Intervention de Ronan Dantec

Réunion du 10 octobre 2017 à 14h30
Évaluation environnementale — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Ronan DantecRonan Dantec :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, les deux ordonnances qu’il nous est aujourd’hui proposé de ratifier s’inscrivent dans un long chantier de modernisation du droit de l’environnement qui s’est engagé sous la précédente mandature.

Nous sommes évidemment tous favorables au fait de chercher à faire progresser l’évaluation environnementale et la participation du public dans les procédures, conditions incontournables à des débats apaisés. Nous sommes tous conscients, je crois, des difficultés dans la conduite des projets en France, à travers l’actualité régulière des mobilisations, voire des affrontements qui accompagnent certains grands projets d’aménagement, avec des risques réels de nouveaux drames humains, mais aussi à travers les dénonciations constantes, de colloque en colloque, des acteurs de l’éolien, par exemple, qui rappellent à juste titre que les durées d’instruction des dossiers sont doublées en France par rapport à l’Allemagne, soit huit ans contre quatre ans.

Il y a donc aujourd’hui un intérêt commun entre les grands aménageurs et les associations défendant l’éolien citoyen à trouver des réponses aux blocages, par des processus d’évaluation globale des projets et de débats publics transparents où toutes les données sont sur la table.

Je souhaite ici souligner, comme M. le secrétaire d'État, l’important travail de concertation réalisé en amont du texte discuté cet après-midi dans le cadre des groupes de travail sur la démocratie environnementale présidé par le sénateur Alain Richard, et sur la modernisation de l’évaluation environnementale présidé par Jacques Vernier.

J’insisterai sur deux points précis de ces ordonnances qui me semblent particulièrement importants et novateurs. L’ordonnance sur l’évaluation environnementale complète le contenu de l’étude d’impact, et je souligne tout particulièrement l’introduction dans cette analyse de l’incidence du projet sur le climat et sa vulnérabilité face au dérèglement climatique. Cela devrait aussi nous amener à évaluer certains projets d’infrastructures de transport au regard de leur impact en termes d’émissions de gaz à effet de serre.

L’étude d’impact se fait également plus précise sur la biodiversité : il faut désormais décrire les mesures envisagées pour respecter la séquence éviter-réduire-compenser et définir plus précisément, point important, le suivi des mesures compensatoires, ce qui constitue une avancée dans le sens de la loi pour la reconquête de la biodiversité et des préconisations de la commission d’enquête du Sénat sur la compensation des atteintes à la biodiversité, dont j’étais le rapporteur.

Nous débattrons d’ailleurs de deux amendements rédigés sur la base des propositions du rapport de la commission d’enquête qui avait été voté à l’unanimité – j’en profite pour saluer au passage Jean-François Longeot, qui présidait cette commission.

Le premier de ces amendements tend à revenir sur l'impact de ces projets sur l'agriculture, notamment sur le point extrêmement important de la consommation du foncier agricole, en n’oubliant pas, non plus, d'analyser l'impact des mesures compensatoires sur l'économie agricole – Daniel Gremillet, ou encore Rémy Pointereau tenaient particulièrement à cette dimension.

J'ai bien noté, monsieur le secrétaire d’État, que vous étiez très ouvert à nos propositions. Vous proposez d’ailleurs, de concert avec le rapporteur, un amendement, rédigé avec l’appui de l'administration du Sénat, qui va permettre de renforcer ce point.

Par ailleurs, pour éviter que les concertations naturalistes ne surviennent après la première enquête publique, nous proposons que l’avis de l’Autorité environnementale soit complété par une réponse écrite du maître d’ouvrage à ses éventuelles objections dans le dossier d’enquête publique. C’est un point important, de nature à réduire les contestations, qui interviennent souvent après l’enquête publique, au cours de laquelle tous les sujets n’ont pas été abordés. Il s’agissait d’une des conclusions importantes de la commission d’enquête du Sénat.

Nous rediscuterons aussi de la « clause filet » ou « clause de rattrapage » au cours de la discussion du texte. Je partage l’analyse du rapporteur : la rédaction actuelle nous semble fragile, car les directives européennes et la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne précisent que tout projet impactant sérieusement l’environnement doit faire l’objet d’une évaluation environnementale, même s’il est en dessous des seuils définis. C’est pourquoi le groupe du RDSE proposera un amendement en ce sens.

Je porterai également des propositions sur l’accès à l’information, qui est un droit essentiel, en lien avec la convention d’Aarhus, vous l’avez rappelé, monsieur le secrétaire d'État.

Malgré ce principe, ce droit reste très imparfaitement appliqué, et nombre de nos concitoyens se retrouvent souvent bloqués dans leurs demandes légitimes d’accès à l’information. C’est pourquoi je proposerai, d’une part, de créer un référé-communication pour faciliter un accès élargi aux informations environnementales et, d’autre part, de donner davantage de pouvoir à la Commission d’accès aux documents administratifs, la fameuse CADA, pour faire respecter l’application de ce droit à l’information. Il existe aujourd’hui des cas où, malgré les décisions de la CADA, l’État refuse encore de rendre publics les documents demandés, ce qui nourrit les colères et la détermination des opposants.

Les ordonnances ne répondront pas à tout, mais les exigences de transparence, de dialogue, de contre-expertise, d’approche globale des projets sont au cœur d’un débat public apaisé, dont nous avons tous besoin aujourd’hui. L’État et les maîtres d’ouvrage se sont souvent montrés frileux et méfiants sur ces débats, en pensant qu’ils nourrissaient la contestation. Notre analyse est inverse : c’est la faiblesse du débat qui nourrit avant tout les contestations. Nous ne pouvons donc que souligner les avancées progressives qui sont intervenues ces dernières années, et le débat de cet après-midi, monsieur le secrétaire d’État, doit nous permettre d’en améliorer encore l’ambition.

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