Intervention de Sébastien Lecornu

Réunion du 10 octobre 2017 à 14h30
Évaluation environnementale — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Sébastien Lecornu, secrétaire d’État :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vais tenter de ne pas être redondant avec les propos que j’ai déjà tenus lors de la discussion générale et de ne pas anticiper, non plus, sur la discussion des amendements.

Je remercie les orateurs de la qualité et de la richesse de leurs interventions et je souhaite apporter d’ores et déjà quelques éléments de réponse.

Monsieur le rapporteur, vous avez rappelé la nécessité d’un seuil d’argent public pour le déclenchement du droit d’initiative en cas de projet et nous reviendrons, lors de la discussion des amendements, sur la question de la répartition des compétences entre les pouvoirs législatif et réglementaire. Je le répète, je m’en remettrai d’abord à la sagesse du Parlement pour savoir s’il faut renvoyer à un décret en Conseil d’État ou fixer un montant dans la loi, puis à la décision de la commission mixte paritaire si l’Assemblée nationale et le Sénat sont en désaccord en première lecture. Sur le fond, ce qui compte, pour le Gouvernement, c’est que ce seuil soit de 5 millions d’euros.

En ce qui concerne les délais – quatre ou six mois –, le Gouvernement a la volonté d’uniformiser et de simplifier le code de l’environnement et le code de l’urbanisme, ce qui constitue un véritable chantier pour le quinquennat, et je suis volontiers preneur de l’aide des sénateurs sur ce sujet.

Dans le même temps, nous avons aussi à cœur d'ouvrir des droits qui soient réels ! Et j’ai laissé prospérer à l’Assemblée nationale l’idée d’un allongement à six mois, parce que je suis moi-même élu local d’un département rural. Donner plus de temps à nos concitoyens qui vivent dans un milieu rural pour être pleinement informés de l’existence d’un projet et détecter un éventuel vice de forme au lieu d’en être informés à la dernière minute me semble plutôt de bon aloi. C’est donc pour défendre la ruralité, monsieur le rapporteur, que le Gouvernement a exprimé une sagesse positive sur cette question et je souhaite le dire clairement devant la Haute Assemblée, qui tient tant à cette ruralité.

Certains d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, m’ont interrogé sur les comparaisons internationales. La Commission européenne n’a pas produit d’étude comparative sur les questions qui nous occupent – elle parlerait de benchmark… Dans un rapport de 2007 sur les transpositions des directives en matière environnementale, la Commission estime qu’il n’y a pas véritablement de problème, mais je m'en remets aux dires des parlementaires. Certes, il existe ici ou là quelques documents épars, dont vous avez fait état, monsieur Bonnecarrère, dans votre rapport, et comme l’indiquait M. le ministre Richard, on doit sûrement pouvoir améliorer les choses en la matière.

Monsieur Cornu, vous avez évoqué la question de la répartition entre législatif et réglementaire, à laquelle je viens de répondre. Vous avez aussi pointé du doigt le risque de surtransposition, auquel je suis tout à fait sensible ; en l’espèce, ces ordonnances ne se prêtent pas à une telle interprétation. Je veux que les choses soient claires entre nous. Enfin, je vous remercie des vœux formulés au nom de votre groupe en ce qui concerne ces deux ordonnances.

Monsieur Dantec, je vous remercie aussi des encouragements que vous avez exprimés, en particulier sur la méthode et la concertation en amont. En ce qui concerne la séquence éviter-réduire-compenser, il me semble que l’Assemblée nationale a stabilisé le dispositif, ce qui permet de reconnaître effectivement cette démarche dans le droit. Nous y reviendrons dans un instant.

Par ailleurs, je vous informe que j’ai installé, la semaine dernière, à l’occasion d’un déplacement dans les Ardennes, département du sénateur Benoît Huré, un groupe de travail de la Conférence nationale des territoires sur l’éolien. Il s’agit pour nous, en toute transparence et dans un objectif de simplification, d’allier protection des paysages, lutte contre le mitage et déploiement dans les zones qui sont propices au développement de ce type d’énergie. Je me tiens naturellement à la disposition des sénateurs qui le souhaitent pour évoquer ces sujets.

Monsieur le ministre Alain Richard, je m’arrête bien évidemment quelques instants sur votre propos. En effet, vous êtes en quelque sorte le « papa » de ces ordonnances. Du moins, vous avez été pour quelque chose dans leur rédaction, même si, je le confesse, la manière de les écrire n’est peut-être pas exactement celle que vous souhaitiez – nous avons eu l’occasion d’échanger récemment à ce sujet. Néanmoins, vous rappelez qu’elles vont dans le bon sens, et seul le mouvement compte : vous faites vôtre cette maxime, sur laquelle le sénateur Bonnecarrère est également revenu. Comme vous, je crois qu’il est important de savoir apprendre à perdre du temps en amont, pour ne pas en perdre ensuite au contentieux.

Ces ordonnances vont-elles suffisamment loin ? Selon vous, non ! Eh bien, monsieur le ministre Richard, je partage votre opinion ! Mais le statu quo améliorerait-il les choses ? La réponse est également négative ; nous avons donc trouvé un point d’équilibre…

En ce qui concerne les études d’impact – il ne vous aura pas échappé que, pour toutes sortes de raisons, je n’étais pas membre du gouvernement précédent –, le travail de simplification que vous appelez de vos vœux n’a effectivement pas été fait. Or il s’agit d’un enjeu majeur, surtout pour les élus locaux, puisqu’ils sont bien souvent confrontés à ces procédures, en tant que porteurs de projet.

