Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, ces trois projets de loi proposent la ratification de quatre ordonnances qui résultent de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.
Je rappelle que nous avions protesté contre le nombre inhabituel d’habilitations du Gouvernement à légiférer par ordonnances lors de l’examen de cette loi. En effet, dix articles visaient plus d’une centaine d’habilitations dans des domaines très variés.
Dans la mesure où plusieurs de ces sujets ne présentaient pas un caractère purement technique, la majorité sénatoriale avait fait le choix d’en supprimer une grande partie. Il nous avait semblé indispensable que le Parlement puisse les examiner dans le cadre classique de la procédure législative.
Il s’agissait notamment des conditions de création et d’organisation des centres de santé et des maisons de santé, de l’organisation de la transfusion sanguine, de l’accès aux soins de premier recours, du droit applicable aux recherches biomédicales, des règles relatives aux ordres des professions de santé, dont nous avons à débattre aujourd’hui. Tous ces sujets, si divers qu’ils soient, méritaient à nos yeux un vrai débat au sein des assemblées parlementaires.
J’en viens au projet de mise en cohérence des textes au regard des dispositions de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.
La coordination porte notamment sur la suppression de la référence aux « missions de service public » instaurées par la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires. Nous n’étions pas opposés à la mise en place du service public hospitalier, mais nous l’avions complétée par le maintien de la possibilité donnée aux établissements privés d’exercer des missions de service public à tarifs opposables.
L’Assemblée nationale avait rétabli, sans surprise, leur exclusion totale, à nos yeux injustifiée. Elle est d’autant plus injustifiée que cette ordonnance rétablit pour les établissements publics la possibilité de pratiquer des dépassements d’honoraires pour les praticiens à plein temps.
C’est une rupture d’égalité entre les établissements qui pourront être labellisés « secteur public » malgré la possibilité d’avoir recours aux dépassements d’honoraires pour leurs praticiens et ceux qui ne le pourront pas.
Nous sommes très attachés à la mixité de notre modèle hospitalier. Il existe des complémentarités indéniables entre les établissements publics et privés. Malheureusement, pendant ces cinq dernières années, les mesures prises n’ont pas créé les conditions de cette complémentarité, bien au contraire ! Et à vouloir opposer les deux secteurs, ce sont les patients qui sont pénalisés. Nous espérons que cette logique sera abandonnée dans les mois qui viennent.
Pour le reste du contenu de l’ordonnance, même si nous continuons à le regretter pour certains points, la loi a été adoptée, et les mises en cohérence ne peuvent que l’être aussi.
J’en viens au projet de loi ratifiant l’ordonnance relative au fonctionnement des ordres des professions de santé. Force est de constater que la rédaction de cette ordonnance s’est faite sans concertation avec les professionnels concernés, comme l’a souligné notre collègue Corinne Imbert dans son rapport. Nous reconnaissons que cette situation n’est pas de votre fait, madame la secrétaire d’État. Mais vous auriez pu envisager la ratification de ces ordonnances sans les scinder.
En effet, nous devons nous prononcer sur l’une des deux ordonnances publiées cette année. Pourquoi n’avons-nous pas à nous prononcer sur les deux ? Il est surprenant de proposer l’une des deux ordonnances à ratification alors qu’il s’agit d’une réforme globale. Comme le souligne notre rapporteur : « L’articulation entre les deux textes est néanmoins complexe puisque leurs contenus s’enchevêtrent sur plusieurs points ».
Le travail du Parlement ne gagne pas en intelligibilité. Pis encore, les professionnels des sept ordres concernés n’ont pas de lisibilité sur les intentions du Gouvernement.
Mme la rapporteur s’est attachée à compléter le texte déjà modifié par nos collègues députés, afin d’éviter de faire peser des charges excessives sur le fonctionnement et l’organisation des ordres. Nous soutiendrons sans réserve ses modifications.
Enfin, le troisième projet de loi de ratification aborde des sujets totalement distincts à travers deux articles.
Le premier est relatif à la reconnaissance de la profession de physicien médical comme profession de santé. Il s’agit de mieux définir leur responsabilité dans la prise en charge du patient au sein de l’équipe de soins et de reconnaître leur rôle dans la qualité et la sécurité de cette prise en charge.
Il est utile de souligner que cette mesure est formulée dans le plan cancer 2014-2019 et dans les recommandations énoncées par le Comité national de suivi des mesures nationales pour la radiothérapie après les incidents d’Épinal et de Toulouse. Ces évolutions étant pleinement soutenues par les professionnels concernés, nous ne pouvons que soutenir l’article 1er de ce projet de loi.
Le deuxième article a pour objet la ratification de l’ordonnance qui assure la transposition en droit français de la directive 2013/55/UE du Parlement et du Conseil du 20 novembre 2013 modifiant la directive 2005/36/CE relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, et qui introduit notamment la reconnaissance de l’accès partiel aux professions médicales et paramédicales. Nous abordons le sujet le plus sensible sur lequel nous devons nous prononcer aujourd’hui.
Nous ne remettons pas en cause la totalité de cette ordonnance. Nous approuvons par exemple la mise en place d’une carte professionnelle européenne ou encore l’instauration d’un mécanisme d’alerte à l’échelle communautaire dont l’objectif est de garantir la sécurité des patients.
En revanche, nous n’approuvons pas l’application d’un accès partiel qui permettrait aux professionnels de santé européens qualifiés dans leur pays d’origine d’exercer en France, sous certaines conditions et seulement pour une partie du champ d’exercices s’il existe des différences importantes entre leurs pays et la France.
La mise en place d’un tel mécanisme ne nous satisfait pas, pour plusieurs raisons. Nous constatons un manque d’évaluation du dispositif. Quels métiers seront concernés ? Quel est le nombre de professionnels susceptibles de venir dans notre pays ? Quelles conséquences sur l’organisation de notre système de soin ?
Toutes ces questions sont sans réponse et nous amènent à penser que nous allons ouvrir la voie à une déqualification des professionnels de santé, à la mise en place d’un service de santé low cost. Finalement, nous pensons qu’il existe un risque majeur pour l’organisation de notre système de santé et de toute évidence pour la qualité des soins aux patients.
Par ailleurs, nous ne pouvons pas nous contenter d’un argument juridique sur cette question. La sécurité des patients doit être notre seule priorité.
Madame la secrétaire d’État, comme d’autres collègues, nous vous demandons de vous retourner vers l’Union européenne et de négocier. Nous ne pouvons pas mettre en place un tel système alors que nos plus proches voisins européens ont fait un choix différent – je fais référence à l’Allemagne, qui a interdit l’accès partiel, sauf exception.
Le texte de la directive prévoit lui-même que tout État membre peut « refuser l’accès partiel » aux professions de santé dès lors qu’elles ont « des implications en matière de santé publique ou de sécurité des patients ».
Sur proposition de notre collègue rapporteur, la commission des affaires sociale a supprimé les dispositions introduisant un accès partiel aux professions de santé, au regard des risques pesant sur la cohérence, la qualité et la sécurité de notre système de soins.
Nous voterons naturellement ce projet de loi, tel qu’il a été modifié.