Intervention de Nicole Belloubet

Réunion du 17 octobre 2017 à 14h30
Réforme du droit des contrats du régime général et de la preuve des obligations — Article 4

Nicole Belloubet, garde des sceaux :

Il s’agit de supprimer l’alinéa 3 de l’article 1123 du code civil. Cet article envisage l’hypothèse où un tiers qui s’apprête à conclure un contrat a un doute sur l’existence d’un pacte de préférence que l’autre partie aurait consenti et qu’il serait donc susceptible de violer. En effet, si l’autre partie avait déjà promis de proposer prioritairement le contrat à quelqu’un d’autre, la transaction risquerait d’être remise en cause.

Le texte prévoit donc, pour sécuriser la transaction dont il est question, que ce tiers puisse mettre en demeure le bénéficiaire présumé du pacte de préférence de confirmer ou non l’existence d’un tel pacte et d’indiquer s’il entend s’en prévaloir. S’il répond négativement, ou à défaut de réponse dans le délai accordé par le tiers, le bénéficiaire ne pourra plus ensuite agir en nullité du contrat. Ce dispositif est donc porteur de sécurité juridique.

Le tiers doit fixer, dans sa mise en demeure, un délai de réponse qui doit être raisonnable. Imposer dans la loi, comme le souhaite la commission, que ce délai soit de deux mois, ne permet pas, selon le Gouvernement, d’adapter la durée du délai aux circonstances. Or, selon la complexité du contrat projeté, le bénéficiaire peut avoir besoin d’un temps plus ou moins long pour évaluer s’il a intérêt à se prévaloir du pacte.

Que l’on songe, par exemple, au franchiseur avec qui le franchisé s’est engagé à contracter en priorité s’il vend son entreprise : s’il est interpellé par un tiers auquel le franchisé a proposé son entreprise, le franchiseur doit pouvoir examiner l’opportunité du rachat, sur un plan juridique, financier, opérationnel, et les conditions mêmes de ce rachat. Un délai de deux mois pourrait alors paraître inadapté, car insuffisamment long. À l’inverse, dans certaines situations où la transaction doit se faire rapidement et ne présente pas de difficulté, le délai de deux mois pourra être trop long.

Je vous invite donc, mesdames, messieurs les sénateurs, à bien vouloir revenir au texte initial, lequel, je vous le rappelle, exige simplement que le tiers fixe un délai de réponse au bénéficiaire présumé du pacte. L’exigence du caractère raisonnable de ce délai permet, en cas de contentieux, que le juge s’assure que le délai fixé était bien adapté aux circonstances.

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