Je suis heureux de vous accueillir pour cette première réunion du Conseil scientifique après la reconstitution de l'Office, consécutive aux dernières élections législatives. Sa précédente réunion s'était tenue en novembre dernier.
La date choisie pour cette réunion est un peu particulière. Elle se tient aussi rapidement que possible après les élections législatives. Dans quelques semaines, à l'occasion de la reconstitution de l'Office faisant suite aux élections sénatoriales, conformément à l'usage établi en son sein, la présidence repassera au Sénat, de sorte que le premier vice-président Bruno Sido et moi-même échangerons nos titres, ce qui n'aura, sans doute, guère de conséquence autre que symbolique. Néanmoins, je souhaitais pouvoir vous accueillir en tant que président de l'Office.
Il était important également de ne pas nous réunir plus tôt pour ne pas interférer avec la campagne sénatoriale. Il sera nécessaire de nous réunir de nouveau dès que possible, avec les nouveaux membres de l'Office issus des élections sénatoriales, puisqu'à la suite de celles-ci une partie des sénateurs membres sera maintenue, et une autre renouvelée.
Nous nous réunissons aujourd'hui à la Maison de la chimie, parce que nos locaux habituels à l'Assemblée nationale ont été inondés, de telle sorte qu'ils sont inutilisables. Moi-même, je me retrouve démuni de véritable bureau, même si l'Assemblée nationale m'a accordé un petit bureau temporaire. Notre installation restera, pendant quelques temps encore, un peu nomade, avant de pouvoir nous réunir dans de nouveaux locaux.
Avant d'aller plus loin, je tiens à féliciter nos collègues sénateurs, qui ont été brillamment réélus le week-end dernier : en premier lieu, le premier vice-président Bruno Sido, et notre vice-présidente Catherine Procaccia. C'est avec plaisir et beaucoup d'enthousiasme que nous continuerons à travailler avec eux, s'ils désirent poursuivre au sein de l'OPECST.
Nous ne retrouverons pas le vice-président Christian Namy, à qui le sort n'a pas été aussi favorable. C'est l'occasion de lui rendre un hommage pour sa participation assidue et le travail efficace qu'il a accompli pour l'Office, et son bureau. Le mandat du vice-président Roland Courteau, élu en 2014, n'était pas soumis à réélection. Enfin, le sénateur Gérard Longuet, membre de l'Office, a lui aussi été réélu.
Pour revenir à notre réunion de ce jour, depuis la création de l'OPECST, il y a plus de trente ans, les relations avec la Communauté scientifique n'ont cessé de se renforcer. C'est un élément fondamental de l'identité de l'OPECST que de s'appuyer sur la communauté scientifique, et c'est notre volonté de renforcer encore ces échanges. À une autre occasion, nous évoquerons les évolutions envisagées pour accroître encore ces liens.
Pour chaque rapport ou sujet abordé par l'OPECST, les relations avec le monde scientifique s'organisent dans le cadre d'un dialogue avec un comité de pilotage, qui participe aux auditions, et peut ainsi faire profiter les rapporteurs de l'analyse de ses membres.
Dans la configuration actuelle, la fonction du Conseil scientifique est plus institutionnelle, mais non moins importante. D'abord, au moins une fois par an, se tiennent les réunions conjointes, au cours desquelles nous pouvons aborder des thèmes qui nous permettent de profiter de l'expérience, et des suggestions des uns et des autres. Cette fois-ci, il s'agira aussi d'un échange de vues général, sur les sujets de travail que vous estimez les plus pertinents pour l'OPECST. Dans un premier temps, chacun proposera, en quelques minutes, deux ou trois thèmes importants, voire incontournables, sur lesquels l'OPECST devrait travailler selon lui. Dans un deuxième temps, nous pourrons avoir une discussion sur certains d'entre eux.
Tout à l'heure, je vous parlerai de quelques sujets qui me sont chers, et dont il me semble qu'il serait important de mettre, à un moment ou à un autre, à notre agenda de travail.
Avant d'en venir à ces sujets, je voudrais insister sur le deuxième rôle dévolu au Conseil scientifique : celui de relais avec la communauté scientifique, pour nous aider à identifier, en tant que de besoin, des experts. Là encore, je souhaite que ce rôle soit renforcé, et qu'on vous sollicite le plus possible à cette fin, soit pour identifier les participants à des auditions publiques, soit pour nous aider à préparer des notes sur divers sujets, à l'attention de commissions, de groupes de travail, ou pour notre propre information.
Je rappelle que le Conseil scientifique a été renouvelé pour trois ans en novembre 2016, vous êtes donc avec nous pour un bon moment encore. À cette occasion, un effort assez conséquent a été réalisé pour parvenir à une meilleure représentativité, avec plus de femmes, une plus grande diversité des disciplines, plus de régions représentées, et une meilleure distribution dans l'échelle des âges. Lors des prochains renouvellements, nous serons également attentifs à respecter ces équilibres.
J'en viens aux trois sujets que je souhaitais évoquer.
D'abord, un sujet considérable nous attend prochainement : celui de la révision des lois de bioéthique. Il se trouve sur notre agenda parce que la dernière loi date de 2011. Il est prévu des évaluations régulières, un rapport du Comité consultatif national d'éthique (CCNE) sur la mise en oeuvre de la loi, une évaluation par l'OPECST, l'organisation d'un débat public, et la préparation d'un projet de loi qui sera présenté par le gouvernement, et fera l'objet d'un débat parlementaire.
Beaucoup de choses doivent être réexaminées dans la loi de bioéthique : les évolutions par rapport à la procréation médicalement assistée (PMA), les questions légales liées à l'analyse génomique, le rôle du médecin, etc. Le débat public devrait être organisé dès la première moitié de 2018, et le projet de loi présenté à l'été 2018, ou au tout début de l'automne. La préparation de ce débat fera partie de notre travail. Des contacts ont déjà eu lieu entre les divers acteurs concernés au premier chef.
Une autre question, qui me tient beaucoup à coeur et qui doit faire l'objet de débats, concerne la valorisation de la recherche. On sait que, dans les dix dernières années, de grands efforts ont été réalisés en France dans ce domaine. Des structures et des instituts dédiés ont été mis en place. On a cherché à s'inspirer des instituts Fraunhofer, ou des pratiques israéliennes, etc. Pour l'instant, malgré les progrès réalisés en la matière, le bilan reste mitigé. Régulièrement, je suis saisi des remarques de tel ou tel collègue qui a enduré un vrai parcours du combattant pour développer son entreprise, ou a perdu une année en tractations, discussions, voire conflit ouvert avec la Société d'accélération du transfert de technologies (SATT) qui le suivait, ou de chercheurs qui ne comprennent pourquoi la loi leur interdit de fonder et diriger leur entreprise en cumul avec leur activité de recherche. Il reste un certain nombre de barrières, dont certaines relèvent de la culture et d'autres de l'environnement législatif. Il serait important de travailler sur cette question. Il existe une prise de conscience assez large de la nécessité de progresser dans ce domaine.
La dernière question porte sur les publications scientifiques. Depuis des années, des problèmes se font jour, sans qu'on sache les gérer convenablement : questions d'accès informatique, de libre accès, très forte concentration du monde de l'édition scientifique, régulièrement des situations conflictuelles, etc. Au final, on ne sait pas vraiment quelle est la bonne pratique pour les pouvoirs publics, quelle est la politique à adopter. Des négociations se tiennent avec des consortiums d'éditeurs, et des représentants du monde de la recherche, la situation étant assez différente suivant les domaines. Nécessairement, il conviendra de travailler sur ce sujet.
Nous allons commencer un tour de table, afin que chacun puisse se présenter.
Sénateur de Haute-Marne, j'étais en campagne depuis plus de deux mois, puisque pour les élections sénatoriales il s'avère indispensable de voir chaque grand électeur. Néanmoins, j'ai suivi les travaux de l'OPECST, et les réflexions intéressantes de notre président, qui conduisent à envisager des évolutions de notre Office, puisque tout doit évoluer en permanence. Elles seront discutées à l'occasion de la réunion du Bureau de demain.
Comme l'a indiqué le président, cette réunion du Conseil scientifique est la première après la reconstitution de l'OPECST, postérieure aux récentes élections législatives. À ma connaissance, pour la première fois depuis 1958, une élection sénatoriale a eu lieu dans la foulée des élections législatives. De ce fait, une nouvelle reconstitution de l'Office et de son Bureau devra avoir lieu dans les semaines qui viennent. Théoriquement, le 12 octobre, nous connaîtrons les sénateurs membres de l'Office ; nous connaissons déjà les députés. Nous pourrons donc probablement nous réunir avant fin octobre, pour désigner le Bureau définitif de l'Office, qui sera élu pour trois ans.
Comme l'a dit le président, il ne devrait pas y avoir de changement significatif. Normalement, le premier vice-président prend la place du président, et réciproquement. Un peu comme chez les jésuites, on monte, puis on descend. Cela se passe très bien, conformément à une tradition qui, même si elle n'est écrite nulle part, me semble bonne.
Effectivement, lors du dernier renouvellement, avec le précédent président, M. Jean-Yves Le Déaut, que je voudrais saluer ici, nous avons essayé de faire en sorte que le Conseil scientifique soit renouvelé et rajeuni, et que les domaines scientifiques soient, autant que possible, à peu près tous représentés. C'est difficile, compte tenu du nombre élevé de compétences nécessaires, et de l'impossibilité pour le Conseil scientifique d'avoir un effectif pléthorique. Le résultat me semble bon.
Enfin, nous allons effectivement devoir examiner, puisque c'est prévu, la loi sur la bioéthique, en particulier discuter de sujets très sensibles, tels que la PMA, la GPA ou la fin de vie, etc. S'agissant de sujets compliqués et transversaux, nous aurons besoin de multiples compétences, de philosophes - mais nous n'avons pas nécessairement des philosophes dans notre Conseil scientifique - bien entendu de spécialistes de la bioéthique, et de bien d'autres domaines.
