Intervention de Marlène Schiappa

Réunion du 11 octobre 2017 à 14h30
Ratification d'ordonnances relatives à la santé — Adoption définitive d'un projet de loi dans le texte de la commission et adoption de deux projets de loi dans les textes de la commission modifiés

Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je viens présenter aujourd’hui devant votre assemblée, au nom de Mme la ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn, trois projets de loi de ratification d’ordonnances rédigées en application de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

Contrairement à une majorité d’entre vous, je n’ai pas été directement impliquée dans les débats parlementaires ayant conduit à habiliter le précédent gouvernement à agir par voie d’ordonnances dans des délais limités et dans les domaines qui nous occupent aujourd’hui. Il me paraît néanmoins important, afin d’éclairer nos débats, de replacer dans leur contexte chacune des ordonnances faisant l’objet d’un projet de loi de ratification.

Je m’efforcerai d’être aussi claire que possible dans la présentation de chacun de ces textes, dans la description des objectifs qui leur sont associés, des conditions dans lesquelles ils ont été élaborés, ainsi que de leur contenu et de leurs enjeux propres.

L’ordonnance relative à la profession de physicien médical reconnaît cette dernière comme profession de santé, conformément à l’un des objectifs du plan cancer 2014-2019. La France compte 600 radio-physiciens.

En définissant les conditions d’exercice de la profession de physicien médical, ce projet de loi de ratification de l’ordonnance parachève un important travail de concertation mené en juin 2016 avec les représentants des physiciens médicaux et des spécialités médicales concernées – telles que l’imagerie médicale, la médecine nucléaire, la radiothérapie… – et, bien entendu, l’Autorité de sûreté nucléaire.

La reconnaissance du métier de physicien médical en tant que profession de santé contribuera à renforcer la qualité des pratiques et à sécuriser celles-ci dans le domaine de l’utilisation des rayonnements ionisants. Il est donc essentiel de donner une définition précise du rôle du physicien médical et de ses missions.

L’article 1er de l’ordonnance insère dans le livre II de la quatrième partie du code de la santé publique la profession de physicien médical au sein du même chapitre que celle de pharmacien, ces deux professions ayant en commun le contrôle de la prescription médicale – contrôle de la dose de rayonnements ionisants pour la première et de la posologie des médicaments pour la seconde. Le livre II est désormais intitulé « Professions de la pharmacie et de la physique médicale ».

Le physicien médical est défini par son expertise au sein d’une équipe pluriprofessionnelle, qui concerne toute question relative à la physique des rayonnements ou des autres agents physiques dans les applications liées à la thérapie et à l’imagerie médicale, par les grandes lignes de sa fonction, notamment la mise au point de la qualité d’image, l’optimisation de l’exposition aux rayonnements ionisants et aux autres agents physiques, mais aussi par sa mission essentielle, qui consiste à veiller à ce que les doses radioactives administrées au patient soient appropriées à l’état de santé de ce dernier et au traitement prescrit.

La déclinaison plus précise des missions et des conditions d’intervention du physicien médical est renvoyée à un décret en Conseil d’État qui sera prochainement rédigé, après concertation.

Les articles suivants traitent, selon un plan commun qui concerne toutes les professions de santé, des conditions d’exercice de la profession de physicien médical, des conditions d’enregistrement des diplômes ou encore de l’exercice illégal de la profession.

Ces différentes dispositions sont destinées à organiser et à sécuriser l’exercice de la profession et à améliorer la prise en charge des patients.

La ministre des solidarités et de la santé est, à titre personnel, pour des raisons liées à son parcours professionnel, particulièrement sensible à ce texte, qui permet de comprendre l’intérêt de la profession de physicien médical et son apport incontestable à l’amélioration de la qualité des soins.

J’en viens à l’ordonnance relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé, dont la ratification est également prévue par le même projet de loi.

Cette ordonnance transpose en droit interne trois dispositifs nouveaux mis en place par une directive européenne de 2013 : la carte professionnelle européenne, ou CPE, l’accès partiel et le mécanisme d’alerte.

