La réunion

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La commission entend M. Michel Mercier, que le Président du Sénat envisage de nommer aux fonctions de membre du Conseil constitutionnel, en application des articles 56 et 13 de la Constitution ainsi que de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

C'est avec joie que j'accueille notre collègue Philippe Bonnecarrère, sénateur du Tarn, avocat de profession, qui rejoint la commission des lois. Nous aurons un autre nouveau collègue commissaire aux lois, Laurent Dutheil, devenu sénateur le 29 juillet 2017 en remplacement de Luc Carvounas.

M. le Président du Sénat a saisi la commission des lois, le 25 juillet dernier, pour qu'elle procède, en application des articles 56 et 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, à l'audition de M. Michel Mercier et qu'elle émette un avis sur sa nomination aux fonctions de membre du Conseil constitutionnel, en remplacement de Mme Nicole Belloubet.

Nous allons donc procéder, dans un premier temps, à l'audition de M. Michel Mercier, sénateur du Rhône, ancien garde des sceaux, ministre de la justice.

Conformément à la loi du 23 juillet 2010, cette audition est publique. Elle fait l'objet d'une captation vidéo, qui sera retransmise en direct sur le site internet du Sénat et sera consultable en vidéo à la demande. Elle a également été ouverte à la presse et au public. Après cette audition, les membres de la commission des lois procéderont à un vote à bulletin secret. Je vous rappelle qu'en application des articles 56 et 13 de la Constitution, le Président du Sénat ne pourrait procéder à la nomination envisagée si les votes négatifs représentaient au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés.

Michel Mercier me pardonnera tout d'abord de rappeler les titres qu'il a accumulés tout au long de sa riche carrière.

Il est universitaire, spécialisé dans le domaine du droit public ; il a par ailleurs exercé de très nombreuses fonctions électives : maire de Thizy puis de Thizy-les-Bourgs, il fut également conseiller général puis président du conseil général du Rhône, et député ; il est sénateur depuis 1995. Il fut ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire, puis garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Il fut aussi vice-président du conseil régional de Rhône-Alpes.

Notre commission est particulièrement attentive, s'agissant de la nomination par le Président du Sénat d'un membre du Conseil constitutionnel, au triple attachement des candidats à la défense des libertés publiques, au bicamérisme et à la libre administration des collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Monsieur le président, je vous remercie ainsi que tous les membres de la commission des lois présents en ce début de mois d'août. Je veux également remercier le président Larcher de proposer ma candidature.

Ma présentation se fera en deux temps. Je dirai d'abord quelques mots de moi, ce que je n'aime guère faire, puis j'évoquerai les points qui retiendront en priorité mon attention si la commission des lois émet le souhait que je devienne membre du Conseil constitutionnel.

Je suis né il y a 70 ans, à Thizy, le village où j'ai passé toute ma vie. Mes parents étaient ouvriers ; je suis d'abord allé à l'école communale, et c'est grâce à un directeur d'école sensationnel que j'ai pu continuer mes études. Sur ses conseils, j'ai suivi le cours complémentaire, avant d'envisager d'étudier au lycée. Aucun lycée, cependant, ne voulait de moi - je venais d'un enseignement court. Ledit directeur m'a finalement trouvé un lycée à Charlieu, dans la Loire ; celui-ci avait néanmoins la particularité de ne pas avoir de terminale. J'ai donc gagné, après la première, le lycée de Roanne, avant de rejoindre la faculté de droit de Lyon et l'institut d'études politiques de Lyon.

À la faculté de droit, j'étais en droit public, c'est-à-dire pas dans la voie noble - François-Noël Buffet qui était, lui, en droit privé le sait bien. Nous n'étions qu'une centaine d'étudiants, ce qui nous permettait d'entretenir des relations très particulières avec nos enseignants, lesquels m'ont donné le goût du droit, de la liberté et de l'engagement. J'ai découvert le droit romain et l'histoire du droit avec Louis Falletti, le droit administratif avec Raymond Guillien, disciple de Léon Duguit, le droit constitutionnel avec Jacques Cadart, Robert Pelloux et Maurice-René Simonnet. Ces trois derniers étaient démocrates-chrétiens ; c'est à leur suite que je me suis engagé.

