… ou de liquidation judiciaire. Notre assemblée avait également invité le Gouvernement à mieux prendre en compte les besoins des travailleurs handicapés. Ainsi, nous avions prévu que les personnes handicapées devront avoir accès au futur site d’information sur le droit du travail.
L’instance unique devra, en outre, être mieux associée aux décisions de l’employeur en matière d’emploi des personnes handicapées. Nous avions, par ailleurs, souhaité qu’ils bénéficient du développement du télétravail.
Ces apports n’ont, fort heureusement, pas été remis en cause en CMP, tout comme les dispositions introduites au Sénat sur l’initiative du Gouvernement. Je pense notamment à la sécurisation des transferts conventionnels, à l’abaissement de l’ancienneté minimale d’un an pour bénéficier des indemnités légales de licenciement, ou encore à l’adaptation des règles relatives aux travailleurs détachés.
Enfin, à l’article 9 portant sur le report de l’entrée en vigueur du prélèvement à la source, la CMP a conservé l’apport du Sénat exigeant que des analyses complémentaires sur les options alternatives soient remises par le Gouvernement avant la présentation du projet de loi de finances pour 2018, afin que le Parlement dispose de tous les éléments d’information utiles pour statuer sur le devenir de cette réforme.
J’en viens maintenant aux amendements adoptés par le Sénat qui n’ont pas été conservés en CMP.
Tout d’abord, le Gouvernement pourra finalement harmoniser le régime juridique des accords de maintien de l’emploi, les fameux AME, avec celui des autres accords de flexisécurité. Vous le savez, madame la ministre, nous demandons la suppression des AME, dont l’échec est consommé, et qui ont perdu leur raison d’être depuis la création des accords de préservation et de développement de l’emploi par la loi Travail. Nul doute que la prochaine étape, une fois l’ordonnance publiée, sera leur abrogation.
La CMP a ensuite rétabli l’habilitation autorisant le Gouvernement à aménager le calendrier de la généralisation des accords majoritaires. J’attire votre attention, madame la ministre, sur les dangers qu’une accélération de ce calendrier pourrait entraîner, en bloquant le dialogue social dans les entreprises.
Si le Sénat est favorable aux accords majoritaires, il convient de faire précéder toute modification du calendrier de leur déploiement par des évaluations. Personne ne connaît en effet aujourd’hui la représentativité moyenne des syndicats signataires des accords collectifs, pas même, et je le regrette, vos services, madame la ministre. Il serait donc pour le moins paradoxal que ce texte, qui promeut avec raison la négociation d’entreprise, conduise à une diminution du nombre d’accords signés.
La CMP est également revenue sur l’attribution de plein droit, sauf accord majoritaire contraire, de la compétence de négociation à l’instance unique. En effet, le texte prévoit désormais que cette instance pourra négocier des accords seulement si les partenaires sociaux dans l’entreprise l’y autorisent. Je reste toutefois persuadé que la compétence de négociation s’imposera d’elle-même dans quelques années, lorsque l’instance unique aura été mise en place dans toutes les entreprises.
Le rétablissement de l’habilitation relative à la représentation des salariés dans les organes de gouvernance des grandes entreprises a également été voté. Le texte prévoit toutefois deux garde-fous pour tenir compte des observations du Sénat : d’une part, les seuils actuels d’effectifs ne seront pas modifiés ; d’autre part, l’ordonnance devra se limiter à améliorer la formation des représentants des salariés. En tout état de cause, une évaluation préalable des dispositions adoptées depuis 2013 est nécessaire avant de bouleverser de nouveau ce mécanisme.
Nous avons bien compris le souhait du Gouvernement de se voir accorder certaines habilitations pour faciliter la négociation avec les partenaires sociaux, mais nous vous demandons, madame la ministre, d’éviter d’utiliser l’intégralité de ces habilitations, ou de n’y recourir qu’avec parcimonie, afin de ne pas alimenter l’instabilité juridique, dont nous souffrons tant déjà.
Enfin, la CMP n’a pas souhaité fixer d’objectif précis à la réduction des délais de recours en cas de rupture du contrat de travail, tout en souhaitant à terme leur harmonisation.
Madame la ministre, mes chers collègues, le texte que nous nous apprêtons à adopter porte la marque du Sénat, qui a été fidèle à ses convictions, tout en cherchant à accompagner le Gouvernement, dans un esprit de responsabilité. La majorité des sénateurs souhaite le succès de cette réforme, indispensable pour adapter notre droit social aux évolutions de notre économie et aux attentes des employeurs et des salariés.
Nous n’avons pas le sentiment d’avoir préempté les résultats de la négociation avec les partenaires sociaux, qui va se poursuivre jusqu’à la publication des ordonnances. Le Parlement doit en effet pleinement jouer son rôle de législateur s’agissant de la première réforme sociale du quinquennat. La démocratie politique ne saurait s’effacer devant la démocratie sociale, et je crois que le texte adopté en CMP démontre que nous pouvons conjuguer ces deux légitimités dans une société moderne et apaisée.
Permettez-moi, enfin, de dire à nos collègues députés la complexité de l’art d’agir, de légiférer, y compris d’ailleurs pour une chambre d’apaisement, en citant une fois de plus René Char : « La beauté naît du dialogue, de la rupture du silence et du regain du silence ».