Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président-rapporteur de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, ce projet de loi d’habilitation permettant au Gouvernement de prendre par ordonnances des mesures pour le renforcement du dialogue social s’inscrit dans un objectif plus large de rénovation de notre modèle social.
La modification du code du travail, l’allégement des contraintes supportées par les entreprises, la réorganisation des outils du dialogue social ne créent certes pas directement d’emplois – pas plus, d’ailleurs, que le CICE –, mais ils ont pour vocation de stimuler le désir d’entreprendre, d’investir et, au final, de favoriser le développement des entreprises et de l’activité économique dans notre pays.
La création d’emplois est la conséquence de ce processus, qui s’inscrit dans un temps long, contrairement aux temps politique et médiatique qui ne sont souvent appréhendés que dans le court terme.
La rapidité des évolutions technologiques, la révolution numérique, la multiplication des échanges financiers, économiques et humains représentent des bases factuelles d’un monde qui change et auquel nous devons permettre à notre économie et à nos entreprises de s’adapter. Tourner le dos à cette réalité et à ces évolutions dans un réflexe protecteur et protectionniste nous conduirait inévitablement sur la voie du déclin, avec toutes les conséquences néfastes que cela suppose sur le plan économique et social.
Ce projet d’ordonnances est le prolongement de la loi du 8 août 2016, dite loi El Khomri, avec un champ d’intervention toutefois plus restreint. D’autres textes viendront compléter cette évolution, notamment en termes d’apprentissage, de formation professionnelle, d’assurance chômage et de retraite.
Cependant, à défaut d’une réécriture complète du code du travail, telle qu’elle avait été envisagée dans la loi El Khomri, il me paraîtrait indispensable de procéder à un toilettage simplificateur de ce code en supprimant nombre de dispositions inopérantes, complexes, qui ne relèvent pas toujours de la loi et comportent des précisions excessives qui pourraient venir limiter de manière trop contraignante le champ des négociations de branche ou d’entreprise.
En ce qui concerne les domaines qui doivent être traités dans ces ordonnances, nous nous félicitons de la volonté du Gouvernement de prévoir des mécanismes opérationnels, c’est-à-dire qui pourront facilement trouver une traduction concrète dans la négociation sociale et le fonctionnement des entreprises.
Il faut en effet éviter des dispositifs parfois fondés sur des intentions louables mais difficilement applicables, donc, peu utilisés. Je pense, en particulier, aux accords de maintien de l’emploi, les AME, que le Sénat souhaitait supprimer même si, au final, nous acceptons la formule d’harmonisation, que vous entendez mettre en œuvre, avec les accords de préservation et de développement de l’emploi, les APDE.
Même si nous maintenons quelques réserves ponctuelles sur ce projet de loi, la version aujourd’hui soumise à notre approbation nous paraît satisfaisante dans les principales orientations qu’elle préconise.
Nous sommes, en premier lieu, favorables aux modes de conclusions des accords d’entreprise, qui permettront d’en augmenter sensiblement le nombre, en particulier dans les PME et TPE, grâce à l’ouverture de ces accords, en l’absence de délégués syndicaux, aux délégués du personnel et en autorisant, en dernier ressort, une consultation directe des salariés.
Nous approuvons, en deuxième lieu, le périmètre à prendre en considération pour évaluer les difficultés d’une entreprise, même si ce dispositif mérite quelques précautions complémentaires et peut-être quelques exceptions.
Nous sommes, en troisième lieu, pour les contrats à durée déterminée de chantiers ou d’opération.
Nous nous félicitons, en quatrième lieu, de la fusion des instances de représentation des salariés, qui va atténuer l’effet dissuasif de seuil pour les entreprises qui atteignent l’effectif de 50 salariés.
Nous sommes favorables, en cinquième lieu, à la fixation d’un barème obligatoire pour les dommages et intérêts alloués en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, à l’exclusion d’un certain nombre de situations en raison de la responsabilité et du comportement de l’employeur.
Nous approuvons, en sixième et dernier lieu, le traitement différencié de certaines mesures pour les PME et TPE.
Dans cette loi d’habilitation, le Gouvernement et vous-même, madame la ministre, avez fait preuve à la fois de pédagogie et de compréhension. L’Assemblée nationale et le Sénat, dans le respect du travail respectif de nos deux assemblées, ont su faire des concessions mutuelles et trouver un compromis équilibré pour présenter aujourd’hui un texte commun validé par la commission mixte paritaire.
Nous nous félicitons du fait que de nombreuses propositions émanant du Sénat, de la commission des affaires sociales, en particulier, aient été retenues ou prises en compte dans la version finale. Nous le devons aussi à l’esprit très constructif dans lequel ont travaillé nos rapporteurs, que je tiens à féliciter.
Le groupe Union Centriste et, j’en suis persuadé, une majorité de nos collègues se réjouissent de cette conclusion. Elle témoigne en effet d’une démarche positive du Parlement à l’égard de la procédure des ordonnances, qui aurait pu a priori donner le sentiment de nous mettre quelque peu à l’écart.
Nous souhaitons, bien entendu, que, conformément à l’article 8 de ce projet de loi d’habilitation, un débat puisse de nouveau s’engager avant la fin de l’année, le plus tôt possible après la promulgation des ordonnances, dans le cadre des lois de ratification.
Madame la ministre, vous considérez ce texte comme « un pari sur la confiance dans le dialogue social ».
Pour notre part, nous faisons aujourd’hui un pari sur la volonté du Gouvernement de simplifier et de rationaliser notre droit social.
En votant le texte de la commission mixte paritaire, nous vous accordons notre confiance et nous formons le vœu, dans l’intérêt même de notre pays, qu’il s’agisse là de deux paris gagnants.