Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande de M. le Premier ministre, une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social, texte adopté par l'Assemblée nationale le 13 juillet dernier et par le Sénat le 27 juillet, s'est réunie à l'Assemblée nationale le lundi 31 juillet 2017.
La commission mixte paritaire procède à la désignation de son bureau, ainsi constitué :
Brigitte Bourguignon, députée, présidente ;
Philippe Mouiller, sénateur, vice-président ;
Laurent Pietraszewski, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale ;
Alain Milon, sénateur, rapporteur pour le Sénat.
La commission mixte paritaire procède ensuite à l'examen des articles restant en discussion.
Comme toutes les commissions mixtes paritaires, celle-ci a pour but d'essayer de dégager un texte commun entre nos deux assemblées. J'ai l'espoir qu'entre les représentants du Sénat, « chambre d'apaisement », selon le propos du président Milon, et ceux d'une Assemblée nationale dont nos collègues sénateurs apprendront rapidement à connaître le pragmatisme, nous débouchions effectivement sur un texte commun pour cette première CMP de la législature.
Je vais maintenant donner la parole à Philippe Mouiller, puis à nos rapporteurs.
Merci, Madame la Présidente. Le Sénat a disposé d'un peu plus de temps que l'Assemblée pour examiner ce texte et a apporté plus d'une cinquantaine de modifications en commission et en séance publique, dont la majorité en commission des affaires sociales. Parmi ces modifications, une quinzaine ont été adoptées à l'initiative du Gouvernement qui a souhaité préciser ou compléter la portée de son texte initial, s'agissant en particulier des conditions requises pour bénéficier des indemnités légales de licenciement.
À mon sens, le Sénat a approuvé un texte qui a simplifié l'environnement juridique des entreprises, qui trop souvent entrave leur développement et celui de l'emploi. Le texte de notre chambre a voulu réaffirmer ses positions déjà exprimées à l'occasion des examens des lois dites « Macron », « Rebsamen » ou « El Khomri », notamment s'agissant de la rationalisation des institutions représentatives du personnel, de la reconnaissance juridique des accords de flexisécurité, de la création d'un référentiel obligatoire pour fixer les indemnités en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, ou de la simplification du compte personnel de prévention de la pénibilité.
M. Milon, je vous cède la parole en tant que rapporteur de l'assemblée dont est issu le dernier texte.
Madame la Présidente, Monsieur le rapporteur, mes chers collègues. En préambule, je vous remercie de nous accueillir dans vos murs pour notre première commission mixte paritaire de la législature, première sans doute d'une très longue série.
Jeudi dernier, au terme de quatre jours de débat, le Sénat a adopté le projet de loi d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social. En commission puis en séance publique, 68 amendements ont été adoptés : nous avons souhaité imprimer notre marque sur ce texte, dont nous partageons la philosophie, en nous inscrivant dans la continuité des travaux conduits par notre assemblée depuis 2014.
Cette loi se situe dans le prolongement de réformes portant sur le droit du travail menées depuis 2012 et elle tient compte de nombreuses préoccupations exprimées par le Sénat ces dernières années, mais qui n'avaient pas eu l'heur de convenir à la précédente majorité gouvernementale. Je pense par exemple à la rationalisation des institutions représentatives du personnel ou à la création d'un référentiel obligatoire pour fixer les indemnités en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Ce projet de loi ne répond toutefois pas à toutes nos attentes. Il laisse de côté plusieurs sujets essentiels pour le développement des entreprises et de 1'emploi, à 1'instar de la fixation de la durée hebdomadaire de travail, du temps partiel et des seuils sociaux. Néanmoins, nous n'avons pas souhaité les introduire dans ce texte afin de rester dans le périmètre des habilitations demandées par le Gouvernement. Les travaux du Sénat ont donc visé à encadrer et à préciser ces dernières.
Je ne vais pas énumérer l'ensemble des modifications apportées par le Sénat au texte. Je souhaite me concentrer sur celles qui me semblent les plus importantes et qui poursuivent un but unique : moderniser les règles du dialogue social au profit des entreprises et des salariés et tenir compte des contraintes spécifiques qui pèsent sur les petites entreprises.
Ainsi, à l'article 1er, nous avons harmonisé le motif de licenciement des salariés refusant l'application d'un accord collectif et voulu faciliter la conclusion d'accords d'entreprise dans celles dépourvues de délégué syndical.
Afin de ne pas bloquer le dialogue social dans les entreprises, nous nous sommes opposés à l'accélération de la généralisation des accords majoritaires, tout en rétablissant les règles de validité des accords antérieures à la loi « Travail ».
Nous avons approuvé la création d'une instance unique de représentation du personnel à l'article 2, tout en précisant ses modalités de fonctionnement. Nous avons ainsi fixé à trois le nombre maximal de mandats successifs de ses membres, sauf exceptions prévues par la loi. Nous avons également renforcé la transparence de ses comptes ainsi que les règles de concurrence en cas de recours à l'expertise.
Nous avons en la matière voulu aller plus loin que le Gouvernement dans le sens de la simplification et avons conféré de droit à cette instance la compétence de négociation des accords d'entreprise, sauf accord majoritaire contraire.
À l'article 3, nous avons posé le principe selon lequel, lorsqu'une entreprise appartient à un groupe international, toute cause économique d'un licenciement doit s'apprécier dans un périmètre national. Nous avons toutefois laissé au Gouvernement la possibilité de déterminer d'éventuels aménagements à cette règle.
Grâce à nos collègues, le projet de loi prend mieux en compte la situation et les besoins des travailleurs handicapés. Sur proposition du Gouvernement, le texte a également été enrichi dans plusieurs domaines. Je pense notamment à la suppression de la condition d'ancienneté minimale d'un an pour bénéficier des indemnités légales de licenciement et à la sécurisation juridique des transferts conventionnels.
Les apports du Sénat au projet de loi ne préemptent aucunement les conclusions de la concertation engagée par le Gouvernement avec les partenaires sociaux, dont la première phase s'est officiellement achevée il y a dix jours. Je n'ignore pas que le dialogue va se poursuivre jusqu'à la publication des ordonnances, mais le Parlement doit pleinement jouer son rôle de législateur. La démocratie politique ne doit pas s'effacer devant la démocratie sociale.