Pour ne rien vous cacher, je suis catholique pratiquant ; j'ai sans discontinuer participé à des mouvements d'action catholique inspirés par la doctrine sociale de l'Église.

En 1971, la section de droit public m'a engagé comme assistant ; la même année j'ai été élu conseiller municipal de mon village ; je suis devenu maire en 1977, conseiller général en 1978, puis président du conseil général. Les gens de Thizy me font toujours confiance, puisque j'y suis encore élu.

Je suis entré au Parlement, à l'Assemblée nationale, puis au Sénat, et j'ai eu l'honneur de travailler avec vous sur les sujets qui nous préoccupent. Voici les sources de mes engagements, ce que j'ai appris, ce que j'aime.

Je me suis donc formé dans le double cadre de la faculté de droit de Lyon et des mouvements d'action catholique. J'ai par exemple beaucoup travaillé avec Bernard Devert dans le mouvement Habitat et humanisme, que nous avons créé sous la houlette du cardinal Decourtray. C'est la marque lyonnaise !

Je suis un adepte du modérantisme politique lyonnais, que je définirai en disant que nous savons que nous pouvons vivre ensemble, et qu'il est possible et nécessaire de créer les conditions du vivre-ensemble. Il faut savoir dépasser les clivages pour faire avancer les dossiers. Cette position m'a parfois été vivement reprochée ; le désaccord est normal : son absence serait néfaste pour la démocratie. Nous avons pu néanmoins, armés d'une telle philosophie, mettre en oeuvre un certain nombre de projets, et notamment celui qui a conduit à la création de la métropole de Lyon, unique en son genre dans notre pays.

Je voudrais à présent devant vous donner des explications très claires sur l'emploi familial auquel j'ai recouru. Il est tout à fait exact - je n'ai aucune raison de le cacher, et pour le moment, en outre, ce n'est pas interdit, puisque la loi n'est pas votée - que j'ai employé l'une de mes filles, d'août 2012 à avril 2014, pour travailler sur des points très spécialisés. À l'époque, en effet, j'étais responsable, localement, de dossiers très difficiles en matière culturelle. Forte de sa formation à l'école du Louvre et de son expérience à divers postes de coopération internationale, ma fille m'a donc assisté sur ces sujets.

Elle était alors domiciliée en France : j'ai vérifié ce matin même que le contrat avait bien été corrigé avant août 2012 au bureau de l'Agas, l'association pour la gestion des assistants de sénateurs. Les informations publiées ne correspondent pas à la réalité ! Ma fille a exercé sa mission à temps partiel, dans un certain nombre de domaines où son expertise était grande : préservation du patrimoine, coopération internationale, culture numérique, musées. En avril 2014, nous avons conjointement considéré que les sujets pour lesquels j'avais besoin de son expertise avaient été traités ; nous avons mis fin au contrat. Elle vit aujourd'hui, à Londres, de « petits boulots » dans le domaine des musées. Chaque mois, elle a besoin de ses parents - vous connaissez cette situation, vous qui, pour beaucoup, êtes parents.

Avec ma femme, qui est juriste, bien plus brillante que moi, nous avons eu cinq enfants.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Nous avons désormais six petits-enfants, ce qui est une source de joie, mais aussi, parfois, de soucis. Je tiens à la disposition du Sénat les travaux que ma fille a effectués dans le cadre de l'emploi que je viens d'évoquer. Si le Président du Sénat souhaite en avoir connaissance, cela se fera sans problème.

Je voudrais maintenant aborder trois thèmes qui sont pour moi très importants : les libertés publiques, le bicamérisme, les territoires. Ces trois notions feront très prochainement l'objet d'une véritable refonte. De grands changements se préparent, comme nous avons pu le constater, hier matin, lors de la réunion de la commission mixte paritaire sur le projet de loi organique rétablissant la confiance dans l'action publique. Le Sénat, mais aussi tous les Français, doivent prendre conscience des conséquences de ces changements.