Députée du Lot, j'étais précédemment chercheuse dans une start-up, au sein de laquelle je m'occupais de nouvelles technologies dans le domaine de la transition énergétique, notamment de la conception de moteurs électriques de nouvelle génération, utilisables dans des véhicules électriques ou des éoliennes. Au sein de l'OPECST, je m'intéresserai aux questions de transition énergétique et de mobilité du futur, c'est-à-dire aux moyens qui nous permettront de tendre vers la minimisation de la consommation d'hydrocarbures.
Je suis député des Yvelines, plus précisément de Versailles. J'ai apprécié que soient mentionnées la gestation pour autrui (GPA) et la procréation médicalement assistée (PMA), car j'habite dans une ville qui s'exprime, en général, très ouvertement et fortement sur ces questions. J'espère pouvoir vous apporter un éclairage sociologique sur le sujet. De métier, depuis vingt ans, je suis directeur des ressources humaines (DRH), quasi exclusivement dans des entreprises du secteur des technologies et de l'armement. À l'Assemblée nationale, je suis également membre de la commission de la Défense. Psychologue du travail de formation, j'aime bien l'idée de représenter un peu les sciences humaines au sein de l'OPECST. J'essaierai d'être vigilant sur la prise en compte de celles-ci dans toutes les évaluations et discussions que nous aurons à mener avec vous, membres du Conseil scientifique.
Je suis député du Bas-Rhin, vice-président de l'OPECST, et par ailleurs membre de la commission des Finances. Mes domaines d'intérêt ont porté sur les politiques éducatives. Je suis notamment professeur d'université en management à Paris II. Avant d'être élu, dans mon activité professionnelle, j'étais recteur d'académie et, sur la période allant de 2008 à 2012, ai été directeur général de l'enseignement supérieur, au ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. D'ailleurs, certains d'entre vous ont dû me connaître dans ce cadre.
Député de Maine-et-Loire, de la circonscription d'Angers-Segré, je suis ingénieur agronome de formation. Avant d'être élu, je travaillais comme consultant dans un bureau d'études, au sein duquel je réalisais des évaluations de politiques publiques. En matière de recherche, j'étais intervenu pour évaluer plusieurs des dispositifs de recherche appliquée portés par le ministère chargé de l'environnement : les programmes « Fonctions environnementales et gestion du patrimoine sol » (GESSOL), « risque inondation » (RIO), et « Évaluation et prise en compte des risques naturels et technologiques » (EPR), puis des projets nationaux en génie civil. J'ai aussi eu l'opportunité d'accompagner l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) et le ministère de l'Écologie sur une aide pour la mise en place et le déploiement de leur programme de recherche sur les sites des sols pollués puis sur le programme « risque décision territoire » (RDT).
Sénateur du Gers, j'étais encore ingénieur à Électricité de France voici quelques années, avant de m'engager dans la vie publique. Concernant les sujets évoqués, je profite de cette réunion pour souligner l'intérêt qu'il pourrait y avoir à nous pencher sur la notion de progrès. En venant ici, j'ai d'ailleurs découvert dans une librairie le livre d'entretiens d'un ancien membre du Conseil scientifique, M. Étienne Klein, intitulé : « Sauvons le progrès ».
Je pense qu'il s'agit d'un véritable sujet, sous réserve qu'il entre bien dans le périmètre de compétence de l'OPECST. Au début des années 2000, a été introduit dans la législation française, au travers de la Constitution, le principe de précaution. C'est une évolution importante, mais il resterait à en évaluer les conséquences. En tout cas, ce sujet mérite discussion et réflexion. Je ne dis pas qu'il faut revenir sur ce principe, mais il existe indéniablement une question quant au sens donné au mot progrès.
Le progrès en tant que tel est un sujet probablement trop vaste pour une étude, mais il sera important de s'interroger sur la notion de progrès, en particulier lorsqu'on abordera le débat sur la bioéthique. Derrière le progrès, existe une notion d'amélioration, non seulement en termes de connaissances et de techniques, mais aussi pour la société et les individus.
Je partage tout à fait ce qui vient d'être dit. Cela renvoie à une question de politique, avec un grand « P », qui nous intéresse évidemment au premier chef, en tant que sénateurs ou députés.
Sénateur de la Haute-Garonne, je suis pharmacien d'officine de formation, pharmacien hospitalier également, spécialisé dans les traitements de la douleur et en pharmacologie cancérologique. Comme mon voisin, j'ai quelques inquiétudes vis-à-vis du principe de précaution, surtout quand il est élevé au rang de dogme. On voit les dégâts que cela peut produire, notamment pour le progrès. Il me semble que ce sujet doit être examiné de près.
J'ai été membre du Haut conseil aux biotechnologies (HCB), frustré par la décision prise lors de la dernière mandature de le réunir essentiellement mardi ou mercredi, ce qui constituait un problème pour moi et ma collègue députée, Mme Anne-Yvonne Le Dain, puisqu'en tant que parlementaires assidus nous ne pouvions pas assister à ses travaux. C'est assez frustrant, parce que des sujets très intéressants ont été abordés, notamment sur les New Breeding Techniques (NBT), ou nouvelles techniques de de sélection végétale. Je suis d'ailleurs impliqué localement, au sein de l'Institut national de la recherche agronomique (INRA), sur ces sujets de biologie végétale. Je crois que c'est un problème qu'il faudra peut-être régler avec nos amis du HCB.
Nous reparlerons, lors de la réunion de Bureau de demain, de ces questions d'emploi du temps, dont nous savons à quel point elles sont complexes pour les parlementaires.
Sur le principe de précaution, ce n'est pas le lieu ici d'ouvrir le débat. Cela nous entraînerait trop loin. J'attire votre attention sur le fait qu'il existe une grande différence entre le principe, tel qu'il est rédigé dans la Constitution, et la façon un peu dévoyée dont on le présente souvent, ou dont il est brandi dans les débats. Ce principe n'est pas du tout censé freiner, mais inciter la puissance publique à prendre en compte les menaces en amont, en décidant de mesures, ou en développant des recherches protectrice pour la société.
Voici quelques années, à l'occasion de la préparation d'un article pour un quotidien économique sur ce sujet, j'en ai débattu avec certains d'entre vous, en particulier avec Mme Valérie Masson-Delmotte. L'accord des pays du monde pour réduire les émissions de carbone constitue un cas typique d'application du principe de précaution, tel que décrit dans la Constitution. C'est précisément une mesure de précaution, par rapport à un danger grave qui nous menace, à savoir le dérèglement climatique. Il existe un grand malentendu sur ce principe, si bien ancré que la façon d'en sortir n'est pas évidente, en tout cas ce n'est certainement pas par une modification des textes. Mais ce n'est pas un sujet pour aujourd'hui.
Par rapport à l'intervention précédente, je n'ai pas voulu dire que j'étais contre le principe de précaution, que les choses soient bien claires.
Sénateur du Val-de-Marne, je suis à l'OPECST depuis mon entrée au Sénat, en tant que candide, puisque je n'avais aucune compétence scientifique de par ma profession. Ce qui m'a intéressée à l'OPECST, c'est la variété des sujets, qui permettent d'ouvrir l'esprit sur des problématiques nouvelles.
J'ai eu la chance et l'opportunité de présenter trois rapports, sur des sujets complètement différents. Le premier, avec M. Jean-Yves Le Déaut, concerne la chlordécone aux Antilles, avec ses conséquences sur la pollution des sols. Le deuxième, avec M. Bruno Sido, sur les enjeux du spatial, a permis d'aider la ministre dans les négociations sur Ariane 6, et de poser un certain nombre de problématiques qui, il y a quatre ans, apparaissaient peut-être saugrenues, mais ne le sont plus aujourd'hui. Le dernier, avec M. Jean-Yves Le Déaut, sur la révolution des biotechnologies liée à CRISPR/CAS 9, a été publié récemment.
Je vous invite à le parcourir, en tout cas pour les parties qui vous intéressent, qu'elles concernent le végétal, l'humain ou l'environnement. Ce rapport me paraît aborder un certain nombre des points évoqués précédemment. Par exemple, sur la révision des lois de bioéthique, nous avons demandé que soient pris en compte les dons de mitochondries, mis en oeuvre actuellement en Grande-Bretagne, mais pour l'instant complètement interdits en France. J'ai également travaillé sur ces sujets au sein de la commission des Affaires sociales, dont j'ai été membre pendant douze ans.
Députée de la Drôme, je suis ingénieure de formation. J'ai travaillé sur les questions d'eau et d'environnement, notamment comme directrice de l'Association scientifique et technique pour l'eau et l'environnement, au sein de laquelle je me suis intéressée à l'interface entre la recherche et les opérationnels. Par la suite, j'ai travaillé sur la ville intelligente et durable, ainsi que sur le numérique.
Fondamentalement, ce qui m'intéresse, c'est que nous examinions ensemble les sujets émergents, tels que la voiture autonome, ou l'impression en trois dimensions, pour évaluer comment ils viennent bouleverser les modèles traditionnels, et que nous évaluions comment les programmes de recherches sur lesquelles vous travaillez aujourd'hui révèlent des signaux faibles, sur des technologies ou des changements qui vont impacter nos modes de vie, et vont donc nécessiter une intervention des pouvoirs publics.
Je suis député de la 5e circonscription de Vendée. Pour ce qui est de mon parcours universitaire, je suis encore en formation puisque je suis doctorant en épistémologie à l'université de Nantes. Les questions de bioéthique m'intéressent tout particulièrement en tant que futur épistémologue. Je suis également attaché à des questions un peu plus larges autour des sciences et des sciences humaines et du devenir de la compréhension des sciences. Je précise que je suis rapporteur pour avis pour la mission « Recherche » dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2018.