Bien que n'appartenant pas à la majorité présidentielle, je souhaite sincèrement le succès de cette réforme, indispensable pour adapter notre droit social aux évolutions de notre économie et aux attentes des employeurs et des salariés. Je forme donc le voeu que notre CMP aboutisse. Les échanges constructifs que j'ai eus avec mon homologue Laurent Pietraszewski, que je tiens ici à saluer, sont en ce sens de très bon augure.
M. Pietraszewski, vous avez la parole.
Madame la Présidente, Monsieur le Président, mes chers collègues. L'examen du projet de loi par le Sénat a permis de compléter utilement, à de nombreuses reprises, le projet de loi d'habilitation que notre Assemblée avait voté.
Je pense notamment aux moyens confiés à l'instance fusionnée, dont les contours ont été précisés, ou encore à la redéfinition du rôle des commissions paritaires régionales interprofessionnelles (CPRI), qui permettra de tenir compte d'éventuels « besoins identifiés en matière de dialogue social dans les très petites entreprises ». Mais je pense aussi à cette mesure, adoptée par le Sénat à l'initiative du Gouvernement, et qui a été rappelée ce matin par la ministre du travail : il s'agit de la suppression de la condition d'ancienneté d'un an exigée aujourd'hui pour bénéficier des indemnités légales de licenciement. Lors des débats à l'Assemblée, le Gouvernement avait fait part de son souhait de revaloriser le montant de ces indemnités qui sont parmi les plus faibles d'Europe : il s'agit là d'un pas important.
Je me réjouis, en outre, que le Sénat ait maintenu plusieurs dispositions du texte, sans y apporter de modification substantielle, telles que celles relatives à la revalorisation des parcours syndicaux, au télétravail ou encore à la nouvelle articulation des normes du droit du travail, avec l'application d'un principe de subsidiarité qui passe par la primauté accordée, autant que faire se peut, à l'accord d'entreprise. Je m'en félicite car je suis convaincu que ces dispositions répondent aux attentes des entreprises et, s'agissant notamment du télétravail - nous en avons longuement parlé en commission et dans l'hémicycle, aux aspirations des salariés.
Les débats ont également souligné la réelle convergence entre nos deux chambres sur certains sujets particulièrement attendus par les salariés et les employeurs. Je pense que c'est une bonne nouvelle que les deux assemblées soient à l'unisson sur des enjeux pour lesquels l'attente de nos concitoyens est très forte.
Je pense notamment à celui de l'exposition à la pénibilité : nous partageons l'ambition de créer un dispositif orienté vers la prévention et la réduction de l'exposition, allant bien au-delà d'une simple compensation. La rédaction issue de nos travaux respectifs s'inscrit résolument dans cette perspective.
Néanmoins, à ce stade, nous avons plusieurs divergences avec le texte adopté par le Sénat. Je ne doute pas qu'elles seront surmontées et que cette CMP aboutira à un texte commun.
Il s'agit par exemple de la question des accords de maintien de l'emploi, dont le Sénat a supprimé la mention dans le texte de l'habilitation, sans toutefois que cette suppression entraîne la suppression des accords en tant que tels : il y a là, à notre sens, une incohérence, que nous ne pouvons laisser subsister.
Il s'agit aussi de la définition du périmètre du licenciement économique.
Il s'agit également des accords majoritaires pour lesquels notre assemblée avait voté la modification du calendrier de généralisation de ces accords majoritaires instaurés par la loi du 8 août 2016.
Nous avons également une divergence sur la question de la revalorisation de la participation des administrateurs salariés, ou encore sur la réduction des délais de recours en cas de rupture du contrat de travail.
Ces divergences ne me semblent toutefois pas irréconciliables et à cette fin, je soumettrai à notre commission plusieurs propositions de rédaction - parfois conjointement avec le rapporteur du Sénat -, dans l'espoir d'aboutir à un texte de compromis.
Mes chers collègues, je voudrais ici exprimer la position du groupe Les Républicains que je représente au sein de l'Assemblée nationale. Nous accueillons favorablement le texte adopté par le Sénat dans la mesure où notre groupe avait déposé plusieurs amendements similaires à ceux qui ont été approuvés par la chambre haute et qui n'ont malheureusement pas connu le même destin politique !
Je pense notamment au fait de donner à l'instance unique une compétence de négociation qui devient la règle de droit commun - malgré les tentatives du Gouvernement de faire marche arrière sur ce sujet en séance au Sénat, ou encore au périmètre national d'appréciation du motif économique du licenciement lorsque l'entreprise appartient à un groupe international. Sur ces sujets, notre groupe s'interroge sur l'opportunité d'élaborer collectivement des outils qui permettront d'éclairer le travail du juge afin de se prémunir contre les comportements d'optimisation sociale. Notre groupe se satisfait aussi qu'une solution ait été trouvée pour la négociation dans les petites entreprises pour lesquelles on constate une absence de représentation syndicale, avec les élus du personnel ou avec les salariés mandatés.
Quelques sujets mériteraient néanmoins d'être précisés. Je pense notamment à la question d'une sous-commission au sein de l'instance unique de représentation du personnel qui reprendrait les attributions du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Je pense aussi à l'harmonisation de la procédure de licenciement pour les salariés ayant refusé un accord collectif : nous sommes d'accord avec l'idée de prévoir un licenciement sui generis, mais nous rappelons que la loi « Travail » de 2016 prévoyait un accompagnement renforcé sous la forme d'un parcours d'accompagnement personnalisé relativement protecteur. Je note enfin que le Sénat a, à l'initiative du groupe Les Républicains, supprimé la généralisation de l'accord majoritaire. Notre groupe à l'Assemblée le regrette dans la mesure où nous avions bataillé pour intégrer cette disposition dans notre arsenal juridique et c'est sans doute là un désaccord avec le groupe Les Républicains du Sénat.
Mes chers collègues, au vu de ces échanges, je pense que nous pouvons aborder l'examen des articles restant en discussion. Je précise, pour la clarté de nos débats, que les propositions de rédaction, c'est-à-dire les modifications proposées du texte, s'appliquent au dernier texte voté, à savoir celui du Sénat.
EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er
Je propose une modification à l'article 1er visant à réintroduire la référence aux accords de maintien de l'emploi (AME) dans la liste des accords dont il est envisagé d'harmoniser le régime.
En effet, la suppression de la référence à ces accords ne suffit pas à supprimer leur existence juridique et se révèle même contre-productive, puisqu'elle conduit à renoncer à l'harmonisation du régime juridique applicable aux accords de maintien de l'emploi avec les autres accords spécifiques mentionnés à cet alinéa.
Or, il serait précisément dommage de se priver d'une telle harmonisation, en particulier s'agissant du régime applicable au salarié refusant de se voir appliquer les stipulations de l'accord et des modalités de son accompagnement après la rupture du contrat consécutive à ce refus.
Je ne prendrai pas part au vote sur cette proposition de rédaction, car le Sénat réclame depuis un an la suppression des AME au nom de la simplification du code du travail.
Le Gouvernement souhaite l'harmonisation et la simplification des règles relatives aux accords de flexisécurité, mais la vraie harmonisation consiste à supprimer des accords qui ont été boudés par les entreprises depuis 2013 malgré les aménagements apportés par la loi « Macron » en 2015.
Je voudrais à cette occasion dissiper deux malentendus.
D'une part, un accord de préservation et de développement de l'emploi peut très bien être signé quand une entreprise est confrontée à de « graves difficultés conjoncturelles », qui est actuellement la condition exigée pour recourir aux AME. Le cas de recours aux AME est donc déjà couvert par les accords de préservation et de développement de l'emploi (APDE), qui ont été conçus comme un outil global censé répondre à toutes les situations rencontrées par une entreprise.
D'autre part, les accords de compétitivité signés chez Renault et PSA ne sont pas des AME, mais des accords de droit commun. Les chefs d'entreprise et les avocats que nous avons rencontrés au Sénat soulignent tous que les AME sont aujourd'hui encore trop rigides, d'où le recours à des accords ad hoc.
Je me résous à laisser le Gouvernement harmoniser les règles de recours aux accords de flexisécurité. Mais quand les règles de l'AME seront quasiment alignées sur celles de l'APDE, il sera évident qu'il n'y aura plus aucune raison de conserver l'AME.
La proposition de rédaction n° 1 du rapporteur de l'Assemblée nationale est adoptée.
La proposition de rédaction n° 2 des rapporteurs de l'Assemblée nationale et du Sénat, d'ordre rédactionnel, est ensuite adoptée.
La commission mixte paritaire examine ensuite la proposition de rédaction n° 3 des mêmes auteurs.
Le Sénat a souhaité préciser l'habilitation sur la question du régime applicable au salarié refusant de se voir appliquer les stipulations d'un accord spécifique qui a des conséquences sur sa rémunération ou la durée du travail, autrement dit les AME, les APDE, les accords de modulation du temps de travail, les accords de mobilité interne et les accords de réduction du temps de travail.
Les précisions apportées vont dans le bon sens, puisqu'il s'agit notamment de prévoir qu'en cas de refus, le licenciement du salarié est assorti de mesures d'accompagnement spécifiques.
Sur cette question, la concertation menée avec les partenaires sociaux a débouché sur une solution concrète, qui se traduira par la mise en oeuvre de droits à formation renforcés à destination du salarié licencié.
Il est donc proposé de préciser les modalités de l'accompagnement spécifique dont bénéficiera le salarié dans tous ces cas sous la forme de droits complémentaires à la formation.
La proposition de rédaction n° 3 est adoptée.
La commission mixte paritaire en vient ensuite à l'examen de la proposition de rédaction n° 4 des mêmes auteurs.
Le Sénat a souhaité, à l'initiative de la délégation sénatoriale aux entreprises, préciser les conditions d'exercice du pouvoir du juge de moduler dans le temps les effets de ses décisions.
Cette précision est bienvenue, mais elle mériterait toutefois d'être complétée, comme les débats au Sénat ont permis de le montrer : il est donc proposé de préciser que ce pouvoir de modulation du juge doit tenir compte à la fois des conséquences économiques ou financières de sa décision sur les entreprises mais aussi de l'intérêt des salariés.
La proposition de rédaction n° 4 est adoptée, de même que la proposition de rédaction n° 5 des mêmes auteurs, d'ordre rédactionnel.
Puis la commission mixte paritaire en vient à l'examen de la proposition de rédaction n° 6 des mêmes auteurs.
Cette proposition de rédaction mentionne les trois formes de consultation des salariés reconnues par le code du travail.
En effet, le droit en vigueur permet déjà l'organisation d'une telle consultation pour valider un projet d'accord « minoritaire » à l'initiative des syndicats signataires ou sur proposition de l'employeur en matière d'intéressement et de participation. D'ailleurs, en matière d'épargne salariale, lorsqu'il existe dans l'entreprise une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ou un comité d'entreprise, la ratification doit être demandée conjointement par l'employeur et une ou plusieurs de ces organisations ou ce comité.
Notre groupe est opposé à l'idée qu'un référendum puisse avoir lieu à l'initiative de l'employeur, auquel les salariés sont subordonnés, et de ce fait, ne sont pas à l'abri de représailles.
Il s'agit en effet de dispositions qui existent par ailleurs dans le code du travail.
Je ne partage pas cette analyse : la proposition de rédaction ne se contente pas de redire le droit existant, elle généralise et banalise une pratique à laquelle nous sommes opposés.
Auditionnée ce matin par notre commission, la ministre du travail a indiqué qu'elle souhaitait promouvoir le dialogue social. Cette proposition de rédaction est contraire au dialogue social, et donc à l'esprit de la loi.
La proposition de rédaction n° 6 est adoptée.
La commission mixte paritaire en vient à l'examen de la proposition de rédaction n° 7 du rapporteur pour l'Assemblée nationale.
La loi du 8 août 2016 a prévu la généralisation progressive des accords majoritaires, dont l'objectif est de renforcer la légitimité des accords d'entreprise. Dès lors, compte tenu de la place importante accordée aux accords d'entreprise par le projet de loi, il est nécessaire d'accélérer la généralisation des accords majoritaires.