S'agissant tout d'abord des libertés publiques, je suis frappé par le moindre attachement de nos concitoyens à l'idée de liberté publique. Lorsque j'étais étudiant, on apprenait que la liberté était la règle, la mesure de police l'exception. Aujourd'hui, on cherche plutôt à limiter la mesure de police, laquelle devient peu ou prou la règle de droit commun ; on le fait, en général, en commentant l'arrêt Benjamin du Conseil d'État de 1933. Le changement des mentalités, sur ce point, est profond. Il y a là un vrai problème.

Qui doit défendre les libertés publiques ? Tous les Français, bien entendu. Mais, plus techniquement, je pense qu'une telle défense ne peut être du seul ressort du Conseil constitutionnel. Ce dernier remplit bel et bien cette mission ; c'est même là sa réponse à l'apparition, caractéristique de la Ve République, du bloc majoritaire. Mais le Sénat doit partager avec lui cette responsabilité.

Vous le revendiquez souvent, et nous avons souvent essayé, au sein de cette commission, sous la présidence de Philippe Bas, d'être les défenseurs des libertés publiques. C'est là, me semble-t-il, la première justification du bicamérisme, avant même la représentation des collectivités locales ; si tel n'était pas le cas, le Sénat ne serait qu'un Bundesrat, et non une chambre de plein exercice et de pleine compétence. Il est assez normal, par ailleurs, que la seconde chambre ne puisse pas renverser le Gouvernement, puisqu'elle est elle-même permanente, renouvelée par moitié tous les trois ans.

Que le Sénat soit le défenseur des libertés publiques ne veut pas dire que le bloc majoritaire est liberticide, mais qu'il pourrait l'être un jour, ce qui est tout à fait différent.

Quant au bicamérisme, il ne s'agit pas simplement d'un mode d'organisation du Parlement, mais d'un système qui permet aux citoyens, s'exprimant par deux voies différentes, de contrôler les gouvernants. Il est tout à fait normal que les citoyens s'expriment directement en élisant des députés à l'Assemblée nationale ; mais ce sont les mêmes citoyens, par le biais, cette fois, du suffrage indirect, qui élisent les sénateurs. Dans notre Constitution, une seule source de pouvoir est reconnue : le suffrage universel. Qu'il soit direct ou indirect, le suffrage est toujours universel.

En la matière, quelques dangers sont à pressentir. Le bicamérisme est un moyen de faire de bonnes lois, mieux rédigées, normatives et non de simple proclamation. Or on nous explique que nous travaillons trop lentement. Une réforme institutionnelle devrait donc bientôt faire de la procédure exceptionnelle accélérée la procédure de droit commun. Nous devrons alors veiller plus encore au bicamérisme. Si une seule lecture demeure, il faudra garantir la réelle capacité de la seconde chambre à se prononcer. Si vous m'envoyez rue de Montpensier, je prendrai garde aux restrictions au droit d'amendement qui auront été introduites dans notre droit parlementaire. Certaines sont tout à fait justifiées, mais il ne faudra pas aller trop loin.

Une réflexion devra également être menée sur les commissions mixtes paritaires (CMP). Nous en avons eu hier un exemple très intéressant. Si nous tenons au bicamérisme, c'est-à-dire à ce que les points de vue de la seconde chambre puissent être entendus au moins partiellement, l'un des moyens consisterait à accepter des CMP conclusives sur une partie du texte, mais à laisser le débat se poursuivre sur d'autres parties. L'Assemblée nationale aurait le dernier mot, mais des accords avec le Sénat seraient recherchés dès que possible.

Hier, nous étions en désaccord sur un point ; sur d'autres, nous aurions pu assez facilement trouver un terrain d'entente. En définitive, nous aurons la version de l'Assemblée. Il y a là matière à réflexion, sachant que la notion même de CMP me paraît tout à fait essentielle et consubstantielle au bicamérisme.