Je suis députée de la 11e circonscription des Français de l'étranger. Cette circonscription est très vaste puisqu'elle va de la Russie à la Nouvelle-Zélande et s'étend à quarante-neuf pays. Elle couvre un certain nombre de pôles de recherche mondiaux. Je suis médecin de formation, mais je précise que mon travail de thèse à l'époque avait été récompensé parce qu'il s'agissait d'un travail de recherche et non pas d'une thèse de médecine classique. J'ai donc eu la chance d'avoir une équivalence en termes de PhD, c'est-à-dire un doctorat valable dans le système anglo-saxon. Mon parcours est consacré à la transmission des savoirs : j'habite à Singapour depuis douze ans et, n'ayant pas le droit d'y exercer en tant que médecin, je me suis reconvertie dans la transmission des savoirs. Ce qui m'intéresse le plus, notamment à l'heure des réseaux sociaux, est la divulgation d'informations pseudo-scientifiques, qui sont extrêmement dommageables. Je regrette que, dans la corporation médicale, si peu de médecins réagissent à des discours totalement fantaisistes et dangereux. Pour ma part, j'ai à coeur de remettre de l'ordre à ce niveau. Je suis soucieuse de la rigueur du raisonnement et de l'apport de preuves et, donc, de l'accès à des ressources fiables. Je souhaite travailler plus particulièrement sur les notions d'éthique et d'intégrité scientifiques, sujet qui me passionne.
Je suis membre de l'Académie des sciences, au sein de la section « biologie humaine et sciences médicales ». Je suis en effet médecin de formation, spécialisée en hématologie. J'ai des liens maintenant anciens avec l'OPECST, puisque dès 2005, j'ai eu l'idée de créer des jumelages entre membres de l'Académie des sciences, jeunes chercheurs et parlementaires. Nous en avons immédiatement parlé aux responsables de l'Office, alors le sénateur Henri Revol et le député Claude Birraux, qui ont accueilli cette proposition avec enthousiasme. Nous avons, depuis, organisé huit sessions de jumelages. Ces derniers consistent à jumeler un parlementaire avec un membre de l'Académie des sciences, qui est lui-même associé à un jeune chercheur de son laboratoire. Ils se réunissent trois fois par an et le parlementaire va visiter le laboratoire de l'académicien, ce qui lui permet de voir de près la vie des chercheurs, leurs problèmes, notamment de financement.
C'est un beau programme qui tourne bien et permet de belles rencontres.
Nous avons réussi à associer ainsi une centaine d'académiciens, une centaine de parlementaires et une centaine de jeunes chercheurs, avec des échanges extrêmement fructueux parce que souvent informels et très chaleureux. À mon avis, ce programme devrait continuer. Pour ma part, je passe bientôt la main à l'Académie des sciences, mais quelqu'un prendra le relais.
Nous resterons intéressés par ce programme. Puisque nous sommes arrivés à la présentation des membres du Conseil scientifique, je propose que, en même temps que vous vous présentiez, vous mettiez sur la table les deux ou trois sujets qui vous tiennent chacun à coeur.
En tant que médecin, je m'intéresse aux problèmes de santé et je propose trois idées : changement climatique et santé, eau et santé et, enfin, objets connectés et santé. J'ai une autre idée, assez provocante, qui serait d'étudier les maladies neurodégénératives sous l'angle des maladies infectieuses. Il existe, actuellement, beaucoup d'arguments en faveur d'une origine éventuellement infectieuse de certaines maladies, comme la maladie d'Alzheimer ou la maladie de Parkinson ; c'est vraiment un sujet très nouveau.
Je m'interroge sur le sujet changement climatique et santé ; s'agirait-il de poser la question notamment de l'évolution des zones d'épidémie ?
Oui, tout à fait.
La résurgence des maladies infectieuses est un vaste sujet. De façon générale, les sujets les plus intéressants pour l'OPECST sont ceux sur lesquels il y a une question scientifique passionnante et une question de politique publique liée. Je le vois pour les trois premières idées que vous avez évoquées : changement climatique et santé, eau et santé ou objets connectés et santé. Mais sur la question des maladies neurodégénératives, il s'agit plus d'une interrogation directement scientifique, me semble-t-il : s'agit-il de se préparer à une nouvelle politique en la matière ?
C'est un sujet vraiment purement scientifique, je le reconnais, mais je voulais faire partager mon enthousiasme.
Il est bon que nous soyons bien informés du front scientifique. Il faudra en reparler plus tard.
Je suis médecin rhumatologue, chercheuse en neurosciences, astronaute, ancienne ministre de la recherche, ancienne directrice d'Universcience, établissement public de culture scientifique et technique, et aujourd'hui de retour à l'Agence spatiale européenne. J'ai réfléchi à vous proposer trois sujets, mais il y en a un quatrième que je mets entre parenthèses, puisque je pense que vous allez probablement l'aborder dans le cadre de la révision des lois de bioéthique : j'ai eu la chance de piloter pendant trois ans le conseil scientifique de la Chaire du Collège des Bernardins sur « l'humain au défi du numérique » et on y a abordé les sujets de mutations anthropologiques qu'apportent les technologies, tant sur le plan culturel que sur le plan des dérives transhumanistes. Je ne porte pas ce sujet moi-même, mais je pense que c'est un sujet essentiel.
C'est un sujet qui va très au-delà de la révision des lois de bioéthique.
S'agissant de mes trois idées, l'un des sujets dont je me fais le relais serait d'accélérer le processus déjà enclenché de réflexion autour de la création d'un comité national ou d'un comité européen d'éthique du numérique. Avec tous les sujets à aborder, dont certains ont déjà été évoqués : les problèmes de protection des données, les transformations du travail, les sujets de santé et tout ce que le numérique apporte aujourd'hui, je pense qu'il n'y a pas de cadre suffisamment large et multidisciplinaire ouvert à la société civile pour aborder ces sujets. Ce ne sont pas que des sujets de régulation que l'on pourrait confier à la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL). Je sais que l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA) ou certaines alliances d'organismes ont évoqué l'idée d'un comité d'éthique du numérique. Au sein du Collège des Bernardins, nous l'avions aussi envisagé. C'est un beau sujet.
Mon deuxième sujet serait de conduire une réflexion sur les nouvelles façons d'apprendre au XIXe siècle. Les nouvelles sciences de l'éducation, les sciences cognitives, les neurosciences sont autant d'éléments qui nous font aujourd'hui réfléchir aux nouvelles façons d'apprendre, à la fois chez le jeune enfant, mais aussi dans le cas de la formation tout au long de la vie. Ce peut être un peu déstabilisant par rapport à ce qu'on connaît aujourd'hui, mais il faut probablement s'interroger et mener des expérimentations puis les évaluer.
Pour l'instant, une étude de de l'UNESCO conclut qu'à ce jour les pays qui ont le plus investi dans le numérique pour l'éducation sont ceux qui ont le plus vu leur niveau d'éducation baisser.
Je ne parle pas du numérique dans l'éducation, je parle de nouvelles façons d'apprendre qui englobent bien d'autres choses que le numérique.
Les travaux de Will Richardson sont un bon exemple.
Oui. Les neurosciences nous font voir les choses différemment aujourd'hui, avec les façons d'activer la créativité au moment où on a besoin de compétences qui ne sont pas obligatoirement le socle des connaissances habituelles. Il y a donc de nouvelles façons d'apprendre basées sur la science, et c'est un beau sujet.
Mon troisième sujet, sans doute lié au fait que je travaille à l'Agence spatiale européenne, agence intergouvernementale : c'est la diplomatie scientifique. Je trouve que la France n'a pas suffisamment saisi cet enjeu : il ne s'agit pas simplement de coopérer ou d'attirer des talents, il s'agit de développer une diplomatie scientifique d'influence, en synergie avec la diplomatie culturelle et la diplomatie économique, dont on parle beaucoup aujourd'hui. C'est un sujet sur lequel il faut faire passer des messages, surtout quand on voit les discussions sur le changement climatique. Nous avons besoin d'une diplomatie d'influence par la science avec un rayonnement national et européen, là aussi il faut stimuler la prise de conscience.
Le sujet des nouvelles façons d'apprendre intéresserait énormément Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Éducation nationale. Nous pourrions donc travailler de façon très rapprochée avec lui, qui est vraiment intéressé par les expérimentations. Par ailleurs, il y a beaucoup de choses à faire quant à la diplomatie scientifique, sujet que je suis de près. Il faut voir comment aller plus loin que de simples échanges entre scientifiques et valoriser la recherche française, souvent peu ou mal connue à l'étranger.
Oui. Sur ces enjeux que vous évoquez, la question des fausses informations est particulièrement importante.
Je suis biologiste immunologiste, directrice de recherche à l'Inserm. Je travaille au centre d'immunologie de Marseille-Luminy (CIML). Je pense que le sujet de la publication scientifique est vraiment un problème très important, en particulier dans le domaine que je connais, celui des sciences de la vie. Derrière la publication scientifique, il y a la question de l'évaluation des chercheurs et des fonds qui leur sont attribués. Or je pense que la façon dont ça fonctionne, à l'heure actuelle, se fait au détriment de la qualité de la recherche. Ce sont les journaux qui décident de ce qui est important en sciences : leurs éditeurs décident finalement de la vie des scientifiques. Je pense donc que c'est vraiment un sujet sensible. Il faut réinventer une nouvelle façon de publier et s'appuyer sur les agences de financement telles que l'Agence nationale de la recherche (ANR) ou le Conseil européen de la recherche (CER, en anglais European Research Council ou ERC) pour pouvoir modifier ce qui existe actuellement.
Il y a plein de sous- sujets derrière la question des publications. Par exemple, Science et Nature continuent à « donner le la » en terme de prestige, mais la communauté scientifique dénonce, régulièrement et depuis longtemps, la façon dont sont sélectionnés leurs articles. Les choix éditoriaux sont faits sans comité de lecture, au sens habituel du terme, avec une recherche du sensationnel. Selon le secteur ou la discipline, la discussion peut être différente, car le poids des publications n'est pas le même : le sujet se pose différemment en sciences de la vie et en mathématiques par exemple. Il est frappant de voir que cela fait des années que ce problème est évoqué et que, pour l'instant, les grands éditeurs classiques restent maîtres du jeu. Je n'ai pas l'impression que des contre-pouvoirs efficaces émergent, que ce soit en partant du sommet ou de la base.
