Intervention de Michel Mercier

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 2 août 2017 à 10h00
Articles 56 et 13 de la constitution — Audition de M. Michel Mercier candidat proposé par le président du sénat pour siéger au conseil constitutionnel

Photo de Michel MercierMichel Mercier, candidat proposé par le Président du Sénat pour siéger au Conseil constitutionnel :

Nous avons désormais six petits-enfants, ce qui est une source de joie, mais aussi, parfois, de soucis. Je tiens à la disposition du Sénat les travaux que ma fille a effectués dans le cadre de l'emploi que je viens d'évoquer. Si le Président du Sénat souhaite en avoir connaissance, cela se fera sans problème.

Je voudrais maintenant aborder trois thèmes qui sont pour moi très importants : les libertés publiques, le bicamérisme, les territoires. Ces trois notions feront très prochainement l'objet d'une véritable refonte. De grands changements se préparent, comme nous avons pu le constater, hier matin, lors de la réunion de la commission mixte paritaire sur le projet de loi organique rétablissant la confiance dans l'action publique. Le Sénat, mais aussi tous les Français, doivent prendre conscience des conséquences de ces changements.

S'agissant tout d'abord des libertés publiques, je suis frappé par le moindre attachement de nos concitoyens à l'idée de liberté publique. Lorsque j'étais étudiant, on apprenait que la liberté était la règle, la mesure de police l'exception. Aujourd'hui, on cherche plutôt à limiter la mesure de police, laquelle devient peu ou prou la règle de droit commun ; on le fait, en général, en commentant l'arrêt Benjamin du Conseil d'État de 1933. Le changement des mentalités, sur ce point, est profond. Il y a là un vrai problème.

Qui doit défendre les libertés publiques ? Tous les Français, bien entendu. Mais, plus techniquement, je pense qu'une telle défense ne peut être du seul ressort du Conseil constitutionnel. Ce dernier remplit bel et bien cette mission ; c'est même là sa réponse à l'apparition, caractéristique de la Ve République, du bloc majoritaire. Mais le Sénat doit partager avec lui cette responsabilité.

Vous le revendiquez souvent, et nous avons souvent essayé, au sein de cette commission, sous la présidence de Philippe Bas, d'être les défenseurs des libertés publiques. C'est là, me semble-t-il, la première justification du bicamérisme, avant même la représentation des collectivités locales ; si tel n'était pas le cas, le Sénat ne serait qu'un Bundesrat, et non une chambre de plein exercice et de pleine compétence. Il est assez normal, par ailleurs, que la seconde chambre ne puisse pas renverser le Gouvernement, puisqu'elle est elle-même permanente, renouvelée par moitié tous les trois ans.

Que le Sénat soit le défenseur des libertés publiques ne veut pas dire que le bloc majoritaire est liberticide, mais qu'il pourrait l'être un jour, ce qui est tout à fait différent.

Quant au bicamérisme, il ne s'agit pas simplement d'un mode d'organisation du Parlement, mais d'un système qui permet aux citoyens, s'exprimant par deux voies différentes, de contrôler les gouvernants. Il est tout à fait normal que les citoyens s'expriment directement en élisant des députés à l'Assemblée nationale ; mais ce sont les mêmes citoyens, par le biais, cette fois, du suffrage indirect, qui élisent les sénateurs. Dans notre Constitution, une seule source de pouvoir est reconnue : le suffrage universel. Qu'il soit direct ou indirect, le suffrage est toujours universel.

En la matière, quelques dangers sont à pressentir. Le bicamérisme est un moyen de faire de bonnes lois, mieux rédigées, normatives et non de simple proclamation. Or on nous explique que nous travaillons trop lentement. Une réforme institutionnelle devrait donc bientôt faire de la procédure exceptionnelle accélérée la procédure de droit commun. Nous devrons alors veiller plus encore au bicamérisme. Si une seule lecture demeure, il faudra garantir la réelle capacité de la seconde chambre à se prononcer. Si vous m'envoyez rue de Montpensier, je prendrai garde aux restrictions au droit d'amendement qui auront été introduites dans notre droit parlementaire. Certaines sont tout à fait justifiées, mais il ne faudra pas aller trop loin.

Une réflexion devra également être menée sur les commissions mixtes paritaires (CMP). Nous en avons eu hier un exemple très intéressant. Si nous tenons au bicamérisme, c'est-à-dire à ce que les points de vue de la seconde chambre puissent être entendus au moins partiellement, l'un des moyens consisterait à accepter des CMP conclusives sur une partie du texte, mais à laisser le débat se poursuivre sur d'autres parties. L'Assemblée nationale aurait le dernier mot, mais des accords avec le Sénat seraient recherchés dès que possible.

Hier, nous étions en désaccord sur un point ; sur d'autres, nous aurions pu assez facilement trouver un terrain d'entente. En définitive, nous aurons la version de l'Assemblée. Il y a là matière à réflexion, sachant que la notion même de CMP me paraît tout à fait essentielle et consubstantielle au bicamérisme.

Enfin, puisque la Constitution prévoit que le Sénat représente les collectivités territoriales de la République, nous devrons tous être extrêmement attentifs à l'idée de territoire. Aujourd'hui, la jurisprudence telle qu'elle s'est établie ne tient compte, pour la définition des circonscriptions électorales, que de la population - ce qui peut se concevoir. Les collectivités territoriales sont diverses. Si le nombre de parlementaires diminue, à jurisprudence constante, plusieurs départements n'auront plus qu'un seul élu. Peut-être faudrait-il envisager des règles différentes pour les deux assemblées.

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