Enfin, puisque la Constitution prévoit que le Sénat représente les collectivités territoriales de la République, nous devrons tous être extrêmement attentifs à l'idée de territoire. Aujourd'hui, la jurisprudence telle qu'elle s'est établie ne tient compte, pour la définition des circonscriptions électorales, que de la population - ce qui peut se concevoir. Les collectivités territoriales sont diverses. Si le nombre de parlementaires diminue, à jurisprudence constante, plusieurs départements n'auront plus qu'un seul élu. Peut-être faudrait-il envisager des règles différentes pour les deux assemblées.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Merci de nous avoir ainsi fait part de vos motivations et de vos convictions, et d'avoir retracé votre parcours. Nous voyons clairement à quoi vous attachez de l'importance - notamment, au bicamérisme. Notre architecture institutionnelle compte trois pouvoirs alignés - le Président de la République, le Gouvernement et l'Assemblée nationale, avec sa majorité - et deux pouvoirs non alignés - le Conseil constitutionnel et le Sénat. Ces deux pouvoirs ont vocation, chacun selon ses attributions, à défendre les libertés, individuelles ou publiques. Et le rôle du Sénat est de représenter les collectivités territoriales, comme le prévoit la Constitution. Vous avez aussi évoqué, à juste titre, l'importance du bon fonctionnement de la procédure parlementaire.

Merci aussi de vous être spontanément exprimé sur les informations de presse qui vous concernent, et de nous avoir apporté toutes les précisions souhaitables. Votre proposition de fournir au Président du Sénat tous éléments utiles pour justifier du travail accompli entre 2012 et 2014 par votre fille, que vous employiez à temps partiel comme assistante parlementaire, me paraît excellente.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Nous avons apprécié votre traitement des textes relatifs à l'état d'urgence : quelle que soit la majorité, vous avez toujours défendu les libertés publiques. Nous comptons sur vous pour continuer ! Justement, vous avez été rapporteur de plusieurs textes qui font ou feront l'objet de questions prioritaires de constitutionnalité (QPC). Cela vous conduira à vous déporter lors de l'examen de ces QPC, mais ne craignez-vous pas, même ainsi, que vos collègues ne s'en trouvent embarrassés ? Depuis quatre ans, la lutte contre le terrorisme bascule du plan judiciaire, avec l'élargissement du champ de certaines infractions pour judiciariser les procédures, au domaine administratif, via une multiplication des mesures préventives. Que pensez-vous de cette évolution ? Quelle sera sa limite ? Notre droit est de plus en plus encadré non par notre Constitution, mais par des règles européennes et des conventions internationales, sur lesquelles le contrôle du Conseil constitutionnel est limité. Sa crédibilité ne sera-t-elle pas amenée à en souffrir ? Vous nous avez donné votre opinion sur le bicamérisme, et nous l'apprécions. Mais pourrez-vous la défendre dans vos nouvelles fonctions, où il ne s'agit plus d'agir mais d'écrire ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Le juge constitutionnel ne se contente pas d'écrire, il interprète. Et son interprétation s'impose à tous.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Merci pour vos explications sur ce contrat de collaboration qui vous est imputé par la presse dans des termes, si j'ai bien compris, qui ne correspondent pas tous à la réalité. Vos explications me suffisent, notamment parce que je suis très attachée à la non-rétroactivité du droit. Or l'évolution des idées crée une forte tentation d'appliquer à un moment donné des textes qui n'ont pas encore force de loi. Si nous cédons sur ce point, tout deviendra possible, car chacun pourra interpréter la loi à sa guise. Vous avez une longue pratique de la magistrature. Que pensez-vous des QPC, et du poids qui est le leur dans l'évolution de notre droit ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, les élections doivent être organisées sur des bases essentiellement démographiques. C'est presque une révision constitutionnelle ! Le préambule de la Constitution de 1946, qui fait partie de notre bloc de constitutionnalité, est peu souvent évoqué. Comment rectifier la tendance actuelle, qui conduit, en réduisant le nombre d'élus, à rendre plus difficile la représentation des territoires ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