L'État paye finalement ces journaux et donc c'est complètement contre-productif, je pense que l'État devrait modifier ce processus.
On est dans un sujet très international, alors l'État français...
Oui, mais justement, à mon avis, l'évolution passe par les grandes agences de financement telles que l'ERC, l'ANR et d'autres.
professeur à l'École polytechnique et à l'Institut d'optique, directeur de recherche au CNRS, membre de l'Académie des sciences et de l'Académie des technologies. - L'ERC fait déjà quelque chose de bien, puisqu'il incite à mettre les publications issues de projets de recherche qu'il finance en libre accès ou open access.
Il y a des journaux dans les sciences de la vie, comme Plos One, qui ont une nouvelle politique, avec un contenu en libre accès disponible pour tout le monde en ligne.
On ne va pas entrer dans le débat aujourd'hui, mais le problème de Plos One, c'est qu'elle n'est pas reconnue par les agences d'évaluation.
Très bien, nous notons que c'est, en tout cas, un sujet important pour vous. Et votre deuxième thème ?
Ma deuxième proposition concerne la défiance du public par rapport au monde médical et aux laboratoires pharmaceutiques. On a vu un petit peu le problème avec le cas des vaccins, je pense qu'il y a une grande défiance du public.
L'actualité n'a pas aidé non plus, il y a eu un ou deux scandales ...
Tout à fait, et c'est pour ça qu'il faudrait plus d'éducation et d'information du public sur la santé, parce que cela manque. Mon troisième thème serait l'égalité professionnelle entre hommes et femmes dans le monde scientifique, parce que je pense qu'il demeure encore beaucoup d'inégalités, surtout pour accéder aux postes importants. Cette question est également en lien avec l'attractivité des sciences, en particulier pour les jeunes filles, dont on sait qu'elles s'orientent peu vers les domaines scientifiques. C'est un problème qu'il faut prendre à la base et peut-être même dès l'école, pour faire évoluer les stéréotypes de genre.
Voici une information concernant les mathématiques, qui est un cas d'école intéressant par rapport à cette question de l'égalité. En effet, un événement a fait chuter à lui seul de façon considérable la représentation féminine dans la recherche en mathématique : c'est la fusion entre les écoles normales supérieures d'Ulm et de Sèvres dans les années 1980. Cela semblait une avancée sociale, en termes de mixité et, pourtant, cette fusion a abouti en pratique à la chute du nombre de femmes en mathématiques.
On peut en discuter mais c'était, disons, une forme d'affirmative action.
L'École normale supérieure de Sèvres constituait une sorte de protection, une voie d'accès privilégiée pour les filles. On voit des exemples de jeunes filles qui ne veulent pas être en compétition avec les garçons à certains âges. Certaines sont très bonnes en mathématiques au moment de leur baccalauréat et vont s'orienter vers des études réputées plus ouvertes, comme les études vétérinaires ou de médecine, qui sont, en fait, des filières où il est beaucoup plus difficile de percer qu'en mathématiques. Mais on ne peut pas, maintenant, re-séparer ces deux écoles, il faut donc trouver de nouvelles solutions.
Je suis professeur à Centrale Supelec, sur le campus de Metz en région Grand-Est, et directeur d'une structure qui traite de l'importance de la lumière pour le traitement de l'information. Ce projet présente l'originalité d'être porté à la fois par un grand groupe industriel - Airbus -, une école d'ingénieurs - Centrale Supelec -, une fondation de mécènes et, aussi, bénéficie d'un ensemble de financements par des collectivités publiques, région, département et métropole. Les points qui m'intéressent le plus sont liés à mes préoccupations quotidiennes de professeur. En tant que professeurs, nous déployons beaucoup de passion et d'énergie pour susciter l'intérêt et l'enthousiasme de nos jeunes pour les métiers scientifiques. Nous avons parlé de culture scientifique et technique, notamment la question de la valorisation de la recherche et des métiers de la recherche. Ce sont des préoccupations qu'on rencontre de plus en plus auprès des jeunes. Je suis à la fois belge, italien et français et je vois que la séparation entre grandes écoles et universités, propre au système français, aboutit à ce que, naturellement, beaucoup se posent des questions qui ne se posent peut-être pas pour les jeunes d'autres pays européens.
En tout cas, on ne va clairement pas revenir sur ce point aujourd'hui. Pour ce qui concerne la valorisation des métiers de la recherche, l'affaire est importante.
En tant que chercheur, je rejoins beaucoup de préoccupations qui ont déjà été citées. Je suis, par exemple, à la fois chercheur et éditeur de revues scientifiques, donc je sais ce que sont ces deux métiers, par rapport aux questions de sélection et d'excellence scientifiques. La vraie question réside dans le fait que la publication scientifique détermine les métiers de la recherche et la façon dont on apprécie les carrières scientifiques. Nous avons parlé de publications en libre accès ou open access. Or, par rapport aux pays anglo-saxons, la France me semble très en retard ou, en tout cas, avoir une position relativement floue sur ce qu'il faut faire ou ne pas faire. Et il demeure un vrai problème de financement de ces publications. Pour donner l'exemple de mon équipe, nous avons augmenté de 500 % les frais de publication en encourageant l'excellence. Pour vous donner une idée du problème, dans certaines revues du groupe Nature, l'accès à un article de quatre pages peut coûter 3 500 euros, alors que dans d'autres revues relativement bien cotées, il ne coûtera que quelques centaines d'euros ou sera même en open access. Cela représente un poids pour le budget des laboratoires.
Dès qu'on parle d'open access, on se lance dans des débats économiques et tout devient compliqué : il y a la position des académiques d'un côté, celle des gouvernements de l'autre. Il va falloir qu'on se lance dans ce débat mais je propose d'en rester pour l'instant aux grandes lignes.
En matière d'encouragement des métiers scientifiques, il faut poser la question de l'évaluation de la carrière des chercheurs et, pour moi, se profile, derrière, la question des publications. L'avantage d'exercer dans la région Grand-Est, qui est une belle région frontalière, c'est que je me trouve quotidiennement face à la préoccupation de l'accessibilité du savoir et du rayonnement scientifique en France. Pourtant, je ne suis pas certain que l'orientation des financements publics ait permis au paysage scientifique français d'être homogène. En d'autres termes, on voit encore une concentration forte des moyens sur certains territoires. Il faut veiller à une répartition harmonieuse de la recherche et de ses moyens, et mettre en avant cette richesse des régions et des départements français.
Cette bonne répartition de la recherche entre les régions est une vraie question.
professeur des universités, praticien hospitalier (université de Lorraine), membre de l'Académie nationale de médecine, en charge de la division des sciences biologiques et pharmaceutiques. - J'ai écouté Mme Meyer avec attention parce que nous avons trouvé que ce partenariat entre les parlementaires et des chercheurs entre l'Académie des sciences et l'OPECST est tout à fait remarquable. Nous souhaitons que l'Académie de médecine puisse mettre en place ce même type de partenariat avec des responsables hospitaliers, de façon à permettre à des parlementaires d'avoir ces types d'échanges avec différentes disciplines hospitalières.
Sur les thématiques, je suis assez d'accord avec tout ce qui a été dit, j'ai noté avec intérêt ce qu'a proposé Mme Ugolini sur l'évaluation des chercheurs, j'y ai été confronté quand j'étais en charge des sciences de la vie et vice-président de l'alliance AVIESAN, je pense que c'est quelque chose qui mériterait toute notre attention et qui pourrait être couplé avec un regard sur l'attractivité de la recherche. On n'arrête pas de dire qu'on est attractif, mais l'est-on vraiment ? Il serait intéressant pour moi, qui ne connait pas l'ensemble des thématiques qui ont déjà été abordées les années précédentes par l'OPECST, d'en avoir la liste, de façon à éviter d'être redondant et à ne pas proposer quelque chose qui a déjà été traité ou qui a déjà fait l'objet d'un rapport récemment.
Mon commentaire est que, bien sûr, on vous fournira la liste, mais il ne faut pas se sentir trop lié par celle-ci. Même si un sujet a déjà été traité, ce serait l'occasion de se rappeler ce qui a été fait et de voir s'il y a lieu de le mettre à jour, de voir si le contexte a évolué.
Comme deuxième thématique, je propose l'interface entre la biologie et les mathématiques, en cancérologie notamment, avec des phénomènes qui évoluent extrêmement vite. La médecine d'aujourd'hui se transforme, avec la participation de plus en plus importante des autres domaines, en particulier des mathématiques et de l'informatique. Je pense que c'est un domaine tout à fait intéressant et qui mériterait le regard de l'OPECST, même s'il existe des groupes dans différentes instances qui travaillent déjà sur ces thèmes. Ce sont des domaines qui vont évoluer rapidement, en particulier avec tout ce qui concerne la médecine personnalisée et les thérapies ciblées, on le voit bien en cancérologie, avec les anticorps monoclonaux...
En troisième position, les neurosciences mériteraient notre regard, avec les nouvelles thérapies qui se développent, les techniques de stimulation, etc. Les progrès de l'imagerie sont un domaine qui n'a pas encore été traité et qui mériterait certainement qu'on s'y intéresse, car la recherche avance très vite dans ces domaines, une recherche particulièrement intéressante parce qu'elle n'oppose pas recherche fondamentale - je n'aime pas trop ce terme - et applications translationnelles.
