Cet article 15 introduit, dans le chapitre III du titre Ier, la section 3 relative à la vie privée et familiale et aux relations avec l’extérieur.
Son premier alinéa est ainsi rédigé : « Le droit des détenus au maintien des relations avec les membres de leur famille s’exerce soit par les visites que ceux-ci leur rendent, soit, pour les condamnés et si leur situation pénale l’autorise, par les permissions de sortie des établissements pénitentiaires. » Soit !
Toutefois, les choses deviennent plus inquiétantes à l’alinéa suivant, qui commence par ces mots : « L’autorité administrative ne peut… » En effet, chaque fois qu’une négation est préférée à une affirmation, on sait qu’un voile d’hypocrisie s’apprête à tomber, car tout est fait pour endormir l’attention.
Je reprends la lecture : « L’autorité administrative ne peut refuser de délivrer un permis de visite aux membres de la famille d’un condamné, suspendre ou retirer ce permis… » – cela se gâte ! – « que pour des motifs liés au maintien de l’ordre et de la sécurité ou à la prévention des infractions. » Une telle rédaction semble certes frappée au coin du bon sens, mais qui va prendre la décision ? Une fois encore, on s’en remet au service public de l’administration pénitentiaire, lequel aura forcément une appréciation subjective ; une fois encore, la mesure pâtit d’un défaut d’encadrement et s’avère très ambiguë.
Quant au troisième alinéa, il précise : « L’autorité administrative peut également, pour les mêmes motifs ou s’il apparaît que les visites font obstacle à la réinsertion du condamné, refuser de délivrer un permis de visite à d’autres personnes que les membres de la famille, suspendre ce permis ou le retirer. » Au moins, ici, tout est clairement affirmé, il n’y a plus d’hypocrisie ! Je regrette qu’il n’en soit pas allé de même à l’alinéa précédent…
L’article 15 se termine par cette courte phrase : « Les permis de visite des prévenus sont délivrés par l’autorité judiciaire. » Cette rédaction nous convient plutôt : même si l’autorité judiciaire a aussi ses imperfections – comme dans tout corps de métier, certains éléments sont meilleurs que d’autres –, son intervention constitue tout de même une véritable garantie.
Mais le risque d’arbitraire qui nous préoccupe naît précisément de cette possibilité octroyée à l’autorité administrative de retirer les autorisations de visite. Pourquoi l’autorité judiciaire ne pourrait-elle pas également intervenir en la matière ? Certes, le juge administratif pourra toujours être saisi, mais, en attendant qu’il se prononce – cela pourra durer longtemps ! –, la famille n’aura plus de droit de visite.
C’est justement pour nous prémunir contre ce genre de situations, souvent déplorables, que notre collègue Alain Anziani a défendu tout à l’heure l’amendement n° 115 rectifié bis. Dans ce domaine, l’ensemble des recommandations des instances européennes – je vous en épargnerai la lecture – vont d’ailleurs exactement dans le même sens.
Mes chers collègues, le fond est important et les barrières juridiques doivent être clairement fixées. Mais ne tombons pas dans un juridisme excessif. La pratique compte tout autant, et c’est bien l’état d’esprit du Gouvernement qui est en cause. Les personnels de l’administration pénitentiaire ne sont pas à l’origine des problèmes auxquels sont aujourd’hui confrontées les prisons. Les syndicats, notamment la CGT, FO et la CFDT, n’ont de cesse de dénoncer les carences du Gouvernement. C’est ce dernier, par l’aggravation continue des procédures pénales et du code pénal, qui est le premier responsable des malheurs et des suicides qui frappent les prisons !