Intervention de Philippe Bas

Commission mixte paritaire — Réunion du 9 octobre 2017 à 16h00
Commission mixte paritaire sur le projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme

Photo de Philippe BasPhilippe Bas, sénateur, rapporteur pour le Sénat :

Permettez-moi de dire d'emblée que nous avons bien travaillé, puisque nous sommes en mesure de vous proposer un accord qui concilie les exigences de la protection de nos concitoyens contre le terrorisme et les impératifs liés au respect des libertés - celles-ci ne peuvent être restreintes que dans la stricte mesure indispensable à la garantie de la sécurité publique.

J'ai exprimé de très fortes réserves sur l'opportunité de ce texte, depuis le début de son examen. Lorsque la menace terroriste est à son maximum, l'instrument le plus approprié pour la combattre est l'état d'urgence.

Il a été mis en oeuvre non pas après la première vague d'attentats terroristes de janvier 2015, mais fin 2015, et nous l'avons régulièrement reconduit, la dernière période se terminant au mois de novembre prochain. La menace terroriste étant toujours à son maximum, c'est non pas une version dégradée de l'état d'urgence dont aurait besoin l'État, mais de l'état d'urgence lui-même, qui permet de justifier par des circonstances exceptionnelles des procédures dérogatoires au droit commun et donc plus restrictives des libertés, pour l'efficacité de la lutte contre le terrorisme. L'état d'urgence peut être levé le matin à huit heures et rétabli le midi par le Gouvernement si les circonstances le justifient. Cet instrument, qui reste à tout moment à sa disposition, présente l'avantage d'être assorti non seulement d'un contrôle juridictionnel étroit, mais également d'un contrôle du Parlement : chacune des deux assemblées a mis en place un comité de suivi de l'état d'urgence et le Gouvernement a l'obligation de leur communiquer jour après jour l'ensemble des actes administratifs pris en application de l'état d'urgence.

Le régime de l'état d'urgence ouvre la possibilité de mettre en place des périmètres de sécurité, de fermer temporairement des lieux de culte, de procéder à des perquisitions administratives sans intervention du juge judiciaire et de prononcer des assignations à résidence.

Ces quatre points essentiels ont fait l'objet de nouvelles dispositions dans le texte que nous examinons. Changer la dénomination ne change rien à la chose : les quatre moyens d'action sont intégralement repris dans le projet de loi.

Or, dans les temps ordinaires, est-il justifié d'utiliser des moyens forgés pour les temps exceptionnels et dont la légitimité repose sur ce caractère conjoncturel exceptionnel ? La question est très délicate. Si la loi pénale et le code de la sécurité intérieure avaient prévu de tels moyens, nous n'aurions évidemment pas eu besoin de l'état d'urgence. Mais, inversement, nous ne pouvons accepter que l'on puisse restreindre sans limitation de délai les libertés en raison de circonstances exceptionnelles.

Le Sénat a adopté le texte en première lecture ; mon collègue rapporteur pour l'Assemblée nationale et moi-même nous sommes entendus sur une rédaction commune, tout en fixant un certain nombre de conditions.

Le Sénat estime tout à fait intéressant que les députés aient réduit de quatre à trois ans la durée de vie des clauses qui nous paraissaient les plus sensibles. La législation devient temporaire. Pour nous, compte tenu des apports de l'Assemblée nationale sur les dispositions relatives aux fermetures de lieux de culte et aux périmètres de protection, il fallait étendre la « clause d'autodestruction » aux deux articles qui les prévoient. Au fond, nous avons trouvé un compromis entre le droit permanent et le droit court de l'état d'urgence, avec une sorte d'état d'urgence de trois ans - en version allégée, puisque la seule finalité qui puisse ici être prise en compte pour justifier les mesures administratives est la lutte contre le terrorisme, et non la prévention des troubles à la sécurité et à l'ordre publics.

En outre, nous avons été particulièrement attentifs à un certain nombre de garanties : dans le cadre des mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance, les autorités administratives ne pourront pas exiger la communication des numéros d'abonnement et des identifiants techniques de communication électronique. Ce point a d'ailleurs fait assez facilement l'objet d'un accord entre nous, le risque constitutionnel étant très élevé.

Au cours d'une visite domiciliaire, le juge des libertés et de la détention pourra s'opposer à la retenue de personnes sur les lieux : immédiatement informé, il aura compétence pour arrêter toute mesure qu'il jugerait abusive.

Nous sommes parvenus à un équilibre, dont nous verrons s'il peut franchir le cap d'un examen de constitutionnalité - car nous allons aux limites... Avec les événements des dernières semaines, nous nous demandons néanmoins s'il ne serait pas plus judicieux de reconduire l'état d'urgence.

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