Intervention de Nicole Belloubet

Réunion du 17 octobre 2017 à 14h30
Réforme du droit des contrats du régime général et de la preuve des obligations — Discussion d'un projet de loi dans le texte de la commission

Nicole Belloubet, garde des sceaux :

Je formulerai quelques observations rapides, en guise de réponse aux différentes interventions.

L’un d’entre vous a dit que le Sénat allait se montrer bon enfant. Je ne reprendrai pas à mon compte cette expression, que je trouve un peu familière ; j’ai plus de respect pour le Sénat. J’estime au contraire que votre assemblée a fait preuve de responsabilité, en ayant habilité le Gouvernement à travailler sur ce sujet. J’ai dit à quel point la concertation conduite, le travail extrêmement sérieux mené avec de nombreux experts ont permis d’aboutir au texte qui vous est proposé. En le soumettant à votre ratification, le Gouvernement témoigne de son respect, tout à fait naturel, pour le Sénat.

Face aux critiques formulées par nombre d’entre vous sur le recours aux ordonnances de l’article 38, je rappelle qu’il s’agit d’une pratique constitutionnelle, expressément prévue par notre texte fondateur. À partir du moment où le Gouvernement fait le choix de revenir devant vous avec un texte autonome, on peut considérer qu’il s’agit d’une méthode non seulement performante et conforme à notre Constitution, mais également respectueuse de votre assemblée. Selon moi, une telle procédure ne mérite pas l’opprobre dont vous l’accablez.

Sur le fond, je relèverai quelques points.

Monsieur Collombat, je vous remercie de votre soutien à ce texte. Je tiens à vous le dire, le Gouvernement sera en phase avec plusieurs de vos amendements.

Bien qu’il s’agisse d’une question sans lien direct avec le texte, j’ai pris bonne note de vos observations concernant le budget de la justice. Je comprends vos préoccupations ; j’aurai d’ailleurs l’occasion de revenir devant vous pour présenter le budget de la justice pour 2018, qui augmentera de près de 4 %. Il en sera de même pour les années 2019 et 2020. J’espère que nous pourrons ainsi pallier progressivement les difficultés que rencontre le ministère. Cela témoigne des efforts consentis par le Gouvernement en faveur de la justice.

Madame Loisier, vous avez eu raison de le souligner, il y avait urgence à adopter cette réforme. Je vous remercie de votre soutien et de celui de votre groupe. Ce texte témoigne effectivement d’un équilibre entre modernité et respect de nos principes constitutionnels. Selon moi, il peut jouer un rôle dans l’attractivité de notre droit. J’ai souvent été alertée par les rapports Doing Business publiés chaque année : ils montrent la place de la France dans le monde des affaires. Si la progression est réelle, elle est encore insuffisante. Même si je nourris une certaine méfiance envers ces rapports publiés par la Banque mondiale, ils sont toutefois très significatifs. Ainsi, pour être attractifs, nous avions tout intérêt à revoir, comme nous l’avons fait, le droit des contrats. J’espère que d’autres mesures, comme l’instauration de la juridiction du brevet ou la possibilité pour certaines de nos juridictions de traduire leurs actes en anglais, contribueront puissamment à l’attractivité de la place de Paris.

Vous avez également souligné l’importance du délai ayant précédé la demande de ratification de l’ordonnance. Il faut bien entendu tenir compte de la période électorale, qui n’a pas permis de présenter plus tôt ce texte au Parlement. Je vous le rappelle, c’est le premier texte que le ministère de la justice défend devant vous, au cours de la première session ordinaire après les élections intervenues au printemps.

Monsieur Bigot, vous êtes revenu sur la méthode et avez souligné le courage nécessaire pour s’attaquer à l’immense question du droit des contrats et des obligations. Je vous remercie de vos propos, notamment pour ce qui concerne l’imprévision et le rôle du juge, qui constituent une novation tout à fait importante. Vous avez également eu raison de le dire, l’histoire ne s’arrête pas là. L’interprétation de certaines dispositions par le juge et la manière dont les entreprises et les acteurs s’empareront de ce texte construiront l’histoire et feront vivre une nouvelle étape de notre code civil.

Monsieur Marc, je vous remercie de vos observations, en saluant votre sens de la mesure et votre soutien au texte, ainsi que celui du groupe que vous représentez.

Madame Carrère, comme vous, je pense que la rationalité doit l’emporter face aux émotions. Tel est le cas avec ce texte. Vous avez également évoqué la question du budget de la justice, et je ne reprendrai pas ce que je viens de répondre à M. Collombat. Vous avez aussi souligné l’intérêt d’accompagner cette réforme. Plusieurs éléments le permettent : le rapport au Président de la République, extrêmement épais, qui constitue une sorte de vade-mecum, les fiches techniques qui seront mises à disposition des magistrats, les formations qui seront dispensées au sein de l’École nationale de la magistrature et les diverses présentations de la réforme aux juridictions.

Monsieur de Belenet, j’ai été particulièrement sensible à l’hommage que vous avez rendu à mon collègue Guy Carcassonne. Je vous remercie du soutien du groupe La République En Marche.

Enfin, madame Jourda, vous avez eu raison de le souligner, cette réforme a globalement été très bien accueillie par la doctrine, même si des inflexions et des commentaires ont été apportés, ce qui est tout à fait naturel. Nous tenterons, dans une certaine mesure, de répondre à certains d’entre eux.

J’ai évoqué tout à l’heure le terme de « mépris » que vous avez employé. Il n’y a aucun mépris du Gouvernement à l’égard du Parlement, je vous l’affirme. Le fait que je sois là aujourd'hui pour travailler avec vous sur ce texte me semble refléter non pas du mépris, mais le souci du respect de vos compétences.

Nous aurons effectivement à retravailler ensemble sur la responsabilité civile, qui constitue le dernier chantier à entreprendre pour ce qui concerne le code civil. Nous aurons l’occasion de repenser avec vous les modalités et le contenu de ce texte.

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