Madame la Présidente, Monsieur le rapporteur, mes chers collègues. En préambule, je vous remercie de nous accueillir dans vos murs pour notre première commission mixte paritaire de la législature, première sans doute d'une très longue série.
Jeudi dernier, au terme de quatre jours de débat, le Sénat a adopté le projet de loi d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social. En commission puis en séance publique, 68 amendements ont été adoptés : nous avons souhaité imprimer notre marque sur ce texte, dont nous partageons la philosophie, en nous inscrivant dans la continuité des travaux conduits par notre assemblée depuis 2014.
Cette loi se situe dans le prolongement de réformes portant sur le droit du travail menées depuis 2012 et elle tient compte de nombreuses préoccupations exprimées par le Sénat ces dernières années, mais qui n'avaient pas eu l'heur de convenir à la précédente majorité gouvernementale. Je pense par exemple à la rationalisation des institutions représentatives du personnel ou à la création d'un référentiel obligatoire pour fixer les indemnités en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Ce projet de loi ne répond toutefois pas à toutes nos attentes. Il laisse de côté plusieurs sujets essentiels pour le développement des entreprises et de 1'emploi, à 1'instar de la fixation de la durée hebdomadaire de travail, du temps partiel et des seuils sociaux. Néanmoins, nous n'avons pas souhaité les introduire dans ce texte afin de rester dans le périmètre des habilitations demandées par le Gouvernement. Les travaux du Sénat ont donc visé à encadrer et à préciser ces dernières.
Je ne vais pas énumérer l'ensemble des modifications apportées par le Sénat au texte. Je souhaite me concentrer sur celles qui me semblent les plus importantes et qui poursuivent un but unique : moderniser les règles du dialogue social au profit des entreprises et des salariés et tenir compte des contraintes spécifiques qui pèsent sur les petites entreprises.
Ainsi, à l'article 1er, nous avons harmonisé le motif de licenciement des salariés refusant l'application d'un accord collectif et voulu faciliter la conclusion d'accords d'entreprise dans celles dépourvues de délégué syndical.
Afin de ne pas bloquer le dialogue social dans les entreprises, nous nous sommes opposés à l'accélération de la généralisation des accords majoritaires, tout en rétablissant les règles de validité des accords antérieures à la loi « Travail ».
Nous avons approuvé la création d'une instance unique de représentation du personnel à l'article 2, tout en précisant ses modalités de fonctionnement. Nous avons ainsi fixé à trois le nombre maximal de mandats successifs de ses membres, sauf exceptions prévues par la loi. Nous avons également renforcé la transparence de ses comptes ainsi que les règles de concurrence en cas de recours à l'expertise.
Nous avons en la matière voulu aller plus loin que le Gouvernement dans le sens de la simplification et avons conféré de droit à cette instance la compétence de négociation des accords d'entreprise, sauf accord majoritaire contraire.
À l'article 3, nous avons posé le principe selon lequel, lorsqu'une entreprise appartient à un groupe international, toute cause économique d'un licenciement doit s'apprécier dans un périmètre national. Nous avons toutefois laissé au Gouvernement la possibilité de déterminer d'éventuels aménagements à cette règle.
Grâce à nos collègues, le projet de loi prend mieux en compte la situation et les besoins des travailleurs handicapés. Sur proposition du Gouvernement, le texte a également été enrichi dans plusieurs domaines. Je pense notamment à la suppression de la condition d'ancienneté minimale d'un an pour bénéficier des indemnités légales de licenciement et à la sécurisation juridique des transferts conventionnels.
Les apports du Sénat au projet de loi ne préemptent aucunement les conclusions de la concertation engagée par le Gouvernement avec les partenaires sociaux, dont la première phase s'est officiellement achevée il y a dix jours. Je n'ignore pas que le dialogue va se poursuivre jusqu'à la publication des ordonnances, mais le Parlement doit pleinement jouer son rôle de législateur. La démocratie politique ne doit pas s'effacer devant la démocratie sociale.
Bien que n'appartenant pas à la majorité présidentielle, je souhaite sincèrement le succès de cette réforme, indispensable pour adapter notre droit social aux évolutions de notre économie et aux attentes des employeurs et des salariés. Je forme donc le voeu que notre CMP aboutisse. Les échanges constructifs que j'ai eus avec mon homologue Laurent Pietraszewski, que je tiens ici à saluer, sont en ce sens de très bon augure.