Intervention de Gérard Berry

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 27 septembre 2017 à 16h45
Réunion avec les membres du conseil scientifique de l'opecst

Gérard Berry, machines et langages, membre de l'Académie des sciences et de l'Académie des technologies :

informaticien, professeur au Collège de France, chaire algorithme, machines et langages, membre de l'Académie des sciences et de l'Académie des technologies. - Je suis professeur au Collège de France et membre de l'Académie des sciences et de l'Académie des technologies.

En France, la recherche est au tout meilleur niveau mondial, dans un continuum allant de la recherche fondamentale - ou plutôt, selon une expression que je préfère, « recherche sur des questions fondamentales » - à la recherche appliquée. Le premier moteur de recherche a été produit en deux mois et demi par deux Français et un Américain, l'iPhone et le Macintosh ont été faits par un Français, à Paris d'ailleurs. Les institutions telles que l'Inria, le CNRS et l'université coopèrent désormais. On considérait autrefois que l'industrie informatique n'avait pas d'avenir et était une mode qui passerait. Médias et politiques sont peu informés, tout comme le grand public. L'informatique a été supprimée de l'enseignement français en 1997, au moment de l'explosion d'Internet, puis réintroduite dans les programmes en 2016, sur l'impulsion personnelle de Najat Vallaud-Belkacem.

Je viens d'être nommé au conseil scientifique du ministère de l'Éducation nationale, on pourra désormais en discuter sérieusement. Il faut se rendre compte que cinq des dix premières entreprises mondiales relèvent du secteur informatique. Ce n'est pas totalement anodin. Or, s'agissant de la recherche, la France est un pays accommodant pour un chercheur qui veut créer son entreprise. Quand un chercheur créé une entreprise, il conserve dix ans son droit à l'avancement. Cependant, les start-up françaises sont trop petites et connaissent des problèmes de croissance et de dimension : aux États-Unis, certaines pèsent un milliard de dollars !

Autre sujet, la question de la sûreté informatique, qui est bien traitée en avionique, où il y a des règles de sûreté internationale qui imposent des façons de construire des logiciels de manière rigoureuse. Ce n'est pas le cas dans l'automobile, à l'exception de certaines normes allemandes. Ainsi Toyota a pâti d'un logiciel déficient, responsable de la mort de centaines de conducteurs, pour un coût représentant 2,5 milliards de dollars à la charge de l'entreprise. La sûreté informatique n'est pas vraiment contrôlée par le politique. Dans certains domaines, elle est pourtant très importante. En médecine, quelle est la certification de la sécurité informatique d'un pacemaker ou d'une pompe à insuline ? Qui est protégé en cas d'attaque informatique ? On n'a connaissance que de 1 % des attaques informatiques commises, qui sait que la France est un leader mondial du marché ? On parle beaucoup de l'Internet des objets. Mais ces objets ne sont pas sécurisés. De même, on ne sait pas sécuriser un vote par voie électronique. L'Académie des technologies a fait une tentative en 2009 pour ses votes internes mais y a renoncé après un véritable fiasco. Des hôpitaux ont été victimes d'attaques informatiques en Angleterre. La presse en a peu parlé. Microsoft déconseille l'usage de Windows XP, en raison des failles de sécurité. Or la police britannique a décidé de passer de Windows XP à Windows Vista, ce qui a sidéré totalement tout le monde car ce logiciel n'est pas mieux protégé, voire moins bien. Aujourd'hui, ces attaques concernent les États.

Un autre sujet sur lequel l'Office pourrait se pencher est celui de l'intelligence artificielle, ou plus exactement de l'apprentissage automatique. Dans la réalité, on ne sait pas vraiment comment fonctionnent les algorithmes, ni qualifier leurs résultats. On les utilise en médecine, pour l'analyse de tumeurs. Le leader mondial dans le cadre d'un concours international des mammographies est en ce moment une start-up française, classée première devant 1 400 autres. Elle dispose de gigantesques bases de données. Mais quelle serait la responsabilité d'un médecin qui a réalisé un mauvais diagnostic à partir de celles-ci ?

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