Le GIEC prépare un ensemble de rapports jusqu'en 2021, dont un rapport sur le réchauffement global de 1,5° C, à l'invitation de la COP21, qui sera soumis pour approbation en septembre 2018. Au printemps 2018, Paris hébergera la réunion du panel, avec des représentants des différents gouvernements. Ce sera l'occasion de célébrer les trente ans de cette organisation et de réfléchir à l'avenir, dans un contexte où le gouvernement américain, qui finance 40 % du budget de cette expertise internationale, n'envoie pas de signal clair sur la poursuite de son financement.
J'aimerais aborder, tout d'abord, la place en France et les conditions de développement d'une recherche fondamentale motivée par la curiosité, dans un contexte où, partout dans le monde, on voit une volonté de plus en plus grande du politique pour piloter la recherche. Quelle place fait-on à la recherche fondamentale pilotée par la curiosité, y compris la confiance accordée aux jeunes chercheurs pour leur permettre de déployer leur créativité ? En corollaire à cela, il serait intéressant d'évaluer les conditions de travail en France des jeunes enseignants chercheurs, et tout particulièrement des maîtres de conférence. Il y a des questions liées à la promotion professionnelle des femmes, la proportion de femmes professeurs, par exemple, par rapport à la proportion de femmes maîtres de conférence.
Le troisième sujet qui me tient à coeur fait écho à plusieurs préoccupations qui ont été exprimées précédemment : la place de la science dans la société, et tout particulièrement l'éducation à la démarche scientifique des jeunes générations qui ont comme premières sources d'information internet et les réseaux sociaux. Il s'agit de développer leur esprit critique par rapport aux caisses de résonance de toutes les théories conspirationnistes et des rumeurs ; la question du changement climatique est d'ailleurs très intéressante de ce point de vue-là car, si vous comparez le monde anglo-saxon et le monde francophone, nous avons des différences sensibles.
Le dernier sujet est un sujet d'actualité qui touche aux limites des connaissances, mais à des enjeux de société majeurs : les événements extrêmes dans un climat qui change, et tout particulièrement les tempêtes tropicales. Quelles sont les connaissances scientifiques nécessaires pour l'alertant, les outils de prévision météorologique et les connaissances scientifiques nécessaires pour une reconstruction intelligente, c'est-à-dire résiliente sur le long terme ? On touche aux limites des connaissances autour de l'influence humaine sur des événements particulièrement destructeurs. La communauté scientifique n'est pas structurée pour faire une évaluation collective. Il y a, aujourd'hui, des enjeux très importants au regard des dégâts des catastrophes naturelles récentes, à mon sens les plus coûteuses, je pense, pour la France, aux Antilles. Et la mobilisation des connaissances scientifiques pour une reconstruction intelligente me paraît urgente.
professeur de physique, université de Lorraine, Institut Jean Lamour - CNRS, département Physique de la matière et des matériaux (P2M), membre de l'Institut universitaire de France. - Je m'intéresse plus particulièrement aux nanomatériaux. Je suis responsable d'un laboratoire international qui lie quatre universités (Paris-Sud, New York, San Diego et Lorraine) et je suis membre de l'Institut universitaire de France. L'un des sujets qui m'importent est la question des collaborations internationales pour le développement de la recherche et de de la connaissance avec, à mon avis, un niveau de collaboration internationale qui est faible en France par rapport à d'autres pays, et sur le fait que de nombreux laboratoires sont maintenant labellisés zones à régime restrictif (ZRR).
Nous devons nous saisir de ce sujet, qui concerne au moins deux personnes ici. L'impact est assez fréquent en mathématiques. Tous les directeurs de laboratoires de France ont envoyé une lettre annonçant leur démission collective si un seul d'entre eux passait en régime ZRR. L'affaire est toujours en cours de discussion avec une position ferme affichée par le ministère concerné et une position aussi ferme affichée par les directeurs de laboratoire. Quand une recherche de laboratoire est considérée comme sensible pour les intérêts de la Nation, le régime spécial de ZRR impose que tout intervenant soit déclaré plusieurs jours à l'avance et que soient mis en place certains contrôles administratifs.
En tout cas, la complainte des collègues scientifiques touchés par ce dispositif, c'est qu'il ne revitalise pas du tout !
Non, en effet. Lors de ma recherche dans une ZRR, j'ai obtenu des financements européens pour accueillir un étudiant chinois sur une thématique bien définie qui a été validée par le ministère de l'éducation nationale. La personne était prête à venir, on fait donc un dossier ZRR ; il a fallu attendre deux mois pour qu'une enquête soit faite, le sujet était fondamental, je n'avais aucune idée d'application mais la personne a été refusée et on ne m'a donné aucune raison. J'ai ensuite téléphoné au professeur avec qui nous avons travaillé pendant des années en Chine, en lui disant que notre Gouvernement avait décidé que son étudiant ne pouvait pas venir. Ceci s'est produit déjà trois fois dans une petite équipe de quinze personnes.
Je propose également un sujet sur l'explosion de l'internet des objets (internet of things), ce qui touche à mon avis un grand nombre de domaines et qui pose beaucoup de questions.
Je suggère enfin, de façon plus anecdotique, un sujet sur l'évolution de la perception de ce qu'on appelle les « nanos », qui sont assez mal définies et recouvrent des choses très différentes : comment la société les perçoit-elle ?
directrice de recherche au CNRS, laboratoire Kastler Brossel, directrice adjointe scientifique de l'Institut de physique du CNRS (INP/CNRS). - Je travaille en physique quantique critique atomique où je m'occupe d'une bonne vingtaine d'unités dans des thématiques scientifiques couvrant en fait la physique atomique et moléculaire, l'optique et les lasers et les plasmas chauds.
J'ai aussi eu une expérience éditoriale dans un journal européen pendant huit ans et, donc, je connais bien, effectivement, les problèmes de type Nature et Science qui ont été évoqués, je pense que c'est un sujet très intéressant. Je voudrais mentionner un autre problème qui est lié : ces revues font notre politique scientifique, les comités de recrutement regardent beaucoup les indices de publication des jeunes candidats (combien de fois un de ses articles est cité par ses pairs dans Nature ou Science). C'est pourquoi je suis complètement d'accord avec Sophie ; je soutiens son sujet sur les publications.
Je suis très sensible à cette problématique et vous savez qu'en mathématiques, nous sommes extrêmement réticents à l'introduction d'outils quantitatifs, nous détestons tout ce qui est mise en nombres du CV. C'est une question pour laquelle c'est le scientifique qui interfère avec le scientifique, mais j'ai l'impression que ce serait assez mal compris si le politique venait s'immiscer dans la question de l'évaluation scientifique, qui est fondamentalement une évaluation par les pairs.
Le deuxième sujet que je suggérerai est celui de la valorisation de la recherche, avec un aspect de communication qui n'est pas à négliger, avec la manière dont la recherche est perçue. Je m'étonne que les industriels, en France, embauchent très peu de docteurs. Ça ne simplifie pas justement la valorisation de la recherche lorsque l'on nous compare à l'Allemagne.
Dans de nombreuses grandes entreprises technologiques françaises, avoir une thèse est un handicap pour la carrière.
C'était il y a douze ans. Il y a eu des progrès. Chez Safran, par exemple, il y a une « armée » de docteurs.
Mais c'est encore vrai dans certaines entreprises. Je cite le PDG d'une très grande entreprise, du même niveau que celle que vous mentionnez, je ne dirais pas son nom mais c'est l'un des patrons les mieux payés de France, dixit : « si quelqu'un veut travailler chez nous pour tel ou tel développement, avoir une thèse est une perte de temps ».
Le président de Thales a dit cela il y a cinq ans, il pense maintenant le contraire.
Je suis d'accord, c'est vrai que les choses ont évolué, mais ce que je voudrais surtout dire à ce sujet, c'est que l'endroit qui, aujourd'hui, reste le plus conservateur, est la fonction publique et, notamment, l'État. L'ancienne ministre, Mme Geneviève Fioraso, avait « poussé » un texte qui permettait que les docteurs puissent bénéficier de recrutements qui se fassent plus naturellement, mais elle s'est heurtée à un barrage, notamment, et je le dis clairement, de la part des anciens élèves de l'ENA. Tout a été mis en oeuvre, au plus haut niveau de l'État, pour que rien ne bouge de ce côté-là. Cela ne veut pas dire qu'il ne faille pas agir du côté du secteur privé, mais là où nous pouvons agir dans un premier temps, c'est dans le secteur public qui, pour le moment, est resté extrêmement conservateur. Nous devrions, je pense, faire oeuvre utile en faisant bouger les lignes du côté du secteur public. Si l'État montre l'exemple, le privé suivra.
J'aurais bien aimé rebondir là-dessus parce que nous avons en France un système dual avec les grandes écoles, bien développées, et les universités, qui connaissent un manque de moyens.
Je suis désolé de ne pas être aussi enthousiaste que vous. J'ai été vingt ans DRH, je participais au recrutement d'ingénieurs dans des entreprises qui en absorbent entre 2 000 et 3 000 par an. Quand je proposais des universitaires ou des docteurs au manager qui recrutait, il refusait. Il y a un vrai travail de fond à faire sur l'image de l'université : à quoi sert un docteur ? Quelle collaboration pourrait se faire avec l'université ? Il y a un vrai sujet et Thales n'est pas un exemple représentatif. J'ai travaillé chez Alcatel, Naval Group, CGI, Akka Technologies..., d'importants recruteurs français et je vous assure qu'il y a une espèce de peur du manager qui recrute, parce qu'il ne sait pas ou ne connaît pas. S'il y a un travail à faire, c'est celui de la valorisation des compétences.
En tant que salariée et docteur, ce qui bouge, c'est qu'effectivement, dans les grandes écoles, les docteurs qui font leur thèse en partenariat avec des entreprises sont embauchés. Pour le reste, il faut expliquer à l'employeur qu'un docteur est apte à faire un travail de terrain. Quand on dépose un CV avec la seule mention de docteur, il n'est pas regardé. Je suis ingénieure et docteur, on m'a conseillé d'indiquer ingénieur-docteur sur mon CV. Donc, pour moi, le doctorat n'est pas aussi valorisé qu'il devrait l'être dans l'emploi aujourd'hui.