Dans le cadre de la convergence entre code de l’urbanisme et code de l’environnement, à laquelle s’ajoute l’apparition de l’autorisation environnementale unique, je me tiens également à la disposition du Sénat pour mener ce travail sur les études d’impact, sur lequel j’aurai l’occasion de revenir dans un instant.

En tout cas, je vous informe d’une nouveauté : en 2018, au titre des politiques d’open data du ministère de la transition écologique et solidaire, les contenus des études d’impact seront mis en ligne dans leur intégralité. C’est important pour les élus de vos départements, mesdames, messieurs les sénateurs, car cela facilitera le réemploi de ces données dans des procédures à venir. Je ne sais pas quel usage les porteurs de projet privés feront de ces données, mais j’en vois tout à fait l’intérêt pour les élus locaux, de même que pour les agents de l’État qui ont parfois eux-mêmes besoin d’être aidés dans la simplification.

Monsieur Gontard, il ne s’agit pas pour moi de polémiquer avec vous, car cela ne correspond ni à mon esprit ni à mon caractère – j’ajoute que la présidente de votre groupe veille au grain… Vous critiquez la technique des ordonnances : nous allons dépasser ce débat et nous concentrer sur le fond, car j’ai moi-même mon avis sur la question.

Vous me dites que vous n’avez pas eu beaucoup de temps pour travailler sur ces ordonnances, mais je vous ai présenté les excuses du Gouvernement sur ce point dans mon intervention en début de discussion générale. Je vous rappelle que, si ces ordonnances arrivent aussi tard, c’est parce qu’il y a eu des élections – présidentielle, puis législatives, puis sénatoriales. Je crois que nous pouvons nous en réjouir, en tant que démocrates. Si ces ordonnances arrivent aussi tôt, dans ce quinquennat, c’est tout simplement parce qu’elles sont prises dans le cadre d’habilitations contenues dans la loi Macron, adoptée lors du quinquennat précédent. Sur certains aspects, elles commencent à créer du droit ; sur d’autres, elles n’en créent pas complètement, parce qu’il faut encore voter la ratification. Il fallait aller vite, c’est pour cela que nous démarrons les travaux de cette session avec ce projet de loi. Si vous n’avez pas pu travailler autant que vous le souhaitiez, une fois de plus, veuillez m’en excuser, mais je ne peux pas faire beaucoup mieux.

Je veux quand même insister sur un point, monsieur le sénateur : on ne peut pas laisser penser qu’une étude au cas par cas soit une autorisation environnementale au rabais. Je me dois de le dire en tant que membre du Gouvernement, mais aussi en tant que garant du travail des agents des DREAL et des différentes administrations déconcentrées, qui incarnent l’autorité environnementale au quotidien dans nos territoires.

Une étude au cas par cas qui aboutit à la délivrance d’une autorisation environnementale est une procédure à part entière et non pas une procédure light, au rabais. Ce n’est pas ce que vous avez dit, bien évidemment, mais j’insiste sur cette mise au point afin qu’elle figure au compte rendu des débats. Il arrive en effet que les agents du ministère ne comprennent pas bien pour quelles raisons on oppose études au cas par cas et études d’impact, alors qu’ils mettent beaucoup du leur pour que ces études d’impact soient menées avec sincérité et précision. Ce point méritait donc d’être précisé.

Monsieur Bonnecarrère, je vous remercie de vos encouragements relatifs à la philosophie de ces ordonnances. Selon vous, « la faisabilité de l’infrastructure compte autant que la concertation ». C’est bien ce que j’ai dit à la tribune, et c’est la raison pour laquelle nous mettons en avant l’étude au cas par cas, qui est une véritable autorisation environnementale, tout en représentant un élément de simplification pour le porteur de projet. Surtout, cette évolution de l’étude d’impact vers l’étude au cas par cas évite la logique en silo, qui est terrible pour les porteurs de projet, publics comme privés. Je pense vraiment vous répondre en toute bonne foi en disant que cette ordonnance tient compte, à la fois, du porteur de projet et du citoyen.

Madame Tocqueville – vous me permettrez également de citer les sénateurs Bignon et Jacquin –, je vous remercie d’avoir rappelé la philosophie de ces ordonnances, qui sont effectivement importantes. Dans un souci d’efficacité, je vous propose de vous répondre plus précisément lors de l’examen des amendements.

Monsieur Jacquin, vous avez raison, le président de la Commission nationale du débat public, le préfet Leyrit, se tient à la disposition du Parlement, également pour l’évaluation des textes dont nous sommes en train de débattre, comme je vous l’ai annoncé tout à l’heure. En effet, on crée des droits nouveaux, et il n’y a pas plus humain que les droits de concertation, l’appel à des comportements de citoyens. D’ailleurs, s’agissant du benchmark européen, permettez-moi de relever que, en fonction des différentes cultures nationales, le rapport à la concertation n’est pas tout à fait le même selon les pays. Il n’a échappé à personne que les Pays-Bas ne sont pas l’Espagne ; la manière dont on associe les populations dans un État jacobin, centralisé, unitaire et dans un État fédéral n’est pas non plus la même ; enfin, un État qui a développé un certain type de rapports avec ses outre-mer ne procède pas de la même manière qu’un État qui n’a pas d’outre-mer : autant de réalités qu’il est important de noter.

Monsieur Chevrollier, permettez-moi de vous féliciter pour votre élection.

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