elle a été votée sans les crédits nécessaires. Pour notre part, nous avons augmenté le nombre de médecins coordonnateurs en matière de suivi socio-judiciaire.

En matière de santé, nous avons également créé des hôpitaux-prisons, alors que le sujet était nié depuis des années. Une capacité d’une centaine de places est prévue d’ici à la fin de l’année 2009 ; elle devrait atteindre 710 places à l’horizon 2011-2012.

Par conséquent, nous faisons tout ce que nous pouvons pour prévenir les suicides et améliorer la prise en charge des détenus atteints de troubles, mais nous ne pouvons pas rattraper en quelques mois le retard qui a été accumulé pendant des années.

S'agissant du suicide des mineurs et des jeunes, pour lequel nous détenions quasiment le record en Europe, peut-être convient-il de s’interroger à l’échelle de la société tout entière ? Les problèmes sont bien sûr aggravés en milieu fermé.

Le taux de suicide a néanmoins fortement diminué, notamment en quartier disciplinaire – je vous ai cité les chiffres hier. Comme vous le savez, j’ai autorisé, par décret, les visites des familles dans les quartiers disciplinaires – ce qui n’avait donc pas été fait avant –, en particulier afin de prévenir les suicides. Nous devons en effet éviter qu’en prison des mineurs âgés de treize ou quatorze ans ne voient pas leurs familles pendant plusieurs mois. Nous devons favoriser le maintien des liens familiaux. Nous en donnons désormais les moyens à l’administration pénitentiaire.

Madame Boumediene-Thiery, je ne vous oppose pas à l’administration pénitentiaire, avec laquelle, je le sais, vous entretenez de bons rapports. Je vous ai ainsi donné l’occasion de le souligner et de dire tout votre attachement à l’excellent travail qui est réalisé en faveur des personnes détenues.

Sourires.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.