Cette proposition de rédaction vise donc à rétablir la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale concernant les modalités de généralisation des accords majoritaires. La rédaction proposée précise toutefois que l'aménagement du calendrier, et notamment l'accélération de la généralisation des accords majoritaires, ne doit intervenir que s'il s'avère nécessaire.
Je ne souhaite pas participer non plus au vote sur cette proposition de rédaction.
Le Sénat ne s'oppose pas au principe de l'accord majoritaire : il critique uniquement le calendrier retenu pour son déploiement, qui pourrait gêner la signature d'accords dans les entreprises.
Personne ne connaît en effet la représentativité aujourd'hui des syndicats qui signent un accord. Sont-ils en général signés par des syndicats représentant 35, 40 ou 60 % des suffrages ? Nul ne le sait, pas même le ministère du travail.
Lors des auditions menées au Sénat sur la loi « Travail », l'immense majorité des quelque soixante personnes entendues nous ont alertés sur le risque de blocage du dialogue social que pourrait entraîner cette généralisation.
Tous les efforts menés depuis un an, notamment par le présent projet de loi, pour promouvoir les accords d'entreprise pourraient donc être, sinon réduits à néant, du moins gravement affaiblis par une généralisation précipitée des accords d'entreprise.
Il conviendrait que le Gouvernement, avant de prendre une décision, réalise un bilan de l'application depuis le 1er janvier 2017 de ces nouvelles règles de validité aux accords portant sur la durée du travail, les repos et les congés.
Je terminerai mon propos en soulignant que l'expression retenue dans la proposition de rédaction du rapporteur est neutre, et qu'elle pourrait donc justifier une mise en oeuvre progressive de l'accord majoritaire et non une accélération de son déploiement.
La proposition de rédaction n° 7 est adoptée.
La proposition de rédaction n° 8 des rapporteurs de l'Assemblée nationale et du Sénat, d'ordre rédactionnel, est adoptée.
La commission mixte paritaire adopte l'article 1er dans la rédaction issue de ses travaux.
Article 2
La commission mixte paritaire en vient à l'examen de la proposition de rédaction n° 9 des mêmes auteurs.
Cette rédaction permet de rendre la commission spécifique traitant des questions d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail obligatoire, le cas échéant, dans certaines entreprises. Ce sujet a été évoqué ce matin par la ministre.
Il faudrait prévoir la création systématique de cette commission spécifique, et non une simple possibilité de création. Il serait par ailleurs souhaitable de la doter de la capacité d'ester en justice.
Il me semble logique de ne pas obliger l'instance unique à créer une instance spécifique si elle ne le souhaite pas.
Il n'est pas utile, et il est même toxique, de supprimer le CHSCT. Il est nécessaire de maintenir une instance capable de prendre un recul suffisant sur les conditions de travail, en dehors de toute considération économique. Si les institutions représentatives du personnel (IRP) doivent fusionner, il est a minima nécessaire d'assurer l'indépendance des membres chargés de surveiller les conditions de travail. Et bien sûr de leur permettre d'ester en justice.
Ce sujet a donné lieu à un long débat au Sénat. Adopter cette proposition de rédaction est la moindre des choses, dès lors que la ministre elle-même s'est interrogée sur l'opportunité de rendre obligatoire la création d'une commission spécialisée au sein de cette instance.
La fusion des IRP nous semble être un potage hasardeux. Elle ne sert rien d'autre que quelques intérêts particuliers.
Il s'agit, dans le cadre de l'habilitation, de donner au Gouvernement la possibilité de rendre, dans certains cas, obligatoire la création d'une instance spécifique, et non de généraliser cette obligation. Cela répond à la diversité de situation des entreprises, en fonction notamment de leur taille. Nous sommes parvenus avec le président Milon à cette rédaction consensuelle, à laquelle nous tenons.
La proposition de rédaction n° 9 est adoptée.
La commission mixte paritaire examine ensuite la proposition de rédaction n° 10 du rapporteur pour l'Assemblée nationale.
Cette proposition de rédaction vise à préciser, à l'alinéa 3 de l'article 2, que l'instance fusionnée ne pourra exercer la compétence de négociation que si une convention ou un accord collectif le prévoit. Sur ce point, nous ne souhaitons pas reprendre la rédaction adoptée par le Sénat qui, à nos yeux, présente des difficultés au regard du droit international, et plus précisément au regard de la convention n° 135 de l'Organisation internationale du travail (OIT) dont l'article 5 garantit la protection de la compétence des représentants syndicaux. C'est la raison pour laquelle je propose que la compétence de négociation ne soit déléguée à l'instance fusionnée qu'en cas d'accord en ce sens.
Comme vous l'aurez remarqué, je ne suis pas cosignataire de cette proposition de rédaction. Elle revient en effet sur la position du Sénat, qui avait été adoptée en commission à mon initiative. Le processus de simplification et d'amélioration de l'efficacité du dialogue social en entreprise que concrétise la création de l'instance unique nous avait semblé être l'occasion de rompre avec la tradition française qui distingue nettement les compétences en matière d'information-consultation et de négociation.
Nous avions souhaité rompre avec cette barrière hermétique pour donner de plein droit à l'instance unique la compétence de négociation des accords d'entreprise, tout en laissant la possibilité aux partenaires sociaux dans l'entreprise de conserver les règles actuelles en concluant un accord collectif en ce sens. Il nous avait semblé nécessaire que l'employeur trouve en face de lui un partenaire de négociation renforcé et ayant une parfaite connaissance de la situation économique de l'entreprise.
J'ai conscience que cette disposition constituerait une rupture avec le dialogue social à la française, tel qu'il est pratiqué depuis la création des délégués syndicaux au lendemain des événements de mai 1968.
Cependant, pour faire aboutir cette commission mixte paritaire, je ne m'oppose pas à cette proposition de rédaction. Ce débat n'est néanmoins pas clos et ressurgira sans doute dans quelques années lorsque l'instance unique aura été mise en place dans toutes les entreprises : c'est probablement la prochaine étape logique de l'évolution de notre système vers le conseil d'entreprise à l'allemande.