Mon deuxième sujet, je suis d'accord avec Sophie Ugolini, est la parité. On observe un plafond de verre indépassable pour les jeunes filles qui sont réticentes à aller vers les sciences et pour les jeunes femmes qui ont acquis une grande expérience et qui ont toutes les diplômes nécessaires pour devenir directrice ou directrice adjointe, mais qui se demandent encore si elles en ont les compétences... Cette autocensure est un problème sociétal qui mérite d'être étudié.
Je suis tout à fait d'accord avec cette question et cette analyse.
Sur le financement de la recherche, je voulais juste attirer votre attention sur le fait qu'aujourd'hui a été annoncée officiellement la première observation en Europe des ondes gravitationnelles par le regroupement des laboratoires LIGO et VIRGO. Il faut savoir que détecter les ondes gravitationnelles revient à construire des interféromètres de plusieurs centaines de kilomètres de long pour détecter des variations de longueur de 10-21 mètre, c'est un exploit technologique et c'est un projet sur trente ans, qui a débuté dans les années 1980 au CNRS, puis avec des partenaires. Aujourd'hui, ce projet porte ses fruits : il y a bien des signaux d'ondes gravitationnelles qui viennent de l'espace. C'est la double médaille d'or du CNRS qui a été annoncée aujourd'hui pour Thibault Damour et Alain Brillet, c'est-à-dire un expérimentateur qui a beaucoup porté ce projet et un théoricien qui y a également beaucoup contribué. Mais ce projet, qui a duré trente ou trente-cinq ans, extrêmement lourd et difficile, pourrait-il encore être financé aujourd'hui ?
Je pense qu'au moment où cela a été fait, il n'y avait pas d'appels à projets... Il y avait des chercheurs qui ont réussi à convaincre les uns les autres qu'il y avait un projet extraordinaire pour lequel il fallait un financement massif. Si, aujourd'hui, arrive un grand super projet qui demande un investissement extraordinaire, ce sera évidemment le devoir du politique de s'en emparer.
Le comité qui, dans les années 1990, a évalué le projet VIRGO s'est posé la question : faut-il un grand interféromètre ? Immédiatement après il y a eu naturellement le débat habituel du fait que les gens qui fabriquaient des accélérateurs ont tout de suite compris que ça allait leur faire un accélérateur de moins mais, à la fin, on a réussi à convaincre le ministre de la recherche qu'il fallait lancer le projet. C'est comme ça que s'est engagée la collaboration franco-italienne VIRGO en 1990. Alain Brillet est l'un des deux récipiendaires de la médaille d'or du CNRS, c'est l'expérimentateur, et dès 1980 il faisait des séminaires pour expliquer ce qu'était l'objectif.
Je suis d'accord pour dire qu'on est là dans l'événement singulier, car si aujourd'hui, l'un d'entre nous identifie un sujet aussi extraordinaire, c'est à lui de prendre son bâton de pèlerin et de convaincre les uns et les autres qu'il faut y aller, c'est aux uns et aux autres aussi de se laisser convaincre.
C'est un sujet que j'inclus dans la réflexion sur la diplomatie scientifique. Les vingt-deux pays de l'Agence spatiale européenne (ESA) ont développé le programme scientifique LISA, détecteur interférométrique dans l'espace à des millions de kilomètres destiné à l'observation des ondes gravitationnelles. On a déjà réussi à lancer un démonstrateur technologique, j'espère que LISA, qui a été validé comme programme, qui coûte très cher et dont le budget est à peu près sécurisé, pourra compléter les données obtenues par VIRGO.
Je suis professeur en biologie à l'École normale supérieure, détachée du CNRS, longtemps directrice de recherche et spécialiste de génétique, de génomique et de biologie de l'évolution. Et donc, naturellement, les sujets qui m'intéressent particulièrement et qui seront traités dans la révision des lois de bioéthique, sont relatifs au rapport de l'homme à son génome. Peut-on, tout d'abord, vraiment lire le génome ? Que peut-on faire vraiment d'une séquence d'ADN ? Quelles sont les relations entre génotype et phénotype ? J'ai participé à un groupe de travail au sein du Haut Conseil des biotechnologies sur les technologies végétales (HCB), et le problème du rapport génotype-phénotype est identique pour les plantes et pour les animaux.
Un autre sujet est celui de l'expertise scientifique et des biais d'expertise selon l'origine scientifique de la personne. Ce n'est pas seulement une question d'intégrité ou d'objectivité mais, aussi, tout simplement, d'angles de vue différents. Au sein d'un conseil scientifique comme le HCB, peut-on donner des avis scientifiques divergents ?
Une autre interrogation porte sur le rôle du scientifique dans l'État et sa capacité à penser.
Sur un autre registre, nous avons un problème de relation entre science, société et éducation. Par exemple, je ne comprends pas la confusion, dans le public, entre homéopathie et phytothérapie.
Je suis médecin praticien hospitalier, professeur des universités, je dirigeais un service dans un hôpital parisien jusqu'en 2014 et préside depuis l'université Paris-Diderot, université parisienne très pluridisciplinaire, avec les trois grands secteurs de la santé, des sciences humaines et sociales, et des sciences qualifiées de « exactes » ou « dures », selon certains. Etre président de cette université conduit à m'intéresser particulièrement aux approches interdisciplinaires, par exemple dans les politiques de la terre, avec l'approche des sciences humaines et sociales, de la santé et des sciences dures. Le sujet de la personne en médecine est un autre sujet extrêmement important. Comment les patients, qui ont fait l'objet d'explorations avec des instruments de haute technologie, peuvent-ils avoir un peu de contacts humains avec les médecins ? On peut étudier leur prise en charge par une approche mêlant philosophie des sciences, sociologie, psychanalyse et psychologie.
Un autre sujet important est celui des crises sanitaires et de leur prévention, notamment avec les pathologies infectieuses émergentes. Dans plusieurs pays notamment en Asie, en Corée, l'expertise française, voire européenne, pourrait être apportée sur les maladies émergentes.
Un autre sujet est le financement de la recherche pour les maladies rares. Autant les recherches contre des pathologies répandues, comme la maladie d'Alzheimer ou le cancer, trouvent des financements, autant celles luttant contre d'autres pathologies rares sont assez peu financées à travers les appels à projets en médecine. Or, ces recherches peuvent permettre des progrès thérapeutiques importants.
Le dernier point concerne les rapports entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée. Faut-il, comme cela apparaît dans certains programmes européens, financer les seules recherches qui ont un impact socioéconomique avéré, ou bien faut-il continuer à financer la recherche fondamentale ? La recherche appliquée ne peut être issue que des avancées de la recherche fondamentale. Appauvrir les financements de la recherche fondamentale, c'est appauvrir la recherche appliquée. Enfin, la réforme récente du doctorat doit permettre de faire comprendre aux entreprises que le fait d'être titulaire d'un doctorat est la garantie que l'on a acquis une certaine plasticité dans le raisonnement, ce qui est important pour l'innovation.
C'est la position officielle du MEDEF.
Je partage enfin l'opinion du président de l'Office en faveur de l'intégration des docteurs dans la fonction publique.
informaticien, professeur au Collège de France, chaire algorithme, machines et langages, membre de l'Académie des sciences et de l'Académie des technologies. - Je suis professeur au Collège de France et membre de l'Académie des sciences et de l'Académie des technologies.
En France, la recherche est au tout meilleur niveau mondial, dans un continuum allant de la recherche fondamentale - ou plutôt, selon une expression que je préfère, « recherche sur des questions fondamentales » - à la recherche appliquée. Le premier moteur de recherche a été produit en deux mois et demi par deux Français et un Américain, l'iPhone et le Macintosh ont été faits par un Français, à Paris d'ailleurs. Les institutions telles que l'Inria, le CNRS et l'université coopèrent désormais. On considérait autrefois que l'industrie informatique n'avait pas d'avenir et était une mode qui passerait. Médias et politiques sont peu informés, tout comme le grand public. L'informatique a été supprimée de l'enseignement français en 1997, au moment de l'explosion d'Internet, puis réintroduite dans les programmes en 2016, sur l'impulsion personnelle de Najat Vallaud-Belkacem.
Je viens d'être nommé au conseil scientifique du ministère de l'Éducation nationale, on pourra désormais en discuter sérieusement. Il faut se rendre compte que cinq des dix premières entreprises mondiales relèvent du secteur informatique. Ce n'est pas totalement anodin. Or, s'agissant de la recherche, la France est un pays accommodant pour un chercheur qui veut créer son entreprise. Quand un chercheur créé une entreprise, il conserve dix ans son droit à l'avancement. Cependant, les start-up françaises sont trop petites et connaissent des problèmes de croissance et de dimension : aux États-Unis, certaines pèsent un milliard de dollars !
Autre sujet, la question de la sûreté informatique, qui est bien traitée en avionique, où il y a des règles de sûreté internationale qui imposent des façons de construire des logiciels de manière rigoureuse. Ce n'est pas le cas dans l'automobile, à l'exception de certaines normes allemandes. Ainsi Toyota a pâti d'un logiciel déficient, responsable de la mort de centaines de conducteurs, pour un coût représentant 2,5 milliards de dollars à la charge de l'entreprise. La sûreté informatique n'est pas vraiment contrôlée par le politique. Dans certains domaines, elle est pourtant très importante. En médecine, quelle est la certification de la sécurité informatique d'un pacemaker ou d'une pompe à insuline ? Qui est protégé en cas d'attaque informatique ? On n'a connaissance que de 1 % des attaques informatiques commises, qui sait que la France est un leader mondial du marché ? On parle beaucoup de l'Internet des objets. Mais ces objets ne sont pas sécurisés. De même, on ne sait pas sécuriser un vote par voie électronique. L'Académie des technologies a fait une tentative en 2009 pour ses votes internes mais y a renoncé après un véritable fiasco. Des hôpitaux ont été victimes d'attaques informatiques en Angleterre. La presse en a peu parlé. Microsoft déconseille l'usage de Windows XP, en raison des failles de sécurité. Or la police britannique a décidé de passer de Windows XP à Windows Vista, ce qui a sidéré totalement tout le monde car ce logiciel n'est pas mieux protégé, voire moins bien. Aujourd'hui, ces attaques concernent les États.
