Intervention de Loïc Hervé

Réunion du 4 août 2017 à 15h00
Confiance dans la vie politique — Discussion en nouvelle lecture d'un projet de loi organique dans le texte de la commission

Photo de Loïc HervéLoïc Hervé :

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le président de la commission et rapporteur du texte, mes chers collègues, le Sénat parvient aujourd’hui au dernier stade d’un débat qui était attendu de longue date par nos concitoyens, celui qui concerne le rétablissement de la confiance dans les structures fondant notre vie démocratique.

Ce débat était un engagement de campagne du Président de la République.

C’était aussi, et surtout, une nécessité après les innombrables polémiques nées au cours de la campagne électorale.

La Haute Assemblée a cherché, depuis près de deux mois, à travailler dans un esprit d’ouverture et de dialogue avec le Gouvernement et la nouvelle majorité à l’Assemblée nationale. Notre objectif n’a jamais dévié : déterminer le meilleur équilibre possible entre les intentions initiales du Gouvernement et les réalités de l’action publique.

Le groupe Union Centriste du Sénat, que je représente aujourd’hui, se félicite de constater que, après la commission mixte paritaire de mardi dernier, nos convergences ont permis de définir un texte commun concernant la loi ordinaire, désormais en attente de promulgation.

Il n’en a malheureusement pas été de même pour ce qui est du projet de loi organique, et ce pour un motif unique, que tout le monde connaît et qui nous intéresse tout particulièrement cet après-midi : la question de la réserve parlementaire.

Sur ce sujet, on le sait, il y a pu avoir des dérives par le passé.

Néanmoins, l’idée que la réserve soit une bourse à la corruption des grands électeurs est un mythe. Accréditer ce mythe, c’est alimenter l’antiparlementarisme, comme notre collègue Gilbert Barbier vient de l’évoquer. Ce mythe doit être combattu autant qu’il le faut ! Le soutien financier à l’action publique locale doit être défendu !

Sur le plan de la méthode, je ne peux que regretter l’attitude qui nous a été décrite de Mme la présidente de la commission des lois de l’Assemblée nationale lors de la commission mixte paritaire de mardi. Déclarer que le Gouvernement ne veut pas de la réserve sous quelque forme que ce soit ne tient pas lieu d’argument suffisant.

Je déplore, ainsi que mes collègues du groupe de l’Union Centriste, que le débat lors de la commission mixte paritaire n’ait pu être à la hauteur des enjeux, de sorte que j’espère que vous pourrez, madame la garde des sceaux, nous renseigner sur les raisons justifiant cette obstination, malgré les travaux du Sénat, de la majorité des groupes politiques et de la commission des finances de l’Assemblée nationale.

Sur le fond du dossier, je souhaite rétablir une fois pour toutes quelques vérités au bénéfice de nos concitoyens.

La réserve parlementaire n’est pas un instrument de népotisme. Aucun parlementaire ne se promène, même le dimanche, dans son territoire d’élection un carnet de chèques à la main. La réserve est en revanche le seul outil d’intervention directe à la disposition du parlementaire. C’est un outil modeste : 146 millions d’euros répartis entre plus de 900 parlementaires. La réserve est modeste, elle n’en est pas moins nécessaire.

À la lumière de l’exemple cité tout à l’heure, nous avons tous en tête de petits projets patrimoniaux ou culturels qui ont, grâce à la réserve, été menés à bien par des collectivités ou des associations.

De très grandes associations bénéficient de la réserve parlementaire – je pense au Secours catholique ou bien à la Fondation Jean-Jaurès. Mais ce sont surtout les communes rurales qui ont besoin de cette réserve afin de concrétiser des projets d’investissements souvent difficiles à financer compte tenu de leur modestie, qui les rend inéligibles à tout autre mode de financement. Combien d’églises ou d’autres monuments essentiels de notre patrimoine local ont été sauvés grâce à la réserve ? Nul ne saurait le dire tant ces crédits jouent un rôle important pour assurer le lien entre le travail du parlementaire et la vie locale réelle.

A fortiori, des efforts notables ont été réalisés depuis plusieurs années pour garantir la transparence de la réserve. Les crédits sont consultables en ligne et il est de plus en plus fréquent que les parlementaires – c’est mon cas – fassent eux-mêmes la publicité de leur engagement dans tel ou tel projet local au moyen de la réserve.

La suppression de la réserve pose également un problème démocratique majeur.

Comment expliquer que l’on supprime un levier financier d’action à des responsables politiques démocratiquement élus, alors que l’on confie l’opportunité de la ventilation de la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR, ou du fonds de soutien à l’investissement local, le FSIL, à des préfets, des préfets de région, c’est-à-dire des fonctionnaires nommés par l’exécutif et qui n’ont à répondre qu’auprès de lui ? Si c’est cela le rétablissement de la confiance, cela en dit long sur la suspicion que l’on nourrit actuellement à l’encontre des élus.

Enfin, la suppression de la réserve, dans la rédaction actuelle du texte, pose un problème constitutionnel.

L’article 9, tel qu’il est rédigé, n’est rattachable à aucune disposition constitutionnelle clairement identifiée et justifiant l’intervention du législateur organique. A fortiori, interdire une pratique qui n’est jamais définie ne me semble pas être un exercice de bonne législation.

Le Conseil constitutionnel devra nécessairement se prononcer sur ce point du texte et cet aspect du débat devrait nous pousser à nous engager tous autant que nous sommes dans un débat de fond sur les voies et moyens permettant de sauvegarder une forme de réserve parlementaire rénovée, encore plus transparente et au service de l’investissement local et des associations.

La solution proposée par le Sénat et revue par la commission des finances de l’Assemblée nationale permettait de répondre au besoin de soutien financier des collectivités et des associations. Cette solution permettait aux parlementaires, dans le Parlement de l’après-cumul – celui-ci fait déjà sentir ses premiers effets à l’Assemblée nationale, avant que le Sénat ne les connaisse à son tour –, de conserver un levier propre d’action tout en renforçant encore la transparence sur les crédits alloués.

Dans ces conditions, et en associant mon collègue Yves Détraigne à mes propos, je crois fermement que notre débat de cet après-midi peut nous permettre de définir un compromis rendant possible de concilier votre intention, madame la garde des sceaux, avec nos impératifs.

Nous avons trouvé une solution commune sur les modalités de prise en charge des frais de mandat ; nous avons trouvé une solution pour endiguer la pratique des emplois familiaux ; nous avons commencé à élaborer un statut législatif du collaborateur parlementaire.

Nous avons donc les ressources pour trouver une solution de compromis concernant la réserve et c’est dans cet esprit de recherche de consensus que j’avais prévu de défendre une série d’amendements, que j’ai finalement renoncé à déposer tant la rédaction du texte proposé par la commission des lois à la suite de sa réunion de ce matin nous satisfait.

Au-delà, madame la garde des sceaux, le débat de ce jour n’a pas vocation à clore, au Sénat, le travail sur la réforme institutionnelle, qui prendra la forme d’une révision constitutionnelle pendant la prochaine session ordinaire du Parlement. Par conséquent, nous sommes aujourd’hui seulement en train de poser la première pierre d’un édifice qui a besoin de solides fondations pour durer. Je ne doute pas qu’à l’orée de cet important cycle de travail qui est devant nous, vous saurez, dans ce débat, faire preuve d’écoute, d’ouverture et de dialogue.

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