Je rejoins la position exprimée par le rapporteur pour le Sénat et voterai contre la proposition de rédaction n° 10.
La rénovation et le renforcement du dialogue social, qui est l'objectif réaffirmé de la ministre lorsqu'elle s'exprime sur ce projet de loi d'habilitation, ne peuvent aller sans un renforcement de la présence syndicale et du rôle des organisations syndicales. La proposition de rédaction n° 10 me paraît donc aller dans le bon sens et j'y suis favorable.
La proposition de rédaction n° 10 est adoptée.
La commission mixte paritaire examine ensuite la proposition de rédaction n° 11 du rapporteur pour l'Assemblée nationale.
Cette proposition de rédaction vise à rétablir l'alinéa 5 de l'article 2, qui a été supprimé par la commission des affaires sociales du Sénat et qui visait à garantir l'amélioration des conditions de représentation et de participation des salariés dans les organes d'administration et de surveillance de certaines entreprises. Cela me semble être une mesure importante pour renforcer les conditions de représentation et de participation des administrateurs salariés.
Comme la ministre l'a indiqué au Sénat et à l'Assemblée nationale, le Gouvernement n'envisage pas de relever les seuils fixés par la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi, pour des raisons de stabilité juridique. Mais il pourrait renforcer la formation des administrateurs salariés qui ne disposent aujourd'hui que d'un minimum de vingt heures de formation.
C'est la raison pour laquelle la proposition de rédaction n° 11 comporte deux légères modifications par rapport à la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture. Il s'agit de préciser que seuls sont visés les conseils d'administration et de surveillance des entreprises dont les effectifs sont supérieurs ou égaux aux seuils mentionnés aux I des articles L. 225-27-1 et L. 225-79-2 du code de commerce, ceci afin de répondre à une préoccupation exprimée lors des débats du Sénat. Par ailleurs, il s'agit de préciser que cette habilitation a, entre autres vocations, celle d'améliorer la formation des administrateurs salariés.
Il s'agit là encore d'une proposition de rédaction qui revient sur la position du Sénat. Je m'abstiendrai donc à nouveau.
Il s'agit de rétablir l'habilitation relative à la meilleure représentation des salariés dans les organes de gouvernance des grandes entreprises.
Comme je l'ai expliqué à plusieurs reprises lors des débats du Sénat, ce mécanisme a été mis en place par la loi du 14 juin 2013 dans les grandes entreprises, puis étendu par la loi « Rebsamen » du 17 août 2015, qui n'est pas encore pleinement entrée en vigueur.
Il me semble donc néfaste de modifier à nouveau son régime juridique, et ce d'autant plus que les intentions du Gouvernement en la matière sont pour le moins floues. Pour garantir leur bonne gouvernance, les entreprises ont besoin d'une stabilité des règles qui leur sont applicables.
Surtout, à ce stade, un abaissement des seuils d'effectif des entreprises concernées par cette obligation ne serait pas acceptable. On en arriverait ainsi à fragiliser la gouvernance d'entreprises familiales de taille intermédiaire.
Cependant, j'apprécie que la proposition de rédaction du rapporteur pour l'Assemblée nationale ne modifie pas les seuils en vigueur et je m'abstiendrai donc.
La commission mixte paritaire adopte l'article 2 dans sa rédaction issue de ses travaux.
Article 3
La commission mixte paritaire examine la proposition de rédaction n° 12 du rapporteur pour l'Assemblée nationale.
Cette proposition de rédaction vise à supprimer, à l'alinéa 4 de l'article 3, des mots ajoutés par le Sénat qui prévoient que le barème applicable en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse est « forfaitaire » et déterminé « sans préjudice des indemnités légales, conventionnelles ou contractuelles ». La notion d'indemnité forfaitaire est en effet contradictoire avec celle de barème : elle est incompatible avec le souhait du Gouvernement de fixer des plafonds et des planchers dans le référentiel obligatoire. Par ailleurs, il ne me paraît pas cohérent de préciser que le barème sera déterminé sans préjudice des indemnités légales, conventionnelles ou contractuelles puisque les dispositions relatives à ce barème seront d'ordre public.
La proposition de rédaction n° 12 tend à supprimer ce qui a été ajouté par le Sénat au stade de la séance publique, avec l'avis favorable de la commission et du Gouvernement. Je suppose que le rapporteur pour l'Assemblée nationale s'est rapproché de ce dernier avant de nous soumettre cette proposition de rédaction et que celui-ci a reconnu son erreur. Je m'abstiendrai donc sur cette proposition de rédaction n° 12.
Je réaffirme mon opposition résolue au plafonnement des indemnités réparant un préjudice lié à un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Ce plafonnement va contraindre la marge d'appréciation du juge alors que les jugements doivent être individualisés. Un salarié qui, au regard des préjudices qu'il aurait subis, mériterait davantage que le plafond fixé, verrait son indemnisation limitée à ce plafond. C'est contraire à l'idée même que l'on peut se faire de la justice.
Outre qu'il revient à fixer le prix d'un préjudice a priori, le plafonnement des indemnités réparant ce dernier constitue indirectement une remise en cause du caractère indéterminé du contrat à durée indéterminée puisque l'employeur saura désormais à l'avance combien il lui coûtera de rompre abusivement un tel contrat. Nous y sommes farouchement opposés.
Je tiens à vous signaler qu'en droit pénal, de tels mécanismes de plafonnement existent. Ils n'empêchent pas le juge d'apprécier le montant à allouer à l'intérieur de la fourchette définie par le législateur.
J'ai déjà entendu cet argument qui est erroné. Le juge pénal prononce une sanction, non une réparation. La réparation est nécessairement indéterminée puisque l'on ne peut savoir a priori quel est le montant du préjudice subi. Le principe qui vaut au pénal ne vaut pas au civil.
La proposition de rédaction n° 12 est adoptée.
La commission mixte paritaire examine ensuite la proposition de rédaction n° 13 du rapporteur pour l'Assemblée nationale.