Par ailleurs, elle introduit au niveau législatif la procédure visant à sécuriser et à harmoniser la reconnaissance des qualifications professionnelles des ressortissants européens pour les cinq métiers de l’appareillage et pour l’usage du titre de psychothérapeute.

Enfin, l’ordonnance supprime, pour répondre à la demande de la Commission européenne, la condition d’exercice de trois années imposée aux ressortissants de l’Union européenne pour l’accès, en France, à une formation de troisième cycle des études médicales ou pharmaceutiques.

La ministre des solidarités et de la santé sait et comprend les inquiétudes que la présentation de ce texte a pu susciter parmi les professionnels de santé, notamment au travers de l’introduction des dispositions relatives à l’accès partiel.

Je voudrais donc d’abord revenir sur les raisons ayant conduit le Gouvernement à présenter ce texte sous cette forme et vous indiquer dans quelles conditions la mise en œuvre de ce dispositif devra s’opérer.

La directive communautaire du 20 novembre 2013 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles aurait dû être transposée en droit français, au plus tard, le 18 janvier 2016.

Depuis cette date, la France est exposée à deux avis motivés de la Commission européenne pour défaut de transposition. Ce manquement à ses obligations constitue la dernière étape avant une saisine de la Cour de justice de l’Union européenne. Aussi comprendrez-vous, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, que la marge de manœuvre du Gouvernement soit, de ce fait, extrêmement réduite.

Par ailleurs, exclure l’ensemble des professions de santé – ou certaines d’entre elles – du champ d’application de l’accès partiel n’était pas juridiquement envisageable. Un amendement adopté par votre commission des affaires sociales a procédé à cette exclusion, position que le Gouvernement ne peut soutenir. En effet, les différentes analyses juridiques conduites – notamment celle du Conseil d’État – ont confirmé qu’il ne s’agissait pas d’une option envisageable au regard du droit et de la jurisprudence communautaires; sauf à prendre un risque politique et juridique important d’exposer la France à une procédure pour défaut de transposition.

Le fait que les autorités françaises n’aient pas recouru à cette « option » a suscité beaucoup d’incompréhension chez de nombreux acteurs nourrissant l’idée qu’il y aurait eu, dans ce cas particulier, une « surtransposition » de la directive. Or tel n’est pas le cas.

Pour autant, je souhaite affirmer en son nom que la ministre des solidarités et de la santé sera particulièrement vigilante aux conditions de déploiement de l’accès partiel au sein de notre système de santé.

Cette vigilance pourra justifier d’en appeler à la raison impérieuse d’intérêt général dès lors que l’autorisation d’un professionnel à accès partiel fera courir un risque à la qualité et à la sécurité des prises en charge.

Ce risque ne peut en effet être évacué dans un système où les compétences respectives des professionnels de santé sont complémentaires, articulées entre elles et parfaitement connues des professionnels eux-mêmes comme des usagers du système de santé.

La conception et la mise en œuvre du processus par lequel chaque dossier déposé par un professionnel en vue d’obtenir une autorisation d’exercice partiel seront, dans ce cadre, extrêmement rigoureuses.

En premier lieu, parce que la directive prévoit trois conditions génériques devant nécessairement être remplies : premièrement, le professionnel doit être pleinement qualifié pour exercer dans son État d’origine l’activité pour laquelle il sollicite un accès partiel ; deuxièmement, les différences entre l’activité professionnelle exercée et la profession qui pourrait correspondre en France sont si importantes que l’application de mesures de compensation de formation reviendrait à faire suivre au demandeur un cycle complet d’enseignement ; troisièmement, l’activité sollicitée en accès partiel peut objectivement être séparée d’autres activités relevant de la profession dite correspondante en France. Si l’une de ces trois conditions n’est pas remplie, l’autorisation d’exercice partiel ne pourra être délivrée.

En deuxième lieu, parce que le processus d’examen des dossiers des demandeurs fait appel à l’expression d’un avis par chaque commission compétente, ainsi que par l’ordre compétent pour les professions à ordre. Ce second avis, non prévu par la directive, a été ajouté par le Gouvernement afin de renforcer le processus d’analyse des dossiers.