J'éprouve toujours une forme de gêne dans ce type d'auditions, car le Conseil constitutionnel est une instance collégiale, dont chaque membre fait appel à sa conscience et exerce son indépendance. On n'y est donc pas élu sur un programme, mais nommé par une autorité de la République, pour exercer de façon indépendante la mission consistant à vérifier le respect de la Constitution et des principes découlant de la Déclaration des droits de l'homme. Ces auditions avant nomination sont un apport récent à notre Constitution, dont les partisans disent qu'il est d'inspiration parlementariste, quand il constitue aussi une imitation d'un rite américain, et que la Constitution des États-Unis n'est guère parlementariste... La Cour suprême américaine est d'ailleurs officiellement divisée entre une majorité et une minorité, ce que je trouve absolument tragique. Nous ne sommes pas dans un contexte similaire. Aussi nous faut-il quelque peu meubler cette audition, car il serait vain de chercher à obtenir de l'impétrant des engagements sur tel ou tel sujet. En somme, nous avons là une discussion entre personnes de bonne compagnie.

J'ai écouté attentivement vos propos sur le bicamérisme. À mon sens, la composante libérale a une grande importance car le Sénat est d'abord une création orléaniste. C'est d'ailleurs parce qu'il est devenu majoritairement républicain en janvier 1879 que le régime a basculé et que M. de Mac Mahon a démissionné. Certes, au cours des dernières décennies, le Sénat a aussi été un soutien de l'autorité de l'État, ce qui est moins séduisant mais essentiel. Le Conseil constitutionnel a rappelé que l'ordre public est aussi un principe à valeur constitutionnelle, car s'il n'est pas respecté, les autres principes ne peuvent l'être.

Sur les CMP, je ne partage pas votre avis. La Constitution parle bien du texte dans son ensemble. Si on commence à envisager un accord partiel, le résultat sera que des initiatives risquent d'être prises sur les parties n'ayant pas fait l'objet d'un accord en CMP, au risque de remettre en cause l'équilibre de l'ensemble d'un texte. Mieux vaut donc en rester à l'état actuel du droit. La création des CMP, d'ailleurs, a représenté un vrai progrès pour la cohérence législative.

Je souhaite vous interroger sur le fait que le Conseil constitutionnel se saisisse parfois lui-même, en choisissant d'étendre son examen à d'autres articles que ceux qui lui sont déférés. Selon quels critères prend-il cette décision ? Il ne s'en est jamais vraiment expliqué. C'est pourtant un facteur - modeste - d'incertitude juridique.

Si vous entrez au Conseil constitutionnel, vous y assumerez la défense d'une espèce menacée : les universitaires ! Je m'en réjouis.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Favier

L'accélération des procédures pose des problèmes, notamment en ce qui concerne le droit d'amendement. Que pensez-vous de l'idée de voter la loi directement en commission ? Vous êtes favorable à la conclusion d'accords partiels en CMP, mais cela donnerait de nouveaux pouvoirs à ces commissions, dont la représentativité devrait dès lors être plus minutieusement assurée. Actuellement, leur faible effectif empêche parfois d'intégrer dans leur composition les représentants de certains courants.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Je serai entièrement indépendant. J'ai lu quelque part que j'étais le représentant du Président de la République... Balivernes ! Je ne représente personne, si ce n'est, peut-être, les minorités, ayant toujours été membre de groupes minoritaires. Oui, contrairement à la Cour suprême américaine, le Conseil constitutionnel - qui n'est pas non plus la Cour de La Haye - ne compte pas d'opinions dissidentes en son sein. J'imagine tout de même qu'une certaine maïeutique y aboutit aux décisions, et j'y apporterai ce que je sais, ce que je crois et ce dont j'ai envie pour la France.