Cette proposition de rédaction vise à supprimer la fin de l'alinéa 6 de l'article 3, qui prévoit l'obligation de réduire d'au moins de moitié le délai de recours en cas de rupture du contrat de travail.
La question des délais de recours a été évoquée tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat : la volonté du Gouvernement est avant tout d'harmoniser ces délais, et non uniquement de les réduire.
Je ne suis pas opposé à ce que le Gouvernement s'oriente vers une harmonisation des délais de recours. Nous avons d'ailleurs travaillé sur cette question l'année dernière.
Je ne vois pas l'intérêt d'une telle mesure sauf à illustrer une volonté de rendre de plus en plus difficile l'exercice des voies de recours pour un salarié. C'est en effet symbolique d'une volonté de favoriser l'entreprise au détriment des salariés.
Je tiens à souligner un danger pour ce qui concerne l'articulation de cette réduction des délais de recours avec la période d'essai. On sait qu'exercer un recours pendant cette période d'insécurité qu'est la période d'essai peut être préjudiciable à la pérennisation de son emploi. C'est par souci d'éviter qu'il soit mis fin à une période d'essai auprès d'un nouvel employeur qu'une durée plus longue que cette période avait été prévue pour les délais de recours à l'encontre du précédent employeur.
Les délais de recours sont beaucoup trop longs, et pas seulement en droit du travail. Nous sommes parvenus à un compromis pour ce qui concerne la restructuration des branches, avec un délai de vingt-quatre mois courant à compter du 8 août 2016.
L'harmonisation des délais doit globalement s'orienter dans le sens de leur réduction, sans que se multiplient les exceptions pour divers cas particuliers.
Pour parvenir à un point d'équilibre entre la sécurité des entreprises et celle des salariés, ne pourrions-nous pas nous accorder sur un délai de neuf mois, afin de tenir compte de l'argument relatif aux périodes d'essai ?
Je ne comprends pas bien l'argument de Boris Vallaud, car, s'il s'agit d'une période d'essai, l'employeur peut y mettre fin sans qu'il y ait lieu à licenciement et sans que l'employeur ait à se justifier. Le cadre juridique est différent.
Je pense au cas d'un salarié licencié qui exerce un délai de recours contre son employeur et qui retrouve un emploi auprès d'un nouvel employeur. Le fait pour un salarié de contester le licenciement décidé par un précédent employeur, alors qu'il est en période d'essai auprès d'un nouvel employeur, peut fragiliser la pérennisation de son nouvel emploi.
D'où ma proposition consistant à rechercher un point d'équilibre entre la protection des salariés et la sécurisation des entreprises.
S'il s'agit du délai de recours à l'encontre du précédent employeur, il me semble que ce sont là des étapes professionnelles différentes. À titre personnel, il a pu m'arriver de recruter des salariés sans que je sache qu'ils avaient exercé un recours contre leur précédent employeur. J'ai aussi pu recruter des salariés qui ne me cachaient pas avoir engagé une procédure parce qu'ils estimaient avoir été victimes d'un licenciement abusif. Le fait pour un salarié d'être en période d'essai auprès d'un nouvel employeur ne l'empêche nullement d'exercer un recours contre son précédent employeur. La période d'essai est un « double test » : c'est un test pour l'employé mais aussi pour l'employeur.
Il me paraît compliqué de revenir à ce stade sur ce qui a été voté pour ajouter une nouvelle précision. Il s'agit d'un projet de loi d'habilitation qui vise à définir un cadre global.
L'argument de Boris Vallaud est tout à fait légitime : certains salariés informent leur nouvel employeur potentiel de l'exercice d'un recours contre leur précédent employeur, alors qu'ils sont en période d'essai, et ce au risque qu'il soit mis fin à celle-ci. Mais il y a aussi des salariés qui renoncent à agir devant les prud'hommes parce qu'ils ont peur que cela se sache et qu'on les considère comme des salariés prompts à chercher querelle à leur employeur.
Je crois que les situations décrites par Catherine Génisson sont extrêmement rares même si elles sont difficiles à identifier statistiquement puisque par définition les fins de période d'essai ne sont pas motivées. Pour bien connaître le monde de l'entreprise, je ne vois aucun intérêt pour l'employeur de mettre fin à la période d'essai au seul motif que le salarié concerné a engagé une procédure contre son employeur précédent ! Par ailleurs, j'attire votre attention sur le fait qu'il s'agit d'un projet de loi d'habilitation, et que le Gouvernement, qui a une vue plus panoptique que la nôtre, déterminera les conditions de l'application de l'habilitation en choisissant la meilleure solution.
Sur des textes comme celui-là, se fonder sur la seule expérience personnelle est insuffisant. Aucun d'entre nous n'est sourd à ce que nous disent les salariés, ni étranger à des expériences personnelles. De manière plus générale, beaucoup d'idées formulées par la gauche n'ont pas pu prospérer même lorsqu'elles avaient votre assentiment lors de l'examen de ce texte : ce n'était jamais le bon moment, jamais la bonne place. C'est donc avec regret que nous voyons le peu de signes encourageants envoyés par la majorité pour donner une autre tonalité au projet de loi.
Il peut y avoir en effet des interférences entre période d'essai et période de recours mais il me semble que les périodes d'essai d'un an sont relativement rares. La plupart d'entre elles durent entre huit jours et trois mois.
Je n'irai pas jusqu'à dire que la situation que je vous décris est très fréquente mais au cours de ma longue expérience parlementaire plusieurs salariés sont venus me signaler cette situation.
La proposition de rédaction n° 13 est adoptée.
La commission mixte paritaire examine la proposition de rédaction n° 23 des rapporteurs de l'Assemblée nationale et du Sénat.
La rédaction que nous vous proposons est un aménagement du texte voté par le Sénat, tout en reprenant les précisions apportées s'agissant de la prise en compte du périmètre national par le juge pour l'appréciation du motif économique.
Je tiens à remercier les deux rapporteurs pour ce travail commun et intelligent sur un sujet sensible dont nous avons déjà eu l'occasion de débattre maintes fois ces deux dernières années.