En troisième lieu, enfin, parce qu’un décret en Conseil d’État va venir préciser les conditions et modalités de mise en œuvre de la procédure d’instruction. La ministre des solidarités et de la santé avait indiqué devant l’Assemblée nationale qu’elle serait extrêmement vigilante à ce que la rédaction de ce décret puisse éclairer et guider les parties prenantes dans la manière dont les dossiers devront être examinés au cas par cas.

Il en est bien ainsi du projet de décret actuellement examiné par le Conseil d’État : tout en respectant le droit à la libre circulation des ressortissants européens, il prévoit en effet que les avis que les commissions d’autorisation d’exercice et les ordres seront appelés à émettre porteront notamment, afin de garantir la qualité et la sécurité des soins, sur l’identification précise et strictement délimitée du champ d’exercice des professionnels ou des actes que ceux-ci seront autorisés à réaliser sous le régime de l’accès partiel, sur la description de l’intégration effective de ces actes dans le processus de soins et de leur incidence éventuelle sur la continuité de la prise en charge, sur la lisibilité des actes réalisés sous le régime de l’accès partiel, pour les professionnels de santé comme pour les usagères et les usagers du système de santé, et sur toute recommandation de nature à faciliter la bonne insertion du professionnel auquel l’autorisation d’exercice partiel serait accordée.

La rédaction de ce décret est sous-tendue, vous l’aurez compris, par la volonté de garantir la qualité et la sécurité des soins, ainsi que l’information des professionnels de santé et des usagères et des usagers du système de santé.

Par ailleurs, comme elle s’y était engagée devant l’Assemblée nationale, Agnès Buzyn sollicite la Commission européenne en vue d’obtenir une cartographie des professions de santé existant dans l’Union européenne.

La nouveauté induite par le déploiement du mécanisme d’accès partiel à l’exercice au sein des pays de l’Union justifie en effet que l’on puisse disposer d’un tel état des lieux permettant d’identifier, pour chaque système national de santé, les périmètres d’exercice des professionnels susceptibles de solliciter une reconnaissance d’accès partiel.

Ma collègue la ministre des solidarités et de la santé m’a demandé de vous rappeler qu’elle sera très attentive au suivi et à l’évaluation de la mise en œuvre de ces dispositifs.

L’ordonnance relative à l’adaptation des dispositions relatives au fonctionnement des ordres des professions de santé a pour objet, quant à elle, de renforcer l’indépendance et l’impartialité des juridictions ordinales, ainsi que de faire évoluer les compétences des organes des ordres et de permettre l’application, par leurs conseils nationaux, de la législation relative aux marchés publics.

Elle intègre un certain nombre de recommandations du Conseil d’État et de sa mission permanente d’inspection des juridictions administratives, de la Cour des comptes et de l’Inspection générale des affaires sociales, qui ont successivement conduit, depuis 2012, des missions d’inspection et de contrôle portant sur les ordres des médecins, des pharmaciens, des chirurgiens-dentistes et des masseurs-kinésithérapeutes.

La ministre des solidarités et de la santé a conscience que certaines des modifications qu’il reviendra aux ordres de mettre en œuvre affecteront leur fonctionnement habituel, mais les objectifs visés ne lui semblent pas discutables. Elle a confiance, comme l’ensemble du Gouvernement, dans la capacité d’adaptation des ordres.

Ce qui importe désormais, ce sont les objectifs communs vers lesquels les ordres doivent converger. Les phases de transition constituent, dans cette perspective, des étapes que le Gouvernement s’est attaché à faciliter en émettant des avis favorables sur plusieurs mesures d’ajustement proposées lors de la présentation du texte à l’Assemblée nationale, concernant en particulier les échéances associées au régime des incompatibilités et à la soumission des ordres au code des marchés publics.

Il s’agit d’accompagner les acteurs et de les préparer à mettre en œuvre les nouvelles dispositions prévues dans les meilleures conditions possible ; c’est le gage d’une intégration durable et réussie de ces nouvelles mesures.

De ce fait, nous serons attentifs à ce que les dispositions transitoires qu’il conviendra de prendre par décret pour mettre en œuvre ces mesures s’inspirent du même esprit, afin d’accompagner au mieux les ordres dans l’adaptation à ces réformes.