Un autre sujet sur lequel l'Office pourrait se pencher est celui de l'intelligence artificielle, ou plus exactement de l'apprentissage automatique. Dans la réalité, on ne sait pas vraiment comment fonctionnent les algorithmes, ni qualifier leurs résultats. On les utilise en médecine, pour l'analyse de tumeurs. Le leader mondial dans le cadre d'un concours international des mammographies est en ce moment une start-up française, classée première devant 1 400 autres. Elle dispose de gigantesques bases de données. Mais quelle serait la responsabilité d'un médecin qui a réalisé un mauvais diagnostic à partir de celles-ci ?
La question de certains logiciels performants mais non utilisés, par décision politique, pourrait peut-être être abordée dans le cadre de nos travaux. Il y a quelques semaines, un documentaire évoquait un logiciel conçu par le directeur technique de la NSA américaine qui avait pour but de circonscrire, à partir d'une analyse du fonctionnement des réseaux sociaux, les cellules terroristes en cours de formation. Le gouvernement américain a décidé d'affecter des crédits au secteur privé pour développer des logiciels comparables à celui inventé par cet agent de la NSA. Ce dernier a été mis sur la touche, et ses travaux mis de côté. Pourtant, vingt ans après, une équipe autrichienne de mathématiciens a développé le même système de surveillance efficace des données sur les réseaux internationaux. Cet exemple souligne la nécessité pour le politique de se rapprocher des chercheurs pour prendre des décisions pertinentes.
Cette question ne peut pas être traitée de la même façon, avant ou après l'affaire Snowden. Elle pose le problème très délicat de la surveillance massive et de ce qu'on attend de ces types de logiciels.
L'intérêt de ce logiciel est de sortir d'une logique de surveillance massive et généralisée au profit d'une surveillance ciblée lorsqu'un logiciel circonscrit des réseaux ou des personnes. On n'est donc pas dans une approche liberticide ou attentatoire aux libertés, au contraire.
On peut également évoquer un bug dans le passeport biométrique français, qui aurait permis de tracer les personnes, en violation des normes internationales. Il a été très vite corrigé. Il existe donc des failles dans le passeport biométrique, qui n'est pas plus sûr que le passeport en papier. Est-il efficace alors que l'on peut virtualiser des personnes afin de dissimuler leur identité ? Les terroristes sont masqués sur les réseaux sociaux, et très difficiles à identifier.
Je suis docteur en génétique moléculaire, un « pur produit » de l'université française devenue généticienne avec l'évolution de la science et des technologies. Je dirige un laboratoire à l'INRA, basé à Toulouse, une infrastructure nationale qui gère des programmes de génomique végétale pour traiter des questions scientifiques des plus fondamentales. Nous vivons une révolution technologique avec la production des données scientifiques massives utilisables pour la caractérisation des génomes. On dispose désormais de la possibilité de modifier le génome de manière ciblée : c'est l'ingénierie du génome. J'ignore si demain on pourra faire un enfant comme on veut et comme on le souhaite, en fonction des différents paramètres. Il faudra traiter des problèmes de bioéthique et dépasser les simples relations d'un gène ou d'un génotype avec le phénotype exprimé, pour s'intéresser à tout ce qui relève de l'épigénétique, ce qui peut être modifié de manière plus ciblée, donc avec des erreurs possibles. Cette problématique concerne l'humain comme la plante. Les virus sont encore plus simples à modifier que les bactéries. Se pose la question de l'acceptation par la société de certaines évolutions technologiques. Celles-ci paraissent bénéfiques quand on guérit un enfant d'un cancer. Mais ces technologies d'édition de génome de plantes permettent également de fabriquer des OGM non traçables, que l'on qualifie d'« OGM propres ». À Berkeley, il existe une prise de conscience sur ce point mais on assiste aussi, aux États-Unis, à une explosion des financements des programmes de recherche par l'agence de défense du gouvernement. Celle-ci finance aussi une société française, Cellectis, qui travaille sur l'édition de génomes et a bénéficié en juin d'une autorisation de traiter un patient, malheureusement décédé début septembre. Ces avancées doivent être également appréciées par rapport au changement climatique, pour une meilleure maîtrise de l'agriculture, pour innover en France ou dans d'autres pays, dans le cadre du protocole de Nagoya.
Je suis physicien. Je fais de la physique quantique. Les technologies quantiques sont peut-être un sujet. L'Union européenne a lancé à ce propos un programme Flagship d'un milliard d'euros. Les conséquences des technologies quantiques sur la société pourraient constituer un sujet de réflexion, car cela est susceptible de bouleverser la société. D'ores et déjà la cryptographie quantique existe et permet une bien meilleure protection contre les interceptions. L'ordinateur quantique est à l'état de projet. Vis-à-vis de l'ordinateur quantique, je ressens, aujourd'hui, ce que je ressentais, il y a trente ans, vis-à-vis des ondes gravitationnelles : aucune loi physique fondamentale ne l'interdit, mais le gap technologique à franchir est absolument inimaginable. Trente ans plus tard, on dispose de la déviation des ondes gravitationnelles. Je ne sais à quelle échelle de temps on disposera ou on ne disposera pas encore d'un ordinateur quantique, dont la puissance de calcul serait, au sens exact et mathématique du terme, exponentiellement plus forte que son équivalent classique, et disant cela j'évoque bien l'exponentielle des scientifiques et non l'exponentielle des journalistes.
Mme Claudie Haigneré a évoqué la diplomatie scientifique. J'ai découvert personnellement ce problème : la France était, au départ, institutionnellement incapable d'entrer dans les projets Flagship. J'ai alors été sidéré de devoir intervenir de personne à personne, demandant des interventions ici et là, alors même qu'il existe une représentation française auprès de l'Union européenne à Bruxelles.
Enfin il est une dernière question, dont je m'étonne qu'elle n'ait pas encore été soulevée aujourd'hui, car elle relève vraiment de ce conseil scientifique de l'Office : l'inflation galopante, en particulier dans cette dernière décennie, de la bureaucratie qui accable les chercheurs (CNRS, ANR...) et, en particulier, les jeunes chercheurs. Dès qu'un scandale est dénoncé par la presse, les responsables veulent « se couvrir ». Ils décident de faire réaliser des audits en faisant appel à des sociétés de conseil, qui suggèrent évidemment la mise en place de structures chargées d'auditer... Personne ne maîtrise plus ce système. Les jeunes chercheurs ne peuvent que rêver à la souplesse qui prévalait au CNRS il y a trente ans. Il vaudrait mieux qu'ils consacrent leur temps à la recherche plutôt qu'à remplir des tableaux Excel. Il relève de la mission de l'Office de s'emparer de cette question, de diligenter une enquête pour distinguer le raisonnable, car tout ne doit pas être permis, du déraisonnable.
Les parlementaires ont reçu récemment une lettre dénonçant ce gâchis. Nous avons été alertés.
Il est très bien que vous ayez été alertés, mais il faut aller au-delà et réaliser un véritable état des lieux et demander aux praticiens de faire des suggestions. Ils ne sont ni inconscients ni enclins à dépenser l'argent public sans aucun contrôle.
La bureaucratie marque tous les domaines, en particulier lorsqu'on obtient son doctorat et que l'on veut créer son entreprise. Des auditions sont réalisées en vue de l'examen du projet de loi sur la simplification et le droit à l'erreur. Il serait bon que M. Alain ASPECT puisse être auditionné à ce titre.
Je m'efforcerai de me rendre disponible si l'on me sollicite.
Sur la distinction recherche fondamentale-recherche appliquée, telle qu'elle est conçue par l'Union européenne, il s'est agi d'une décision consciente : au nom du principe de subsidiarité, la recherche fondamentale relevait des États, Bruxelles ne s'attachant qu'à la recherche appliquée. C'est la raison pour laquelle un certain nombre d'académies ont bataillé et qu'a été créé le programme ERC (European Research Council), dont la Commission européenne tend plutôt à vouloir réduire le financement Cela rejoint la question de la diplomatie scientifique. Pour revenir sur ce choix conscient, les États doivent intervenir.
L'excès de bureaucratie n'est pas l'apanage des seuls grands établissements de recherche. Dans certaines grandes entreprises privées, une bureaucratie aussi grave existe aussi.
C'est la maladie des audits.
L'informatique a permis de réaliser des fiches de paie que plus personne n'arrive à comprendre.
Mes chers amis, je vous remercie pour ces riches suggestions. Je vais m'attacher maintenant à structurer ces réflexions, pour dégager les sujets dont l'Office pourrait se saisir.
Je retiens un ensemble de sujets liés à la politique scientifique, politique publique rencontrant les questions scientifiques. La question des zones à régime restrictif (ZRR) pourrait faire l'objet d'une note instruisant le sujet. Pour de nombreux collègues scientifiques et moi-même, le régime ZRR ne protège pas la recherche française, il l'affaiblit, en ce qu'il rend certains laboratoires moins attractifs, donc moins compétitifs, et qu'il diminue notre crédibilité.
Sur les publications scientifiques, la question à poser est, pour l'Office, celle de la politique publique en matière de publications scientifiques, sans entrer dans le débat entre scientifiques sur l'évaluation des articles, le rôle dévolu à l'éditeur, débat qui diffère beaucoup d'une communauté à l'autre. La question que l'Office doit légitimement se poser est celle de la politique publique à privilégier, son positionnement par rapport aux questions d'accès ouvert, d'auteur payant. Le sujet étant international, la réflexion doit être française mais prendre aussi en compte sa dimension européenne. En ce domaine, l'Office a toute légitimité pour présenter des préconisations en vue d'une mise en oeuvre concrète.