La question du périmètre géographique n'est effectivement pas nouvelle. Je remarque d'ailleurs que certains ont changé d'avis sur ce sujet en changeant de majorité. Mon interrogation concerne la portée de la condition du « même secteur d'activité » qui apparaît comme une nouvelle restriction au champ à considérer sans qu'aucune évaluation n'ait été faite. Elle comporte un risque certain en termes de concurrence entre territoires géographiques nationaux.
Je voudrais apporter quelques précisions à nos collègues sur cette question du périmètre national. L'idée de la rédaction partagée par le président Milon est de poser le principe de l'appréciation au niveau national des difficultés économiques, tout en permettant d'apporter des aménagements, déjà permis dans une certaine mesure par une jurisprudence constante, par exemple en fonction du type de critère fondant le licenciement : liquidation judiciaire, mutations technologiques ou encore réorganisation destinée à sauvegarder la compétitivité de l'entreprise. On pourrait ainsi concevoir que l'appréciation des difficultés économiques soit plus large dans ce dernier cas que dans le cas d'une liquidation judiciaire, par exemple en tenant compte de la situation économique des filiales du groupe implantées à l'étranger.
En outre, ces aménagements permettraient de placer le curseur à un niveau différent en fonction de la situation de l'entreprise : rien n'interdirait par exemple de fixer un périmètre plus étroit ou plus large en fonction de la situation. Cette proposition correspond à un objectif que nous portons avec la ministre de souplesse, de cohérence, de proximité. Il y a des situations et des réalités différentes à apprécier en lien avec la nature de ce qui motive les difficultés économiques.
Comme depuis le début de l'examen de ce projet de loi, le champ lexical trahit vos intentions. L'idée poursuivie est de faire des salariés de véritables gymnastes professionnels, puisqu'ils doivent être aussi flexibles que possible. La disposition discutée a cependant un sérieux revers : des entreprises vont pouvoir, alors qu'elles sont dans une situation économique florissante au niveau du groupe, s'appuyer sur le périmètre national pour licencier massivement. À l'inverse, la ministre a annoncé dans la presse qu'elle se donnerait les moyens d'éviter le recours abusif à ce périmètre, en complète contradiction avec l'objectif général de votre loi consistant à sécuriser les seuls employeurs. La complexité de la structuration des entreprises aujourd'hui est de nature à nous inquiéter pour l'avenir des salariés qui risquent d'être ainsi licenciés.
Je partage le point de vue qui vient d'être exposé. Je ne comprends pas pourquoi on s'autocensure dans l'examen de ce projet de loi. Nous sommes face à un projet de loi d'habilitation qui doit fixer les grandes orientations à partir desquelles le Gouvernement nous fera des propositions plus précises. Nous pourrions retenir une rédaction plus large afin de laisser l'intelligence et l'imagination du Gouvernement choisir le périmètre le plus opportun. Pourquoi ne pas lui faire confiance ?
Je souhaite apporter mon soutien à cette proposition de rédaction n° 23 qui rejoint certains amendements que nous avions déposés. Nous étions favorables au principe et ce rajout donne encore plus de souplesse par rapport à ce que nous proposions.
Je rappelle à mes collègues qu'à l'alinéa suivant, nous donnons clairement la possibilité au juge de sanctionner les abus. Nous avons donc trouvé un point d'équilibre sur ces dispositions. Nous devons être attentifs aux modalités d'application du reclassement tout en évitant qu'une entreprise peu scrupuleuse se mette artificiellement en difficulté.
La proposition de rédaction n° 23 est adoptée, de même que la proposition de rédaction n° 14, des mêmes auteurs, de nature rédactionnelle.
La commission mixte paritaire examine la proposition de rédaction n° 15 des mêmes auteurs.
Cette proposition de rédaction est purement rédactionnelle comme la précédente.
Ne pourrions-nous pas profiter de cette modification du texte pour évoquer également les groupements d'employeurs qui pourraient être utilement concernés puisqu'ils intègrent les prêts de main d'oeuvre réglementés ?
Cet ajout d'origine parlementaire serait contraire à la jurisprudence du Conseil constitutionnel relative à l'application de l'article 38 de la Constitution puisqu'il étend le champ de l'habilitation.
La proposition de rédaction n° 15 est adoptée.
La commission mixte paritaire examine la proposition de rédaction n° 16 des mêmes auteurs.
Cette proposition de modification vise à rétablir le texte voté par l'Assemblée nationale s'agissant des conditions d'emploi des personnels médicaux de l'Office français de l'immigration et de l'intégration : en effet, l'objet de l'habilitation est notamment de reporter la limite d'âge pour les médecins de l'OFII dans l'exercice de leurs fonctions. Il est donc indispensable que l'alinéa prévoie bien de traiter les conditions d'exercice de ces personnels et pas seulement des conditions de leur recrutement, faute de quoi nous serions à côté de l'objectif que nous poursuivons.
La proposition de rédaction n° 16 est adoptée, de même que la proposition de rédaction n° 17 des mêmes auteurs, de nature rédactionnelle.
Avant de procéder au vote sur l'article, je donne la parole à Yves Daudigny.
Je souhaiterais donner une explication de vote : je m'oppose au principe de la barémisation des dommages et intérêts qui explique à lui seul que je m'oppose à l'adoption de cet article.
La commission mixte paritaire adopte l'article 3 dans la rédaction issue de ses travaux.
Article 4
La commission mixte paritaire adopte l'article 4 dans la rédaction du Sénat.
Article 5
La proposition de rédaction n° 18 des rapporteurs de l'Assemblée nationale et du Sénat, de nature rédactionnelle, est adoptée.
La commission mixte paritaire adopte l'article 5 dans la rédaction issue de ses travaux.
Article 5 bis
La commission mixte paritaire examine la proposition de rédaction n° 19 des rapporteurs de l'Assemblée nationale et du Sénat.
La proposition de rédaction vise à supprimer cet article qui n'a pas de rapport direct avec le contenu du projet de loi d'habilitation et qui revient sur une réforme en vigueur depuis seulement six mois.
Engagée par la loi du 8 août 2016 et complétée par le décret n° 2016-1908 du 27 décembre 2016, la réforme de la médecine du travail prévoit un régime spécifique de suivi individuel renforcé pour les travailleurs affectés à des postes présentant un risque, qui repose sur un examen médical d'aptitude à l'embauche régulier ainsi que sur des examens intermédiaires.
