Je remercie la délégation aux entreprises d'avoir abordé spécifiquement cette question de l'impact du prélèvement à la source sur les entreprises. La commission des finances y a elle-même déjà beaucoup travaillé, menant des auditions à l'occasion desquelles tous, syndicats comme entreprises, s'étaient prononcés à l'unanimité contre la réforme proposée. Le Sénat avait également amendé le projet de loi de finances pour 2016, y introduisant l'exigence de la remise par le Gouvernement d'un rapport sur les solutions alternatives au prélèvement à la source.
Le rapport que j'ai moi-même rédigé au nom de la commission des finances apportait, sur ces questions, des éclairages importants, et l'étude commandée par la délégation aux entreprises complète utilement, s'agissant de l'impact direct sur les entreprises, le travail déjà effectué. Le Gouvernement vient d'ailleurs de suspendre l'application du prélèvement à la source ; plusieurs options restent sur la table. Le débat arrive donc à point nommé.
À étudier les tentatives passées, très nombreuses et toutes infructueuses, de mise en place du prélèvement à la source, on constate que les commentaires qui accompagnèrent ces échecs, et notamment ceux du Sénat en 1973, pourraient être aujourd'hui repris mot pour mot, concernant par exemple l'effet psychologique de la baisse du montant net figurant sur le bulletin de paie. Toutes les analyses alors produites gardent leur pertinence. Notre système fiscal est complexe, d'une complexité compensée par des outils informatiques très performants ; il repose sur le quotient familial et l'imposition par foyer. On tente de plaquer sur ce système conjugalisé un dispositif individualisé ; c'est la raison des échecs successifs d'une telle réforme en France.
Je poserai deux questions. D'abord, pourquoi tous ces efforts ? Le taux de recouvrement de l'impôt sur le revenu est, en France, parmi les plus élevés au monde ; un seul et unique problème se pose : l'imposition se fait sur la base des revenus de l'année N-1. C'est le seul inconvénient du système en cours.
J'ai proposé, au nom du Sénat, que soit institué un prélèvement contemporain de l'impôt, fondé sur la transmission instantanée, par les entreprises, des informations relatives aux salaires, le prélèvement étant effectué non par les entreprises, mais par l'administration fiscale. Si un changement de situation survient, qu'il s'agisse d'une naissance ou d'un divorce, il suffirait au salarié de le mentionner sur le portail dédié, le prélèvement étant adapté dès le mois suivant.
D'où ma question : l'outil existant de transmission des données sociales, à savoir la déclaration sociale nominative (DSN), vous semble-t-il suffisamment performant pour alimenter en temps réel la direction générale des finances publiques (DGFiP) ? Avec le système que je propose, la relation se ferait bel et bien et uniquement entre contribuables et administration, mais sur une base actualisée en temps réel, celle du revenu du mois précédent, et non de l'année précédente !
Deuxième remarque : je voudrais nuancer ce que vient de dire Julien Pellefigue. Il a affirmé qu'il revenait au même, en théorie, du point de vue du contribuable, d'être prélevé automatiquement chaque mois sur son compte bancaire ou directement sur sa fiche de paie. Non ! En cas de retenue à la source, le calcul du prélèvement ne tient pas compte de certains crédits et réductions d'impôt : le contribuable avance les sommes. Il existe donc bien un effet de trésorerie, lequel n'est pas négligeable. En particulier, l'impôt payé aujourd'hui l'est après déduction d'une partie des dépenses liées, par exemple, à l'emploi d'un salarié à domicile, ou à des dons aux oeuvres. Le contribuable aura donc moins d'argent à consacrer à la générosité publique chaque mois.
Vu la manière dont le prélèvement à la source est aujourd'hui conçu, le contribuable se retrouverait donc à alimenter la trésorerie de l'État. Ce n'est pas neutre du tout ! Le revenu disponible diminuerait d'autant.