Les QPC ont changé la vie du Conseil constitutionnel. Elles constituent une évolution logique. J'ai été le disciple de Robert Pelloux, lui-même élève de Carré de Malberg, qui tenait pour une limitation du rôle de la loi, et donc du Parlement. La création du Conseil constitutionnel a été une évolution majeure apportée par la cinquième République. Sous la Quatrième, on conformait la Constitution à la loi ! Nous disposons désormais d'une hiérarchie des normes solide, même si quelques problèmes de conventionalité subsistent. Et la QPC donne à tout citoyen l'accès au juge constitutionnel. Lorsqu'elle fut introduite, les deux juridictions suprêmes n'étaient guère enthousiastes - la Cour de cassation encore moins que le Conseil d'État. Et des questions de personnes n'ont pas arrangé la situation. Mais nous sommes désormais parvenus à un régime stabilisé. Et l'État de droit y gagne.

Sur l'auto-saisine du Conseil constitutionnel, je me bornerai à imaginer qu'il a repris cette pratique du Conseil d'État, où elle est constante !

Faut-il accélérer la procédure législative ? En France, on considère que le Parlement va trop lentement. C'est faux ! Si un texte législatif est d'application immédiate, le temps qui s'écoule entre son dépôt et sa mise en oeuvre n'est pas toujours très long. S'il impose de prendre des décrets d'application, le temps d'élaboration de ceux-ci est parfois plus long que celui du débat législatif. On ne peut pas faire une loi à la va-vite, avec tambours et trompettes. Le temps est nécessaire, pour réfléchir, pour consulter, pour écouter.

Dans certaines matières, comme la ratification de conventions internationales par exemple, les pouvoirs du Parlement sont plus faibles. Mais celles qui touchent directement tous nos concitoyens doivent faire l'objet d'une durée de délibération suffisante.

J'ai bien conscience du problème que pose la représentation des territoires. Il n'est pas seulement juridique : que de nombreux départements n'aient qu'un élu chacun serait problématique, car il faut aussi représenter la diversité. Le Conseil constitutionnel a le pouvoir de déclarer une loi conforme ou non à la Constitution, mais il n'a pas le pouvoir de réviser la Constitution, ni celui de faire la loi - pouvoir qui n'appartient qu'au Parlement. Je ne dévoilerai donc pas un programme, mais je veillerai, si je vous me permettez de siéger au Conseil constitutionnel, à ce qu'il reste dans son rôle et le Parlement dans le sien.

M. Leconte a raison : j'ai été le rapporteur de beaucoup de textes - et je remercie le président et la commission des lois de m'avoir donné cette opportunité. Je me conformerai tout simplement à la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur le déport, ainsi que le fait Jean-Jacques Hyest - surtout s'il se trouve que nous avons travaillé sur le même texte !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Nous vous remercions.

La réunion est suspendue à 11 heures.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion reprend à 11 h 10.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Nous allons passer au vote sur la proposition de nomination, par le Président du Sénat, de M. Michel Mercier aux fonctions de membre du Conseil constitutionnel.

Le vote se déroulera à bulletins secrets, comme le prévoit l'article 19 bis du Règlement du Sénat, et les délégations de vote ne sont pas autorisées, en vertu de l'article 1er de l'ordonnance n° 58-1066 du 7 novembre 1958 portant loi organique autorisant exceptionnellement les parlementaires à déléguer leur droit de vote.

En application des articles 56 et 13 de la Constitution, le Président du Sénat ne pourrait procéder à cette nomination si les votes négatifs représentaient au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés.

MM. Mathieu Darnaud et François Bonhomme sont désignés scrutateurs.

Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants : 31.

Bulletin blanc : 1.

Bulletin nul : 1.

Nombre de suffrages exprimés : 29.

Pour : 22.

Contre : 7.

La commission donne un avis favorable à la nomination de M. Michel Mercier aux fonctions de membre du Conseil constitutionnel.

MM. Jacques Bigot et François-Noël Buffet sont nommés rapporteurs sur la proposition de loi organique n° 640 (2016-2017) pour le redressement de la justice et la proposition de loi n° 641 (2016-2017) d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice, présentées par M. Philippe Bas.

La réunion est close à 11 h 25.