Plusieurs des amendements adoptés lors de l’examen du texte par votre commission des affaires sociales ne s’inscrivent pas précisément dans cette perspective, mais visent au contraire à remettre en cause des dispositions structurelles. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement ne peut y être favorable.

L’ordonnance se divise en trois chapitres concernant respectivement le code de la santé publique, le code de la sécurité sociale et, enfin, les dispositions transitoires et finales.

Le chapitre 1er, relatif au code de la santé publique, conforte le contrôle des ordres à l’échelon national – il traite ensuite de la politique immobilière des ordres, de la certification des comptes combinée au niveau des conseils nationaux, de l’application des principales règles des marchés publics, etc. – et renforce les notions d’impartialité et d’indépendance, tant pour les conseils que pour les chambres disciplinaires présidées par un magistrat, en traitant des incompatibilités, des limites d’âge, de la durée du mandat, des conditions de détermination et de publicité des indemnités, etc.

Le chapitre 2, qui concerne le code la sécurité sociale, applique aux sections des assurances sociales de la chambre disciplinaire les conditions d’exercice des conseillers d’État et des magistrats administratifs qui en assurent la présidence.

Enfin, le chapitre 3, regroupant les dispositions transitoires et finales, distingue les articles du code de la santé publique issus de la présente ordonnance qui entrent en vigueur au lendemain de sa publication de ceux entrant en vigueur à compter des prochains renouvellements des conseils.

L’ordonnance de mise en cohérence des textes pris en application de la loi de modernisation de notre système de santé a été voulue par le législateur, au moment du vote de la loi, pour permettre la mise en cohérence, à droit constant, des dispositions existantes connexes avec les dispositions nouvelles introduites par la loi, et supprimer des dispositions devenues obsolètes ou redondantes. Il s’agit d’une opération source de plus grande lisibilité du droit et de sécurité juridique.

Le délai d’habilitation s’étend jusqu’au 26 janvier 2018. Certaines coordinations utiles et opportunes étant d’ores et déjà disponibles, elles ont fait l’objet de cette première ordonnance que le Gouvernement vous demande aujourd’hui de bien vouloir ratifier. Il y aura, d’ici au 26 janvier 2018, une seconde ordonnance de coordination si les débats révèlent des besoins de coordination non satisfaits.

L’ordonnance dont la ratification est demandée contient deux blocs de dispositions.

Le titre Ier – articles 1er, 2, 3 et 4 – modifie les dispositions des codes de la santé publique, de la sécurité sociale et de l’éducation et celles du code général des impôts pour tirer les conséquences de la réintroduction par la loi du service public hospitalier.

La réaffirmation du service public hospitalier a pour intérêt d’offrir davantage de lisibilité aux patientes et aux patients en matière d’offre hospitalière. Le service public hospitalier a en effet été ouvert à l’ensemble des établissements de santé, indépendamment de leur statut. Il repose non plus sur une liste de missions, mais sur des obligations de service public qui s’imposent aux établissements de santé faisant le choix du service public hospitalier. Parmi ces obligations figurent notamment l’égalité et la permanence de l’accès aux soins ou encore l’accessibilité financière.

L’ordonnance précise notamment l’articulation entre les dispositions relatives au service public hospitalier et celles qui concernent l’activité libérale des praticiennes et des praticiens hospitaliers.

Le titre II – articles 5, 6, 7 et 8 – procède à des adaptations nécessaires dans des domaines plus divers. Il s’agit notamment du partage des informations au sein de l’équipe de soins, de l’hébergement des données de santé à caractère personnel, de la concertation avec les représentantes et les représentants des associations d’usagers, du développement personnel continu des professionnels de santé, de la fusion des collèges de médecins spécialistes, de la détermination de zones géographiques caractérisées par des offres de soins surdotées ou sous-dotées et enfin de la fusion des comités consultatifs nationaux des personnels de direction de la fonction publique hospitalière.

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, tel est le détail des quatre ordonnances faisant l’objet des trois projets de loi de ratification qui vous sont aujourd’hui soumis.

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