Outre le sujet relatif à la valorisation, la question des docteurs employés dans le monde de l'entreprise et dans le monde de la fonction publique a recueilli l'intérêt marqué de notre collègue Patrick Hetzel.
Plusieurs d'entre vous ont appelé notre attention sur l'importance de la diplomatie scientifique. D'un côté, le réseau diplomatique français continue d'être extrêmement performant, avec beaucoup d'expertise délocalisée. D'un autre côté, mon expérience dans certaines instances bruxelloises m'a conduit à la conclusion que, de Bruxelles, la France est l'un des pays les moins visibles. Cela fait partie de l'attitude française par rapport à l'Europe : en pointe dans l'énoncé de la proposition initiale, le désintérêt marqué pour les suites. La diplomatie scientifique me paraît constituer un bon sujet, en allant, « sur le terrain », rencontrer le réseau des ambassades. Un tel état des lieux pourrait être très intéressant.
Sur les sujets scientifiques mêmes, les rapports de l'Office les plus récents sont relatifs aux biotechnologies et à l'intelligence artificielle.
Tout ce qui a trait à la modification du génome, dans le rapport que j'ai présenté avec Jean-Yves Le Déaut.
Sur ces questions, comme il ne s'agit pas de réinventer la roue et de refaire un travail qui aurait déjà été fait, vous sera communiquée la liste des rapports réalisés et seront récapitulées sous une forme extrêmement synthétique les conclusions auxquelles ils ont abouti. Sur cette base, il conviendra de déterminer s'il y a lieu d'intervenir à nouveau, soit à raison d'un contexte politique nouveau, soit à raison d'une nécessaire actualisation au vu d'avancées récentes.
En dehors de l'Office, je participe à un groupe de travail sur le thème spécifique : « médecine et mathématiques ». Ce groupe se réunit régulièrement à l'Académie nationale de médecine sous la responsabilité de Bernard Nordlinger. Il permet de réunir des représentants du monde de la médecine, du monde des grandes données et de l'intelligence artificielle au sens général ainsi que de l'apprentissage automatique (machine learning). Les questions d'étiquetage, de reconnaissance d'images y tiennent une part intéressante.
Je suis chargé d'une mission à ce sujet par le Premier ministre. Les auditions se déroulent actuellement. Le travail est très riche, très intéressant. Notre collègue Marc Schoenauer, directeur de recherche à l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA), m'assiste en tant qu'expert reconnu. Cette mission, si elle est réalisée hors de l'Office, donnera lieu à l'information de celui-ci, comme complément du rapport présenté, l'an dernier, par nos collègues Claude de Ganay et Dominique Gillot.
Si sa nomination parmi nous est confirmée, notre Collègue député Jean-François Éliaou s'attachera aux questions de bioéthique, dont l'Office traite de façon institutionnelle en application de la loi.
À plusieurs reprises, vos suggestions ont porté sur les pathologies infectieuses en tant que telles et aussi en liaison avec le changement climatique. Il serait bon d'approfondir ce sujet important.
À plusieurs reprises également, les thèmes de la sûreté et de la sécurité informatiques ont été mentionnés, en liaison avec l'Internet des objets, en liaison avec le terrorisme.
Le thème des évènements extrêmes conduit les politiques à s'interroger sur la nécessité de revoir les procédures, en cas de survenance moins rare de tels évènements. C'est aussi un sujet important.
Ce bref récapitulatif n'épuise pas toutes vos suggestions. Une partie de ces sujets sera traitée sous forme de rapports, une partie le sera sous la forme, plus légère, d'une note d'information, après avoir déterminé le destinataire le plus efficient pour les suites à donner à une telle note. Une autre partie de ces sujets aura vocation à demeurer dans le pool de discussion avant que l'Office ne s'en saisisse.
À mon sens, l'Office devrait se saisir de davantage de sujets, traités sur un mode plus court et plus réactif que ce que nous avons l'habitude de faire : une note d'information plus rapide et plus urgente, sur la base de consultations aussi représentatives que possible.
Le thème de la bureaucratie rencontre notre accord unanime.
L'Office se saisira également du sujet.
Le sujet pourrait être reformulé de la façon suivante : quel est la part de l'argent public investi dans la recherche qui sert effectivement à faire de la recherche ?
L'ancien président du CNRS, Alain Fuchs, m'avait fait part de sa disponibilité pour évoquer l'impressionnant et nécessaire travail de « dépoussiérage » à mener, mais il a dû quitter le CNRS sans avoir pu mener à bien son propre plan.
Mon attention a été appelée, récemment, sur l'impossibilité faite aux chercheurs fonctionnaires de créer une entreprise, les textes en vigueur leur interdisant le cumul de leur traitement avec une rémunération privée pour une fonction de direction.
Les questions de bureaucratie sont complexes, par exemple est-il indispensable de signer des ordres de mission, à chaque départ en mission ? La signature d'un tel ordre de mission est-elle réellement utile ? L'argument des assurances en cas d'accident est toujours mis en avant. Quelle est sa pertinence ?
J'ai rencontré le cas d'un accident du travail, à l'occasion d'une mission, sans qu'il y ait eu aucune conséquence.
Il y a une quinzaine d'années, à la suite d'un accident aérien, la veuve d'une personne décédée en mission, sans ordre de mission, a eu les plus grandes difficultés à faire reconnaître l'application du régime des accidents du travail.
La direction des ressources humaines du ministère de l'Éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche rencontre chaque année plusieurs situations de ce type à l'occasion de déplacements à l'étranger.
Plusieurs cas chaque année peuvent-ils être rapportés au coût de toutes les secrétaires occupées à préparer des ordres de mission dans tous les laboratoires de France ?
C'est minime dans l'océan de bureaucratie qui manque nous submerger.
Les missions ne se limitent pas aux congrès. Par exemple, dans le cas des missions polaires, il existe des enjeux de médecine de travail, de prévention, de rapatriement en cas de difficultés, avec des systèmes d'assurance très compliqués pour des missions de terrain. C'est essentiel pour nous.
L'Université de Lyon a su, elle, me signer un ordre de mission permanent quand j'ai dirigé l'Institut Poincaré.
C'est une solution.
C'est une solution, mais très peu mise en pratique.
La ministre chargée de la recherche et son directeur de cabinet sont des praticiens de la recherche. Cet état de fait change-t-il quelque chose, pour l'Office, par rapport à la situation dans lesquelles les ministres ne connaissent rien à la recherche ?
L'Office est en rapport avec les deux assemblées et non avec les ministres.
Dans la configuration actuelle, l'Office a pour rôle de conseiller le Parlement. On peut imaginer que le Parlement, qui contrôle l'action du Gouvernement, lui soit aussi une ressource en tant que de besoin. Cela fait partie des réflexions que j'ai proposé de conduire.
Sans qu'on sache s'il y a corrélation avec la configuration inédite soulignée par Gérard Berry, le budget de la recherche pour 2018 s'annonce comme étant le meilleur depuis très, très longtemps, avec 980 millions d'euros d'augmentation par rapport au budget exécuté de 2017.
J'ai fait partie du Conseil scientifique de l'Agence nationale de la recherche et j'ai vu, à ma grande surprise, tous les scientifiques disparaître successivement de ce Conseil, qui a été présidé par le ministère de la recherche, à titre temporaire, pendant plus d'un an et demi. L'Office s'est-il préoccupé de cette situation bizarre ?
Dans mon esprit, cette situation devrait nécessairement entrer dans le champ de la question des méfaits de la bureaucratie, au CNRS, à l'ANR, etc. Mais l'observation est exacte : tous les scientifiques ont été exclus.
À la fin des fins, il s'est agi aussi du président de l'ANR.
L'assemblée réunie aujourd'hui dans cette salle comprend 30 % de femmes, du côté scientifique comme du côté politique de la table. Un même plafond à 30 % s'observe pour les expertises internationales sur le climat. Un même plafond s'observe aussi dans les filières scientifiques en première année post-baccalauréat. La question du genre dans les carrières scientifiques a été abordée avec l'effet « plafond de verre ». Cela mériterait d'être envisagé par l'Office, ne serait-ce qu'au regard des effets négatifs induits par l'impossibilité d'attirer tous les talents.
Nous serions heureux d'atteindre ce pourcentage en mathématiques.
Il y a 50 % de femmes dans la société. Il faut avoir une exigence plus grande.
Dans ma promotion à l'École normale supérieure, en mathématiques, la proportion était de 3 filles sur 41. En biologie, la proportion est inverse, de l'ordre de deux garçons sur 20. De grandes disparités de cachent derrière le taux moyen de 30 %.
Cette année, on compte 45 % de filles reçues au concours d'entrée à l'Institut d'optique (Supoptique), qui est une véritable école d'ingénieurs.
Nous inscrirons le sujet à l'ordre du jour.
Une étude a montré que l'attitude éducative, à la fois de la part des parents et des enseignants, consiste trop souvent, en cas d'échec face à une évaluation, à imputer le résultat à un manque de capacité, dans le cas des filles, et au manque de travail, dans le cas des garçons.
À la suite du renouvellement de l'Assemblée nationale, la proportion des femmes députées est de 48 %. Le défi consiste à continuer de se battre pour la présence des femmes dans toutes les institutions et pour l'égalité de salaire. Il faudrait imposer par la loi de disposer d'un état des salaires hommes-femmes dans les entreprises. C'est aussi une question de société. Les jeunes filles sont dissuadées d'entrer dans les carrières scientifiques, présentées comme trop techniques. Il faut au contraire que les enseignants les encouragent à s'engager dans les différentes filières.
Cela figurera parmi la douzaine de sujets à étudier par l'Office.
Je vous remercie pour la qualité de ces échanges.
La séance est levée à 19 h 15.