Intervention de Alima Boumediene-Thiery

Réunion du 5 mars 2009 à 9h45
Loi pénitentiaire — Article 15 bis, amendement 25

Photo de Alima Boumediene-ThieryAlima Boumediene-Thiery :

Ces deux amendements ont pour objet d’introduire la notion de respect de l’intimité du détenu, malheureusement absente de cet article. L’amendement n° 25 rectifié bis a trait aux unités de vie familiale, les UVF, et aux parloirs familiaux, alors que l’amendement n° 26 rectifié ne concerne que les UVF.

Il est important de préciser dans la loi que les visites familiales s’exercent dans le respect par l’administration pénitentiaire de l’intimité du détenu. Je vous renvoie, mes chers collègues, aux excellentes études produites par l’Observatoire international des prisons, l’OIP. On y apprend que la France a beaucoup de progrès à faire sur cette question, en comparaison d’autres pays.

Par exemple, la Suède, l’Espagne ou le Canada ont mis en place des espaces où les détenus peuvent se soustraire à toute surveillance durant quelques heures pour recevoir leur famille. D’autres pays, comme la Lituanie ou la République tchèque prévoient même une durée de plusieurs jours. Le détenu doit pouvoir recevoir sa famille à l’abri du regard des surveillants. Ces moments sacrés permettent à un détenu de poursuivre sa vie familiale, voire sexuelle.

Je vous le rappelle, le droit à une vie sexuelle fait partie intégrante du droit à l’intégrité physique et morale des détenus, selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Ce droit doit donc être protégé. Est-il normal qu’un détenu se voie infliger une sanction de quinze jours d’isolement, voire de deux mois de suppression de visites, pour s’être livré à des contacts sexuels avec sa compagne lors d’un parloir ?

Il faut aujourd’hui mettre un terme à cette hypocrisie et briser le tabou qui entoure la sexualité en prison. Finissons-en avec ce déni : les relations sexuelles ont lieu aujourd’hui, malgré tous les risques de sanction, dans des conditions déplorables, en tout cas loin de la dignité humaine, dont nous avons parlé si longuement hier.

Cessons également de penser que le respect de l’intimité du détenu est incompatible avec la préservation de la sécurité des établissements : c’est faux ! Comme le soulignait la commission Canivet dans son rapport de 2000, « l’artificielle opposition si souvent faite entre sécurité et humanisation des prisons est à récuser sans merci, dès lors que l’une et l’autre peuvent parfaitement cheminer de pair ».

Nous devons aujourd’hui rompre le tabou de la sexualité en prison et ne plus chercher de prétextes : l’administration doit trouver les moyens de mieux développer une politique adaptée de prévention contre la transmission du VIH ou contre les violences sexuelles en détention.

C’est la raison pour laquelle nous vous proposons d’inscrire le principe du respect de l’intimité du détenu dans l’article 15 bis.

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