Il s'agit donc de supprimer cet article sans lien direct avec notre débat.
Je suis d'autant plus favorable à cette proposition que j'étais défavorable à l'adoption de l'amendement à l'origine de cet article additionnel au Sénat.
Si la question de la médecine du travail n'a pas nécessairement sa place dans ce texte, j'insiste sur l'urgence de sa réforme. En l'état, la situation de carence est en effet très préjudiciable pour les salariés et pour les chefs d'entreprise.
Je suis d'accord : il s'agit d'un vrai débat à rouvrir très vite.
La dernière réforme issue de la loi du 8 août 2016 n'a pas donné des résultats satisfaisants. Le problème est entièrement à reprendre en dehors de ce texte.
La médecine du travail telle que réformée par la loi « El Khomri » fera l'objet d'un rapport de l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) sous peu. Il y a également un engagement de la ministre du travail formulé au Sénat de revoir ce sujet avec la ministre de la santé. On peut espérer que les parlementaires seront également associés.
La proposition de rédaction n° 19 est adoptée et l'article 5 bis est en conséquence supprimé.
Article 6
La commission mixte paritaire adopte l'article 6 dans la rédaction du Sénat.
Article 7
La commission mixte paritaire adopte l'article 7 dans la rédaction du Sénat.
Article 8
L'article 8, adopté conforme par nos deux assemblées, est rappelé pour procéder à une modification de coordination.
Il s'agit ici de substituer au chiffre 7 le chiffre 6. Cette proposition de modification de coordination tire la conséquence de l'inscription directe à l'article 7 par le Sénat, dans la loi du 6 août 2015, de la prorogation de la période transitoire relative à la mise en place du nouveau zonage dérogatoire au repos dominical, et donc la suppression de l'habilitation à le faire par ordonnance qui y figurait.
La proposition de rédaction n° 20 des rapporteurs de l'Assemblée nationale et du Sénat est adoptée.
La commission mixte paritaire adopte l'article 8 dans la rédaction issue de ses travaux.
Article 8 bis
L'article 8 bis est également rappelé pour procéder à une modification de coordination.
Cette proposition de rédaction s'inscrit dans la suite de ce que je viens d'évoquer, mais il s'agit ici de substituer au chiffre 8 le chiffre 6.
La proposition de rédaction n° 21 des mêmes auteurs est adoptée.
La commission mixte paritaire adopte l'article 8 bis dans la rédaction issue de ses travaux.
Article 9
Les commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat se sont saisies pour avis de l'article 9 du projet de loi, consacré au report d'un an de l'entrée en vigueur du prélèvement à la source - la commission des finances de l'Assemblée nationale ayant bénéficié d'une délégation au fond de la part de la commission des affaires sociales. Les deux commissions des finances, tout comme nos deux assemblées, sont d'accord sur l'essentiel, à savoir le principe même du report d'un an du prélèvement à la source. Les différences de rédaction constatées entre les deux textes adoptés portent sur le contenu des mesures d'information à destination du Parlement.
L'Assemblée nationale a en effet complété le dispositif initial sur deux points, à savoir la mise à profit de l'année de décalage pour la réalisation de tests destinés à éprouver tous les effets du prélèvement à la source prévu par la loi de finances pour 2017, ainsi que la remise par le Gouvernement au Parlement, au plus tard le 30 septembre prochain, d'un rapport présentant les résultats des expérimentations réalisées cet été - entre le mois de juillet et le mois de septembre - et ceux de l'audit conduit par l'inspection générale des finances et un cabinet d'audit extérieur.
Le Sénat a de son côté complété le contenu de ce rapport par deux autres éléments. Ainsi, devront être présentées des propositions destinées, d'une part, à améliorer la prise en compte des réductions et crédits d'impôt dans le calcul du prélèvement et, d'autre part, à réduire la charge pesant sur les tiers collecteurs. Devront également être présentées des analyses sur deux solutions alternatives à celle actuellement prévue, à savoir la collecte directe par l'administration, et la mise en place d'un prélèvement mensualisé, qui avait fait l'objet d'un rapport d'information de la commission des finances du Sénat à l'automne 2016.
Au final, les modifications apportées par le Sénat ont eu pour effet de déplacer la mention des tests, introduite par l'Assemblée nationale, à un alinéa relatif au rapport précédemment évoqué, dont la remise doit intervenir au plus tard le 30 septembre prochain. Ce déplacement, s'il n'était pas corrigé, aurait pour effet de cantonner les tests à quelques semaines.
Le rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée, Joël Giraud, que je supplée aujourd'hui, le rapporteur général de la commission des finances du Sénat, Albéric de Montgolfier, et moi-même, nous sommes mis d'accord sur la proposition de rédaction qui vous est ici soumise.
Cette proposition s'appuie sur la rédaction adoptée par le Sénat, mais replace la mention des tests destinés à éprouver les effets du dispositif au bon endroit, c'est-à-dire au premier alinéa de l'article 9.
La rédaction de cet article 9 qui résulterait de l'adoption de la proposition de rédaction que nous vous soumettons conduirait donc, premièrement, à valider le principe du report d'un an de l'entrée en vigueur du prélèvement à la source ; deuxièmement, à conserver les mesures d'informations du Parlement adoptées par nos deux assemblées ; et enfin à permettre l'exploitation du décalage d'un an par la réalisation de tests.
La proposition de rédaction n° 22 est adoptée.
La commission mixte paritaire adopte l'article 9 dans la rédaction issue de ses travaux.
Je tiens à remercier l'ensemble des parlementaires présents, aussi bien titulaires que suppléants. Je vous remercie pour la sagesse et le pragmatisme dont vous avez fait preuve, qui ont permis à cette commission mixte paritaire d'aboutir.
La commission mixte paritaire adopte ensuite l'ensemble des dispositions du projet de loi restant en discussion, dans la rédaction issue de ses travaux.
En conséquence, la commission mixte paritaire vous demande d'adopter le projet de loi d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.
La réunion est close à 17 h 30.