Madame la présidente, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, l'article 51 de la loi de finances rectificative pour 2016 modifie la répartition entre collectivités territoriales du produit de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), qui représente 16 milliards d'euros et plus de 8 % de leurs recettes réelles de fonctionnement. La réforme a pour objet de rendre plus juste cette répartition en tenant mieux compte de l'organisation du tissu économique, qui comprend de plus en plus de groupes. À la demande du Sénat, l'entrée en vigueur de cet article a été fixée au 1er janvier 2018, pour se donner le temps d'en analyser les effets.
À l'issue de ce rapport d'étape, nous pensons que la réforme n'est aujourd'hui pas applicable en l'état. A minima, un nouveau report s'impose.
II faut profiter de ce report pour approfondir l'étude des conséquences de l'entrée en vigueur des valeurs locatives révisées, sur la base desquelles seront réparties plus des deux tiers de la CVAE en 2018.
Enfin, une récente décision du Conseil constitutionnel concernant le dégrèvement barémique rend possible une optimisation fiscale, qu'il convient d'empêcher rapidement.
La consolidation de la CVAE des groupes est un débat récurrent, qui est né dès sa création.
La valeur ajoutée étant mesurée à l'échelle de l'entreprise et non du site, elle n'est pas spontanément territorialisée, sauf pour les entreprises mono-établissements, qui représentent 51 % des entreprises. Ainsi, le choix d'asseoir la CVAE sur la valeur ajoutée portait en lui-même le débat sur les modalités de répartition de son produit. À l'origine, en 2009, je vous rappelle que le Gouvernement avait proposé, pour cet impôt, des modalités de répartition proches de celles d'une dotation : en fonction de critères définis par la loi, avec une logique de péréquation entre collectivités territoriales. C'est le Parlement qui a souhaité et obtenu la territorialisation de l'assiette de la CVAE, et donc de son produit, dans le but de maintenir un lien entre l'activité économique sur le territoire et les recettes perçues par les collectivités.
La solution aujourd'hui retenue consiste à répartir la valeur ajoutée des entreprises multi-établissements en fonction des valeurs locatives et des effectifs. Mais ce dispositif ne permet pas de traiter la situation des groupes de sociétés, alors même que des transferts indus importants de valeur ajoutée peuvent avoir lieu entre les entités d'un même groupe, notamment au profit du siège. Est donc apparue la crainte qu'une partie de la CVAE soit injustement captée par les territoires abritant de nombreux sièges sociaux, à commencer par la région d'Île-de-France. Cette crainte a été alimentée par le fait que près d'un tiers du produit national de CVAE revient à cette région et que sa part est supérieure à son poids dans le PIB.
Dès 2010, des parlementaires ont proposé d'appliquer aux groupes les règles de répartition des entreprises multi-établissements : la valeur ajoutée serait consolidée au niveau du groupe - et non plus au niveau de l'entreprise - avant d'être territorialisée en fonction des valeurs locatives et des effectifs des différents établissements. Cette réforme a finalement été inscrite à l'article 51 de la loi de finances rectificative pour 2016, après un débat difficile en raison de l'absence de transmission de simulations par le Gouvernement. Il aura fallu attendre 2014 pour obtenir les premiers éléments d'analyse solides et c'est cette année seulement que des simulations ont enfin été transmises au Parlement, grâce à l'inscription dans la loi de ces nouvelles modalités de répartition à compter de 2018.